Ruine hantée (Guaita)

Rosa MysticaAlphonse Lemerre, éditeur (p. 207-208).


EAUX-FORTES ET PASTELS


Ruine hantée


La roche à pic surplombe, où s’érige un manoir
Colossal, envahi sous la ronce et les lierres.
Les créneaux disloqués, en granit roux et noir,
Ont subi l’assaut lent des mousses printanières.


Parmi les tours, surgit au regard du passant
Le donjon — le spectral donjon — évocatoire
De ces temps dont la fauve et lamentable histoire
Se lit au long des murs, écrite avec du sang.

Vers le sommet, la vieille horloge — remontée
Des mains de ceux par qui la ruine est hantée —
Tinte, et grince en tintant, sur un mode infernal.

Des cris confus, la nuit, montent des oubliettes
D’où l’on voit émaner, jusqu’au jour matinal,
Un reflet de fournaise, à la voix des chouettes.


Juillet 1884.