Saint-Thégonnec. L’Église et ses annexes/2/6


CHAPITRE VI


Orgues (1670).


L’origine des orgues à Saint-Thégonnec date de 1670. Elles furent achetées chez Jacques Mascard, facteur d’orgues à Landerneau. D’après les comptes de la fabrique, elles coûtèrent près de cinq mille livres ; Alain Picart « et consorts » furent chargés de faire « le jubé des orgues et de boiser le bas de l’église » qu’il avait fallu exhausser à cette occasion.

La reconstruction de cette partie de l’église mit aux prises la fabrique et la dame douairière du Herlan. Depuis l’annexion de la Bretagne à la France, le roi était considéré comme seigneur fondateur des églises paroissiales de cette province. Aucune modification ne pouvait y être faite sans son autorisation. Il fallait en outre l’agrément des familles nobles, possesseurs de certains privilèges, si du moins la modification projetée devait porter atteinte à leurs droits honorifiques. L’autorisation royale était toujours gracieusement accordée, et les seigneurs eux-mêmes s’empressaient la plupart du temps d’accéder au désir qu’avaient les paroissiens d’embellir leur église. S’ils faisaient parfois quelques difficultés, c’était pour sauvegarder leurs droits seigneuriaux. C’était tantôt une tombe de leur famille qui devait disparaître par suite de l’agrandissement de l’église ; c’était d’autres fois leurs armoiries qu’une modification apportée dans l’édifice devait cacher. Autant de causes de dissension entre le Général de la paroisse ou fabrique et les seigneurs de l’endroit, souvent même, c’était là un motif de s’opposer à l’embellissement de l’église.

En 1670, nous voyons la dame douairière de Lézerdot et du Herlan, Marie de Clisson, s’opposer à la construction des orgues. Elle possédait un écusson dans la grande vitre, au-dessus du portail du bas de l’église, et elle n’entendait pas que la mise en place des orgues vint cacher ses armoiries. Le Général de la paroisse ne se laissa pas déconcerter par cette opposition, il risqua un procès et passa outre. Il fut cependant condamné à mettre en évidence, sur le buffet des orgues, les armes de la seigneurie du Herlan et de Lézerdot ; ce qu’il fit de bonne grâce puisqu’il avait atteint son but qui était de construire les orgues et d’exhausser à cette occasion la partie ouest de l’église. Le procès qui lui fut intenté fut d’abord jugé au siège présidial de Quimper pour être ensuite envoyé à Rennes, devant le Parlement de Bretagne. Il fut condamné aux frais du procès. Ce qui lui revint à trois cents livres pour Quimper et à cent seize livres pour Rennes.

Cent ans plus tard, le 17 août 1770, le sieur Jean-Baptiste Philippe Morain du Coudray s’engagea à réparer les orgues en neuf mois pour 1.900 livres. Il présenta comme caution noble homme Jean Le Beau, père, négociant à Morlaix, place neuve du Port, côté de Tréguier.

Le 20 août 1863, eut lieu une nouvelle restauration des orgues par M. Heyer. Nous lisons dans la délibération du conseil de fabrique datée de ce jour. « L’orgue établi sous ce devis sera à regarder comme neuf, car il ne restera de l’ancien instrument que le buffet et une partie des vieux tuyaux qui, du reste, seront réparés de façon pour pouvoir rivaliser avec de neufs. » La dépense monta à 6.000 francs.

L’organiste était autrefois choisi pour six ans et il recevait pour une année un salaire de 150 livres, à condition de jouer des orgues pendant le service divin, les dimanches, les fêtes et les jeudis. Il devait veiller au bon entretien des orgues, moyennant trente livres par an, et la fabrique lui fournissait les matériaux nécessaires ; mais les gages du souffleur restaient à sa charge.