Séances de la Société agricole et scientifique de la Haute-Loire/4 décembre 1879


SÉANCE DU 4 DÉCEMBRE 1879.


Présidence de M. Aymard.


M. Repiquet, vétérinaire à Firminy, récemment élu membre non résidant, adresse ses remerciements à la Société.

M. Alix, trésorier, distribue des paquets de graines de cerfeuil bulbeux. À ce propos, M. A. Jacotin recommande de placer cette graine dans du sable et de la laisser stratifier jusqu’en février ou mars, époque à laquelle on devra la semer.

M. le Président attire l’attention de l’assemblée sur une remarquable exposition de produits agricoles apportés par divers membres à la séance.

M. E. Gazanion fournit quelques explications sur la culture du navet rond des vertus, dont il présente de superbes spécimens.

Ce légumineux, presque aussi bon que le petit navet, se recommande surtout par sa grande hâtivité, puisque, planté seulement au 15 août dernier sur un terrain où l’on avait récolté des early-rose, il a pu, malgré le temps peu propice, donner, en moins de trois mois, des fruits énormes.

Le même membre soumet une variété de pommes de terre, roses en dedans. Il insiste d’une manière particulière sur les qualités supérieures de cette pomme de terre, parfaitement mûre à la Saint-Jean.

Un membre signale les avantages spéciaux de la fève de Bourgogne avec laquelle M. Jacquet, boulanger au Puy, a obtenu d’excellents résultats.

Enfin, à la demande de plusieurs de ses confrères, M. Guittard, membre non résidant, promet d’apporter, à l’une de nos prochaines séances, de la graine de haricots dits Saint-Esprit ou à la religieuse.

M. Couderchet présente quelques observations sur un extrait de présure artificielle, dont il s’est servi avec le plus complet succès dans sa métairie. Suivant cet habile agronome, ce produit augmente, dans de sensibles proportions, le rendement du beurre et du fromage.

M. Moullade estime que toutes les qualités des extraits de présure résident dans leur degré de concentration, et qu’il serait facile d’en obtenir un semblable à celui que préconise M. Couderchet.

M. Élie Liogier considère la présure de chevreau dont il a fait jusqu’ici usage, comme bien supérieure aux autres présures naturelles. Il demande toutefois que la Société fasse l’essai de l’extrait dont vient de parler M. Couderchet. Cette proposition est adoptée.

M. Couderchet entretient ensuite la compagnie du résultat heureux de ses expériences sur le tourteau de graines de coton d’Égypte. L’honorable vice-président du Comice a constaté que cette plante est excellente pour les divers animaux et qu’elle augmente sensiblement la production du lait dans l’espèce bovine. Quant aux proportions dans lesquelles elle doit être distribuée, voici les indications fournies à ce sujet par M. de Villepin, directeur de la ferme-école de la Pilletière (Sarthe) :

Bœufs 
3 à 5 kilog. par jour.
Vaches laitières 
3 kilog. id.
Moutons 
200 gramm. id.
Porcs 
200 g. id.
Volailles 
20 g. id.

Le tourteau peut se donner cru et concassé, ou dissous dans de l’eau.

M. le Président dit quelques mots sur le chemin de fer d’Ambert au Puy. Il propose de formuler un vœu, pour que le chemin de fer du Puy à Yssingeaux suive la ligne la plus directe. La Société se rallie unanimement à cette demande.

M. Rocher fait une communication sur la substitution, en Velay, des évêques francs aux évêques gallo-romains, et sur l’origine du pouvoir temporel des évêques du Puy[1].

M. Lascombe donne lecture de l’extrait d’un ouvrage de M. Latour-Varan, concernant un procès survenu en 1719, au sujet d’une digue établie sur la Loire, pour prendre le saumon[2].

M. le Président résume le résultat de son enquête sur les roches à bassin de la région supérieure du plateau central. De toutes parts, des renseignements curieux lui ont été adressés sur ces monuments, dont on trouve de nombreux spécimens en France et même dans l’Amérique et dans l’Inde. Il se propose de publier une notice détaillée sur cette question intéressante, au plus haut degré, pour l’histoire des origines de l’homme.

M. Aymard appelle l’attention de ses confrères sur une décision concernant l’inventaire des mégalithes et des blocs maniques, dorénavant classés au rang des monuments historiques. Le département de la Haute-Loire qui compte plusieurs spécimens de l’époque glaciaire, notamment à Charentus, à Boussoulet et dans la partie inférieure de la montagne de Montredon près le Puy, offrira une large pâture à la commission chargée de classer ces grands phénomènes des perturbations géologiques et la société, par l’organe de son Président, est heureuse de s’associer aux vues qui ont dicté l’arrêté de M. le Ministre de l’Instruction publique.

Un membre présente un travail de M. l’abbé Bonnefoy, sur les tapisseries de la Chaise-Dieu. Cette étude, qui dénote de la part de son auteur des soins très minutieux, ne mentionne malheureusement aucun des écrivains qui avaient antérieurement décrit ces précieuses tapisseries, objet de l’admiration de tous les connaisseurs.

M. le Président fait ensuite passer sous les yeux de l’assemblée une série de photographies, représentant quelques œuvres du célèbre Vaneau. L’un de ces morceaux, remarquable par sa large facture, était destiné au tombeau de Jean Sobieski, roi de Pologne. La Société est unanime à reconnaître le talent incomparable de cet illustre sculpteur que la mort enleva à la fleur de l’âge, mais qui cependant a laissé, soit à la Cathédrale du Puy, soit dans d’autres monuments religieux de notre département, des œuvres qui certainement immortaliseront, dans le souvenir de nos concitoyens, la mémoire de cet artiste. M. Marius Vachon, écrivain distingué, à la plume duquel nous devons déjà plusieurs notices sur notre pays, a entrepris de raconter en détail la vie de Vaneau et, pour donner plus d’attrait à ses recherches, il a fait reproduire les morceaux les plus remarquables dus au ciseau de ce sculpteur. Ce sont quelques-unes de ces reproductions faites avec un soin minutieux par M. Georges, photographe au Puy, que M. Aymard présente à ses confrères.

M. Bellon est heureux d’offrit la primeur à la Société d’une ancienne chanson patoise, recueillie par lui à Saint-Paulien :


LE MAOU MARIDA


1

Ichi venez, dzouainesse,
Per ougi la tristesse
D’en’hommé marida :
Ché touti dien lé ca,
Chasquiu de prendre finne
Que sorte bian de peine
De bian de pinsements,
Que baïlent de tourments.


2

O dzouaïnes cambarades,
Vous conte pas de fabes,
Fatza pas couma ieou,
Marida pas ta léou.
N’ai pris una coumaïre,
Que quo dijio tout faïre,
Blanchi et cordiura,
Sa pas même fiava.


3

A quelle digoubiade
Assette sa budzade,
Me la tsougué lava ;
Me la tsougué lava ;
In bé quella budzade
Passère ma dzournade :
Sans pô ni maï sans vi,
Quoueï la vide d’in chi.


4

M’in vinguère d’y lavaire,
Coume vesez pecaïre ;
Crejo d’ana dina,
Gi de fios aiuma.
Trobe ma digoubiade,
Sans fio ni sans flambade,
Y caïre d’y chantou,
Dormio comme in souchou.


5

Ma goubelle bavave ;
Dien son bressaou piurave,
Mon paoure petioutou,
L’eimourère y tetou.
Quand bade l’escourelle,
De que faï ma goubelle,
Dien le lei se bouté,
A peuï badé le bé.


6

Sous la vio de l’estrade,
Coum in bon cambarada,
A l’aïque me tzouguà na,
Et mon fio aquiuba.
Par faïre meï visselles,
Lava mas escudelles,
Balaya moun estaou,
Semblave in pasturaou.

Enfin M. le Président lit la note suivante extraite de procès-verbaux des États du Velay[3], et concernant une crise, en 1755, de la fabrique des dentelles :


M. le scindic a dit que Mrs les commissaires du dioceze toujours attentifs aux biens du pays, voyant que la manufacture des dentelles, la seule qui puisse donner a vivre au peuple, estoit aujourd’hui fort tombée, avoient pansé d’établir des nouvelles fabriques et que celle du sr Grenier, Suisse d’origine, travaillant à toute sorte d’etoffe de cotton, leur avoit paru très propres a ramplacer le vuide occasionné par le rabais du debit de la dentelle ; qu’ils avoient fait, en consequance, des demarches pour attirer le sr Grenier, du consentement du Conseil, que la chose avoit reussi et que le sr Grenier ayant fait plusieurs voyages dans cette ville, trouvoit ce pays très propre a son etablissement, et qu’il esperoit que le dioceze voudroit bien avoir egard aux frais considerables auxquels il se voit exposé et a l’avantage que le dioceze y trouvera.

Surquoi, Monseigr le président, ayant detaillé de plus fort les avantages de cette nouvelle fabrique, l’assemblée a deliberé d’accorder au sr Grenier la somme de mille livres, pendant dix années consécutives, a la charge par luy de raporter un privilege du Conseil, de fixer sa residence dans cette ville et d’y establir la quantité de mettiers qui sera reglé par Mrs les commres du pays, qui prandront sur ce, de la part des connaissances, touts les herremens convenables et que le sr scindic sera chargé de poursuivre, partout ou besoin sera, la permission d’imposer annuellement et jusques à fin de terme, la somme dans le cayer des depenses ordinaires.

Il a esté aussi délibéré sur le raport de M. le scindic que Monseigr le président seroit suplié de vouloir appuyer la demande depuis si longtemps formée pour obtenir l’exemption des droits de sortie que payent les dentelles en passant à l’etranger comme l’unique moyen de relever cette fabrique.

A. Jacotin.



  1. V. IIe volume, Mémoires, p. 233.
  2. V. IIe volume, Mémoires, p. 228.
  3. Arch. départ. : série E.