Rymes/Je suis la Journée

RymesTournes (p. 47-49).

Je suis la Journee,
Vous, Amy, le Jour,
Qui m’à destournee
De fascheux sejour.

D’aymer la Nuict certes je ne veulx point,
Pource qu’a vice elle vient toute appoint :
Mais a vous toute estre
Certes je veulx bien,
Pource qu’en vostre estre
Ne gist, que tout bien.

Là ou en tenebres
On ne peult rien veoir,
Que choses funebres,
Qui font peur avoir.

On peult de nuict encor se resjouyr,
De leurs amours faisant amantz jouyr :
Mais la jouyssance
De folle pitié

N’à point de puissance
Sur nostre amytié.

Veu qu’elle est fondee
En prosperité
Sur Vertu fondee
De toute equité.

La nuict ne peult un meurtre declarer,
Comme le jour, qui vient a esclairer
Ce, que la nuict cache,
Faisant mille maulx,
Et ne veult qu’on sache
Ses tours fins, & caultz.

La nuict la paresse
Nourrit, qui tant nuit :
Et le jour nom dresse
Au travail, qui duit,

O heureux jour, bien te doit estimer
Celle, qu’ainsi as voulu allumer,
Prenant tousjours cure
Reduire a clarté
Ceulx, que nuict obscure

Avoit escarté.

Ainsi esclairee
De si heureux jour,
Seray asseuree
De plaisant sejour.