L’abbé
Revue des lectures (p. 125-218).

III

Romans Mondains

ou

Romanciers dont certaines œuvres peuvent figurer dans la bibliothèque des gens du monde et être lues par des personnes d’un âge et d’un jugement mûrs




Souviens-toi de te méfier.
(Devise de Mérimée.)


Nous rangeons, sous cette même enseigne, les feuilletonistes, les psychologues, les analystes, les romanciers à thèse, les écrivains politiques et sociaux, les peintres de la grande vie, etc., en un mot, les auteurs mondains qui, sans être à proscrire — au moins avec autant de rigueur que les précédents, — prennent dans leurs romans passionnés, légers, tant de libertés avec la morale ou le vrai, qu’ils doivent être considérés plus ou moins comme suspects, et ne peuvent pas être lus sans danger, sinon par des esprits prévenus, par des personnes d’un âge et d’un jugement mûrs.

Il y a d’abord les bâcleurs de « copie », les producteurs de « littérature alimentaire », dont les noms s’étalent sur des affiches affriolantes de toutes couleurs, et dont les œuvres s’éditent, en deux ou trois parties, au rez-de-chaussée des journaux à grand tirage.

Ces écrivains, qui veulent surtout atteindre la foule, ne dédaignent pas généralement l’abjection innombrable ; ils détestent l’obscénité, mais ils poussent très loin l’analyse de la passion, ils mettent en scène le vice courant, ils le font agir en des pages plus ou moins lascives, au milieu de scènes de poignard, de prison, de duel, de trahison, et, brochant sur le tout, ils jettent une littérature quelconque, une psychologie de convention et toujours une intrigue à effet où la fameuse théorie des « pêches à 15 sous » joue le principal rôle. Tels sont Boisgobey, Decourcelle, Mary, Montépin, Richebourg, Capendu, Delpit, Demesse, Guéroult, Révillon, Sales, etc., etc…

Vient ensuite toute une série d’analystes, de psychologues et de romanciers à thèse. L’anatomie morale est aujourd’hui la grande force et l’un des procédés les plus en vogue de la littérature romanesque ; elle a remplacé ou plutôt transformé le roman de sentiment où le récit se développait assez souvent avec la limpidité d’une vie toute simple et toute paisible et elle a inspiré toute une collection d’ouvrages où la vertu ne joue qu’un rôle de comparse ou d’utilité.

Ces écrivains sont portés à considérer la vertu comme l’apanage d’êtres exceptionnels, et en tout cas comme un « lieu » dépourvu d’esthétique et d’intérêt littéraire ; ils veulent en ignorer le prix et même ils prétendent en ignorer l’existence. À l’instar des reporters de « faits divers » journaliers, qui laissent dans l’ombre les beaux et multiples gestes de la probité, du dévouement et de la charité, pour ne relater que les assassinats et les « beaux vols », ils se portent de préférence vers les âmes agitées par le vice, et, parmi les vices, ils choisissent souvent le plus perfide et le plus susceptible d’émouvoir les mauvais instincts…

Mais on n’aborde pas impunément de pareils sujets, et les livres dont nous parlons portent la peine de leur ennoblissement scientifique. Ils sont généralement frivoles, légers, passionnés et, à certaines pages, très scabreux ; s’ils peuvent fournir à quelques-uns une leçon efficace ou une récréation passagère, ils renferment pour la majorité des âmes un immense danger.

En effet, si ces romanciers ou presque tous, feuilletonistes, et analystes, démasquent et flétrissent les vices, c’est après en avoir tracé des descriptions qui engendrent dans l’esprit du lecteur une tentation toujours renaissante. Ils dépeignent l’amour-passion en traits fort vifs et avec une complaisance qui se confond aux yeux du lecteur avec une demi-complicité ; ou bien ils jettent au milieu de leurs œuvres, souvent remarquables par ailleurs, quelques pages parfumées d’une odeur sensuelle plus ou moins discrète, en vue d’amorcer ou de retenir un public toujours avide du fruit défendu et qui trouve « bébête » un livre qui n’en porte pas une petite trace ; ou bien enfin, ils développent avec chaleur une intrigue tourmentée destinée à préparer le mariage classique de la fin.

Ces préoccupations, si naturelles et si sincèrement traduites qu’elles soient, paralysent ou laissent trop dans l’ombre le côté élevé de la vie que devrait révéler un livre « fait de main d’ouvrier ».

En principe, l’effet de pareilles lectures n’est donc pas moral. On voit bien au bout de la route la censure, la défaite, la punition du vice. Mais, pour le lecteur trop averti, la route est si belle, si douce à parcourir, bordée de tableaux si séduisants, et d’autre part les châtiments sont si lointains et à ses yeux si hypothétiques, qu’il espère bien pouvoir les éviter si, par éventualité et tout en cheminant, il devait lui-même les mériter.

C’est pourquoi, nous pensons qu’en fait, ces peintures de mœurs si vivement représentées, ces péripéties amorales, ces analyses sentimentales, ces thèses ou conclusions d’une moralité flottante, ne peuvent pas sans danger être mises entre les mains de lecteurs trop jeunes ou trop impressionnables.

Ces écrits présentent, du reste, dans leur ensemble, un autre péril qui, pour être moins sensible et d’un effet plus lent n’en est pas moins digne d’être signalé, parce qu’il constitue, à différents degrés, le grand mal d’une partie de cette littérature.

Ce qui, dans ce siècle, a perverti le plus de cœurs et perdu le plus d’imaginations, ce qui a enfanté le plus de misères, le plus de vices, le plus de crimes, ce qui arrivera devant le trône de Dieu avec le plus lourd cortège de malédictions, ce sont les romans.

Tous ou presque tous tendent à fausser la foi, la conscience et la piété ; ils sèment, dans les esprits, le scepticisme, l’indifférence ou le mépris pratique à l’égard de tout ce que la religion représente de sacrifices et de renoncements ; ils rendent les liseurs incapables de toute réflexion sérieuse, ils les dégoûtent des instructions et des pratiques religieuses, ou bien ils donnent à leur piété un caractère purement sentimental et faussement émotif.

Ils tendent à fausser le jugement. Ils présentent comme ordinaires des êtres et des états d’âmes exceptionnels, ils égarent les esprits dans l’ordre chimérique, et en les habituant à vivre dans le rêve, leur font perdre la juste orientation de la vie.

Ils faussent enfin l’âme tout entière, en exaltant l’imagination au détriment des autres facultés. Aussi les personnes qui les fréquentent assidûment ou presque exclusivement, prennent en dégoût ce qu’elles appellent le terre à terre de l’existence ; elles rêvent de situations impossibles, et parfois, en s’efforçant de les conquérir, tombent dans l’extravagance, sinon dans la honte.

Combien de jeunes gens et de jeunes filles ont été ainsi transformés par ces lectures passionnées et décevantes ! Combien de mondaines oisives ont trouvé dans la vulgaire saveur du roman naturaliste des germes de perdition ! Combien surtout de bourgeois et de gens du peuple, après une lecture mondaine ou passionnée, ont entendu retentir en eux ce cri amer que la Geneviève de George Sand jetait à ses livres : « Vous avez changé mon âme, il fallait donc aussi changer mon sort. »

Écrivains néfastes, s’écrie un critique dans la préface d’un livre trop célèbre[1], voilà votre œuvre ! Ce n’était pas assez de la faim, et du froid, et des maladies et de tout ce qui accable les malheureux, vous avez doublé la somme de leurs douleurs, vous y avez ajouté les souffrances qui sont les sœurs du luxe et de l’oisiveté, vous avez popularisé la mélancolie ! Et alors nous l’avons vue, cette misère de grand seigneur, monter les escaliers déserts qui mènent aux mansardes, et venir s’asseoir aux foyers des pauvres comme si les pauvres avaient le temps de rêver et de pleurer. Eh ! qui pourrait te résister, fatale et chère enchanteresse, quand tu viens comme Armide agiter devant nous ta tête souriante à travers les larmes et secouer sous notre visage ébloui les perles de tes yeux !…

Pour se faire une idée des ravages que produisent dans la société toute entière, certains livres qui faussent l’esprit et exhalent ces tristes mœurs, il suffit de regarder autour de soi et de voir le succès qu’obtiennent les journaux à trois ou quatre romans, les illustrés, les livraisons et les brochures à 45 ou 50 centimes.

C’est pourquoi, si nous ne pouvons pas condamner en bloc tous ceux qui liraient quelques volumes de nos romanciers mondains, nous ne pouvons cependant recommander à personne la plupart des livres de cette catégorie ; nous déplorons que des jeunes gens et même des hommes faits, instruits ou non, sans moyen de contrôle et sans contre-poids, fassent ou refassent leur éducation morale et intellectuelle avec un pareil régime de lectures, et nous concluons que la plupart des ouvrages de ces auteurs ne peuvent être donnés qu’avec une grande circonspection et lus que par des hommes d’un âge et d’un jugement mûrs.

Il y a pourtant dans cette catégorie, certains noms qu’il faut marquer d’un trait tout différent.

Ce sont les convertis, ou plutôt les écrivains qui après avoir offert au public des livres regrettables, paraissent s’être ralliés à une manière qui est, à notre point de vue, plus acceptable ; tels, par exemple Jean Aicard, Paul Bourget, Boyer d’Agen, Huysmans, Jules Lemaître, Talmeyr, etc., etc..

Ce sont les auteurs qui portent habit de deux paroisses, comme on disait au XVIIe siècle, en d’autres termes, qui dédient une partie de leurs œuvres aux mondains, et l’autre partie à la jeunesse candide ou aux bonnes mamans ; par exemple, Léon Barracand, Georges Beaume, Gabrielle Réval, etc., etc…

Ce sont aussi des auteurs de romans politiques et sociaux. Il nous a semblé que ces thèses, dont les développements présentent, du reste, assez souvent des pages scabreuses, seraient au moins inutiles à certains jeunes gens et conviendraient plus spécialement à cette seconde catégorie d’ouvrages.

On trouvera enfin dans cette liste nécessairement amalgamée, des noms qui auraient pu figurer avec autant de raisons, parmi les précédents et même parmi les suivants. Cette confusion n’est pas sans excuses. Ceux qui liront avec attention la synthèse de notre œuvre, constateront avec nous que si le principe « operatio sequitur esse » peut rendre de grands services en philosophie et en psychologie, il devient, quand il s’agit de certains auteurs ondoyants et divers, d′une application très difficile… « Tantae molis erat ! » À vrai dire et au point de vue pratique, il importe peu que notre classification soit parfois en défaut ; puisque nos lecteurs se soucient bien plus des œuvres que de leur auteur, et que ces œuvres sont toujours — à quelque endroit qu’elles soient citées — appréciées avec toute l’exactitude possible, notre catalogue n’en garde pas moins son utilité…


Paul Acker (1874-1915), jeune écrivain qui mena dans un grand journal une vigoureuse campagne en faveur de Lourdes. Il a donné, comme romancier, quelques livres qui ne sont pas sans mérite, mais qui obtiendront difficilement l’entière sympathie des familles catholiques : Amant de cœur ; Petites âmes ; La petite Madame de Thianges (une petite bête à plaisirs) ; Le désir de vivre (observation, mais sentimentalisme réaliste) ; Une aïeule contait (romanesque) ; Entre deux rives (histoire d’un adultère).

Il convient de mettre à part, pour les grandes personnes : Le soldat Bernard ; Les exilés (beau livre, élevé, patriotique, intrigue sentimentale) ; Les deux cahiers (parallèle très soigné entre l’éducation d’hier et celle d’aujourd’hui) ; Les demoiselles Bertram (roman des jeunes filles pauvres) ; L’oiseau vainqueur (luttes d’un inventeur ; idylle saine).


Jean Aicard, né en 1848. Un vrai méridional, le poète de la Provence et de l’enfance. Membre de l’Académie française.

Ses poésies (Miette et Noré, etc.) et ses romans (Le Diamant noir ; Notre-Dame d’amour ; Le roi Camargue ; L’ibis bleu ; Fleur d’abîme ; Le pavé d’amour ; Don Juan 89 ; Maurin des Maures ; Gaspard de Besse, etc.) renferment, pour la plupart, à côté de descriptions magnifiques et de sentiments très purs, des peintures lascives, sensuelles et malsaines, et sont, à des degrés divers ; dangereux au point de vue moral : telle la côte méditerranéenne, avec ses splendides décors et ses étangs pestilentiels.

Cependant, l’ensemble de ses œuvres témoigne que l’auteur est travaillé par le problème religieux : Jésus, par exemple, est inspiré par une foi confuse, mais sincère et généralement respectueuse ; La chanson de l’enfant est un recueil d’aimables poésies.

Tata trahit, au plus haut point, cette noble préoccupation : c’est un roman chrétien, peut-être l’aube d’une autre âme et, en tout cas, une date dans la vie littéraire de Jean Aicard.


Gustave Aimard, né à Paris en 1818, mort mégalomane en 1883. Embarqué comme mousse, il vécut quelque temps en Amérique, visita l’Espagne, la Turquie et le Caucase, et, dans une multitude d’ouvrages, décrivit le Nouveau-Monde.

Ses récits, quoique mal écrits, sont souvent pleins de verve : Les Trappeurs ; Les Aventuriers, etc. Quelques-uns, comme Les bois brûlés ; Le Robinson des Alpes ; Les bandits de l’Arizona sont absolument inoffensifs ; ils sont neutres au point de vue chrétien et n’ont aucune portée morale.

La plupart appartiennent à cette série : pages passionnées et irréligieuses.


Antoine Albalat (Brignoles, 1856), professeur et romancier. Son œuvre de technique littéraire (L’art d’écrire, Le travail du style, etc.) a plus de mérite que ses romans : Un adultère (immoral) ; Marie (réaliste, mais honnête et intéressant) ; L’impossible pardon (une fiancée qui faute avec un autre, tue sa mère et aime son mari. Ce n’est qu’en mourant que la malheureuse obtient son pardon) ; L’inassouvie, etc…


Alberich-Chabrol, pseudonyme de Mme Marie Aubéry, morte en 1915. Romancière sentimentale dont l’Académie a couronné l’Offensive (lui, refuse de l’aimer ; elle, se place comme cuisinière chez lui). Les ouvrages suivants : L’orgueilleuse beauté (une jeune fille éprise de son moi déconcerte son fiancé ; celui-ci épouse la sœur de l’orgueilleuse) ; Part à deux ; L’amour fait peur ; Plus fort que la peur, et surtout Au plus digne, sont des idylles charmantes et frivoles, pour jeunes femmes neurasthéniques.

Le flambeau est trop leste dans la thèse qu’il soutient ; La chair de ma chair, malgré l’intention morale qui semble l’avoir inspiré, renferme des allusions brutales et prêche des chimères qui en rendent la lecture dangereuse. Enfin, La Maison des dames, qui dépeint la vie des étudiantes au quartier latin, manque d’inspiration chrétienne et formule même certains propos sympathiques au divorce.


Henri d’Alméras, né en 1861, ancien professeur de lycée. Pamphlétaire ardent, il dirigea ses attaques contre l’Université (Fabrique de pions ; Alma mater), contre les « républicoquins », (Le citoyen Machavoine).

Plus récemment, il a publié une série d’ouvrages intitulée : Les Romans de l’histoire ; Cagliostro ; Les chemins rouges ; Le Demi-monde sous la Terreur ; Les Dévotes de Robespierre ; Fabre d’Églantine.


René d’Anjou, de son nom de famille Mme Gouraud d’Ablancourt (Angers, 1845). Romans patriotiques (Cœurs de France, etc.) ; romans très passionnés (Intuitif amour, etc.) ; Au tournant de la route (les événements du Gros-Caillou en 1906 ; religieux).


Mme Henri Ardel (Amiens, 1863). On trouve dans certaines bibliothèques les romans suivants : Au retour ; Renée Orlis ; Tout arrive ; Rêve blanc ; La faute d’autrui (dangereux) ; Cœur de sceptique (bien étudié) ; Seule ; Mon cousin Guy ; L’heure décisive ; Le mal d’aimer qui tend à montrer — ce qui est trop absolu — que la femme ne peut remplir sa vie, si elle n’aime d’amour conjugal ; Un conte bleu ; L’absence (d’un amant ; désordres scandaleux de la coquette ; mauvais livre) ; L’été de Guillemette (rêve bien décrit, très passionné) ; L’aube (fort médiocre) ; La nuit tombe (confession d’une jeune femme qui reste fidèle, malgré la tentation ; pas de note chrétienne) ; Le chemin qui descend ; L’étreinte du passé.


Paul Arène (1843-1896). Maître d’études et ensuite journaliste (Figaro, Petit Journal, Événement), l’un des auteurs qui ont, avec Daudet, le mieux décrit la Provence. Ses pièces de théâtre, ses idylles méridionales et ses romans consacrés à cette « gueuse parfumée », peuvent griser autant qu’ils embaument : les jeunes personnes se contenteront donc des Nouveaux contes de Noël.


Art Roé, de son vrai nom M. Benjamin Mahoil (1865-1914), officier d’artillerie. Dans ses romans militaires, il envisage surtout le problème moral ; il attribue à l’officier une mission d’éducation et il considère la valeur morale comme la grande force de nos armées. Ces idées sont excellentes ; mais Art Roé ne sait pas toujours les mettre en œuvre. Citons : Le journal d’un officier d’artillerie ; Sous l’étendard (l’assaut de Loigny ) ; Racheté (récit intéressant de la retraite de Russie qui se termine par une banale idylle) ; Pingot et moi ; Mon régiment russe ; Papa Félix ; Monsieur Pierre (glorifie le métier militaire).


Arvède Barine, de son vrai nom Mme Charles Vincens (1840-1908), femme de lettres, d’origine russe.

Ses récits, ses contes et ses fantaisies : Princesses et grandes dames ; Portraits de femmes ; Essais et fantaisies ; Bourgeois et gens de peu, ont un charme infini. Leur naturel, leur grâce et leur finesse extrême qui touche sans jamais appuyer, font penser aux lettres de Mme de Sévigné.

Ses œuvres historiques : La jeunesse de la grande Mademoiselle ; Louis XIV et la grande Mademoiselle ; son roman Névrosés ; ses biographies (Mme de Carlyle ; Mme Gœthe ; Saint François d’Assise) sont dans le même ton et offrent le même mérite littéraire.

Au point de vue moral, tous ces livres contiennent, à côté de quelques passages trop réalistes pour la jeunesse, des considérations renanistes très accusées.


Philibert Audebrand (1815-1906), polygraphe dont la plume fertile a brossé un nombre incalculable de chroniques et s’est essayée dans tous les genres. Tout le monde peut lire : Un petit-fils de Robinson ; Voyages et aventures autour du monde de Robert Kergorieu.


Maxime Audouin, pseudonyme d’Eugène Delacroix, qui signe aussi Jean Pouliguen, né en 1858. Romans dramatiques, sentimentaux et historiques ; nouvelles et contes souvent reproduits par des journaux de nuances diverses.


Léon Barracand, poète et romancier, né à Romans en 1844. Il se flatte d’éprouver un vif sentiment religieux ; mais il est parfois agnostique, souvent stendhalien et voluptueux.

La belle Madame Lenain (se corrompt pendant que son mari le député s’enrichit par des moyens peu scrupuleux) ; Trahisons (conjugales d’un notaire de province et de sa femme) ; Le manuscrit de Mme Planard (situations audacieuses) ; Le manuscrit du sous-lieutenant (quelques fausses notes seulement) ; La cousine (quelques pages libres) ; Vicomtesse (très passionné, mais très littéraire) ; Mariage mystique (amitiés chastes d’un aumônier et d’une pensionnaire hystérique) ; Un barbare (peu intéressant) ; Romans Dauphinois (huit récits dont plusieurs très libres) ; Le Bonheur au Village (mondain et honnête) ; Histoire de Vivette (moral, mais systématiquement neutre au point de vue religieux) ; Roberte (passionné et honnête) ; L’adoration (recueil de nouvelles dont une au moins très impie) ; Un monstre (sujet risqué) ; Un grand amour ; Le roman nuptial ; Le cheval blanc (sacrifice d’amour), sont plus ou moins répréhensibles et passionnés.

Tout le monde peut lire : Épée brisée (énergique protestation contre l’expulsion des Chartreux) ; Dormilhouze la jeune (publié dans Le Mois) ; Hilaire Gervais (histoire d’un enfant) ; Servienne (histoire d’une servante) ; La rançon de la gloire ; et beaucoup La loi des cœurs ; Amour oblige.


Maurice Barrès, né en 1862, à Charmes (Vosges), député, romancier, journaliste, membre de l’Académie française.

Son œuvre, comme celle de nombreux écrivains contemporains, offre des traits, des tendances et des idées singulièrement contradictoires : des sentiments religieux et patriotiques, et des sentiments païens et anarchiques ; des idées françaises et des idées allemandes ; le culte de Jeanne d’Arc, de Bernadette, de la Lorraine, et celui de Voltaire et de Stendhal ; de l’égotisme et de l’apostolat nationaliste ; des scènes immorales et des pages exquises.

Ce qui met cependant Barrès hors de pair, c’est sa «  conception de l’énergie » : il est partisan de l’énergie, c’est-à-dire, en dernière analyse, de l’instinct, de l’impulsion naturelle, de la sensation, jusqu’à rêver d’un état où « ni une cité, ni un Dieu ne nous imposent leurs lois ». Les paysages même sont des états d’âme : la Lorraine, dans L’homme libre, Aigues-Mortes dans Le jardin de Bérénice, l’Espagne, « le pays le plus effréné du monde » dans Du sang, de la volupté et de la mort, servent successivement de moyen pour aiguiser les sensations, créer des empreintes et déterminer des drames…

Sous l’œil des Barbares, le vade-mecum de ses admirateurs, et L’ennemi des lois trahissent le même égotisme antisocial.

Les romans de l’énergie nationale (Les déracinés ; L’appel au soldat ; Leurs figures) marquent cependant une évolution, que Les Bastions de l’Est, Au service de l’Allemagne, Les amitiés françaises, Le voyage de Sparte, etc., ont accentuée et qui font espérer que Barrès, se souvenant de sa mère, finira par s’agenouiller.

Cet auteur obscur, compliqué et profond, compte de nombreux amis et aussi de nombreuses victimes : tel jeune homme qui l’a lu, l’a appelé son « assassin adoré ». Hélas ! et holà ! même pour certaines grandes personnes.

— Il y a dans cette courte notice — qui a paru dans nos éditions précédentes — des expressions qui, pour être comprises de tous et échapper à de fausses interprétations, devraient être expliquées ou au moins paraphrasées. C’est l’inconvénient ordinaire de la concision : brevis esse volo, obscurus fio. Nous maintenons cependant notre texte, en raison de la célébrité qu’il a valu à notre ouvrage, depuis qu’on en a lu des extraits à la Chambre des Députés (Séance du 17 janvier 1910).

Nous mentionnons seulement les ouvrages que M. Barrès a publiés depuis cette époque : Colette Baudoche : ce livre eût été un livre de lecture merveilleux pour tous les jeunes Français, si quelques lignes malsonnantes ne leur en interdisaient l’usage.

La Colline inspirée, raconte l’histoire de trois prêtres dévoyés, les frères Baillard. Ils ont entrepris la restauration de l’antique monastère de Notre-Dame de Sion, en Lorraine. Œuvre étrange, attachante, amère, troublante pour les âmes chrétiennes et pour les consciences délicates.

Dans La grande pitié des églises de France, Barrès retrace les principaux épisodes de sa campagne en faveur de nos églises menacées ; grande richesse d’aperçus, fresque d’histoire politique, galerie de portraits inoubliables, plaidoyer admirable malgré certaines pages discutables.

Dès 1914, le grand artiste s’est noblement réduit à l’utilité civique. Il a parlé, et chaque jour pendant cinq années il a écrit, pour soutenir le moral du pays. Ses articles ont été réunis dans une série d’ouvrages lucides et sobres qui glorifient L’Âme française et la guerre (dix volumes) ; Les Traits éternels de la France ; et Les diverses familles spirituelles de la France.


Georges Beaume, né dans l’Hérault en 1861. Il inaugura son œuvre par des romans très passionnés ou naturalistes, pleins de chaleur et de coloris : Lirette ; Le péché ; Cyniques (scènes brutales rappelant La Terre de Zola) ; Les amoureux. Même note pour Monsieur le députe ; Fine ; Les amants maladroits, romans récents.

Les vendanges ; Les jardins ; Une race ; etc., évoquèrent dans des pages ardentes l’âme d’une race et d’une terre, le Languedoc, avec ses vignes, ses oliviers, ses cigales sonores et son ciel d’or et d’azur.

Parmi ses œuvres. Les Quissera ; Au pays des Cigales (15 nouvelles) ; Corbeilles d’or (16 nouvelles) ; Le maudit (recueil de nouvelles) ; Jacinthe ; Les trois apôtres (intérieure) ; La Borgne (œuvre d’imagination ; un brutal qui martyrise sa femme) ; Cyprien Galissart, lauréat du conservatoire (sain et agréablement sentimental) ; Le bonheur de Simone, peuvent être lus par des personnes d’âge convenable.

Les deux Rivales ; Rosière et moi ; Petite princesse ; Mademoiselle Cécile ; Le maître d’école ; La bourrasque ; Jours de gloire, sont de ces œuvres dont on dit qu’elles peuvent être mises entre toutes les mains.


André Beaunier (Évreux, 1869), écrivain de talent qui s’est fait une bonne place dans la presse et le roman. Nous citons parmi ses ouvrages : Les Dupont-Leterrier (histoire d’une famille durant l’affaire Dreyfus) ; Picrate et Siméon (deux types : un cul-de-jatte et un cocher ; assassinat par amour) ; Le roi Tobol (livre curieux et très bien écrit) ; Les souvenirs d’un peintre ; La fille de Polichinelle (scabreux et romanesque) ; L’homme qui a perdu son moi (scientifico-humoristique, pour adultes).


René Benjamin, l’auteur de Gaspard. Le héros de cette monographie satirico-héroïque est un poilu, cousin de Gavroche, épique et bon enfant ; il abuse de l’argot et de la langue verte. Grandgoujon, histoire d’un bon vivant mobilisé comme auxiliaire est plutôt médiocre.

L’auteur a observé les mœurs anglaises et il les a décrites dans un livre cocasse, Le major Pipe et son père. Il a élevé le ton dans Sous le ciel de France, recueil d’histoires émues et pleines de pittoresque.


Pierre Benoit s’est révélé soudain comme un maître au roman d’aventures par deux œuvres auxquelles l’Académie a attribué en 1919 le grand prix du roman.

Kœnigsmark et L’Atlantide sont extrêmement intéressants et émouvants : les événements sont si bien enchaînés et sont d’une si harmonieuse fantaisie qu’on oublie l’audace de l’invention. Cependant, certains détails sur les mœurs infâmes des héros en interdisent la lecture aux jeunes personnes.


Charles de Bernard (1805-1850), l’auteur de Gerfaut, etc. Un mondain qui a étudié la noblesse et la haute bourgeoisie, les vieilles et jeunes filles, les mamans et les belles-mères, etc. : Le gentilhomme campagnard ; Un homme sérieux ; Un beau-père', etc…


Bernardin de St-Pierre (1737-1814), l’immortel auteur de la pastorale Paul et Virginie, chef-d’œuvre de grâce et de poésie. Nous n’étonnerons personne en disant que cet ouvrage, à cause de l’aventure sentimentale qui se déroule parmi les paysages les plus pittoresques, ne doit pas être mis, sans corrections, à la portée de la jeunesse. Les harmonies de la nature ; Les études de la nature ; La chaumière indienne, méritent à plus forte raison la même note : ce n’est pas avec ces mièvreries que l’on trempe des caractères.


Jean Bertheroy (Bordeaux, 1868), née Berthe Le Barillier, aujourd’hui Mme Czernicki, romancière et poète qui allie curieusement l’antiquité païenne et les songes modernes dans des pages chaudes et vibrantes de passion.

La plupart de ses romans antiques sont des pastiches où coule à pleins bords le sensualisme le plus raffiné. La danseuse de Pompéi ; La Beauté d’Alcias ; Le colosse de Rhodes ; Les vierges de Syracuse ; Syracuse ; Sybaris. Ce dernier figure dans une collection passionnelle. Les autres sont dignes d’y être (Les Délices de Mantoue ; L’ascension du bonheur ; Les tablettes d’Erinna d’Agrigente) et à côté des ouvrages de Théocrite et de Longus.

Nous citons pour mémoire Les Dieux familiers, Conflit d’âmes, Gilles le ménétrier, Les chanteurs florentins, Le chemin de l’amour, Le tourment d’aimer, Les voix du forum, tous fort romanesques, et nous plaçons seulement en dehors de cette classification : Sur la pente ; Les trois filles de Peter Waldorp ; Le journal de Mlle Plantin ; L’inoffensif Rachat ; Geneviève de Paris ; et pour la grande jeunesse, L’enfant septentrion.


Louis Bertrand, né en 1866, secrétaire de la Revue des Deux Mondes. Lorrain de naissance, normalien d’éducation, il a vécu de longues années en Algérie, il a voyagé dans toutes les régions baignées par la Méditerranée, et tous ses livres pleins de vie, nous parlent de ces pays de soleil, à l’exception de Mademoiselle de Jessincourt, son chef-d’œuvre, histoire presque chrétienne d’une vieille fille.

L’invasion nous conduit à Marseille (peintures hardies et scabreuses) ; l’action du Rival de Don Juan se déroule à Séville (fort passionné) ; celle des Bains de Phalère en Attique (même note). Tous ses autres romans, souvent brutaux, troubles et sensuels, composent une suite algérienne : Le sang des races célèbre la vie des routiers qui faisaient la route de Laghouat ; La Cina, exalte le culte de l’action et le mépris de la littérature ; Pepète le bien aimé, décrit en des pages fort truculentes les milieux populaires algérois ; Le jardin de la mort étudie les ruines de l’Afrique romaine ; La concession de Madame Petitgand montre la lutte incessante que les colons algériens ont à soutenir contre l’hostilité de la nature et des hommes. Enfin, La Grèce du soleil et des paysages, Le miracle oriental, Le livre de la Méditerranée, Gustave Flaubert et Le sens de l’ennemi se rattachent au même ordre d’idées.

Le type du latin d’Afrique, Louis Bertrand l’a trouvé dans l’évêque d’Hippone, et il écrit Saint Augustin, livre brillant, captivant comme un roman, évocateur comme un livre d’histoire, et, malgré son insuffisance, susceptible de faire beaucoup de bien. Les jeunes gens liront l’édition expurgée et Les plus belles pages de Saint Augustin.

Nous ne leur interdirons pas, malgré quelques passages, Sanguis martyrum (les chrétientés de l’Afrique au 3e siècle ; éclatantes descriptions ; récit émouvant).


Marie de Besneray, de son vrai nom Mme Croult. Née à Moscou en 1852, fille d’un Français, M. Boissonnade, elle connaît à fond les mœurs qu’elle s’est plu à décrire dans ses romans russes (Ivan Sternoff ; Le fils d’une actrice ; Olga la Bohémienne ; Nadine ; La course à l’abîme). Elle a étendu ses observations aux sujets sociaux et psychologiques d’un intérêt plus général : Vers l’aurore ; Vie brisée ; Vengeance de femme ; Honneur de famille ; Les sacrifiés ; Douleur d’aimer.

Tout le monde peut lire : Paul, souvenirs d’Australie ; Au pays de Bernadette (peu saillant).


Bjornsterne Bjorson, poète, romancier et dramatiste norvégien (1832-1910), n’est pas un inconnu en France où il résida et essaya de jouer un rôle politique. Comme écrivain, il a été comparé à Nodier et à Victor Hugo ; quoi qu’il en soit, il a su se faire un nom dans notre pays par divers ouvrages : Arne (histoire d’un violoniste ; les vieux récits du petit monde des fjords), La fille du pécheur ; Les reflets du miroir (un amoureux en partie quadruple), etc…


Léon Bloy (1846-1917), ancien communard, converti au catholicisme. Poète aux belles envolées, mais pamphlétaire exaspéré, flagellateur partial, il semble ne se servir de sa plume que pour déchirer, blesser ou ternir : tous ses ouvrages (Propos d’un entrepreneur de démolitions ; Le désespéré ; La femme pauvre ; Mon journal ; Le mendiant ingrat ; Belluaires et Porchers ; Le sang du pauvre, etc.) servent de cadre aux invectives grossières de leur auteur. Faute de bienveillance et d’humilité, que de talent l’on gaspille !


Fortuné du Boisgobey (1824-1891). Auteur d’histoires de cape et d’épée et de romans d’aventures extrêmement mouvementés, travailleur infatigable et d’une grande fécondité, il est un amuseur intéressant, plutôt amoral qu’immoral.

Les pères et les mères de familles, plus friands des grosses émotions que de délicatesses littéraires, pourront lire avec intérêt quelques-uns des ouvrages suivants, si toutefois la fréquentation des gredins, des escrocs, des escarpes et des forçats ne les effraye pas : Le forçat colonel ; Les frères de l’Épingle rose ; Les collets noirs (beau roman historique sur l’époque du Directoire ; quelques scènes risquées) ; La main coupée (très bien) ; Fontenay coup d’Épée (très honnête) ; Un cadet de Normandie (histoire de Tourville, pour tous) ; L’as de cœur (le financier Law, très intéressant) ; La tresse blonde (d’un dramatique intense) ; Le coup de pouce (pour tous ou à peu près) ; Les mystères du Nouveau Paris (roman honnête tout peuplé d’affreux gredins) ; La vieillesse de M. Lecocq ; La peau d’un autre (tableaux inconvenants, pages superbes) ; Le collier d’acier (une femme dévergondée qui finit par se tuer à l’aide d’un collier empoisonné) ; Mérindol (où l’on voit aussi quelques honnêtes gens) ; Double blanc (à la recherche d’assassins) ; Le fils du plongeur (le monde sportif, dans une intrigue d’amour) ; L’héritage de Jean Tourniol (très bien) ; Du Rhin au Nil (carnet de voyage, pour tous) ; Où est Zénobie ? (captivant) ; Le crime de l’omnibus (d’un dramatique !) ; Le Cochon d’or (influence de l’argent).


Simon Boubée (1846-1901), ancien rédacteur de la Gazette de France, correspondant à Rome du Gaulois, romancier.

Outre Mongréléon 1er, pamphlet dirigé contre Gambetta qui fit en son temps plus de bruit que de bien, il a publié, Le violon fantôme (pages risquées et impardonnables) ; Le petit Boscot (pour tous) ; Le pierrot de cire (très bien).


Marcel Boulenger (Paris, 1873), historien et portraitiste de la société frivole.

Sans se départir de la correction d’un parfait gentleman, il ne s’occupe que des femmes, des salons, des chevaux. Il se moque des mondains, des snobs et des caillettes ; il dénonce avec ironie ce qu’il y a de laid et de sot dans la société cosmopolite de Paris ; il donne des conseils sur le langage, les sept sujets de conversation permis, sur la vie comme il faut ; etc…


Paul Bourget, né à Paris en 1853. Fils d’un universitaire, il fut d’abord obligé d’entrer dans l’enseignement et il passa quatre ans à fabriquer des bacheliers et des vers. En 1882, il se voua exclusivement aux lettres, et il est aujourd’hui l’un de nos écrivains les plus en vogue. Membre de l’Académie française.

Ses poésies (La vie inquiète ; Edel ; Les aveux, etc.), rendent le lamentable écho des tourments de son âme, durant ses études et toute sa jeunesse.

Il débuta en prose par les Essais sur la psychologie contemporaine, suivis plus tard des Nouveaux essais, livres de critique, confession fort triste de tout un siècle de littérature (doctrine empruntée au panthéisme de Renan, au positivisme de Taine ; idées religieuses fausses ; morale relative qui ne croit pas au malsain).

De nombreux romans suivirent, qui valurent à Bourget une éclatante notoriété et qui exercent encore dans le monde une influence considérable.

Ils sont bien faits du reste pour plaire à la jeunesse inquiète et nerveuse d’aujourd’hui, pour séduire les jeunes femmes toujours heureuses de trouver, dans les livres, des descriptions, des excitants, des compensations de la vie mondaine, pour intéresser même les hommes mûrs en quête de thèses bien construites.

La scène est d’une correction parfaite ; ce sont des salons high life, des chambres à coucher, des boudoirs, dont Bourget décrit le mobilier, l’ameublement et les parfums, avec une scrupuleuse exactitude.

Les héros et héroïnes sont des élégances suprêmes, dans une suprême faiblesse : des jeunes gens pâles, minces, flirteurs, oisifs, incapables de tout effort et prêts à toutes les tendresses ; de beaux messieurs et de belles madames n’ayant rien à faire de leurs dix doigts ; des jeunes femmes surtout, grandes, fines, blondes, sentimentales et sensuelles, toujours aimantes et aimées en dehors du mariage, assoiffées de sentiments et de mysticisme, tout imprégnées de cette atmosphère luxueuse où les sensations douces affadissent la volonté et préparent aux grandes chutes.

Tous ces personnages sont avant tout des âmes, mais des âmes modernes, c’est-à-dire malades : Paul Bourget se complaît à décrire leurs raffinements de sensibilité déviée, leurs fautes, leurs scrupules, leurs remords, leurs repentirs et même leurs expiations, en un mot tous leurs cas psychologiques et leurs maladies intérieures ; il excelle particulièrement à raconter les drames d’amour dont elles sont le théâtre ou les victimes.

La fréquentation de tels milieux et de telles gens doit être éminemment dangereuse… M. Bourget, dit un critique universitaire, a toujours affiché des ambitions de moraliste. Alors, on ne peut s’empêcher de relever un contraste ironique entre ses professions de foi et l’effet de ses romans. Dans les préfaces, idées du devoir, culte de la volonté, de l’effort. Dans les romans, dilettantisme ou vaine religiosité, découragement, anémie de la volonté, séduction du vice. (Revue bleue, 28 mars 1906).

Certes, les intentions de l’auteur sont excellentes ; il ne prétend décrire les désordres de l’âme que pour les rendre odieux et les guérir. Malheureusement, les bonnes intentions ne suffisent pas. Les descriptions et !es drames qui constituent la trame de ces romans, indépendamment des pages voluptueuses qui s’y glissent, grisent l’imagination et anémient la volonté ; l’exposé de tous les motifs qui préparent et déterminent une passion coupable, fait facilement croire a ceux qui les lisent et les méditent, que les chutes sont toutes naturelles, presque nécessaires, excusables et fatalement imitables. Aussi, un écrivain peu suspect, M. Rod, a-t-il osé dire, jadis, que les romans de Bourget ne sont guère plus moraux que ceux de Zola !

Ce jugement et les considérations précédentes, ne sauraient cependant s’appliquer dans toute leur rigueur qu’aux romans de la première période : L’irréparable ; Le deuxième amour ; Cruelle énigme ; Un crime d’amour ; André Cornélis ; Scrupule ; Un cœur de femme ; Idylle tragique, mœurs cosmopolites : Physiologie de l’amour moderne ; La duchesse bleue ; etc..

En 1887, Le disciple (manuel de séduction, scènes regrettables) marqua dans les œuvres du charmant auteur une heureuse évolution, et témoigna d’un souci douloureux de la vie morale. Le fantôme, Monique, La terre promise (roman à thèse chrétienne, tend à éloigner les jeunes gens des plaisirs coupables, tableaux choquants) ; Cosmopolis (amours, jalousies, duels, conversion d’une jeune dilettante provoquée par la seule vue de Léon XIII, très passionné) ; Sensations d’Italie (belles pages chrétiennes) marquèrent successivement ses progrès dans le respect de la morale et peuvent être lus par les grandes personnes, ainsi que ses derniers ouvrages : L’Étape (roman à thèse antidémocratique et profondément religieuse, violemment critiqué de toutes parts, cru et passionné) ; Le divorce (œuvre courageuse et magistrale qui restera l’un des plus beaux monuments de l’apologétique contemporaine) ; L’eau profonde et Les pas dans les pas ; Les deux sœurs (étude psychologique sur la tentation d’une honnête femme ; d’une moralité irréprochable ; suivie de six nouvelles).

… Depuis, Paul Bourget a trouvé la foi : il remplit tous ses devoirs de chrétien.

Cependant, il n’était pas encore pratiquant, quand il a commencé « l’édition définitive » de ses œuvres. Ses récits restent donc, dans l’ensemble, ce qu’ils étaient, des documents scientifiques remplis de tableaux très crus ou de thèses dangereuses. Les préfaces et les appendices, où il expose son « apologétique expérimentale », appartiennent seuls à l’inspiration catholique. C’est pourquoi nous ne permettrions aux jeunes gens que certains ouvrages de la seconde période cités plus haut, et de plus : Un saint (et autres nouvelles saines, dans la dernière édition) ; Outremer ; Drames de famille ; Pages choisies ; Contes choisis. Nous ne leur conseillerions point Les détours du cœur, La dame qui a perdu son peintre, recueils de faits divers tourmentés, L’Émigré.

Et Le démon de Midi ? C’est une œuvre magistrale où se mêlent deux drames. D’abord, l’histoire d’une crise d’âme : les aventures d’un homme de 43 ans qui, par l’effet d’un orgueil inconscient, d’une insuffisance de piété surnaturelle, de la reviviscence des souvenirs de ce milieu favorable, s’abandonne à un amour coupable. Et puis, c’est l’histoire d’un prêtre dévoyé qui tombe dans des aberrations d’esprit et dans le désordre. Le livre peut convertir ou affermir dans le bien des lecteurs très mûris, mais il peut faire à beaucoup d’autres un mal immense.

Durant la guerre, Paul Bourget a continué de faire ce qu’il faisait : signe de force d’âme et de vie ordonnée. Il a publié successivement : Le sens de la mort (roman psychologique, plein de nobles pensées : pose la question de l’idéal qui doit orienter la vie, et la résout dans le sens chrétien contre la conception matérialiste ; à peu près pour tous) ; Lazarine (roman sur le divorce ; côté moral et réparateur de la guerre ; pas pour jeunes lectrices) ; Némésis (histoire pleine de mouvement, de coloris, d’érudition ; pages très hardies) ; Le justicier (recueil de cinq nouvelles ; pas pour tous) ; Laurence Albani (pour tous).


Marie-Anne de Bovet, fille du général de ce nom, née en 1860, mariée au marquis de Bois Hébert.

Le nom de « petites rosseries » qu’elle a donné à plusieurs de ses ouvrages, conviendrait à quelques-uns de ses romans psychologiques : Confessions d’une fille de trente ans ; Confessions conjugales ; Partie du pied gauche ; Contre l’impossible ; Plus fort que la vie (8 nouvelles) ; Vierges folles (passionnel) ; Noces blanches (d’un blanc sale) ; La repentie ; Après le divorce (thèse excellente, mais démonstrations hardies) ; Veuvage blanc (romanesque) ; La folle passion (d’un beau-père pour sa bru) ; La dame à l’oreille de velours (quatre nouvelles) ; La terre refleurira (pour adultes). Pris sur le vif ; Autour de l’Étendard (peinture des milieux militaires, dédiée au duc d’Orléans) paraissent appartenir à un autre genre.

Histoire d’un garçon ; Cadette (très bien) ; Mademoiselle l’Amirale ; Fausse voie ; Le beau Fernand (peu intéressant, peu édifiant), pourraient être confiés aux jeunes gens, ainsi que certains de ses récits de voyages.


Augustin Boyer d’Agen, de son vrai nom, Jean-Auguste Boyer, né à Agen en 1859. Ancien séminariste, gradué en théologie et en droit canon, romancier, poète, critique d’art, historien, philologue et conférencier.

Après avoir publié des romans regrettables (La Gouine ; La Vénus de Paris), et que l’auteur semble bien regretter, Boyer d’Agen s’est porté définitivement vers les études historiques et religieuses, et a donné sur beaucoup de questions actuelles des travaux remarquables.

Son roman Terre de Lourdes (descriptions, amours d’un séminariste) est un ouvrage malsain. Le pays natal ; Monsieur le Rédacteur ; Pascal Bordelas (le cynisme des politiciens) peuvent être classés parmi les romans honnêtes.


René Boylesve, de son vrai nom René Tardivaux, né à la Haye-Descartes, en 1867. Membre de l’Académie française.

Le Médecin des dames de Néans ; Sainte Marie des Fleurs ; Le parfum des Iles Borromées ; La becquée ; La leçon d’amour dans un parc ; Mon amour, sont des romans d’une mièvrerie souvent licencieuse. Mlle Cloque et L’enfant à la balustrade ; Le bel avenir (études de la vie provinciale) ; Le meilleur ami (deux nouvelles), sont beaucoup plus réservés ; La marchande de petits pains pour les canards (nouvelles, pas pour tous).

La jeune fille bien élevée, qui soulève la question délicate de l’éducation des jeunes filles, et Madeleine jeune femme, roman réaliste de bon aloi, tout imprégné de réalisme chrétien, renferment nombre de pages troublantes pour la jeunesse ; mais ils peuvent être lus avec intérêt par les parents.

Quant à Tu n’es plus rien, il pose le problème de savoir jusqu’où doit aller chez les jeunes veuves de la guerre la fidélité au souvenir ; l’action se passe dans les milieux frivoles et la solution est trop catégorique.


Brada, pseud. de Mme la Comtesse de Puliga, de Henrietta Sansom (Paris, 1850), parisienne qui a épousé un diplomate italien.

Nous citons, parmi ses romans, très étudiés et délicatement écrits : Compromise ; Mme d’Épone (sujet risqué) ; L’irrémédiable (jeune fille séduite et délaissée) ; Les lettres d’une amoureuse (vieille originale, va) ; L’ombre (que projettent sur les enfants le divorce et les désordres de leur mère) ; Petits et grands (délicieuses miniatures sur sujets variés) ; L’impasse (amour adultère) suivi de Mensonge (étrange) ; Les beaux jours de Flavien (jours de plaisir) ; Comme les autres (amour contrarié, intéressant) ; Les amantes (élégantes, mais très faisandées) ; Malgré l’amour (plus sérieux et plus honnête ; pages ardentes cependant) ; Disparu (le fiancé… mais l’auteur a tant de ficelles) ; Milord et Milady (la galanterie bienséante en Angleterre) ; Retour du flot (tempête où une âme honnête a failli sombrer ; mais le hasard est si grand et tout finit par s’arranger, quand… on a du talent comme Brada) ; L’âme libre (très romanesque) ; La brèche (tableau d’une vie irrégulière).

Et nous recommandons aux jeunes gens sérieux Terres de soleil et de brouillard (souvenirs de voyages très gentiment racontés) ; Isolée (vie d’une jeune orpheline catholique, transplantée dans un milieu anglican).


Rhoda Broughton, née en 1840, romancière anglaise dont les œuvres ont été, pour la plupart, traduites en français. Ses romans décrivent la campagne anglaise et des types de jeunes filles, ardentes, romanesques, amoureuses des fêtes où l’on brille, folles de leur corps, et mourant jeunes, après avoir gardé une vertu relative. Son dernier ouvrage De Charybde en Scylla, a paru dans la collection Femina ; Belinda et Johanna peuvent être lues par les grandes personnes ; Hélas ! ; Fraîche comme une rose ; Kate Chester ; Nancy ; Le roman de Gilliane, sont pour tous ou à peu près.


Sir Edward-George Bulwer-Lytton, poète, romancier et homme politique anglais (1805-1873), qui jouit dans son pays, comme écrivain, d’une renommée à peu près égale à celle de Dickens et de W. Scott. On lira de lui : Alice ou les mystères ; Les derniers jours de Pompéï (tableaux libres ; prendre l’édition expurgée de Marne) ; Le désavoué ; Dévereux ; La famille Caxton ; Mémoires de Pisistrate Caxton ; Mon Roman ; Qu’en fera-t-il ? ; Rienzi, son chef-d’œuvre.


Henry Buteau, romancier sentimental, né à Annecy en 1870. On lui doit jusqu’à présent : La faute (beaucoup de bleu ; moralité excellente) ; Un orage (dans un ménage ; un nuage dans le ciel bleu !) ; Aimer (il n’y a que cela qui soit quelque chose, disait George Sand ; c’est l’épigraphe et le sens du livre. Reprenez la gamme : rouge, orangé, etc.).


Fernand Calmettes, littérateur et peintre (Paris, 1846). Il a surtout étudié l’amour, la vertu et le caprice chez les femmes : Brave fille ; Simplette ; Sœur aînée ; récits qui peuvent être lus à peu près par tous. Quant à Mademoiselle Volonté, est-ce un bon livre ?


Adrienne Cambry, de son vrai nom Mme Delphieu, romancière dont nous ne connaissons que quelques ouvrages : Rêve de printemps ; La Vierge de Raphaël, qui peuvent être lus à peu près par tous.

Trio d’amour ; On en meurt ; L’amour pardonne, sont tous trois très passionnés.


Ernest Capendu (1826-1868), auteur dramatique et feuilletoniste très fécond, dont les œuvres écrites en style négligé, ne sont pas cependant sans valeur. Tout le monde peut lire Ango le Dieppois.


Mme Edme Caro, Pauline Cassin (1835-1901), femme de M. Caro, membre de l’Institut, a fait des romans appréciés : Pas à pas (sujet délicat) ; Amour de jeune fille, Histoire de Sans-Souci, Idylle nuptiale, L’idole, Les lendemains (onze nouvelles), Fruits amers (divorce), Complice (sept histoires) et Le péché de Madeleine, son chef-d’œuvre, publié d’abord sous le pseudonyme de P. Albane.


Jean Carol, de son nom Gabriel Laffaille (Toulouse, 1848), voyageur, littérateur et critique d’art. Romans satiriques : L’honneur est sauf ; La bataille d’Hennepont, etc. Récits de voyages saisissants : Les deux routes du Caucase ; Chez les Hovas ; Au pays rouge ; Le bagne de la Nouvelle-Calédonie.


Adolphe Chénevière (1855-1917), érudit et critique qui contribua à la vogue d’Ibsen en France. Comme romancier il a donné des ouvrages de psychologie féminine et l’honnête Jacques l’intrépide.


Victor Cherbuliez (1829-1899). Littérateur suisse, naturalisé français en 1880, calviniste, académicien. Pendant de longues années, il donna à la Revue des Deux Mondes, sous le pseudonyme de Valbert, des chroniques littéraires et politiques remarquables : la plupart ont été réunies en volumes et sont à lire.

Ses romans amusants, publiés dans cette même revue, ont fait les délices de tous les esprits gourmets, par leur élégance littéraire et leur extrême ténuité d’analyse ; ils étudient préférablement les Slaves et les Polonais, des femmes troublantes également passionnées, pour le bien et pour le mal, des jeunes filles avancées ; ils ne dénotent guère d’autre souci que celui d’amuser. Louis Veuillot (Odeurs de Paris, page 396), a remarqué en Cherbuliez, un goût particulier pour les fous, les irréligieux, les maudits, les caractères outrés et bizarres, et il le trouve plutôt hostile à la vertu et aux âmes vertueuses. Nous ajoutons qu’il est parfois sournoisement impie ou franchement voltairien.

Les personnes réfléchies, mûries et suffisamment munies d’instruction religieuse, choisiront parmi les livres suivants : Les aventures de Ladislas Bolski (scène scabreuse à la fin) ; La vocation du comte Ghislain (honnête) ; Le comte Kostia (peu réservé) ; Un cheval de Phidias (honnête) ; Après fortune faite (sornette délicieuse et délicieusement dite) ; Miss Rovel (pages exquises et autres) ; Samuel Brohi (inoffensif) ; L’idée de Jean Têterol (une scène risquée) ; Les amours fragiles, Le roi Apépi et deux autres nouvelles (quelques pages libres) ; Jacqueline Canesse (magnifique) ; Pages choisies.

Quant à ceux-ci : Une gageure (presque impur) ; Prosper Randoce ; La revanche de Joseph Noirel (situation et dénouement immoraux) ; Le fiancé de Mlle de Saint-Maur (scènes d’adultère platonique) ; Noirs et rouges (mercuriale de sectaire) ; La ferme du Choquard (impiétés) ; eh bien ! non. Il y a d’autres auteurs que Cherbuliez.


Henri-Émile Chevalier (1828-1879). Exilé au 2 décembre, se retira au Canada et rentra en France en 1870 pour écrire une série de drames de l’Amérique du Sud : Les derniers Iroquois ; La fille des indiens rouges ; Le gibet ; La Huronne ; Les nez percés ; Peaux rouges et peaux blanches ; Le chasseur noir ; La fille du Pirate ; L’île de sable ; Les pieds noirs ; Poignet d’acier ; La tête plate. Tous ces romans feraient figure d’intrus dans les bibliothèques catholiques.


Jules Claretie (1840-1913), journaliste, chroniqueur, romancier, critique et historien, membre de l’Académie française. Ce qui le distingue, c’est son aptitude à saisir le goût du jour : il a le sens de l’actualité et il l’a traduite dans de nombreux romans. L’imagination, le talent scénique qu’il y déploie, l’ont fait apprécier du public superficiel et nommer administrateur de la Comédie-Française.

Tous ses romans sont fort inégaux au point de vue littéraire comme au point de vue moral. Nous citons : L’Américaine (mondain) ; Le beau Solignac (roman historique du temps de Fouché) ; L’accusateur (l’œil du mort qui livre son secret, très dramatique) ; Le roman des soldats (patriotique) ; Les belles folies (id.) ; Le sang français (nouvelles et récits, pour tous) ; Brichanteau (grand succès de librairie, vie d’un comédien retraité par force et resté panachard) ; Le renégat (roman politique, dévergondages, impiétés) ; Jean Mornas (dangereux au point de vue philosophique et moral : fatalisme, matérialisme, etc.) ; La maison vide (fond moral, mais mœurs faciles et suicide) ; Les amours d’un interne (roman de névrosés parmi lesquels l’auteur place Jeanne d’Arc et Marguerite-Marie) ; M. le Ministre (viveurs politiciens et politiciens viveurs ) ; Le Million (la fièvre du lucre, intéressant) ; Noris (pamphlet contre l’aristocratie, pages très libres) ; Le candidat (les vilaines mœurs électorales, pas de libertinage) ; Les Muscadins (roman de mœurs, réaliste) ; Robert Burat (les tortures d’un honnête homme, les héroïsmes et les turpitudes de la passion, fatalisme) ; Mme Bertin (mœurs politiques, libertinage) ; Mlle Cachemire (une femme d’auberge qui vient trôner dans un boudoir et finit dans le ruisseau) ; Noël Rambert (histoire d’un ouvrier, horreurs) ; Le mariage d’Agnès (histoire d’amour et de théâtre) ; L’obsession (histoire bizarre d’un peintre qui est à lui-même son sosie, pathologique).


Pierre Clésio (1863-1911), pseudonyme de Charles Audic. Il s’est signalé par des romans à succès : Les Renards (punition d’un traître et idylle) ; Mariage de Raison, roman universitaire et moral ; Le roman de Claude Lenayl (mésaventures d’un jeune homme dans le demi-monde parisien et ensuite ses succès dans l’agriculture) ; Femme de général (qui a beaucoup de peine à rester honnête) ; Cours de jeunes filles (un professeur qui épouse une de ses élèves).

Mme Louise Compain a publié des romans fort étudiés : L’opprobre (d’une fille-mère qui finalement est épousée par un sauveur que n’effrayent pas les préjugés) ; L’un vers l’autre (théories d’une indépendante sur le mariage) ; L’amour de Claire (une femme écrivain qui tombe dans le désordre).

En 1919, elle a adressé « à toutes les âmes religieuses » un appel en faveur de la théosophie !


Charles De Coster (1827-1879), écrivain belge qui utilisa, dans différents récits, sa connaissance approfondie de la littérature du moyen-âge : La légende et les aventures d’Ulenspiegel et de Lamme Goedzack, roman épique sur des personnages fabuleux, populaires en Belgique ; Contes Brabançons, etc. Ces deux livres ne conviennent pas à la jeunesse.


Pierre de Coulevain, de son vrai nom Mlle Favre, morte en 1913.

Elle a fourni d’abord des romans à l’américaine : Noblesse américaine ; Ève victorieuse, satire virulente de la femme américaine, pécore égoïste, sensuelle et dépravée ; Sur la branche, autobiographie d’une française malheureuse en ménage, qui plante tout là, voyage à l’américaine d’hôtel en hôtel, et, tout en cheminant, admire spécialement la théosophie et le boudhisme.

Depuis, elle a conquis la célébrité par L’Île inconnue (l’Angleterre). Dans cet ouvrage, comme dans les précédents et dans Au cœur de la vie, elle se révèle charmante causeuse, mais très mauvaise philosophe.

Le roman merveilleux est plus répréhensible encore : c’est un véritable pamphlet, aussi perfide qu’odieux, dirigé contre la religion catholique. Il a été mis à l’index en 1915.


Léopold Courouble (Bruxelles, 1863), l’humoriste de la Belgique. Les cadets de Brabant ; La famille Kaekebrouck (à Bruxelles) ne sont pas des chefs-d’œuvre littéraires, mais ils sont intéressants pour ceux qui aiment ou veulent connaître l’humour. Au point de vue moral et philosophie, ils sont bourgeois, prud’hommesques, louis-philippiens, terre à terre, pot-au-feu, etc.


Marion Crawford, né en Toscane en 1854, de parents américains, élevé en Angleterre, sicilien par adoption, mort en 1908.

Par ses études psychologiques du cosmopolitisme, il est devenu l’un des écrivains les plus illustres de son pays. Nous citons parmi ses romans traduits en français :

Pour tous les lecteurs : Saracinesca (œuvre d’artiste et de chrétien) ; Le Crucifix de Marzio (son chef d’œuvre) ; San Ilario ; Une paroisse isolée ; Paul Patoff.

Pour les lecteurs expérimentés : Greinfenstein ; Zoroastre (roman épopée sur la civilisation médique sous Darius, pages à la Flaubert) ; Le docteur Claudius (gai, humoristique) ; Un chanteur romain (très passionné) ; La Marchesa Carantoni (scabreux) ; M. Isaacs (occuliste et troublant) ; Haine de femme (plutôt scandaleux) ; Corleone (passionné).


Le vicomte François de Curel, né à Metz en 1854, ancien ingénieur devenu écrivain, directeur de la revue Armée et Marine, membre de l’Académie française.

Ses romans touffus et diffus : L’été des fruits secs (descriptions, idylle banale, théories favorables au divorce) ; Le sauvetage d’un grand duc (très libre), sont un peu délaissés.

Ses pièces renferment des scènes magnifiques, des idées salutaires et des développements inconvenants.


Alphonse Daudet (1840-1897), poète, romancier et auteur dramatique, dont les livres ont été lus avec une vive curiosité et sont toujours relus avec beaucoup de plaisir.

Par sa sensibilité et sa tendresse émue, son imagination méridionale très finement colorée, par le tour séduisant qu'il donne à toutes ses œuvres, par sa grâce souriante, sa légèreté, son ironie railleuse, il a su intéresser tous ses lecteurs, tantôt en les faisant rire, tantôt en leur arrachant des larmes, toujours en les charmant.

Au point de vue moral, il n'est cependant pas toujours irréprochable : il a traité dans ses œuvres les sujets les plus scabreux, il a étalé ce que la réalité peut offrir de plus laid et même de plus ignoble… On ne peut pas dire sans doute que sa littérature est luxurieuse, car elle esquive certaines choses sales et flétrit les vilenies ; mais on ne peut pas dire non plus qu’elle est chaste et inoffensive pour tous les lecteurs.

Les tout jeunes gens se contenteront donc de lire : Contes pour la jeunesse (réunis par Hetzel) ; La belle Nivernaise (histoire d’un bateau) ; Tartarin sur les Alpes (à part quelques pages) ; Tartarin de Tarascon (contient le récit des aventures du héros avec une mauresque) ; Port-Tarascon (charge exagérée, inférieur aux deux précédents) ; Pages choisies.

Les plus grands pourront lire avec prudence : Le petit Chose (histoire d'un enfant) ; Jack ; Lettres de mon moulin ; Contes du lundi.

Quant à ses autres ouvrages, ses pièces et surtout ses grands romans : Fromont jeune et Risler aîné (série d'adultères dans le monde bourgeois) ; Soutien de famille ; Le Nabab (irrespectueux pour le catholicisme, etc.) ; Les rois en exil (pamphlet politique) ; Numa Roumestan (traits contre la religion et contre les méridionaux) ; L’immortel (contre les académiciens, scènes de luxure) ; L’évangéliste (l'auteur semble avoir voulu exalter la vie de famille en rabaissant la vie de renoncement ; pour ridiculiser l’Armée du Salut, il a mis en scène des fanatiques que des lecteurs non prévenus confondraient avec les catholiques) ; Sapho (très voluptueux) ; La petite paroisse ; Les femmes d’artiste ; Rose et Ninette (contre le divorce) ; Soutien de famille ; La Fédor (et sept autres fragments ; tableau de la vie et de la mort de la célèbre comédienne) ; ils ne sont pas tous inoffensifs, même pour les grandes personnes.


Mme Julia Daudet, femme d’Alphonse, née en 1847, a consacré sa plume élégante et fine aux joies, aux tendresses et aux « joliesses » de la famille. Parmi ses œuvres « artistes » et pittoresques, qui sont plutôt des entretiens que des romans, nous citons : L’enfance d’une parisienne ; Enfants et Mères ; Le livre d’une mère ; Impressions de nature ; Fragments d’un livre inédit (Impressions sur Paris) ; Miroirs et Mirages (nouvelles et études très sentimentales).


Ernest Daudet, frère aîné d’Alphonse, historien et romancier, né en 1837.

Producteur très fécond, écrivain doué tout à la fois d’une grande imagination et d’un grand savoir, il a publié, spécialement sur l’émigration, des ouvrages historiques qui lui ont valu en 1905 le prix Gobert : Coblentz ; Les Bourbons et la Russie ; Les Émigrés et le 18 fructidor ; etc…

Ses romans parus chez Perrin, Dentu, Plon, etc., ne sont pas tous à recommander : Aveux de femme (très malsain et très dangereux) ; Mademoiselle de Circé (enchanteresse qui séduit un policier et finit par se suicider) ; Les coulisses de la société parisienne (défilé de tableaux variés dont plusieurs sont scandaleux) ; Les reins cassés (contre les tripoteurs, pas pour tous) ; Le gendarme excommunié (et autres nouvelles dont deux inconvenantes) ; À l’entrée de la vie (une scène de libertinage, belles pages sur la vocation religieuse, ensemble bon) ; Vénitienne (belle histoire honnête) ; Don Rafaël (roman historique peu intéressant) ; ' Drapeaux ennemis (très bien) ; Victimes de Paris (captivant et d’une portée morale salutaire) ; La Carmélite (respectueux de la religion, mais donnée périlleuse, inexactitudes, ensemble qui pourrait mal impressionner) ; Le roman d’un conventionnel (beau livre, histoires scandaleuses) ; Daniel de Kerfons (peu édifiant, portraits de grandes dames) ; Le mari (histoire d’un adultère) ; Le défroqué (sujet délicat traité sans pamphlet) ; Les pervertis (tristes gens, triste histoire) ; Pauline Fossin (triste !) ; Expiatrice (aventures vulgaires, mais honnêtes) ; La Ratapiole (roman historique autour de la Terreur, honnête) ; Le roman de Delphine (honnête roman d’amour) ; Le crime de Jean Malory (dramatique, honnête) ; Mme Robernier (scènes d’adultères trop complaisamment décrites) ; Carisse (une scène libre seulement) ; Les fiançailles tragiques (vulgaires et grossier) ; Rolande et Andrée (gros feuilleton) ; L’Espionne (sain) ; Le comte de Chamarande (id.) ; Au galop de la vie (aventures, pas pour tous) ; Le mauvais arbre sera coupé (malsain) ; La course à l’abime (livre tragique sur la Terreur, pour adultes) ; Les rivaux (sentimental) ; Les aventures de Raymond Rocheray (pour adultes) ; etc…

Pour tous : Dolorés ; Fils d’émigré ; Dans la tourmente ; Robert Darnetal ; Nini la Fauvette ; Jeunes filles d’autrefois ; Aveux d’un terroriste ; L’héritage des Kerlouan ; Une idylle dans un drame ; Beau casque ; Les deux Antoinette ; La religieuse errante ; Les deux évêques ; Pages choisies (quelques mots trop libres pour les enfants).


Léon Daudet, fils d’Alphonse, né en 1868, philosophe, critique, poète, romancier, écrivain satirique très amer, au style puissant, embroussaillé et « superbement confus », directeur de l’Action Française.

Parmi ses romans, nous citons La flamme et l’ombre (amour de deux filles, pages sensuelles, descriptions d’Italie) ; L’autre noir (allusions obscures à Victor Hugo) ; Suzanne (roman de l’inceste, faux, bizarre, où l’auteur combat la science et prend parti pour la foi) ; La France en alarmes ; Germes et poussières ; Hœrés ; Le pays des Parlementaires ; Les Kamtchatka (satire du snobisme) ; Les Morticoles (satire réaliste des médecins, tableau répugnant des mœurs de la haute société) ; Le voyage de Shakespeare (haute fantaisie) ; Le partage de l’enfant (victime du divorce) ; Les primaires (le mot restera et le livre aussi) ; La lutte, roman d’une guérison (sans négliger la médecine, il faut recourir à l’hygiène de l’âme et à la foi chrétienne) ; Les deux étreintes (peu intéressant, pages voluptueuses) ; La mésentente (roman de mœurs conjugales) ; Le lit de Procuste (contre la critique tatillonne) ; Ceux qui montent (ce sont ceux qui s’éloignent d’une république athée pour monter vers la liberté monarchique ; ne convient pas à tous) ; La fausse étoile (l’étouffement d’un héros par les politiciens de la démocratie).

Les meilleures œuvres de Léon Daudet sont nées depuis quelques années. Directeur d’un grand journal de combat auquel il donne chaque jour un article qui met ses adversaires en fureur, il a publié sans se lasser un roman (Dans la lumière, pas pour tous) ; une étude psychologique (L’hérédo) ; des Souvenirs des milieux littéraires, politiques, artistiques et médicaux de 1880 à 1905 (4 séries) ; et surtout des livres, relatifs à la guerre, d’une clairvoyance et d’une vigueur remarquables : L’avant-guerre ; La vermine du monde ; Hors du joug allemand ; etc…


Lucien-Alphonse Daudet, peintre, fils de l’auteur des Tartarin, né en 1883. Il a abordé le roman en 1908 et il a successivement publié : Le chemin mort (sans portée, sans leçon) ; La fourmilière (étude d’âme bien conduite, pour les adultes) ; Le prince des cravates (nouvelles à prohiber).


Henri Davignon, littérateur belge, né en 1879. Quelques romans psychologiques, fort romanesques : Le courage d’aimer (paraît être une réplique de La peur de vivre) ; Portraits de jeunes filles (exagération dans la satire) ; Le prix de la vie (réflexions sérieuses, beaucoup de passion) ; L’ardennaise (tableau des montagnes wallonnes et des mœurs belges) ; Un belge (roman régionaliste, excellent, pour grandes personnes) ; Jan Swalue (à peu près pour tous).


Pierre Dax, de son vrai nom Mlle Eva Gatouil, auteur de nombreux romans, appartenant à diverses nuances au point de vue moral.

Nous ne recommandons pas : Le drame de Massiac ; Mariée sans amour ; Le roman du peintre ; La sœur du Mort ; L’enfant de la séquestrée ; Vengeance de lionne ; L’institutrice des Riaulx ; L’homme au masque.

Nous permettrions aux gens du monde : L’intime d’un cœur ; Amour et préjugé ; Les épreuves de Michelle ; La bague de fiançailles ; Yamina ; Mon oncle de Chamirol ; Le roman d’une laide.


Pierre Decourcelle, né à Paris en 1856. A collaboré à plusieurs journaux, a fait des pièces de théâtre en collaboration et surtout des romans-feuilletons tapageurs : Le curé au Moulin-Rouge dans le Matin ; Les Deux Gosses; etc…


Mme Grazia Deledda, née en 1872, jeune authoress d’origine sarde, fixée à Rome depuis son mariage avec M. Medesani, secrétaire au ministère de la Guerre.

Dès l’âge de 15 ans, elle publia Le sang Sarde, et aujourd’hui, elle compte à son actif une série de romans dont la plupart (Elias Portolu ; Nouvelle Sarde ; Le fantôme du passé ; La voie du mal ; Je meurs ou je m’attache ; Cendres ; Deux amours ; Des roseaux sous le vent, etc.) ont été traduits en français.

Ce sont des histoires réalistes, brutales, qui mettent en scène les êtres primitifs, grossiers et révoltés de la Sardaigne. Nous les plaçons ici, parce que le fond est antisocial et parfois irréligieux.


Albert Delpit (1849-1893). Il eut un duel célèbre et fut décoré à la guerre de 1870. Il a fait des poésies, des pièces de théâtre, et des romans d’actualité, parmi lesquels nous remarquons :

Disparu (peu intéressant) ; Jean Nu-Pieds (la campagne de la duchesse de Berry en 1832) ; La famille Cavalié (épisode de la guerre de Sécession) ; Le fils de Coralie (thèse risquée vigoureusement et honnêtement décrite) ; Le mariage d’Odette (magnifique éloge de l’éducation religieuse, pages scabreuses) ; Le père de Martial (invraisemblable) ; La Marquise (sujet scabreux, tableaux très libres) ; Solange de Croix Saint-Luc (très bien) ; Mlle de Bressier (la Commune, scènes risquées) ; Thérésine (la réhabilitation de la femme de joie par le repentir et l’amour, impiétés).


Édouard Delpit (1844-1904), frère du précédent et, comme lui, romancier d’un certain talent.

Signalons d’abord aux jeunes gens sérieux : Paule de Brussange (roman catholique) ; Yvonne ; Bérengère ; Josline ; Catherine Levallier (à part deux pages libres).

Et mentionnons : Les représailles de la vie (crimes, suicides, scènes scabreuses) ; Sans merci (hypnotiseur amoureux) ; Plein cœur (sujet hardi, traité assez chastement) ; Marcienne (fond moral, mais développements choquants) ; Le dernier rêve (d’une femme qui voudrait être amante et devient belle-mère).


Henri Demesse (1854-1908), feuilletoniste très peu recommandable. Son Zizi est pour les enfants.


Louis Dépret (1837-1905), poète et littérateur qui promena dans tous les genres sa plume légère et facile. Comme nous sommes et Trop fière sont, dit-on, ses meilleurs ouvrages. Mlle Delyvoix est presque inoffensif.


Paul Déroulède (1846-1914), poète et patriote, dont les « chants » sont aussi connus que ses équipées. Ses poésies et son drame en vers Messire Duguesclin peuvent être lus par tout le monde. Ses romans Histoire d’amour et La plus belle fille du monde, doivent être placés dans cette catégorie avec cette mention : indignes de l’auteur des Chants du Soldat et des Chants du Paysan, etc. Bravo pour les deux séries de Feuilles de route et pour Pages Françaises : elles sont d’un bon soldat et d’un bon français ; pas pour les jeunes filles.


Jean Deuzèle, alias Louis Lefebvre (Clermont, 1871), romancier psychologue dont les thèses sont aussi originales qu’intéressantes : La maison vide (un époux qui se sent mourir et trouve sa consolation à façonner l’âme de sa femme à l’image de la sienne) ; Le recueillement (la jeunesse doit s’y consacrer ; la précocité sentimentale est une erreur ; détails assez lestes qui dépeignent trois drôles de couples) ; L’île héroïque (la solitude douloureuse où un artiste doit se résigner à vivre. Ne pas confondre avec la solitude des anachorètes) ; Le couple invincible (à la suite d’un naufrage, des enfants arrivent dans une île et… démontrent la nécessité du mariage indissoluble) ; La femme au masque. L’auteur est près de la foi, et il n’est pas dans la foi, a écrit René Bazin. Puisse-t-il y entrer bientôt !


Mme Jane Dieulafoy, femme du célèbre explorateur (1851-1916). Elle a pris part aux travaux de son mari, en Perse, en Chaldée, en Susiane, et outre le récit de ses expéditions, elle a fait des romans semi-historiques : Frère Pélage ; Parysatis (reine des Perses, ses crimes et ses luxures) ; Volontaire (le monde bourgeois sous la Révolution, haro sur les Montagnards) ; et Déchéance (réquisitoire enflammé contre le divorce). Tout le monde peut lire de cet auteur sympathique aux idées chrétiennes : Aragon et Valence, excursions en Espagne ; À Suse, journal des fouilles ; L’épouse parfaite (ouvrage de piété, traduit de l’espagnol).


Fédor Dostoïevski (1821-1881), célèbre romancier russe. Ses crises d’épilepsie, son séjour au bagne, où il fut envoyé pour conspiration, sa pitié profonde pour les humbles, ont donné à ses œuvres une âpreté tragique et souvent douloureuse. Souvenirs de la maison des Morts ; Humiliés et offensés ; Crime et Châtiment ; L’idiot ; L’éternel mari ; Bessy ; Pauvres gens, etc. ; Les étapes de la folie (tendresses dans la seconde partie) ; Âme d’enfant (que tout le monde peut lire), sont comme autant de coups de tocsin qui ont précipité la réforme sociale en Russie. Les funérailles de ce forçat sibérien, qui avait su prendre les cœurs, furent un vrai triomphe.


Gustave Droz (1832-1895), peintre, conteur, débuta dans La Vie Parisienne par des croquis mondains dont quelques-uns, réunis en volume sous le titre Monsieur, Madame et Bébé, eurent un succès de scandale prodigieux.

Depuis, il continua à écrire. Il publia Entre nous ; Le cahier bleu de Mlle Cibot ; Autour d’une source (scènes de Lourdes, inspiration de fond antireligieuse) ; Babolain ; Une femme gênante ; L’enfant ; Les étangs ; Tristesses et sourires ; Un paquet de lettres, trois récits fantaisistes pleins d’humour et de leçons.

En 1886, il se vit refusé à l’Académie française et renonça à la littérature.


Édouard Drumont, littérateur et journaliste, fondateur de la Libre Parole (1840-1917), célèbre champion de l’antisémitisme. Ses œuvres vigoureuses, dans lesquelles il flagelle la juiverie, le clergé et parfois les catholiques les plus respectables, renferment des documents et des scènes trop réalistes pour être confiées aux jeunes gens. Son roman Le dernier des Trémolins peut seul leur être donné sans réserve.


Félix Duquesnel, né en 1839, rédacteur au Gaulois, a publié sous le titre des Dix mille et deux nuits, quatorze nouvelles orientales ; Le mystère de Gaude, feuilleton judiciaire élégamment ficelé ; La maîtresse de piano ; À la flamme de Paris.


Charles Durand, plus connu sous le pseudonyme de Carolus d’Harrans (1863-1907), ancien professeur, dessinateur, romancier, nouvelliste.

Parmi ses ouvrages, nous citons : L’avant-garde ; Histoires moroses ; Contes roses ; Gris Bleu ; La victime (psychologie d’un bâtard) ; Duchesse, écrit en collaboration avec Jeanne France (l’amour victime de l’orgueil) ; Germaine (scènes maritimes) ; La marquise de Villemegronne.


Georges Duruy, historien et romancier (1853-1918). Son drame Ni Dieu ni Maître peut être lu utilement par les personnes raisonnables. Ses romans sont mondains : L’Unisson (histoire d’amour que l’on peut qualifier de chef-d’œuvre) ; Andrée ; Le garde du corps (sujet périlleux, peu moral, plaisanteries irréligieuses) ; Victoire d’âme (recueil de nouvelles, quelques pages égrillardes) ; Fin de rêve (roman politique consacré à l’apologie de Gambetta).


Edgy, pseudonyme d’une lauréate de Femina. Œuvres : La servante (idylle tragique, note libre-penseuse) ; Cher infidèle (elle lui reste fidèle sans nausée) ; Âmes inquiètes (les étudiants et les étudiantes) ; La couronne de roses (histoire voluptueuse et brutale).


Louis Énault (1824-1900), homme du monde distingué et auteur très fécond. Arrêté en 1848 comme légitimiste, il quitta bientôt la France, par crainte de nouvelles mésaventures, et visita tous les pays de l’Europe, l’Orient, les États-Unis, etc.

Il a embelli de tous les agréments de son style les souvenirs de ces pérégrinations qu’il fixa dans une centaine de publications de tous genres : relations de voyages, romans, traductions, études, articles de journaux et revues.

Dans la dédicace de La Circassienne, on lit ces lignes touchantes : « Depuis 20 ans, ma chère mère, je n’ai point composé un seul livre sans me dire que vous le liriez et sans souhaiter que l’on y retrouvât la trace de vos leçons… Cependant la peinture des passions, qui est l’essence même du roman, vous a semblé parfois trop vive et trop ardente dans les miens, et vous avez souvent refermé le volume sans rien dire… »

L’œuvre presque tout entière d’Énault mérite ce silencieux reproche : L’histoire d’une femme (honnête, mais mari vilain) ; Le baptême du sang (honnête, patriotique) ; La vie à deux (et trois autres nouvelles libertines) ; Le roman d’une veuve (passionné) ; L’amour et la Guerre ; Ville et Village (où le curé est représenté comme un bon vivant) ; Le château des Anges (sujets scabreux) ; Le sacrifice (dangereux) ; Tragiques amours ; Le mirage (romanesque) ; Pour un ; Le rachat d’une âme ; La Circassienne (chrétien, histoire d’une double conversion) ; Jours d’épreuve ; Pêle-Mêle ; La tresse bleue ; La vierge du Liban ; Alba ; Une histoire d’amour.

Le chien du capitaine (4 nouvelles) convient aux enfants.


Son cousin, Étienne Énault (1817-1883), a fait également de nombreux romans-feuilletons assez populaires.


D’Ennery (Adolphe Philippe, dit Dennery, puis) auteur dramatique et romancier célèbre (1811-1899).

Pendant 56 ans, il a produit, avec la collaboration de 60 auteurs, un nombre incalculable de drames, comédies, vaudevilles, féeries, livrets d’opéra et d’opéra-comique ; toutes ces pièces, habilement charpentées et très émouvantes, ont fait verser des flots de larmes et rapporté des millions à leur auteur.

Parmi les romans empruntés à ses drames, nous citons : Les deux orphelines ; Martyre ; Le remords d’un ange ; La Grâce de Dieu ; Paillasse ; Marie-Jeanne ; Markariantz ; Seule ; etc…


Georges d’Esparbès (Valence d’Agen, 1863), conservateur du palais de Fontainebleau. Il a chanté avec enthousiasme, dans des romans épiques, l’odyssée impériale (La légende de l’Aigle ; La grogne) ; les tendresses familiales (Les yeux clairs) ; le culte de la patrie, dans des romans qui flairent la poudre et résonnent comme l’airain (Le tumulte ; Les demi-soldes) ; l’histoire d’Henri IV (Le roi) ; l’héroïsme chez les efféminés (La guerre en dentelles, scabreux) ; la délivrance de l’Irlande en 1798 (Le briseur de fers, épopée saine) ; les dessous malpropres de l’épopée napoléonienne (Le vent du boulet). Il a chanté depuis Ceux de l’an 14.


Ferdinand Fabre (1827-1898), neveu d’un curé, ancien séminariste, romancier qui a voulu décrire deux choses : les Cévennes et les mœurs ecclésiastiques.

Il a réussi dans la première partie de sa tâche ; ses tableaux champêtres, ses descriptions de l’âpre nature de son pays, des montagnes et des châtaigneraies, où, tout enfant, il aimait à faire l’école buissonnière, placent Ferdinand Fabre au premier rang des rustiques avec Theuriet, Pouvillon, etc. Le chevrier ; Toussaint Galabru ; Barnabé ; etc., joignent à l’amour de la terre, une sorte d’effervescence naturaliste souvent perverse ou des impiétés (Petite Mère, etc.).

Quant à la vie cléricale, il n’en a saisi et décrit que l’extérieur : il excelle à noter les manies, les travers, les petits côtés et les mesquineries des prêtres dans des croquis exacts et pas trop méchants. Mais quand il essaie de pénétrer dans les profondeurs de l’âme sacerdotale, il fait preuve d’ignorance et de mauvaise foi : il nous offre, sous couleur d’observation impartiale, des caricatures où l’odieux le dispute au grotesque, des Tigrane féroces, des Lucifer en perpétuelle révolte, ou bien des types niais, dénués de sens pratique, quoique vertueux : par exemple, L’abbé Célestin (le prêtre qui ne connaît pas le monde) ; Les Courbezon (le curé bâtisseur, monomane qui se dépouille de tout), etc…

Parmi tant d’ouvrages, nous ne permettrions à tous que l’Abbé Roitelet (l’amateur d’oiseaux, quelques fausses notes seulement). Nous laisserions à beaucoup Les Courbezon ; Mon oncle Célestin ; Monsieur Jean et surtout la Norine (malheureusement suivie de Cathinelle, récit libertin) ; Mlle Abeille ; et la charmante pastorale cévenole intitulée Xaxière.


Claude Ferval, pseudonyme de la baronne de Pierrebourg, née en 1856.

Quelques romans : Le plus fort (c’est Dieu qui conduit à la Chartreuse un jeune homme qui y était destiné et, pendant quelque temps, s’égara dans le désordre) ; Vie de château (histoire de deux jeunes ménages ; scènes d’amour, mœurs mondaines) ; L’autre amour (c’est-à-dire l’amour maternel qui console des autres) ; Ciel rouge (drame intime, troublant).


Octave Feuillet (1821-1890). Écrivain élégant, romancier aristocratique qui, par son style soigné, son talent de mise en scène, son intelligence des mœurs de la « bonne société », a conquis dans le monde des admirateurs passionnés.

Il a idéalisé délicieusement la vie de famille dans le grand monde ; il a dépeint, avec une psychologie profonde et dans des types fascinants, les élégances raffinées, la corruption galante, les afféteries musquées d'un monde que Balzac appelait brutalement sa « ménagerie aristocratique », et enfin le cœur de la femme.

Ses thèses sont d’une morale assez sûre, quoique un peu flottante et facile : cependant ses livres sont généralement dangereux, parce qu’ils font beaucoup rêver et respirent un parfum de péché.

M. de Camors (athéisme raffiné ; tissu d'infamies ; montre que l'avilissement moral rend la vie insupportable) ; Julia de Trécœur (malsain par son sujet et les situations) ; La veuve (inférieur comme style et action) se terminent tous trois par un suicide. Honneur d’artiste tend même à le légitimer. D’autres ne le flétrissent pas assez ou nous le présentent comme l’unique solution de situations inextricables. Les amours de Philippe, broderie ravissante sur un rien et l’Histoire d’une Parisienne, défilé de brillantes turpitudes, sont scabreux et dangereux.

L’histoire de Sybille est presque totalement inoffensive, bien que le directeur de l’héroïne soit un peu gauche. Nous en dirions volontiers autant de La Morte où il soutient la même thèse, à savoir que les époux, pour être heureux, doivent avoir les mêmes convictions religieuses.

Quant à ceux-ci : Le roman d'un jeune homme pauvre ; Charybde et Scylla ; La partie de Dames ; Le village ; L’ermitage, ils peuvent être lus par des jeunes gens formés.


Mme Octave Feuillet (1832-1906), est moins connue pour ses romans que pour ses deux volumes de mémoires. Les uns et les autres empruntent une grande partie de leur valeur à l’illustre écrivain qu’ils rappellent.


Léon Frapié, né en 1862, employé d’administration, marié à une directrice d’école maternelle, collaborateur du Journal et de La Petite République. Après avoir publié L’institutrice ; Marcelin Gayard (histoire d’un crétin, grossièretés), il s’est rendu tout à coup célèbre par La Maternelle (roman des tout-petits du ruisseau parisien, leurs vices et leurs ruses).

Il a publié depuis, Les obsédés (les écrivains en proie au désir de décrire les réalités de la vie) ; La Calamiteuse (les femmes déçues) ; La boîte aux gosses ; L’écolière ; La figurante (vie peu édifiante d’une servante parisienne) ; M’ame Préciat (nouvelles parfois grivoises contées par une concierge) ; Les contes de la Maternelle (histoire des petits abandonnés de la capitale, pour adultes) ; La liseuse (roman de mœurs conjugales, où l’influence des lectures est affirmée, sans être expliquée) ; La mère Croquemitaine (trente-deux contes assez risqués, vertu laïque) ; Contes de la guerre (même note morale) ; Nouveaux contes de la Maternelle ; etc…

Tous ces ouvrages révèlent un bateleur de l’industrie littéraire qui manie l’énorme, l’odieux et le banal pour épater le bourgeois.


Jacques Fréhel, de son vrai nom de famille Mme Jules Martin, morte en 1918. Bretonne de Saint-Malo, fille de marins, elle a lu Chateaubriand et Renan et placé en Bretagne la scène de ses principaux récits : Dorine (nouvelles amorales) ; Tablettes d’argile (recueil de nouvelles, couronné par l'Académie) ; Le cabaret des larmes (contes lyriques) ; Ailes brisées (un artiste breton, séjournant à Alger, s’éprend d’une jeune fille riche ; celle-ci se marie… et lui… revient les ailes brisées) ; Bretonne ; Déçue (dans la 3e partie, blasphèmes et diatribes contre les couvents) ; Vaine pâture (mal écrit, peu édifiant) ; Le précurseur (la rédemption morale par le retour à la terre ; sans amour, pas d’équilibre).


Eugène Fromentin (1820-1876). Peintre et littérateur très original, a surtout décrit des scènes algériennes magnifiques : Un été dans le Sahara ; Une année dans le Sahel ; et s’est rendu célèbre par son roman psychologique Dominique, passionné, mièvre, .troublant.


Émile Gaboriau (1835-1873), auteur de quelques romans judiciaires : L’affaire Lerouge ; Le crime d’Orcival ; Le dossier n° 113 ; Monsieur Lecocq ; La corde au cou.


Jacques des Gachons, né en 1868, dans la Sarthe. Fonda, avec son frère André, L’album des Légendes, et, avec son frère Pierre, l’Hémicycle ; fit du journalisme, des pièces et enfin des romans passionnés ou sentimentaux, parmi lesquels nous relevons : N’y touchez pas ; Mon amie ; Notre bonheur ; La maison des dames Renoir ; Rose ou la fiancée de province ; Le mauvais pas ; Le roman de la 20{e}} année (moral, à peu près pour tous) ; Le chemin de sable (leçon de courage, pour adultes) ; Frivole (bon esprit, pour tous) ; La mare aux gosses (recueil de contes émouvants, remarquables, çà et là réalistes) ; La vallée bleue (pour adultes ; histoire de deux frères, l’un architecte à Paris, précocement usé par l’existence fiévreuse qu’il y mène, l’autre cultivant sa terre au pays natal, et travaillant dans la joie près de sa femme et de ses sept enfants) ; Comme une terre sans eau (pathétique et moral) ; Dans l’ombre de mes jours, journal d’une femme (d’une vérité très prenante ; pour tous ou à peu près).


Gustave Geffroy, né à Paris en 1855, critique d’art et romancier de voyages, admirateur enthousiaste de Blanqui dont il a fait un « saint laïque » dans son histoire et dans l’Enfermé.

On lui doit, outre ces ouvrages, La vie artistique (notes très fouillées sur les salons) ; Notes d’un journaliste ; La Bretagne (paysages et souvenirs, mœurs et caractères, légendes et histoire) ; L’apprentie (tableau sincère et douloureux des maux qui guettent l’ouvrière honnête ; pages réalistes) ; Hermine Gilquin (la paysanne dont la poésie consiste dans l’infortune) ; Le cœur et l’esprit (nouvelles) ; L’idylle de Marie Biré (histoire d’une orpheline, pour adultes).

Ces livres sont décourageants : les descriptions douloureuses et déchirantes, la philosophie désenchantée qui traverse le récit, ces héros et héroïnes droits, naïfs et sympathiques, mais qui semblent voués à de perpétuelles déceptions, malgré l’énergie qu’ils déploient dans la poursuite du paradis (de la terre), tout cet ensemble produit dans l’âme une impression d’amertume et de désespérance.


André Gérard, nom de plume de Mlle V. Herment (Chauny, 1843), romancière dont les œuvres dénotent un vrai talent : Solange (roman historique sur la Révolution) ; Christiane (personnage répugnant) ; Renée (très émouvant) ; Envers et contre tout (délicat) ; etc…


Mme A. de Gériolles, de son vrai nom Mme Génu de Régiol, veuve d’un haut fonctionnaire des colonies, morte en 1916. Elle a publié des romans dans le Journal des Débats, Le Gaulois, L’Illustration : Ce qu’amour veut ; Fier amour ; Le Parisien aux Philippines (pour tous) ; Le parisien à Java (id.).


Henri Germain (1855-1918). Romans de mœurs (Geneviève ; Dernière illusion ; etc.) et romans-feuilletons à grand succès (La fille des francs-tireurs ; Le secret de la duchesse ; Saltimbanque ; etc.).


Pierre Giffard (Fontaine-le-Dun, 1853). Comédies, ouvrages scientifiques, romans : Les soirées de Moukden ; Les diables jeunes ; L’hôtellerie souterraine ; Le terrier de Napoléon ; etc…


André Gladès, pseudonyme de Mlle Nancy Vuille (1867-1906). Elle a quitté la Suisse pour se fixer à Paris ; elle s’est débarrassée de tout dogme et de toute foi même protestante, pour se fixer dans le roman. C’est assez clairement dire ce que valent ses œuvres : Au gré des choses ; Résistance (pour être heureux, il faut résister à sa famille) ; Le stérile sacrifice ; Florence Monneroy, récits de la vie du cœur.


Jules de Glouvet, pseudonyme du célèbre magistrat Quesnay de Beaurepaire, né en 1837.

Ses romans sont presque tous consacrés à l’inventaire des paysages du Maine. L’auteur les parcourt et les décrit en agronome ou plutôt en magistrat qui dresse l’état des lieux. Il déplore la désertion des campagnes et fait l’apothéose de l’âme et de la vie paysannes ; si parfois ses paysans commettent quelques crimes, il les punit en bon magistrat, selon le code d’une bonne morale ordinaire. Citons : Le berger ; Le forestier ; Le marinier ; Le père ; L’idéal (sentiments nobles dans un récit bien conduit) ; L’étude Chandoux (quelques détails risqués) ; Marie Fougère (beau roman rural, mœurs des sabotiers) ; France (tableau de notre pays au XVe siècle) ; La famille Bourgeois.

Pour tous : De Wissembourg à Ingolstadt (souvenirs d’un prisonnier en Bavière, en 1870-71, parus sous le nom de Q. de B.).


Charles Le Goffic, né à Lannion en 1862. Poète, romancier, critique, voyageur, toujours spirituel et railleur, parfois sceptique et légèrement irrespectueux des choses religieuses. À part cela, ses romans et poésies sont tous faits des traits charmants qui lui viennent des vieux laboureurs et des pêcheurs de la Bretagne : Le crucifié de Kérialiés (une scène très naturaliste) ; Passé l’amour (très sentimental) ; Morgane et L’erreur de Florence (à peu près pour tous) ; Les métiers pittoresques (id.) ; L’âme bretonne (études charmantes) ; La payse (très intéressant, pages libres) ; Passions celtes (contes, pages brutales) ; La double confession (adultère d’une honnête femme, raconté avec discrétion) ; Ventôse (roman de marins, amour et sang).

Après avoir décrit les mœurs bretonnes, il a suivi les fusiliers marins dans la vallée de l’Yser (Dixmude, un chef-d’œuvre ; Steenstraete) ; il a marqué pour l’histoire la défense héroïque qui illustra les Marais de Saint-Gond ; dans Bourguignottes et pompons rouges, et dans La guerre qui passe, il a raconté l’âme de nos héros en un style généreux, dramatique et tendre qui transfigure les faits.


Nicolas Gogol-Janovski (1809-1852). Auteur dramatique et romancier russe, a dépeint dans ses pages harmonieuses et pleines de vie, « la splendeur des nuits de l’Ukraine, la majesté des grands fleuves, le charme mélancolique des steppes » ; Tarass Boulba (détails un peu libres ; éloge des schismatiques et quelques injures aux catholiques).


Ivan Gontcharof (1812-1892), romancier russe, un des classiques de son pays. Il conquit la célébrité par la publication de Simple histoire, son premier roman et son chef-d’œuvre.


Maxime Gorki, c’est-à-dire Maxime l’amer, de son vrai nom Alexeï Peschkov, romancier russe, né en 1869, à Nijni-Novgorod. Il aurait été fusillé en 1919. Il résida en France et y trouva une pléïade de personnages pour admirer ses œuvres. Gorki se vengea, en préconisant, lors de la Révolution russe, les pires représailles contre nos compatriotes.

Au point de vue littéraire et social, il est spécialement le romancier des vagabonds : ses personnages sont dénués de tout sens moral et sa doctrine est révolutionnaire.


Léon Gozlan (1803-1866), fit du cabotage, du journalisme, du théâtre et des romans. Il reste de cet écrivain pétillant d’esprit, ingénieux et très coloré : La pluie et le beau temps, et Une tempête dans un verre d’eau (bluettes) ; Les émotions de Polydore Marasquin ; Aristide Froissart ; La main cachée ; La dernière sœur grise (risqué, irrespectueux pour la religion).


Constant Guéroult (1814-1882), a écrit des pièces de théâtre et de nombreux romans populaires parmi lesquels nous citons : La bande à Fifi Vollard, fantaisie désopilante qui peut être lue par tout le monde ; La bande Graaft.


Émile Guillaumin (Ygrande, Allier, 1869), cultivateur, écrivain rustique qui a décrit, dans ses poésies et ses tableaux, les mœurs des champs. La vie d’un simple, au témoignage d’une revue catholique, sur la haine du riche et du prêtre. Les tableaux champêtres, d’après nature, peuvent plaire aux jeunes gens moins friands d’idéal que de réalisme sobre et choisi. Près du sol ; Rose et sa parisienne (les nourrices de l’Assistance publique) sont d’un terre à terre qui désarme toute critique.


Gyp (Sybille-Gabrielle-Marie-Antoinette de Riquetti Mirabeau, comtesse de Martel de Janville, très connue dans les lettres sous le pseudonyme de). Née dans le Morbihan en 1850, arrière-petite-nièce du grand Mirabeau, elle est aujourd’hui devenue, par ses croquis mondains, publiés pour la plupart dans La Vie Parisienne, un des oracles favoris ou plutôt la coqueluche de la société frivole qu’elle « blague ».

Ses 50 ou 60 volumes décrivent le grand monde, la vie de château, de plage, de salon, de cercle, de boudoir, avec leurs élégances, leurs vices et leurs impudeurs, dans un style badin, gouailleur, mordant, « argot ». même, où percent souvent le mépris et le bon sens. Ses « tranches de vie », ses cruelles gamineries, ses mots, la furie française de ses attaques, sa collection de « frimousses » d’enfants, ses types d’élégants prétentieux et satisfaits, de prestes femmes, de douairières faciles. Bob, Loulou, Ève, Paulette, Miquette, Chéri, Chiffon, etc., ont diverti et « gypanisé » toute une société.

Au point de vue moral, elle est loin d’être irréprochable. Elle exploite non seulement la vanité et la sottise, mais aussi la perversité humaine ; elle multiplie les propos irrévérencieux et les polissonneries, et si, dans certains ouvrages, elle donne aux snobs, aux ennuyeux, aux badauds, aux parents, de cruelles leçons, elle se comporte trop souvent avec la désinvolture d’une gourgandine littéraire.

En pratique, peut-on permettre la lecture de Gyp aux gens du monde ? Sans doute, elle ne recule pas devant le mot court-vêtu, risqué, salé même ; mais au moins elle n’est jamais grossière et sait dire des vérités. Elle les dit drôlement. Or la vérité qui rit et fait rire n’a pas de résultats malsains ; elle est, pour beaucoup, plus salutaire que la vérité qui endort, et pour tous, elle est préférable à la vérité qui dégoûte. C’est pourquoi nous n’hésitons pas à signaler quelques-uns de ses ouvrages : Autour du mariage (livre cynique qu’on a qualifié de chef-d’œuvre, et qui eut un grand succès) ; Processionnal Lover (il suffit de traduire) ; Trop de chic (les costumes des élégants et des élégantes) ; Monsieur Fred (dédié à M. Mézières) ; Leurs âmes (procès des gommeux que « le chic abrutit » ; leçons morales) ; Mademoiselle Ève (un amant en fuite compromet une jeune fille) ; Pas jalouse (une femme qui tombe) ; Le mariage de Chiffon (elle déteste le convenu et ne veut se marier que par amour) ; Elles et Lui (Elles flirtent et Lui passe sur tout ou sur rien) ; Tante joujou (la maîtresse d’un divorcé) ; Une passionnette (roman) ; Le journal d’un philosophe, livre odieux qui souleva cependant un scandale salutaire ; Miquette (éducation d’une petite révoltée ; leçons morales) ; Israël (roman antisémite) ; Le journal d’un grinchu (un homme veule et une femme qui se vend) ; C’est nous qui sont l’histoire ; Les poires ; Les froussards ; Maman ; Le friquet ; La bassinoire ; Plume et poil (l’homme titré et millionnaire, ennuyé et viveur) ; Le 13e (tribulations d’un 13e invité, et une… honnête femme) ; Le bonheur de Ginette (histoire d’une jeune mondaine que les jeunes chrétiennes ne doivent pas lire) ; Bijou (la coquette égoïste qui est aimée de tous et se joue de tous) ; Un mariage chic (note antisémite) ; Un ménage dernier cri ; Ces bons docteurs (différents types de médecins à la mode et de leur clientes) ; Cloclo (triste, comme une clinique) ; La fée Surprise (17 badinages) ; Lune de miel ; M. de Folleuil ; Sportmanomanie (toujours aimable et audacieux) ; Les Chapons (les cléricaux qui ne font rien et seront mangés) ; Le petit Bob (morale facile) ; Ce que femme veut (morale supportable) ; Le journal d’un casserolé ; L’âge du toc (peu intéressant) ; Entre la poire et le fromage (histoire pitoyable d’un officier) ; L’amoureux de Line (satire intéressante des mœurs mondaines) ; La bonne galette (malsain) ; Le cœur de Pierrette (trahison d’amour) ; Totote (extravagant et peu moral) ; La fée (sujet hardi et scabreux) ; Fraîcheur (histoire d’un monstre en jupons) ; La bonne fortune de Toto (les femmes qui s’adonnent aux œuvres et à la politique) ; Le Grand coup (satire politique, parfois scabreux) ; La meilleure amie (histoire fort crue d’une jeune fille qui sème le désordre dans une famille où elle est accueillie) ; L’amoureux de Line ; Ceux de la nuque ; Les flanchards ; Les profitards ; Le journal d’un cochon de pessimiste ; Napoléonnette ; La dame de Saint-Leu (deux évocations historiques intéressantes, pas pour tous).


Ludovic Halévy (1834-1908), auteur dramatique et romancier. Écrivain avisé, parisien, ironiste, il ne connut dans le livre et au théâtre que des succès exceptionnellement brillants.

Outre des vaudevilles, des comédies de genre et des opéras-bouffes dont des représentations innombrables n’ont pas encore épuisé la vogue, on lui doit une création incomparable, celle de la famille Cardinal (Monsieur et Madame Cardinal ; les petites Cardinal), où se prélasse un type voltairien, idiot et ridicule, vivant solennellement des galanteries de ses deux filles.

On pourra lire aussi : Princesse (et trois autres récits, satire très fine de la vanité et de l’éducation donnée dans certaines familles riches) ; Criquette (chef-d’œuvre de sensibilité et de charme) ; et enfin L’abbé Constantin.

Ce dernier ouvrage a été diversement jugé : il est bien écrit, intéressant, et peut être lu par les jeunes gens, malgré la largeur excessive avec laquelle il interprète certains faits (par exemple le duel), et l’idée fausse qu’il se fait du prêtre. Nous leur laisserions aussi La frontière ; L’invasion.


Edmond Haraucourt, né en 1857, poète, romancier et auteur dramatique, directeur du Musée de Cluny.

Il débuta par deux volumes de vers dont les titres sont plus pornographiques que les poésies elles-mêmes. En 1890, il publia la Passion, mystère en deux chants et six parties ; cette œuvre, à certains endroits pitoyable, tend à rabaisser la divinité de Jésus-Christ et n’est en somme qu’un beau drame tout humain.

Parmi ses romans, nous citons Amis (psychologie de l’amitié, histoire d’adultère) ; Les naufragés ; Les Benoît (histoire honnête d’un jeune homme qui, pour mettre fin aux calomnies, épouse Benoîte qui l’a recueilli tout enfant, alors qu’elle n’avait que 18 ans) ; Dieudonat (fantaisie irréligieuse) ; Les âges, Daah, le premier homme (fantaisie matérialiste).


Martial Hémon. Romans et nouvelles de tous genres : Le marquis d’Héliante (mœurs électorales) ; Mauvais mariage ; Vivante énigme (passionné) ; L’inutile vertu (pessimiste et anticatholique) ; La vraie bonté (scabreux, déplaisant et faux), etc…


Henri d’Hennezel (Lyon, 1874). Ses œuvres écrites dans un style recherché, valent surtout par les observations psychologiques : La seconde faute (le péché avant et pendant le mariage ; le rôle du prêtre ridicule, dévotes grimacières, chrétiens viveurs) : L’entrave (au bonheur ; de ceux qui croient, c'est le divorce et le remariage) ; Le lendemain du péché (beau roman du remords) ; Les cendres du foyer (moral, mais pour ceux qui peuvent voir la vie brutale). Elles peuvent être lues avec profit par les immunisés qui sont capables de suppléer à ce qu’elles offrent d’obscur et d’inachevé.


Paul Hervieu, romancier et auteur dramatique (1847-1915). Membre de l’Académie française.

« Il est, dit Jules Lemaître, le peintre le plus véridique de ce qu’on appelle le monde… Mais le monde étant au fond un libre harem, épars, dissimulé, inavoué, le vernis de la vie dite élégante doit forcément recouvrir de sourdes brutalités. » Il excelle à peindre ces élégances et en même temps les vices qui se cachent sous ce joli décor ; il a rendu à merveille le contraste qui existe entre la surface polie et le fond trouble, dans cette société qui vit exclusivement pour les courses, le bois et les premières. Il ne s'émotionne pas cependant : il peint surtout ses sujets par eux-mêmes, sans déclamation et sans insistance…

Nous citons parmi ses œuvres : Diogène le Chien (roman de début qui montre un homme réfractaire a toutes les conventions) ; L’Alpe homicide (quelques crimes commis par la montagne) ; Les yeux verts et les yeux bleus ; L'inconnu ; L'exorcisée (trois livres consacrés à l’étude des hallucinés et des fous) ; et enfin les romans mondains, types de littérature cruelle : Flirt (histoire d’un adultère… décent) ; Peints par eux-mêmes (escroquerie, avortement, chantage, suicide, amours effrénées ; mais la face est sauvée, car la douairière n’a rien vu ni rien compris ; L’armature (puissance de l’argent, qui en honnête homme érige un scélérat).


Ernest d’Hervilly (1839-1911). Dessinateur au chemin de fer du Nord, il changea d’écritoire pour varier ses plaisirs et composa des poésies, des comédies et une quantité de récits : Contes pour les grandes personnes, etc…


Ernest Hoffmann (1726-1822), magistrat allemand, chef d’orchestre et surtout écrivain.

C’est, dit-on, sous l’influence fantastique de l’alcool et des passions désordonnées que son imagination enfanta ces contes étranges et délirants auxquels il doit sa célébrité. Quoi qu’il en soit, ils sont uniques en littérature.

« La poésie d’Hoffmann, disait Henri Heine, est une maladie. Ces maladies-là sont contagieuses. » C’est pourquoi la lecture d’Hoffmann ne saurait être recommandée ; elle provoqua chez Wagner adolescent des accès d’hallucination et de mysticisme morbide, et elle peut encore exercer sur les jeunes gens une action très dissolvante. Les amateurs de tératologie seront suffisamment édifiés en lisant Contes fantastiques ; Contes, récits et nouvelles (chez Garnier).


Gustave Hue (Paris, 1873) a étudié d’abord dans quelques romans, la mission de la femme : Avocate (contre le féminisme, un peu de réalisme) ; L’utile amie (qui se fait l’entraîneuse d’un homme de lettres ; vilain monsieur, vilaine amie, vilain livre). Depuis, il a publié Le Petit faune (histoire horrible d’une horrible créature) ; Quand l’été s’annonce (gai et charmant, pour grands jeunes gens).


Joris-Karl Huysmans (1848-1907), né d’une famille d'artistes hollandais, l’un des hommes les plus étranges et les plus discutés de notre époque.

D'abord écrivain réaliste et cynique dans Marthe ; Les sœurs Vatard ; Croquis Parisien ; En ménage ; À vau-l’eau et En rade, il chercha, dès 1884, comme il dit lui-même, à « s’évader d’un cul de sac où il suffoquait ». Il voulut se libérer par À rebours, livre « inconscient et sans rien du tout », puis par Là-bas, livre de magie et d’occultisme qui a plus d’un « côté scélérat et sensuel réprouvable ».

Mais ce n’est qu’en 1892 qu’il se convertit, à la trappe de Notre-Dame d’Igny. En route marque les étapes de cette conversion, mais avec des rechutes trop crûment racontées. La Cathédrale expose magnifiquement, mais pas toujours avec goût, la symbolique et la liturgie catholiques (réflexions injustes sur Henri Lasserre, éloge de Zola, etc.). Malheureusement dans ce livre et les autres qui suivirent. Sainte Lidwine de Schiedam et l’Oblat (vie, sensations et émotions de l’auteur durant son séjour au Val-des-Saints), l’auteur n’a pas su complètement « se détacher de sa coque d’impureté », de telle sorte que même ses œuvres de sincère converti ne peuvent être données à lire qu’avec réserve. On jugera suffisamment de sa manière et de son style ahurissant, laborieusement furibond, encombré de barbarismes, de néologismes, et de mots en cliquetis et en clinquant, si on lit le recueil inoffensif qui a été fait de ses œuvres, Pages catholiques, Prières et pensées d'Huysmans, recueillies par H. d’Hennezel, et Les foules de Lourdes. Ce dernier livre a été diversement apprécié, parce qu’il est tout ensemble une forte apologie et un pamphlet ; il scandaliserait quelques béguines, mais il fait du bien aux incroyants.


Jules Janin (1804-1874), fut, pendant 40 ans, un « prince de la critique » et l’un des oracles les plus écoutés du journalisme parisien. Il a, paraît-il, écrit 2184 feuilletons au Journal des Débats et sa gloire est finie !

Ces feuilletons, tantôt bagatelles délicates et tantôt pages sérieuses, sont semés de digressions, de réminiscences historiques, d’inexactitudes ; ils renferment cependant des morceaux remarquables.

Citons encore de lui : L’âne mort ou la femme guillotinée (parodie du romantisme) ; Le Chemin de traverse ; Contes fantastiques ; Contes nouveaux ; Contes et nouvelles (très divers au point de vue moral) ; L’interné (honnête, intéressant) ; Petits romans d’hier et d’aujourd’hui (légèrement sceptiques).


Charles Joliet (1832-1910), alternant la littérature et le journalisme avec les pièces et les romans, a réuni, dans ces genres divers, un grand nombre de volumes ; Diane, récit honnête et charmant ; etc…


Alphonse Karr (1808-1890), fut rédacteur en chef du Figaro, s’occupa d’horticulture à Nice, à Créteil, et joua un rôle littéraire immense. Pendant 40 ans, la France lut ses romans, répéta ses bons mots (Que MM. les assassins commencent, etc.) et s’amusa de ses originalités… On ne connaît plus, de cet humoriste mordant, que son journal les Guêpes ; Sous les tilleuls, livre de passion ardente et névrosée qui « a troublé des milliers et des milliers d’âmes, mais qui n’est plus aujourd’hui pour nous qu’une ridicule niaiserie » (Anatole France) ; Fa dièse (irréprochable) ; Menus propos (id) ; Les dents du dragon (escapades de lycéen, voltairianismes). S’il passe à la postérité, ce sera comme jardinier.


Rudyard Kipling, né à Bombay en 1865. Il a visité les Indes, la Chine, le Japon, la Birmanie, l’Amérique, l’Afrique australe, etc., il a beaucoup écrit.

Ses ouvrages sont surtout consacrés aux animaux sauvages, chameaux, mulets, éléphants, phoques, panthères, serpents, mangoustes, etc., dont il décrit les « états d’âme ». Ses deux Livres de la Jungle sont, à cet égard, délicieux, malgré quelques singularités choquantes. Dans d’autres, il célèbre la brutalité de l’impérialisme anglais ; même Stalky et Cie, histoire des trois collégiens, qui peut être lue par tout le monde, ainsi que Capitaines courageux et Les simples contes de la colline, paraît être une morale en action jingoïste. Pendant la guerre, le poète énergique de la grande Angleterre s’est occupé d’enrôler des soldats.

Bien qu’aux yeux de plusieurs, Kipling passe pour un des écrivains les plus remarquables de notre temps, nous croyons que ses fantaisies et ses prétentions sont très peu en rapport avec le goût français. Rappelons aussi que ce « Tyrtée saxon », ce « Lafontaine anglais » a plusieurs fois insulté la France à l’occasion de l’affaire Dreyfus, qu’il a commis des pages très sensuelles, et manifesté publiquement son mépris pour le « papisme ».


Hubert Krains, écrivain belge, né à Waleffe en 1862. Ses œuvres respirent la mélancolie et le pessimisme : Amours rustiques (3 nouvelles un peu lestes) ; Le pain noir ; Les bons parents ; Histoires lunatiques ; Figures du pays.


Baronne de Krudener (1764-1824), célèbre mystique russe, aventurière sentimentale, toute nourrie des écrits de Mme Guyon, amante de Suard, exaltée qui se repose de ses désordres par des retraites chez sa sœur religieuse, et s’écrie, en extase dans la chapelle du couvent : « Mon Dieu, vous m’avez donné ma sœur et mon amant, je vous aime ! »

Son roman Valérie a été réédité ces temps derniers ; il est inoffensif pour une tête saine, mais sur mainte imagination féminine, l’effet produit doit être terrible.


Fernand Lafargue (1857-1904). Son roman le plus célèbre Les ouailles de l’abbé Fargeas, couronné par l’Académie, représente le monde ecclésiastique sous un jour trop bourgeois. Les autres sont tantôt passionnés, tantôt scabreux, à l’exception de La fille des vagues, qui peut être lu par tous.


Lafcadio Hearn (1850-1904), romancier anglais, né dans l’île grecque de Leucade et qui trouva au Japon sa véritable patrie.

Ses ouvrages furent introduits en, France par Marc Logé et traduits durant ces dernières années. Ils sont puisés dans les légendes du Japon et décrivent le mystérieux tragique en des pages étranges, parfois scabreuses et teintées de bouddhisme.


Jules de La Madelène (1820-1859), a publié des romans et des nouvelles, parmi lesquels nous citons : Le marquis de Saffras, où il décrit excellemment les mœurs méridionales, et qui peut être lu par les jeunes gens sérieux.


Joseph-Henri Collet, baron de La Madelène, frère du précédent (1825-1887) a publié au Figaro des types parisiens et, outre des articles de critique littéraire et artistique, quelques romans mondains : Silex (ridiculise les dévotes et la vraie piété).


Le comte Léonce de Larmandie, né en 1851, romancier, philosophe, poète, dramaturge, auteur puissant et fécond, 44 volumes.

Ses romans d’histoire contemporaine sont de violents pamphlets. Les autres sont généralement voluptueux : les intentions de l’auteur peuvent être très bonnes, mais, en littérature, les plus fortes démonstrations et les ses thèses les plus morales produisent moins d’effet que les tableaux de passion qu’on met sous les yeux des lecteurs. Citons : M. le vidame (mœurs rurales, tableaux de débauches) ; Pur sang (un viveur qui épouse une passionnée) ; Excelsior ! (chaste et artistique) ; Patricienne (honnête) ; Mes yeux d’enfant (savoureux pour les lettrés) ; L’âge de fer (années de collège) ; Montorgueil (art, lyrisme et crudités) ; Nuit tombante (bizarre) ; Nuit close, Le sentier des larmes, Chemin de la Croix, Au-delà…, etc., etc., je ne comprends plus…


Maurice Leblanc (Rouen, 1864), est inséparable d’Arsène Lupin, gentleman-cambrioleur. Les aventures fantastiques de ce héros rappellent Edgar Poë, Ponson du Terrail, Conan Doyle, et les Mémoires de M. Goron ; elles ont fait le tour du monde et créé un genre dont toutes les productions tendent à développer, au moins chez les jeunes gens, l’habileté interlope des chevaliers d’industrie.

La Frontière doit être rangée à part : c’est un roman patriotique auquel se mêle un drame passionnel ; il n’est pas pour tous.


Selma Lagerlof, romancière suédoise, née en 1858, lauréate du prix Nobel. La légende de Costa Berling ; Le livre des légendes (recueil de nouvelles) ; Les liens invisibles, sont des récits pleins de verve et finement détaillés ; mais ils ne conviennent pas à la jeunesse.


Georges Lechartier (Paris, 1868), bon écrivain : L’irréductible force (la foi qui triomphe de la tentation ; peintures passionnées) ; Où va la vie ; Le vaisseau de plomb ; La confession d’une femme du monde (leçons morales, pages très hardies).


Georges Lecomte, né en 1863. Auteur de quelques romans passionnés où sont étudiés des cas de conscience fort scabreux (Suzeraine ; Maison en fleurs). Il est surtout connu par trois satires sociales contre les députés (Les valets), les fonctionnaires (Les cartons verts), les artistes amateurs (Le veau d’or) ; et par Les hannetons de Paris (étude de mœurs amusante, cruelle et parfois peu convenable). L’espoir (chronique des espérances renaissantes après la guerre de 1870) intéressera les grandes personnes.


Georges Le Faure (Paris, 1858). Plus de cent romans où la fiction sert de trame à des développements scientifiques. Lire Le volontaire de 1815.


Jules Lemaître (1853-1914), critique, poète, auteur dramatique, membre de l’Académie française.

Comme critique, il a surtout donné à la Revue des Deux-Mondes et au Journal des Débats des articles qui ont été réunis en volumes sous les titres suivants : Impressions de théâtre ; Les Contemporains, et sont encore beaucoup lus. Les études qu’il publia au Figaro roulent tantôt sur des sujets graves, tantôt sur le chapeau haut de forme, la danse du ventre, l’affiche, etc…

Ses œuvres théâtrales : Le député Leveau ; Mariage blanc ; Flipote ; Les rois ; L’âge difficile ; Le pardon ; La bonne Hélène ; L’aînée (en faveur du célibat ecclésiastique), et plus récemment La Massière, ont été représentées avec un grand succès.

Parmi ses autres ouvrages, nous citons Les Rois, roman très violemment attaqué (d’une lecture fort troublante ; propos malhonnêtes d’Otto, etc.) ; Serenus, le chef-d’œuvre du roman renaniste, histoire d’un baptisé qui reste incrédule, se suicide au cours de la persécution et reçoit cependant les honneurs décernés au martyre (réflexions contre l’Eucharistie, etc.) ; Dix contes (ensemble moral, mais douloureux pour l’âme croyante) ; les quelques volumes En marge des vieux livres dont le dernier, La vieillesse d’Hélène appelle bien des réserves au point de vue moral et religieux.

En 1897, ce sceptique, ce dilettante de l’art et de la vie, dépouillant son renanisme, se convertit au moins à la foi laïque et à l’action nationale, et entra dans la vie politique… Les opinions à répandre, publiées dans le Figaro en 1897, sa collaboration à l’Écho de Paris et aux Annales de la Patrie Française, son opuscule sur La Franc-Maçonnerie, sont inspirés par un véritable amour de la France.


Mme Claude Lemaître a décrit les matelots et les « matelotes » des bords de la Manche, dans Tante Zabette et L’aubaine ; et les mœurs peu prudes de l’Angleterre dans Le Cant. Dans Les Chimères, elle montre que la noblesse d’âme est invincible.

Le bon samaritain est d’une délicatesse de ton qui plait à l’esprit féminin ; il est cependant fort neutre : Jeux de dames et Lina sont beaucoup moins recommandables.


Pierre Le Rohu, avocat, écrivain penseur qui envisage dans le roman des problèmes à résoudre et non des fantaisies littéraires : L’intègre, contagion malfaisante qui se dégage des mœurs politiques actuelles ; La faillite de Jacques Leblay, c’est-à-dire la faillite de la morale indépendante ; Le procès de Lucette (mœurs judiciaires ; immoralité du divorce) ; Contre le flot (intéressant, à lire).


Hugues Le Roux, né au Havre, en 1860, sénateur. Toutes ses premières œuvres ne sont pas d’égale valeur et ne sont pas à mettre en toutes les mains : Portraits de cire (nos célébrités dans l’intimité, causeries agréables) ; Tout pour l’honneur (roman d’espion, histoire d’amour, peu intéressant) ; Nos fils (utile à lire) ; Nos filles ; Le frère lai (récits intéressants) ; Gladys (histoire malsaine) ; Les amants byzantins (idylle, détails audacieux) ; Au Sahara (intéressant) ; etc.

L’épopée d’Afrique, où l’explorateur sait bien dire ce qu’il a si bien vu, comprend déjà sept volumes : Chasses et gens d’Abyssinie ; Ménélick et nous ; Je deviens colon (psychologique) ; Gens de poudre (roman d’histoire et d’aventures, mœurs militaires et arabes en 1854, pages libres) ; Le maître de l’heure (les confréries musulmanes, la révolte Kabyle en 1871, belle œuvre et livre instructif) ; Prisonniers marocains (roman passionnant, sujet périlleux adroitement traité) ; L’heureux et l’heureuse, ou l’amour arabe.

L’épopée de France lui a inspiré un bel ouvrage : frappé dans sa plus chère affection par la mort de son fils, il a consacré à ce héros dans Au champ d’honneur des pages extrêmement émouvantes et bienfaisantes.


Gaston Leroux (Paris, 1868), un des principaux ouvriers du roman policier. Ce genre passionne actuellement tout un public. Cependant, Le mystère de la chambre jaune ; Le parfum de la dame en noir ; Le fantôme de l’opéra, Balaôo, Le fauteuil hanté, Rouletabille, Le château noir, ne sauraient être laissés sans danger aux mains de la jeunesse.


Eugène Le Roy (1836-1907), conteur périgourdin. Ses quelques ouvrages (Le moulin de Frou ; Nicette et Million ; Au pays des pierres) abondent en descriptions rustiques et renferment sur la poésie dés campagnes du Périgord des pages puissantes et exquises ; mais ils sont déparés par la mignardise et surtout par les badinages des « drôles et des drôlettes ». Jacquou le croquant est un pamphlet haineux dirigé contre la vieille noblesse.


Mme Lescot, née Marie Meusy (1837-1902). Elle a produit quelques livres dont le moins qu’on puisse dire est qu’ils n’ont pas grande portée morale : Sublime mensonge (la jeune fille qui ment pour sauver l’honneur conjugal de son père) ; Le roman d’un petit vieux ; Les mariages d’aujourd’hui.


Daniel Lesueur, de son vrai nom Mme Henri Lapauze, alias Jeanne Loiseau, née en 1860, critique littéraire, poète, romancière ardente féministe.

Elle commença par écrire des vers que les lettrés et l’Académie distinguèrent ; elle entreprit ensuite des romans de mœurs, remarquables par l’alliance heureuse de l’analyse des sentiments avec l’imagination et la bonne tenue du style : Marcelle (histoire d’une dépravée libre-penseuse) ; Haine d’amour ; Invincible charme (d’une fille d’officier français pour le fils d’un officier prussien) ; Le mariage de Gabrielle ; La force du passé ; Nietzschéenne (roman de l’énergie, troublant pour la jeunesse) ; Le droit à la force (peu intéressant) ; Au tournant des jours (une femme de lettres que la célébrité ne guérit pas de son ingénuité de cœur ; pour grandes personnes) ; Une âme de vingt ans (histoire pour tous, suivi de deux nouvelles troublantes).

Entre temps, elle a essayé de ressusciter le roman de grande aventure, ou plus exactement le feuilleton mondain. Elle semble devoir y réussir : en intéressant ainsi les esprits délicats et les amateurs de grosses émotions, elle est déjà devenue l’une des premières romancières de notre temps. Mortel secret ; Le lys royal ; Le masque d’amour en deux parties, Le marquis de Valcor et Mme de Ferneuse, ont fait sensation dans le monde littéraire, et des lecteurs sérieux, comme Coppée, ont pris, à les lire, un plaisir extrême. Le gros public a suivi le mouvement : Calvaire de femme (deux parties : Le fils de l’amant ; Madame l’ambassadrice) a obtenu autant de vogue dans les journaux étrangers que dans Le Petit Parisien.


Louis Létang, né en 1855, journaliste et l’un des bons ouvriers du feuilleton contemporain. La fée aux dentelles ; Le testament du corsaire (suite du précédent) Grippe-Soleil ; Fille de reine ; Jean Misère ; L’or dispose, intéresseront le public qui aime le sensationnel et l’exubérant.


André Lichtenberger, né en 1870, romancier et sociologue.

Il a égayé ses graves études sur le socialisme par des « enfantines » honnêtes, qui intéresseront certains pères et mères : Mon petit Trott ; La sœur du petit Trott ; Portraits de jeunes filles ; Line ; Notre Minnie (petite fille très moderne) ; Contes de Minnie.

Pères est très choquant ; Portraits d'aïeules paraît plutôt lourd et vulgaire.

La mort de Corinthe, roman antique ; Les Centaures, évocation fantaisie de ce peuple légendaire, sont écrits dans un style laborieux et très coloré, mais sont beaucoup moins lus que les précédents.

Notons pour mémoire : M. de Migurac (sceptique, inconvenant, dangereux) ; Contes historiques' (dont plusieurs lestes, ensemble légèrement jacobin) ; Rédemption (une jeune fille qui se suicide pour… réconcilier son père et sa mère) ; 'Gorri le forban (détails inconvenants) ; L’automne (quand on vieillit, il faut se résigner à quitter les plaisirs) ; La folle aventure (une fiancée qui se déguise et se bat en duel avec son amant) ; La petite (épanouissement d'une adolescente, scabreux) ; Le petit roi (assez malsain) ; Tous héros (les exploits des émigrés et des révolutionnaires) ; Petite Madame (étude de vie bourgeoise, apprentissage de la vie conjugale) ; Juste Lobel alsacien ; Kaligouça, le cœur fidèle (naturalisme cynique, déclarations d’athéisme, haine des dogmes catholiques et des prêtres) ; Le cœur est le même, roman pour jeunes filles (que toutes ne liront pas) ; Le sang nouveau (la nouvelle génération, éprise de sport ; manque de fond et de foi).


Ch. Lomon (Blagnac, 1852) et P. B. Gheusi' (Toulouse, 1865), ont signé ensemble quelques œuvres : Les Atlantes (roman d’aventures sanglantes et d’amour passionné, dont l’action se passe chez ce peuple héroïque) ; Trilby (féerie en un acte en vers).

Nous relevons dans le bagage personnel du premier de ces auteurs : Regina (mœurs des gens de théâtre assez proprement décrites) ; L’Amirale (très peu moral) ; L’affaire du Malpel (roman judiciaire) ; Amour sans nom (sujet risqué, joliment traité, amoral).

Et dans celui du second, directeur de la Nouvelle Revue : Gaucher Myriam (œuvre anti-religieuse) ; Le puits des âmes (la Turquie).


Maurice Maindron (1857-1911), gendre du poète de Hérédia, voyageur, archéologue, naturaliste et romancier. On lui doit des romans historiques richement documentés où palpitent les vices du XVIe siècle (Saint-Cendre ; M. Clérambon ; Ce bon Monsieur de Veragues, Hommes et choses du vieux temps, L’incomparable Florimond) ; des récits de voyage ; Les chasseurs d’oiseaux de paradis (pour tous) ; Dans l’Inde du Sud ; et enfin L’arbre de science (éreintement du Muséeum et des savants) ; La gardienne de l’idole noire (audacieux et dangereux).


Mlle Georges Maldague, née en 1867, femme-auteur qui a décrit, dans une multitude de feuilletons, la vie des humbles et des malheureux. Elle débuta dans les lettres à 18 ans, sous le patronage de Léon Cladel, et depuis n’a cessé de produire, spécialement pour les lecteurs du Petit Parisien, des romans populaires dont la portée morale est encore inférieure au mérite littéraire.


Jules Mary, romancier et auteur dramatique, né en 1851, a fait des romans d’aventures et d’intrigues, dont plusieurs renferment des pages réalistes ou malsaines : Un coup de revolver (un adultère pour commencer et la folie pour finir) ; Le roman d’une figurante (semble excuser l’amour libre), etc…

Ses pièces de théâtre ont eu également du succès auprès du public populaire : Roger la Honte et La Pocharde.


Paul Masson Forestier (1852-1912), avocat et conteur, qui a la spécialité des récits judiciaires. Il a raconté les « affaires », dans des pages empoignantes et semble avoir fait de tous ses anciens dossiers des sujets de nouvelles : Angoisses de juges (recueil de récits honnêtes) ; Difficile devoir (id), etc…

On l’a appelé un « Maupassant sans femmes » ; il est surtout un écrivain sans grande moralité.


Camille Mauclair, de son vrai nom M. Faust (Paris, 1872), critique, romancier, dramatiste, poète. Deux critiques ont prétendu qu’il était juif ; il serait très fier de l’être, a-t-il répliqué, mais il ne l’est pas.

Toutes ses œuvres et même ses romans débordent de vie, de fougue et d’idées. Citons : Le soleil des morts ; L’ennemie des rêves ; La ville lumière (Paris) ; L’Orient Vierge (dangereux) ; Les Clefs d’or ; Les mères sociales (réquisitoire contre les mères qui sacrifient leurs enfants à leur égoïsme) ; L’amour tragique (scène d’orgie) ; Les passionnés (hymne à la passion sans frein) ; Essais sur l’amour ; etc…


Mme Dora Melegari (Lausanne, 1849), fille du célèbre révolutionnaire, ami de Mazzini, romancière et moraliste d’un rare talent, que M. Faguet ne craint pas de comparer à Labruyère. Ses études et ses romans sont des livres d’une profonde pénétration psychologique. Citons : Âmes dormantes ; Faiseurs de peines et faiseuses de joie ; Christine Auberjol ; Ondoyante et diverse ; et sous la signature de Forsan : Dans la vieille rue ; La duchesse Ghislaine ; L’expiation, etc…


Mme Stanislas Meunier (Metz, 1852), femme du professeur de géologie, a fait paraître dans Le Temps, Les Débats, Le Gaulois, etc., des romans mondains : La voisine ; Le trésor ; Confessions d’honnêtes femmes (2 séries, 4 volumes) ; L’innocence reconnue ; Fra Gennaro (tableau de la vie génevoise sous Calvin) ; Plaisir d’amour (histoire d’un vieux marcheur) ; Pour le bonheur (inexactitudes historiques, etc.) ; Le roman du Mont Saint-Michel (quelques fausses notes) ; La Châtelaine d’Eza ; La princesse ennuyée (fantaisie brillante pour adultes) ; etc…


Charles Mérouvel (Charles Chartier, dit), né à Laigle en 1843. Romans-feuilletons où abondent des situations passionnantes et étranges. Les uns sont honnêtes mais « laïques » ; Riches et pauvres ; etc. La plupart sont libertins : Angèle Méraud ; Le péché de la générale ; Les deux maîtresses ; Le mari de la Florentine ; etc…


Joseph Méry (1798-1865), conteur fantaisiste et auteur dramatique, peintre fantaisiste des mœurs et des paysages de l’Inde. Parmi ses nombreux romans pleins de verve, lire : La guerre de Nizam ; Héva ; La Floride ; La chasse au Chastre (célèbre galéjade, recueil de nouvelles).


Pierre Mille, littérateur, explorateur, né en 1864. Histoires scabreuses : Bornavaux et quelques femmes ; Quand Panurge ressuscita ; La biche écrasée ; Louise et Barnavaux ; Caillou et Titi ; Paraboles et diversions ; Nasr’eddine et son épouse (contes orientaux, fort risqués) ; Les enfants du ghetto (traduit de l’anglais ; mœurs et vie intime des juifs de Londres).


Francis de Miomandre, romancier fantaisiste, poète et rêveur, lauréat du prix Goncourt. Né en 1880.

L’histoire de Pierre Pons, pantin de feutre, est le seul de ses ouvrages qui soit d’une irréprochable correction. Les autres : Écrit sur de l’eau ; Du vent et de la poussière ; D’amour et d’eau fraîche ; L’ingénu ; Au bon soleil, sont mièvres, langoureux, dissolvants ; ils excellent, dit Ernest-Charles, à faire sentir ce vague à l’âme qu’éprouvent beaucoup de femmes et qui est si fertile en drames. L’aventure de Thérèse Beauchamps est à cet égard caractéristique et très pernicieux : c’est l’histoire d’une Madame Bovary des Batignolles.


Émile de Molènes (Paul Gaschon, dit), soldat, écrivain (1811-1862). Dans la première partie de sa carrière littéraire, il laissa errer sa muse dans les courants de la sensualité ; il devint chrétien, et « ordonné soldat » comme on est ordonné prêtre, il se battit en Afrique auprès de La Moricière, à Paris, en Crimée, en Italie, et chanta, dans ses œuvres vibrantes, la guerre, l’amour, la tente et la caserne. Mélanges ; Voyages et pensées militaires (un peu de pessimisme) ; Histoires et récits militaires ; Les commentaires d’un soldat (magnifiques pages inspirées par la passion des armes) ; certaines pages de Caprices d’un régulier (ensemble peu édifiant, libertinage) seront lus avec plaisir par des personnes réfléchies.


Mme Émile de Molènes, née Alix de Bray (1838), a publié sous les pseudonymes d’Ange Bénigne, et de Satin, des croquis mondains qui ont paru d’abord dans La Vie Parisienne : L’orpheline (assez honnête) ; M. Adam et Mme Ève (la lune de miel et les premières années du mariage) ; M. Daphnis et Mlle Chloé (frivole et sceptique).


Henri Monnier (1799-1877), a analysé dans quelques ouvrages et avec une grande minutie de détails, les sentiments, les mots, les ridicules de certains personnages dont il a fait des types : Jean Hiroux ; Madame Pochet ; Joseph Prudhomme.


Charles Monselet (1825-1888), poète, journaliste, romancier, chroniqueur, gastronome, qui procède de Rabelais, de Molière et de Balzac. Instantanés littéraires, nouvelles folâtres et romans d’amour. En tout, 30 ou 40 volumes pleins de couleur, de gaieté et de naturel : Les ruines de Paris (roman d’aventures, honnête) ; Les souliers de Sterne (fantaisies irréprochables) ; etc…


Xavier de Montépin (1824-1902). Ancien élève de l’École des Chartes, romancier et auteur dramatique. Écrivain fécond et amusant dont les romans-feuilletons (200 volumes), malgré leur faible style et leurs péripéties invraisemblables, font les délices des concierges et de maintes grandes dames : La Sorcière rouge ; La marchande de fleurs ; Sa Majesté le roi du monde ; Le mari de Marguerite ; Madeleine Kerven ; Sœur Suzanne ; Le médecin des Pauvres ; La bâtarde (viol, duel, adultère, substitution d’enfant, dénouement moral) ; Son Altesse l’Amour (répugnant) ; etc…

De ses livres qui lui rapportèrent beaucoup d’argent. l’auteur tira, en collaboration, des drames populaires très applaudis : La porteuse de pain ; La joueuse d’orgue ; La Mendiante de Saint-Sulpice ; La Sirène de Paris.


Eugène Mouton (1832-1902). Avocat, magistrat, qui écrivit sous son nom ou sous le pseudonyme de Mérinos, des romans intéressants et honnêtes : Le supplice de l’opulence ; Chimère (symbolique, pas chrétien) ; L’affaire Scapin (et trois autres nouvelles).

Des fantaisies désopilantes, entraînantes : L’invalide à la tête de bois ; Aventures du capitaine Marins Congourdan ; Fantaisies humoristiques, etc…

Des récits pour la jeunesse : Aventures de Noël Kerbahu ; Voyages merveilleux de Lazare Poban', etc…


Lucien Mühlfeld (1870-1902), un juif qui s’est rendu célèbre par une réclame originale rappelant le chien d’Alcibiade.

Ses trois romans : Le mauvais désir (étude de la jalousie chez un luxurieux) ; La carrière d’André Tourelle (le jeune homme sans volonté, un être de veulerie et de chair) ; L’associée (thèse morale, détails suspects, scepticisme) lancés à grand fracas de publicité ont été très diversement appréciés… ; « ils ne sont intéressants, dit Ernest-Charles, qu’à cause qu’ils créent une assez considérable circulation d’argent. » Cependant…


Pierre Ninous (Jeanne-Thérèse, dame Roussen, connue sous le nom de), née en 1845. Dirigea avec son second mari, M. Roussen, un domaine destiné à recevoir des enfants assistés. Elle écrit des romans-feuilletons qu’elle signe Paul d’Aigremont ; mais, dit Charles Le Goffic, quel rapport, je vous prie, entre un écrivain et Pierre Ninous ?


Jules Noriac, pseudonyme et anagramme de Claude-Jules Cairon (1827-1882). A publié des nouvelles, des causeries, des pièces de théâtre et des cocasseries plus ou moins « rosses ». Le 101e régiment peut être lu à peu près par tout le monde.


Georges Ohnet (Georges Hénot dit), (1848-1918), célèbre romancier.

Il fut salué à ses débuts comme un maître, et ses œuvres obtinrent un succès triomphal : Le Maître de forges eut 250 éditions ; Serge Panine (couronné par l’Académie), en eut 150 ; La comtesse Sarah (roman faux, sabré, névrosiaque) ; Lise Fleuron ; La grande Marnière ; Les dômes de Croix-Mort, en eurent à peu près autant. Ses 33 volumes rangés pour la plupart sous le titre général de « Batailles de la Vie », sont de fait « merveilleusement adaptés au goût, à l’éducation, à l’esprit de son public spécial composé d’illettrés qui aspirent à la littérature ».

Cet « habile homme » s’est vu tout à coup dépouillé de son auréole par la main impitoyable de Jules Lemaître qui vit dans ses romans de la « triple essence de banalité ».

Quoi qu’il en soit de cette querelle entre la critique et le vulgaire, beaucoup reconnaissent que les livres d’Ohnet, solidement construits, mettent en scène, avec une réelle puissance, le monde de l’argent, l’industrie, l’aristocratie de race, et les lieux communs dramatiques de l’amour, et de plus qu’ils valent bien les romans de Delpit, de Mary, etc., au point de vue moral comme au point de vue littéraire.

Georges Ohnet a publié plus récemment des romans historiques : Pour tuer Bonaparte ; La serre de l’aigle.


Maurice des Ombiaux, romancier belge, né en 1868. Il s’est consacré à la peinture des mœurs populaires du Hainaut. Il est principalement apprécié dans son pays pour Mes Tonnelles ; Tètes de houille ; Mihien d’Avène ; Contes d’entre Sambre et Meuse ; Le Maugré ; Les manches de lustrine.


Paul Perret (1830-1905), écrivain d’une fécondité extraordinaire, qui pendant 50 ans, n’a cessé de produire des romans et des ouvrages historiques. Nous citons : L’âme murée (faux et irréligieux) ; Les demi-mariages (contre le divorce) ; Le mariage en poste (intéressante histoire d’une ingénue, mariée malgré elle) ; Sœur Sainte Agnès (belles pages, quelques mots contre les couvents) ; Manette André (sous la Terreur, immoral et irréligieux) ; Thérèse Vaubecourt (très passionné) ; Un ménage moderne (peu intéressant) ; Les bourgeois de campagne ; Les derniers rêveurs (ceux qui croient qu’on peut être heureux en épousant une fille sans dot) ; La duchesse Jean ; Antigone ; La maison littéraire (pour tous).


Mme Georges de Peyrebrune, nom de jeune fille de Mme Numa Eimery (1847-1917). Romancière qui, comme beaucoup d’autres déjà citées, est persuadée que l’amour peut être la seule préoccupation de la femme dans la vie.

Presque tous ses ouvrages, dont plusieurs ont paru à La Revue des Deux-Mondes, reflètent cette pensée ; ils sont au moins, à ce titre, dangereux pour la jeunesse.

Le roman d’un bas bleu (une femme doit préférer n’importe quel métier à celui d’auteur) ; Les trois demoiselles (trois idylles) ; Une sentimentale ; Marco ; Les frères Colombe ; Les passionnées ; Vers l’amour ; Libres ; Une expérience ; Et l’amour vint ; Le curé d’Anchelles ; Colombine ; Polichinelle et Cie ; Contes en l’air, sont de bonnes sornettes sentimentales et souvent décolletées. La Marcotte ; Victoire la Rouge ; Les femmes qui tombent vont jusqu’au libertinage.

Nous mettons à part Dona Quichotta, quoique peu chrétien.


Edmond Picard, jurisconsulte et littérateur belge, né en 1836. Les ouvrages de droit, la poésie et les romans judiciaires l’ont possédé tour à tour ; dans ce dernier genre, on connaît de lui La forge Roussel ; L’amiral ; Mon oncle le jurisconsulte ; La veillée de l’huissier ; Le juré. Lire Pages choisies (Bruxelles).


Émile Pierret. (Paris, 1859), ancien employé à la Bibliothèque nationale. Ses études éloquentes et documentées sur le Péril de la race et le Relèvement national sont la rançon de ses romans très mondains.


Frédéric Plessis, né à Brest en 1851, professeur de poésie latine à l’École normale supérieure, poète et romancier, auteur d’une forte étude sur Properce.

Ses Poésies complètes (La lampe d’argile ; Vesper ; Gallica), rappellent les élégiaques d’autrefois. Ses romans : Angèle de Blindes (séduite, elle meurt d’un accident plus ou moins provoqué) ; Le mariage de Léonie ; Le psychologue, révèlent une sensibilité très fine et sont vibrants de passion. Saint-Exupère-les-Châsses convient à tous.


Alfred Poizat, né en 1863. Il s'est révélé bon critique littéraire dans les Poètes chrétiens, et romancier distingué dans Avila des saints (quatre nouvelles ayant pour sujet le sentiment religieux) ; Pervers sentimental ; La dame aux lévriers (romans honnêtes et mondains où résonne très haut la guitare d'amour).

Depuis, il est entré avec éclat dans la renommée avec Le cyclope, drame en vers ; Électre, tragédie adaptée de Sophocle ; et une série de drames chrétiens qui contribueront à anoblir l'art dramatique de notre époque.


Mme Jean Pommerol (Sens, 1869), voyageuse et femme de lettres, polyglotte, polygraphe et… polymathique. Elle a vécu durant 4 ans au milieu des Arabes du Sahara et elle a consigné ses observations dans des ouvrages dont profitent les érudits : Une femme chez les sahariennes ; L'haleine du désert ; Chez ceux qui guettent ; Le cas du lieutenant Sigmarie ; Un fruit et puis un autre fruit (conte oriental fort passionné).


Ponson du Terrail (Pierre Alexis, vicomte) (1829-1871), romancier d'une imagination extraordinaire. Il publia dans les journaux, des feuilletons sombres, invraisemblables, pleins d’intrigues imprévues et dans lesquels on trouve, paraît-il, des phrases comme celle-ci : « La main de cet homme était froide comme celle d’un serpent ». Son Rocambole, en plusieurs parties, a joui d'une vogue immense.


Léon-René Delmas de Pont-Jest (1830-1904), ancien marin à qui l'on doit un grand nombre de romans : Le procès des Thugs publié dans le Petit Journal et qui passionna la France entière ; La jeunesse d'un gentilhomme ; Bolino, le négrier ; La femme de cire ; Le fleuve des perles ; etc…


P. D. Pontsevrez, de son véritable nom, P. Dupont-Sevrez, né à Escaudœuvres (Nord) en 1854, ancien professeur à Sainte-Barbe et aux écoles municipales de Paris, mort en 1910.

Nous mentionnons comme articles spécimens de ses productions réellement littéraires : Les attentats de Modeste (roman rustique assaisonné de crudités) ; Tête rousse (recueil de nouvelles moins remarquables) ; Criminelle (livre malfaisant, quoique exempt d’obscénités) ; L’enjeu du bonheur (étude d’amour) ; etc…


Émile Pouvillon (1840-1907). Réaliste à sa manière, rustique et paysagiste, il a décrit des mœurs champêtres de Rouergue et du Quercy, et l’amour dans les âmes naïves…

On remarque parmi ses œuvres : Césette (tableaux risqués) ; L’innocent (id.) ; Jean-de-Jeanne (séduction puis belles pages) ; Le vœu d’être chaste (invraisemblables désordres d’un séminariste) ; Chante-pleure ; Les Antibel (beau et sain, mais pas pour jeunes filles) ; Terre d’oc (promenades pittoresques, pour adultes) ; Petites âmes ; L’image ; Pays et Paysages (recueil de morceaux) ; Le cheval bleu, contes pour adolescents (trop de railleries bon enfant sur le prêtre et les cérémonies) ; Mademoiselle Clémence ; Bernadette de Lourdes.

Ces derniers ouvrages, accueillis avec enthousiasme par certaines revues pieuses, permettaient peut-être de croire que l’auteur serait devenu un romancier catholique… Mais Jep, son dernier roman, a détruit cette candide espérance et le montre plutôt irréligieux.


Armand Praviel, né en 1875. Membre de l’Académie des jeux floraux. Il a remporté un réel succès avec Péché d’aveugle, histoire d’un organiste qui pèche et se relève par la musique, brillante apologie de la liturgie, pages satiriques. Les routes de Gascogne sont de charmants croquis et des contes à peu près pour tous.


Charles Proudhon, romancier dont nous connaissons seulement les ouvrages suivants : Apaisement (histoire d’une jeune fille blessée au cœur) ; Marie de Saint-Genans (une petite provinciale dans un milieu taré) ; Claudine (plus chaste que celle de Willy).


Pierre de Querlon, de son vrai nom Pierre des Gachons, né à Valençay, dans le Berry, mort en 1904.

Au point de vue moral, tous ses romans occupent une bonne place parmi les œuvres de passion et de sentiment, où l’art prime la vertu, sans toutefois la supprimer. Nous citons : Les tablettes romaines ; La liaison fâcheuse ; Les joues d’Hélène ; La princesse à l’aventure ; Les amours de Leucippe et de Clitophon ; Le manoir de la petite Livia ; Céline fille des Champs ; etc…


Henri Rabusson, né à Paris en 1850, l’un des auteurs favoris de l’ancienne Revue des Deux-Mondes, romancier mondain qui aime à dépeindre la société du highlife où l’on s’amuse et l’on pose. Il a écrit avec distinction et n’est tombé qu’accidentellement dans le dévergondage.

Malheureusement, comme la plupart des romanciers de cette qualité, les Tinseau, Droz, Halévy, Gyp, etc., il ignore et laisse ignorer la vraie bonne société qui est, avec le peuple travailleur, l’honneur de notre France, pour se cantonner dans la société légère où l’on est considéré comme vertueux quand on s’amuse conformément aux lois de la bienséance : L’épousée (se tue après la cérémonie pour rester fidèle à un amour antérieur) ; Griffes roses (d’une femme très libertine) ; Hostilité conjugale (aux yeux de l’auteur, c’est une nécessité. Quel pessimisme ! quel marivaudage aussi !) : Les colonnes d’Hercule (c’est-à-dire les extrémités du monde moral où s’arrête un viveur) ; Le grief secret (fort leste) ; Frissons dangereux (pervers) ; Le frein (thèse fausse, parce qu’incomplète, livre de passion) ; La justice de l’amour (esprit anticlérical, dangereux).


Adolphe Racot (1840-1887), bon écrivain. Tout en dénonçant avec vigueur les corruptions contemporaines, il sait faire ressortir de ses peintures osées une impression saine pour les grandes personnes. La brèche aux loups ; La conquête de Floriane ; Madame Félicia ; Le plan d’Hélène (scènes plus scabreuses, plaidoyer en faveur des droits de la famille) ; La maîtresse invisible ; Le supplice de Lovelace sont très agréables à parcourir, tant par la valeur du style que par l’intérêt des récits.


Mistress Radcliffe, romancière anglaise (1764-1823). Dans ses œuvres qui sont encore très populaires en Angleterre, elle évoque des forêts, des vieux châteaux, des souterrains, des crimes horribles et après un enchevêtrement d’incidents extraordinaires, elle montre la vertu récompensée et le vice puni. Par l’admiration de la nature et le sentimentalisme, elle tient de Jean-Jacques Rousseau, et par ses récits dramatiques, elle se rapproche de nos plus forts feuilletonistes. Ses romans : Un roman sicilien ; Le roman de la forêt ; Les mystères d’Udophe, son chef-d’œuvre ; L’Italien lui valurent des triomphes et passeront avec elle à la postérité.


Gaston Rageot (Alençon, 1872), normalien, connu du public comme essayiste, conférencier, chroniqueur et romancier. Il aime à mêler à la narration de ses romans l’acquis de sa culture littéraire et psychologique.

Son œuvre est fort considérable : parmi tant de volumes, il n’y en a pas qui conviennent à la jeunesse. La renommée, par exemple est plein de psychologie, mais il est presque immoral ; A l’affût roule sur l’adultère et compte maintes pages sensuelles ; La voix qui s’est tue expose avec émotion un drame intime qui bouleverse rame d’une femme, mais il contient des passages regrettables et tend à accréditer le désordre comme tout naturel ; La faiblesse des forts mérite la même observation.


Jean Rameau (Laurent Labaight dit), né en 1858, poète landais qui a chanté dans ses vers, tantôt les forêts embaumées de son pays (Nature, etc.), tantôt la sarabande des astres et des dieux dans le monde cosmique (La chanson des Étoiles, etc.).

Son œuvre déjà considérable, dit un critique, est lumineuse et chatoyante, comme un collier mêlé d’opales, de perles et d’onyx, aux voluptueuses lucidités.

Ses premiers romans sont lascifs et même immoraux : La Mascarade, par exemple, est l’histoire d’un jeune homme qui perd la foi, se livre à tous les désordres et finit par être exécuté ; morale : faites tout ce que vous voulez, mais ne vous laissez pas prendre.

Parmi les romans plus récents, nous citons : La belle des belles' (les travers de certaines femmes) ; Les chevaliers de l’au-delà, avec cette épigraphe empruntée à Chateaubriand : « On ouvre les antres des sorcières quand on ferme les temples du Seigneur » (une mère inconsolable de la mort de sa petite fille, devient dupe des charlatans ; nombreuses descriptions de séances occultistes) ; Moune (plat, mais pas mauvais) ; La jungle de Paris (roman de l’arrivisme, amour passionné) ; Le roman d’une laide (paru dans le Mois, pour tous) ou Petite Mienne ; Du crime à l’amour (passionnel) ; Le champion de Cythère (id.) ; Le semeur de roses (sentimental, passionné) ; La muse des bois (frivole et banal) ; La route bleue (bon, mais trop romanesque pour la jeunesse) ; Brimborion (id.) ; Le roman de Marie (avec réserve plus accentuée) ; Les mains blanches (pour adultes).


M. Reepmacker (Rotterdam, 1858), romancier hollandais dont les œuvres ont obtenu en France une certaine célébrité : L’école des Rois (roman politique, thèse et intentions bonnes, style et détails beaucoup moins bons) ; Septime César (roman des temps du Christ, erreurs évangéliques) ; La peine du Dam (obscur et étrange) ; Emma Beaumont (l’amour à la faveur de la métempsycose) ; Carlo Lano (ennuyeux) ; Vengeance.


Georges Régnal pseudonyme de M. (Florence, 1848) et Mme Langer (Paris, 1852). Parmi leurs romans : 'Maurianne ; M. le Docteur ; Vendredi 13 ; Toujours ; Mademoiselle Pas d’amour ; Deux tendresses ; etc…


Jean Reibrach (Givors, 1856), de son vrai nom M. Chabrier, ancien capitaine d’infanterie, a écrit d’abord des romans naturalistes et des contes.

Il paraît s’être fixé ensuite dans la psychologie. Nous citons : Par l’amour ; À l’aube ; Les sirènes (honnête). La nouvelle beauté (prévoit dans un avenir lointain, comme aboutissant au féminisme, une société nouvelle, basée sur l’individualisme, l’union libre et le socialisme d’État) ; La houle ; La maison du bonheur (païen et sensuel).


Rémy Saint-Maurice, pseudonyme de Maurice Diard, né en 1864. Nous citons : Les Èves stériles (plaidoyer en faveur de la maternité) ; Éternelle folie (recueil de contes) ; Les derniers jours de Saint-Pierre (idylle délicate fleurissant sur un volcan).


Mme Gabrielle Réval, de son nom véritable. Mme Laforterie, née Logerot (Viterbe, 1870). Son premier ouvrage Les Sévriennes a fait sensation. Il fut suivi d’Un lycée de jeunes filles et de Lycéennes. Ces trois volumes ne sont pas pour les honnêtes femmes. L’avenir de nos filles, est un répertoire attrayant des professions et métiers féminins, d’après les interviews de personnes le plus en situation de renseigner.

Nous citons, outre cet ouvrage remarquable, des romans d’amour : La cruche cassée (scabreux) ; Notre-Dame des Ardents (paysages de Picardie et d’Afrique) ; Le ruban de Vénus (amour légitime ! amour légitime ! Ô Vénus !) ; Les camp-volantes de la Riviera (malpropretés ) ; La Bachelière en Pologne (inspiration noble, pour tous) ; Le royaume du printemps (histoire d’amour assez libre sur la côte d’azur).


Jean Revel, pseudonyme de Paul Toutain (Conteville, 1848), notaire à Rouen. Nombreux récits de voyages ; romans épiques, lyriques, débordants, où chantent l’âme et la plaine normandes : Chez nos ancêtres ; Terriens ; Contes normands ; Hôtes de l’estuaire.


Tony Révillon (Antoine, dit, littérateur, journaliste, conseiller municipal de Paris et député radical (1832-1898). On lui doit de nombreux romans qui ont paru en feuilletons dans les journaux et dont plusieurs ont eu du succès. Nous plaçons ici Le faubourg Saint-Antoine.


Émile Richebourg (1833-1898). L’un des écrivains les plus heureux qui aient parcouru la pénible carrière des lettres, il ne connut que des succès : il fit, par ses feuilletons émouvants et assez honnêtes, la clientèle du Petit Journal, mérita, par ses nombreuses collaborations, d’être appelé par Jules Claretie le terre-neuve des journaux populaires, et réalisa de grosses recettes.

Tout le monde peut lire avec intérêt ses Récits devant l’âtre ; Contes enfantins ; Contes d’hiver ; Contes de printemps ; Contes d’été ; Contes d’automne et autres, réunis dans tes douze volumes des Soirées amusantes ; Le million du père Raclot ; Histoire d’un avare, d’un enfant et d’un chien.


Georges Rodenbach (1852-1898), poète, journaliste et romancier belge, né à Tournai. Il vint à Paris de bonne heure et se lia avec des littérateurs et des poètes tels que Mallarmé, les Goncourt, Paul Arène, Bourget, etc. ; il resta belge cependant, et ses œuvres sont toutes imprégnées de la saveur flamande qui se dégage des villes de son pays natal.

Outre son poème Le règne du silence et plusieurs recueils de vers, Rodenbach a laissé des écrits en prose qui, malgré leurs substantifs étonnants et leur merveilleux adjectifs ont été appréciés. Ils ont tous des passages passionnés ou malsains. Citons : L’art en exil ; Bruges la morte ; Musée de béguines ; Le carillonneur ; etc. Lire Pages choisies (Bruxelles).


Romain Rolland, né à Clamecy en 1866, élève de l’école normale, grand prix de littérature en 1913.

Son œuvre littéraire, nombreuse et variée, comprend des études artistiques, Musiciens d’autrefois et d’aujourd’hui, Michel-Ange, Beethoven, François Millet ; du théâtre, Le quatorze-juillet, Danton, Le triomphe de la raison, Les Tragédies de la foi ; et enfin Jean-Christophe, roman en dix volumes, commencé en 1905 et terminé en 1912.

Ce Jean-Christophe, qui est l’œuvre maîtresse de Romain Rolland, est la biographie psychologique d’un musicien de génie, né sur les bords du Rhin, et dont nous suivons la destinée douloureuse depuis « l’aube » jusqu’à « la dernière journée ». Dans ce cadre romanesque, l’auteur a entassé toutes ses idées sur les questions du jour, il a multiplié les digressions, de sorte que ce monument qui a des parties de chef-d’œuvre est encombré et congestionné.

Au point de vue moral, ce long ouvrage a des passages scabreux et de nobles pages ; et il a créé des admirateurs parmi ceux qui ignorent le catéchisme. Cependant, si Romain Rolland n’est pas sectaire, il n’a pas la foi, il rend un culte à la Vie, et sa philosophie ne saurait être, pour les catholiques, un bréviaire d’exaltation ni même une lecture inoffensive.

On sait ce qu’est devenu le grand homme pendant la guerre : un pacifiste humanitaire, suspect pour les bons Français.


Saintine (Xavier Boniface, dit) (1798-1865), fit seul ou en collaboration, plus de 200 pièces de théâtre.

Picciola qui consacra sa réputation d’écrivain, est un chef-d’œuvre romanesque qui analyse les sentiments d’un orgueilleux captif en présence d’une plante naissante ; Seul est un petit récit intime, légèrement sceptique comme le précédent. Ses dernières œuvres (Jonathan le visionnaire ; Seconde vie ; Contes de toutes les couleurs) ont pour sujet le merveilleux scientifique, les hallucinations et les vieilles traditions. Presque tout le monde peut les lire, ainsi que : La nature et les trois règnes.


Pierre Sales (1854-1914). Il débuta par le roman historique : Beau page (les guerres de religion, partialités) ; L’argentier de Milan (saisissant, honnête) ; etc…

Il tomba ensuite dans le roman d’aventures et il fut fort longtemps un grand producteur « à la coule » comme Richebourg et Montépin. Mettons à part : Fille de prince ; Premier prix d’opéra ; Le secret du blessé (sept nouvelles).


Jules Sandeau (1811-1883), l’un des amis de George Sand et des collaborateurs d’Émile Augier, écrivain exquis et moralisateur. Comme l’auteur de Lélia et d’Indiana, il peint l’amour passionné dans ses élans désordonnés, ses misères, ses chutes même, mais il place au-dessus et à la fin de tous ces tableaux, la notion du devoir ; il décrit les désordres, mais en même temps les déchirements auxquels se condamnent ceux qui s’y abandonnent. C’est ainsi que Marianna ; Le Docteur Herbeau ; Rose et Blanche, sont des livres moraux… pour les personnes d’un certain âge.

Quant à ses autres ouvrages : Jean de Thommeray (pages choquantes pour la jeunesse ; dénouement superbe), suivi du Colonel Éverard ; Madeleine ; Catherine ; Un début dans la magistrature ; Mlle de la Seiglière ; Le château de Monsabrey ; La maison de Pénarvan (son chef-d’œuvre) ; La petite fée ; Sacs et parchemins ; Nouvelles ; Concert pour les pauvres, ils peuvent être lus par les jeunes gens sérieux. Sandeau y étudie de préférence les familles nobles, idolâtres du passé, isolées et immobiles au milieu de mœurs qu’elles dédaignent et de gens qui les raillent… Dans ces familles, il y a des jeunes filles que leur cœur pousse à des mésalliances et qui doivent lutter contre des préjugés de race.

La roche aux mouettes est un délicieux récit que tout le monde peut lire.


Gabriel Sarrazin, né à Laval en 1853, critique, poète, auteur de romans lyriques et symboliques : Les mémoires d’un centenaire ; La montée ; Le roi de la mer ; L’inspirée. Inutile d’ajouter que ces poèmes de guerre, d’amour et de mort, doivent être lus avec prudence…


Paul Saunière (1837-1894), conteur et feuilletoniste, secrétaire d’Alexandre Dumas, auprès de qui il apprit à choisir et à traiter des sujets intéressants, tantôt émouvants, tantôt comiques : À travers l’Atlantique (récit de voyage ; quelques traits contre la religion et beaucoup contre les Yankees) ; Le lieutenant aux gardes (roman historique, cruel pour Richelieu) ; La dette d’honneur (intéressant) ; La succession Marignan (vilain monde) ; etc…

Tout le monde peut lire Les aventures de Jean Barchalou.


Matilde Serao, née à Patras en 1856, fille d’un napolitain exilé qui s’était réfugié en Grèce. Elle occupe une des premières places parmi les femmes de lettres de l’Italie. Elle dirige le II Giorno de Naples, elle écrit tous les jours une chronique mondaine dans le Mattino, le plus littéraire des journaux de l’Italie Méridionale et elle a publié un grand nombre de romans : Au pays de Beppina ; Aventureuse ; Amant ; Adieu, amours ; Châtiment ; Vie en détresse ; Cœur souffrant ; Histoire de deux âmes (qui tombent et puis se séparent) ; Cœurs de femmes (collection Femina) ; Sœur Jeanne de la Croix ; Après le pardon ; Histoire d’amour ; Naples, les légendes et la réalité ; Vive la vie ; L’amour meurtrier ; Le songe d’une nuit d’amour (nouvelles mêlées, quelques-unes fort sensuelles) ; etc…

Les critiques qui se sont occupés de cet auteur nous la représentent comme une ardente catholique et ils invoquent à l’appui de leur jugement le beau livre Au pays de Jésus, impressions de Palestine, débordant de foi et d’humilité chrétiennes ; ils parlent avec enthousiasme de l’élévation morale de ses œuvres ; mais ils ajoutent que la féconde italienne se complaît à décrire les passions dans des pages enfiévrées… Soit. Savourons le lacryma Christi ; n’abusons pas du Chianti.


Henrik Sienkiewicz, célèbre romancier polonais (1845-1916). Il débuta dans les lettres par trois romans où il faisait appel à la générosité des polonais en vue de relever leur nation ; il visita l’Amérique et diverses contrées d’Europe, publia successivement deux idylles sentimentales (Hania ; Le vieux serviteur), de nombreuses nouvelles sur les humbles (Junka le musicien, etc., etc.) et enfin de nombreux romans historiques qui envisagent le côté tragique de la vie : Le déluge ; Messire Volodyjwski ; Les chevaliers de la Croix ; Sans dogme (un jeune homme sans foi, malheureux, coupable, qui se suicide) ; La famille Polaniecki (un roman d’énergie) ; Par le fer et par le feu (œuvre grandiose et très honnête) ; Sous le joug ; Barteck le vainqueur.

Ses romans des premiers temps du christianisme, Suivons-le et surtout Quo Vadis ont obtenu un succès considérable. On a tout dit sur ce dernier ouvrage, les uns en ont fait un incomparable chef-d’œuvre, d’autres l’ont ravalé au rang d’un médiocre pastiche. Nous n’avons pas à prendre parti dans cette querelle, et nous nous bornons à reproduire le jugement porté par Orazio Marucchi, l’illustre directeur des Musées et Galeries du Vatican : « Notre conviction, dit-il, est que ce livre est un livre magistral, écrit avec une véritable intelligence du sens chrétien ; il est destiné à faire un grand bien. » (Introduction historique et archéologique à Quo Vadis, chez Lethielleux).

L’édition complète (Revue blanche, Garnier, Flammarion, Benziger, etc), ne doit pas cependant être mise entre toutes les mains ; elle renferme des scènes choquantes, brutales, érotiques, orgiaques, susceptibles de troubler bien des âmes. L’édition Lethielleux est, à notre connaissance, la seule qui soit parfaitement corrigée ; mais convient-elle aux jeunes filles ?


Albert-Émile Sorel, né en 1876, fils de feu Albert Sorel, attaché à la bibliothèque du Sénat, romancier.

Il a publié quelques romans qui lui ont attiré l’estime des lettrés : Pour l’enfant ; Peut-être ; Les sentiers de l’amour ; L’écueil, aventures d’une infirmière, utile aux jeunes filles averties qui seraient tentées de s’émanciper ; Une aile brisée, roman d’amour et d’aviation, œuvre patriotique et chrétienne, quelques passages trop passionnés pour la jeunesse.


Mme de Staël (1776-1817), fille du célèbre financier Necker. Elle reçut dans sa famille calviniste une éducation toute philosophique, qu’elle développa par la lecture de tous les auteurs à la mode, Diderot, Rousseau, etc. Mariée au baron de Staël, elle se sépara après douze ans de mariage, s’attacha à Talleyrand et Benjamin Constant, et enfin se remaria secrètement à un jeune officier. Politicienne, intrigante, pédante, jalouse de toute supériorité, elle se rendit aussi peu sympathique que possible et fut obligée de se réfugier à Coppet.

Delphine et Corinne sont des romans d’amour où l’auteur défend contre la société les droits de la femme supérieure, toujours incomprise et malheureuse : ils renferment des digressions artistiques et politiques, et des scènes de pseudo-catholicisme.

Le livre De l’Allemagne, encore qu’incomplet et faux au point de vue chrétien, est cependant plus sain.

Lire Pages choisies.


Robert-Louis Stevenson, écrivain anglais (1850-1894), qui exerça une grande influence sur le mouvement littéraire de son pays. L’état toujours chancelant de sa santé l’obligea à mener une vie errante : il vécut même en France et y publia son Voyage dans les Cévennes.

Parmi ses autres ouvrages, nous citons : L’île au trésor (très intéressant) ; Le dynamiteur ; Le mort vivant ; Enlevé ; Le reflux qui peuvent être lus à peu près par tout le monde.


Carmen Sylva, pseudonyme bien connu de la Reine de Roumanie Elizabeth (1843-1916). Elle a fait un recueil de pensées, des études et des romans dont la plupart ont été traduits en français. Ces œuvres laissent souvent une impression pénible et nous pensons qu’elles ne sont plus à la mode comme au moment où l’Académie française en a très complaisamment récompensé le mérite.


Maurice Talmeyr, de son vrai nom Maurice Coste, né en 1850. Il s’est complu à recueillir sur les « bancs », chez les « gens pourris », les « possédés de la morphine », dans « les maisons d’illusion » et dans le demi-monde, les types de ses romans.

À la suite de ces œuvres dont les idées sont très fortes et dont les intentions peuvent être bonnes, et après une vie assez aventureuse, M. Talmeyr semble s’être rapproché du catholicisme : il écrit des articles de valeur, il combat la franc-maçonnerie et fait partie de la Société des Publicistes Chrétiens.

Nous citons Le Grisou (livre très fort) et Sur le Turf (recueil de nouvelles concernant le monde des courses).


Edmond Tarbé (1838-1900). Ses ouvrages hardis iet scabreux, sans être licencieux, au moins dans les intentions de l’auteur, ont fait, il y a quelques années, beaucoup de tapage : Césarée (passion coupable entre un père et sa fille) ; L’histoire d’Angèle Valoy (roman de mœurs sur les bâtards, très peu chrétien) ; Le crime d’Auteuil (rocambolesque et osé).


Jérôme et Jean Tharaud (Saint-Julien, Hte-Vienne, 1874 et 1877), deux frères écrivains : Jean est le rêveur, le sentimental ; Jérôme, l’exécutant, le praticien. Tous deux ne veulent être que des artistes, a dit Barrès.

Ils débutèrent dans la littérature voici une vingtaine d’années, par un conte qui parut dans les Cahiers de la quinzaine. Bientôt, Dingley, l’illustre écrivain leur valut le prix Goncourt. En 1919, l’Académie française leur décerna le grand prix de littérature.

Successivement, ils donnèrent La maîtresse servante (confession d’un fils de famille qui vit à Paris dans la débauche ; sujet scabreux traité avec délicatesse) et La fête arabe (épisode de l’invasion de l’Algérie par les italiotes, œuvre de polémique, peintures réalistes), sans parler de la Tragédie de Ravaillac (pages voluptueuses) et de leur étude si complète et si cordiale sur Paul Déroulède. L’ombre de la croix n’est pas un roman chrétien : il traite les mœurs des juifs de Galicie.


André Theuriet (1833-1907), ancien fonctionnaire, qui a beaucoup écrit et dont les livres sont beaucoup lus. Membre de l’Académie française.

Son œuvre entière est « un vaste morceau de campagne », a dit Jules Lemaître : ses recueils sylvains en vers sont d’un paysagiste consommé, d’un amant passionné de la nature. Ses romans procèdent de la même manière. Malheureusement, ces peintures délicieuses des champs et des forêts encadrent des intrigues qui, sans être jamais physiologiques, n’en sont pas moins dangereuses. De plus — et ceci n’est pas moins grave — cet écrivain, toujours parlant à l’âme comme aux sens, se complaît à représenter ses vilains messieurs et ses mégères comme des dévots et des cléricaux. C’est ce défaut qui dépare principalement La Maison des deux Barbeaux, belle œuvre littéraire, et Le sang des Finoël.

Nous classons au hasard parmi tant d’ouvrages : Le filleul du marquis (situations risquées, dénouement moral) ; Sous bois, impressions d’un forestier (quatre études, assertions libres) ; Sauvageonne (récit impie d’une confession sacramentelle, scène très audacieuse, descriptions magnifiques) ; Les mauvais ménages (triste monde) ; La sœur de lait (inférieur) ; Péché mortel (sujet scabreux) ; Michel Verneuil (un fils de paysan qui devient professeur ; ses désordres et ses malheurs) ; Bigarreau (cinq récits parfois passionnés) ; L’abbé Daniel (un Jocelyn dépoétisé qui entre dans les ordres par désespoir d’amour) ; Au paradis des enfants (pages absolument ignobles) ; Eusèbe Lombard (ravissant, quelques crudités) ; Amour d’automne (passionné, honnête) ; Tentation (quinze nouvelles, dent plusieurs très légères) ; Cœurs meurtris (bien près de la faute) ; Les revenants (types de vieux garçons) ; Le bracelet de turquoises (très dangereux) ; Raymonde (romance assez honnête, suivie de Don Juan de Vireloup, moins acceptable) ; Claudette (contes et propos rustiques, dont plusieurs passionnés) ; L’oncle Flo (jeu d’amour avec le neveu) ; Charme dangereux (très passionné, adultère).

Meuse ; Les enchantements de la forêt ; L’oncle Scipion et Illusions fauchées (où cependant il représente trop le cloître comme un hôpital d'âmes) sont moins tourmentés ; ils peuvent être lus, aux mêmes conditions que Pages choisies.

Léon de Tinseau, né à Autun en 1844, écrivain aristocratique, et l’un des analystes les plus en vogue des impressions et des élégances mondaines. Selon le mot d’un critique, il ensorcèle ses lectrices. Même quand il lui arrive de conter des histoires invraisemblables, son esprit, sa grâce impertinente, son pathétique discret, le ton de bonne compagnie qu’il donne à ses nouvelles légères, pimpantes, romanesques, parfumées, produisent toujours leur effet magique : il m’ensorcèle, ma chère.

Voici les principaux exemples de sa manière : Alain de Kérisel (peu moral) ; Bouche close ; Ma cousine Pot-au-feu ; Mon oncle Alcide ; Robert d’Epirieu ; L’attelage de la marquise ; La meilleure part ; Plus fort que la haine ; Sur le seuil (plaidoyer en faveur des couvents) ; Vers l’Idéal ; La Chesnardière (pages scabreuses) ; Au coin d’une dot (rarement les mariages heureux sont marqués au coin d’une dot) ; Princesse errante (passionné, utile à ceux qui peuvent le lire) ; La valise diplomatique (anecdotes de salon) ; Le secrétaire de Mme la duchesse ; Le secret de l’abbé Césaire ; Faut-il aimer ? Le chemin de Damas ; Bien fol est qui s’y fie (suivi de La lampe de Psyché) ; Les péchés des autres (deux histoires) ; Mensonge blanc (dix morceaux) ; Maître Gratien (séduction, immoral) ; Les étourderies de la chanoinesse ; La clef de la vie ; Le port d’attache (étrange, diffus, faussement sentimental) ; Sur les deux rives (belles pages de patriotisme, pas pour les jeunes gens) ; Le duc Rollon (sujet déconcertant, tenue morale parfaite) ; Du mouron pour les petits oiseaux (recueil de nouvelles, d’une amoralité souriante) ; La finale de la symphonie (histoire spirituelle et très sentimentale) ; Le secret de Lady Marie (notes fausses).


Ernest Tissot (Genève, 1867), critique, voyageur, polyglotte et romancier. Ses études et notations de voyage sont très justement appréciées : Les évolutions de la critique française ; Le drame norvégien ; Les sept plaies et les sept beautés de l’Italie contemporaine ; Le Monsieur qui passe.

Ses romans, scabreux et libertins, ne sont guère lus, et ne sont pas à lire, sauf peut-être Le guêpier ; et Ce qu’il fallait savoir (tableau exquis d’un ménage de vieilles filles).


Ivan Tourgueneff (1818-1883), écrivain russe qui conquit la célébrité, en publiant Les récits d’un chasseur, où il dépeint avec émotion les misères du servage. Il eut la gloire de contribuer, par ses livres, à l’émancipation des serfs de son pays ; persécuté par les « conservateurs », il quitta la Russie et résida longtemps en France, où ses ouvrages très bien écrits, gracieux, poétiques, devinrent très populaires. Lire : Mémoires d’un seigneur russe ; Scènes de la vie russe ; Les récits d’un chasseur (pour enfants) ; etc. ; 'Pages choisies.


Mark Twain (Samuel Langhorn Clemens, dit), (1835-1910), humoriste américain, a parcouru le monde et fait tous les métiers. Ses parodies et ses cocasseries sont populaires dans tous les pays de langue anglaise. Nous citons ici, parmi ses œuvres, Le prince et le pauvre (roman historique très intéressant, raillerie spirituelle des mœurs de l’Angleterre) ; Aventures de Tom Sawyer ; Aventures de Huck Finn, qui peuvent être lues par tous ceux que ne rebutent ni la longueur du récit, ni les obscurités du style.


Octave Uzanne, né en 1852. Érudit et bibliophile, est surtout connu des lecteurs mondains, parce que ses livres font revivre les mœurs légères des trois derniers siècles. Il est surtout l’historien des siècles féminins et de la civilisation féminine : Nos contemporaines (parfois scabreux) ; Vingt jours dans le Nouveau Monde (empoignant) ; Contes pour les bibliophiles (grisonnants) ; La locomotion à travers l’histoire (pour tous).


Jules Vallès (1833-1885), journaliste et romancier. Nihiliste convaincu, il dirigea contre la société les plus brutales invectives, dans ses romans acerbes, colorés et empoignants : L’enfant (livre impie, brutal, où l’auteur insulte même sa mère) ; Le bachelier ; L’insurgé, réunis sous le titre de 'Jacques Vingtras ; Les réfractaires.


Auguste Villiers de l’Isle-Adam (1833-1889), descendant de l’illustre famille de ce nom. Écrivain très original, styliste remarquable, d’une imagination déconcertante, d'un symbolisme qui touche à l’hallucination, il semble « avoir traversé ce monde en somnambule, né voyant rien de ce que nous voyons et voyant ce que nous ne voyons pas ». Comme Barbey d’Aurevilly, il était croyant, mais un croyant « insolite » et mâtiné de satanisme.

L’amour suprême ; Histoire insolites ; Axel (roman dialogué dont la 4e partie a pour titre Le monde passionnel) ; Les contes cruels ; Tribulat Bonhomet ; L’Ève future ; Derniers contes (œuvre posthume, malpropretés), sont des fantaisies étranges et suggestives ; elles troubleraient facilement les jeunes imaginations.


Jacques Vincent, pseudonyme de Mme Dussaux, née Angèle Bory d’Assex (Ecques, en Flandre, 1850).

Aime à plaider la cause des femmes incomprises et même infidèles : La comtesse Suzanne (une femme mal mariée a le droit de prendre un amant) ; Un bonheur (morale fort relâchée) ; Misé Féréol (détails libres, dénouement presque immoral) ; Le cousin Noël (drame empoignant dont l’action se passe près d’Hazebrouck, une scène risquée) ; Jacques de Trévannes (situations scabreuses, idées fausses) ; Le retour de la princesse ; sont à cet égard significatifs.

Vaillante ; Les mémoires d’une jeune fille sont tout à fait honnêtes.


Jean Viollis, de son vrai nom Henri d’Ardenne de Tizac né en 1877, poète et romancier. Parmi ses récits très passionnés, nous citons : L’émoi ; Petit cœur ; auxquels est venu se joindre Monsieur le principal (récit épineux des infortunes d’un principal de collège).


Eugène-Melchior, marquis de Voguë, né à Nice, en 1850. Membre de l’Académie française.

L’écrivain a voyagé et il a noté ses observations avec le talent d’un artiste et la sagacité d’un diplomate ; ses articles sur l’Orient (Histoires d’Orient), la Russie (Histoires d’hiver) et Syrie, Palestine, Mont Athos, etc., réunis depuis en volumes, ont été très appréciés.

Ses autres œuvres l’ont sacré apôtre et « conducteur d’âmes » : il a mis à la mode le roman russe, le slavisme et l’Évangile. Cependant, les thèses sur lesquelles il appuie ses essais de réveil moral et de rénovation sociale, ne sont pas suffisamment sûres ; on a même été jusqu’à dire, qu’en louant tour à tour le boudhisme, le protestantisme et l’orthodoxie russe, elles conduisent tout droit à l’indifférence religieuse…

Ses romans : Cœurs russes ; Les morts qui parlent (c’est-à-dire les députés) ; Le maître de la mer ; renferment des pages très libres, mais sont bons et moraux… pour les grandes personnes. Quant à Jean d’Agrève, on dirait que l’auteur y veut légitimer une passion légitime en vertu de la souffrance et du christianisme.


Charles-Jean-Melchior, marquis de Voguë (18291917), cousin du précédent, membre de l’Académie française, était diplomate et archéologue.


Mistress Humphry Ward (1851-1920), nièce de l’écrivain Matthey Arnold, critique, nouvellière et romancière.

Robert Elsmere, qui parut en 1888 (histoire d’un pasteur anglican qui perd la foi au contact du criticisme, et prêche ensuite un christianisme basé sur la raison pure), eut dans les pays anglo-saxons, un immense succès. Daniel Grieve et Marcella accusent des tendances au socialisme et à l’émancipation morale des femmes. Helheck de Bannisdale est un pamphlet haineux contre la tyrannie de la doctrine « papiste ». L’erreur d’aimer raconte les scandales d’une femme romanesque. Carrière d’artiste et Daphné ou le mariage à la mode sont des histoires banales.

Parmi ses ouvrages plus récents, signalons : Les mains pleines (ravages de l’or, peu émouvant) ; Georges Anderson (tableau des mœurs canadiennes) ; Diane Mallory ; Sir George Fressady (montre le pouvoir étrange du mariage sur la vie ; scabreux).


Pierre Zaccone, né à Douai en 1817, mort en 1895. Romans de bagnes et de cours d’assises : Le roi de Bazoche, etc. Charles Le Gofflc, son ami, lui attribue une âme de boucher.

  1. John Lemoine, étude sur Manon Lescaut (nouvelle édition, 1864). Ce roman de l’abbé Prévost, chef-d’œuvre de style et de sentiment, s’il montre qu’une âme entièrement possédée par l’amour est une âme perdue, laisse cependant cette impression que les victimes de la passion méritent plus de pitié que de blâme. Rien qu’à ce titre, il est éminemment dangereux pour la jeunesse.