Rivalité de Charles-Quint et de François Ier/3/02
Vers le même temps où l’empereur Charles-Quint apprenait par le marquis de Pescara les projets menaçans des princes italiens et où il recevait d’Angleterre l’avis que son ancien allié Henri VIII concluait un traité avec la régente de France, il était informé du dangereux état dans lequel la captivité avait fait tomber le roi son prisonnier[1]. Après que les négociations pour la paix avaient été suspendues, François Ier, voyant que Charles-Quint se refusait à une entrevue, sentant que la possibilité d’un accord et l’espoir de sa délivrance s’éloignaient de plus en plus, craignant que son royaume, où des dissentimens commençaient à se montrer entre le parlement et la régente, ne fût exposé à d’irrémédiables désordres par son emprisonnement prolongé, fut en proie à une mélancolique tristesse. La fièvre le saisit ; cette fièvre, continuant avec des redoublemens, fut le signe d’une maladie des plus graves. François Ier perdit peu à peu ses forces, et la vie sembla sur le point de l’abandonner. Quoique le mal eût un siège intérieur que les médecins n’apercevaient pas encore, on crut autour du roi que la cause en était toute morale. C’est ce qu’annonça le capitaine Alarcon à l’empereur. Charles-Quint s’empressa d’écrire à François Ier, et il fit partir don Juan de Zuñiga pour lui témoigner l’intérêt qu’il prenait à son rétablissement[2]. Les nouvelles devenant plus mauvaises, il lui envoya son propre médecin pour le traiter et le vice-roi de Naples pour ranimer ses espérances[3] ; mais les soins du médecin impérial ne furent pas plus efficaces que ceux des deux médecins français, Bourgancy et maître Jean de Nismes, que le roi avait auprès de lui[4] et François Ier fut insensible aux consolations que lui apportait Lannoy de la part de Charles-Quint. Un abcès profond s’était formé vers le haut de la tête, et la compression douloureuse que cet abcès produisait en se développant jetait de plus en plus le malade dans un accablement qui semblait mortel. Le lundi 18 septembre, après plus de vingt jours de maladie, François Ier était sans mouvement et presque sans connaissance. Alarcon dépêcha un courrier à l’empereur pour l’en informer et lui dire qu’une visite de sa part pourrait seule tirer le roi de l’état léthargique dans lequel il était tombé, et que s’il voulait le voir encore et chercher à le relever par sa présence et ses paroles, il avait besoin de se hâter. L’empereur était allé à la chasse du côté de Ségovie ; il avait écrit à François Ier qu’apprenant la durée de sa maladie, et regrettant d’avoir passé naguère près du lieu où il était alors bien portant sans le voir, il n’y passerait pas cette fois sans le visiter, et qu’il serait auprès de lui le mardi. Le mardi était le 19 septembre. Charles-Quint arriva des environs de Ségovie à San-Agustin le lundi 18, quelques heures avant la fin du jour. Il comptait coucher à San-Agustin lorsqu’il reçut la dépêche d’Alarcon. Il sentit sur-le-champ que son prisonnier lui échappait, s’il ne s’empressait pas de le soutenir, et qu’il perdrait avec lui tous les avantages qu’il se promettait de sa délivrance. Sans attendre le lendemain, il résolut d’aller visiter François Ier pour lui donner la satisfaction qu’il avait si ardemment désirée et essayer de le ramener à la vie par l’espérance de sa prochaine liberté. Il dit à ceux qui l’accompagnaient qu’ils eussent à se préparer, s’ils voulaient le suivre. Il monta à cheval avec les ducs de Calabre, de Bejar et de Najara, Pedro Giron et don Beltran de la Cueva, qui ne le quittèrent point, et il parcourut à toute bride en deux heures et demie les six grandes lieues qui le séparaient de Madrid[5]. Il y arriva entre huit et neuf heures du soir, et se rendit sur-le-champ à l’Alcazar. Laissant à la porte de la chambre du roi les ducs qui lui faisaient cortège, de peur de fatiguer le malade, il y entra avec le seul vice-roi de Naples, éclairé par le maréchal de Montmorency, qui portait devant lui un flambeau.
En voyant l’empereur, François Ier se releva avec effort sur son lit et s’inclina. Charles-Quint se jeta dans ses bras, et ils se tinrent pendant quelque temps étroitement embrassés sans proférer une parole. François Ier rompit le premier le silence, et dit : « Seigneur, vous voyez devant vous votre prisonnier et votre esclave. — Non, répondit affectueusement l’empereur, mais mon bon frère et véritable ami que je tiens pour libre. — Votre esclave, ajouta le roi. — Mon bon frère et ami qui deviendra libre, repartit avec insistance l’empereur. Je ne désire rien plus que votre santé, ne pensez qu’à elle ; tout le reste se fera, seigneur, comme vous pouvez le souhaiter. — Il en sera ce que vous ordonnerez, continua le roi, car c’est à vous de commander ; mais, seigneur, je vous en supplie, qu’il n’y ait pas d’intermédiaire entre vous et moi[6] ! » François Ier retomba fatigué, et lorsque l’empereur sortit après avoir passé quelques instans encore à ses côtés, François Ier ne put pas donner la main aux ducs de Calabre, de Bejar, de Najara, etc., qui entrèrent pour lui faire la révérence.
Le lendemain, l’empereur retourna auprès du roi. Il n’oublia rien pour lui rendre la confiance ; mais le royal prisonnier se sentait profondément atteint, et il parla à l’empereur comme s’il ne croyait pas survivre à son mal. Il le supplia, s’il succombait, « d’avoir ses fils pour recommandés, de ne pas trop exiger d’eux, de les prendre sous sa protection et de les défendre contre ceux qui les attaqueraient[7]. » Charles-Quint le rassura et lui dit que tout s’arrangerait selon ses vœux lorsque arriverait sa sœur la duchesse d’Alençon. On annonça en même temps que Marguerite de Valois était entrée dans Madrid et qu’elle approchait de l’Alcazar.
Cette princesse, d’un cœur si tendre, d’un mérite si haut, d’un esprit si rare et si orné, était partie de France au milieu des plus grandes chaleurs de l’été pour aller au fond de l’Espagne travailler à la délivrance de son frère. Sa mère l’avait investie de tous les pouvoirs nécessaires pour cette délicate négociation avec l’espérance que sa beauté et son habileté, les charmes de sa personne et les ressources de son dévouement la conduiraient à bonne fin. Dès que la trêve avait été conclue définitivement et que le sauf-conduit tout à fait en règle lui avait été remis, elle s’était rendue de Lyon à Aigues-Mortes en descendant le Rhône avec la régente sa mère, qui l’avait accompagnée jusqu’au lieu de son embarquement. Montée le 27 août[8] sur la flotte qui devait la transporter en Espagne, elle avait traversé la Méditerranée comme l’avait fait son frère deux mois et demi auparavant, et elle avait pris terre à Barcelone, où l’empereur avait envoyé don Ugo de Moncada à sa rencontre. Sur la route de Barcelone à Madrid, elle avait appris la grave maladie du roi son frère, et, remplie d’anxiété, elle avait mis encore plus de hâte à parcourir l’espace qui la séparait de lui[9]. Le corps fatigué, l’âme troublée, elle faisait de dix à douze lieues d’Espagne par jour[10]. Le cardinal légat Salviati que Clément VII avait dépêché vers l’empereur, qu’elle rencontra et dépassa en route, dit qu’elle se rendait en volant à Madrid, où elle arriva le 20 septembre 1525, le lendemain de la première visite que Charles-Quint avait faite à François Ier. L’empereur descendit jusqu’au bas de l’escalier de l’Alcazar pour la recevoir. Elle était vêtue tout en blanc à cause de la mort récente de son mari, le duc d’Alençon, et elle avait le visage en pleurs. L’empereur l’embrassa, lui adressa quelques paroles de consolation et la conduisit auprès du roi son frère. Après quelques instans passés avec eux, il les laissa, et le même jour il repartit pour Tolède[11].
La visite de l’empereur, ses bonnes assurances, la venue et la présence de sa sœur ranimèrent un moment François Ier : il parut mieux ; mais le mal était au-dessus des remèdes moraux. Trois jours après le départ de Charles-Quint et l’arrivée de la duchesse d’Alençon, l’état du roi empira. La fièvre devint plus forte et l’accablement du malade excessif. Le jour suivant (24 septembre), il tomba dans une insensibilité complète, et les médecins de l’empereur comme les siens déclarèrent qu’il était perdu. Il resta pendant plusieurs heures sans parler et sans entendre, ne voyant rien et ne reconnaissant personne. La duchesse d’Alençon était dans le désespoir et ne comptait plus désormais sur aucun remède humain. C’est alors qu’elle fit dresser un autel dans la chambre du roi et dire par l’archevêque d’Embrun la messe à laquelle assistèrent, en priant et en pleurant, les gentilshommes de son frère et les dames de sa suite. Au moment de l’élévation, l’archevêque d’Embrun, s’adressant au roi, qui depuis quelque temps ne donnait aucun signe de vie, l’exhorta à regarder le saint-sacrement. Le roi ouvrit les yeux et leva les mains. La messe finie, la duchesse fit présenter au roi le saint-sacrement pour qu’il l’adorât. « C’est mon Dieu, dit-il, qui me guérira l’âme et le corps, je vous prie que je le reçoive. » Comme on lui représenta qu’il ne pourrait avaler l’hostie, « si, répliqua-t-il, je le ferai. » Alors, l’hostie ayant été partagée en deux à la demande de la duchesse, le roi en reçut la moitié dans la plus grande dévotion, et sa sœur, communiant avec lui, reçut l’autre moitié au milieu de toute l’assistance, qui fondait en larmes[12]. La secousse morale qu’il avait éprouvée avait produit une crise salutaire. L’abcès qu’il avait dans la tête, et qui l’avait jeté dans cet état d’anéantissement, s’était heureusement ouvert en dehors, ce qui le sauva[13] ; mais, s’il fut rendu à la vie, il demeura dans une grande faiblesse. L’empereur apprit avec une vive satisfaction le rétablissement inespéré de son prisonnier. Il avait ordonné qu’on fît à son intention des prières publiques. Au moment où François Ier paraissait sur le point de succomber, Charles-Quint, se résignant à sa perte avec cette gravité stoïque qu’il montra dans les positions diverses de la fortune, s’était borné à dire : « Dieu me l’avait donné, Dieu me l’ôte[14]. ». Dès qu’il connut la soudaine amélioration qui était survenue, il fit partir le vice-roi de Naples pour visiter François Ier, à qui il écrivit « que les choses, au plaisir de Dieu, viendraient à bonne fin[15]. »
Marguerite de Valois quitta son frère convalescent pour aller suivre auprès de Charles-Quint la grande négociation qui l’avait conduite en Espagne. Elle arriva le mardi 3 octobre à Tolède. L’empereur envoya au-devant d’elle le duc de Médina-Celi à une lieue de la ville. Il sortit lui-même de son palais pour la recevoir, accompagné du duc de Calabre, de l’archevêque de Tolède, du duc de Bejar, du duc de Najara, du connétable de Navarre, de l’amiral des Indes, du marquis de Villafranca et de beaucoup d’autres seigneurs et caballeros. Il la rencontra sur la place de Zocodover, ayant à ses côtés l’archevêque d’Embrun, quelques grands personnages de France, et suivie de vingt de ses femmes à cheval comme elle. Du plus loin qu’il la vit, l’empereur ôta son bonnet et s’approcha d’elle avec la plus gracieuse courtoisie. L’ayant placée à sa droite, il la conduisit lui-même au palais de don Diego de Mendoza, comte de Melito, où son logis avait été préparé. A la porte, il prit congé de la duchesse le béret à la main et retourna à son palais[16].
Le lendemain, il y reçut la visite de Marguerite de Valois, qui vint l’entretenir du projet de paix avec la France et discuter les conditions auxquelles pourrait être délivré le roi son frère. Charles-Quint demeura pendant deux heures en conférence avec elle. Il n’avait auprès de lui aucun des membres de son conseil ni des grands officiers de sa cour, et il avait voulu, par une aimable déférence, que la porte de la chambre dans laquelle il conférait avec la duchesse fût gardée par une de ses femmes[17] mais, s’il se montra courtois envers la duchesse, il reprit toutes ses exigences à l’égard du roi. Ce qu’il avait dit à François Ier pour le relever de l’abattement où l’avait jeté sa maladie, il ne parut plus s’en souvenir lorsque François Ier fut revenu à la santé. Il fit voir que, s’il lui avait donné des espérances, c’était pour le sauver de la mort et non pour le délivrer de la captivité.
La duchesse d’Alençon proposa, en même temps que la renonciation aux souverainetés de l’Italie et aux suzerainetés sur une partie des Pays-Bas, le mariage du roi son frère avec la reine Éléonore, qui recevrait de l’empereur le duché de Bourgogne en dot[18]. Cette combinaison avait à l’égard de la France le tort de reconnaître un droit réel sur le duché au petit-fils de Marie de Bourgogne, qui pourrait le donner à sa sœur, et vis-à-vis de l’empereur le désavantage de le priver de la possession du duché, tout en le lui concédant ; Charles-Quint n’y adhéra point. Il tenait à l’acquisition effective de cette grande province et entendait la reprendre avec toutes ses dépendances. Il répondit d’abord que la reine sa sœur, qu’il avait eu soin d’éloigner peu après l’arrivée de la duchesse d’Alençon en la faisant partir pour un pèlerinage à Notre-Dame-de-Guadalupe, était promise au duc de Bourbon et ne pouvait pas être accordée à François Ier. La duchesse d’Alençon offrit vainement la somme qui conviendrait à l’empereur pour la rançon de son prisonnier. Charles-Quint assura qu’il ne voulait point de rançon et qu’il ne demandait pas autre chose au roi que la restitution de ce qui lui appartenait[19] ; mais cette restitution prétendue était un démembrement considérable du territoire incorporé à la couronne. François Ier la trouvait contraire à son honneur et déclarait qu’il aimerait mieux demeurer en prison toute sa vie que d’y consentir. Cependant la demande de l’empereur était si péremptoire, et si vif était le désir de délivrer le roi d’une prison où sa santé était exposée à se perdre et son royaume à tomber dans le trouble, — que la duchesse d’Alençon offrit à Charles-Quint la mise en possession du duché de Bourgogne aussitôt que le roi serait rentré dans son royaume, mais à une double condition : 1o que le droit au duché serait jugé par le parlement de Paris garni de pairs ; 2o que l’empereur donnerait des otages de la restitution du duché, si le jugement n’était pas en sa faveur. Charles-Quint refusa encore. Il était résolu à ne pas délivrer le roi avant d’avoir le duché entre ses mains, et il n’admettait point que le parlement de Paris siégeant par la grâce et sous l’autorité du roi, et les pairs du royaume placés dans sa dépendance, pussent être des juges impartiaux et équitables. Il consentit toutefois à faire décider le différend par des arbitres nommés de part et d’autre. La duchesse d’Alençon ne rejeta point cette proposition, qu’elle communiqua aux commissaires français, qui ne furent pas d’avis de l’accepter. Ils trouvèrent avec raison que soumettre le droit de la France à un arbitrage, c’était l’infirmer et même l’exposer. Ils décidèrent la duchesse à retirer son adhésion, au grand contentement de l’empereur, qui, de son côté, était fâché d’avoir donné la sienne. Afin d’accorder à Charles-Quint, sinon le pays qu’il revendiquait, du moins le titre auquel il semblait tenir, la duchesse d’Alençon lui offrit la vicomté d’Auxonne, qui serait réunie à la comté de Bourgogne, érigée en duché ; mais l’empereur rejeta bien loin une offre qu’il traita de dérisoire[20]. Il se croyait assuré de reprendre le duché de Bourgogne ou de garder son prisonnier, d’affaiblir la France par l’amoindrissement de son territoire ou par la captivité prolongée de son roi.
Après plusieurs entretiens de Marguerite de Valois et de Charles-Quint, après de nouvelles conférences entre les commissaires français et les commissaires impériaux, il fut convenu de mettre par écrit les articles proposés de part et d’autre. L’empereur regarda comme insuffisans ceux qui furent présentés au nom de François Ier et qui renfermaient les offres précédemment faites et refusées. Les siens contenaient des conditions toujours aussi excessives. Charles-Quint acceptait la renonciation de François Ier au royaume de Naples, au duché de Milan, au comté d’Asti, à la seigneurie de Gênes, ce qui le rendait maître de l’Italie, laissée sous sa domination ou son influence. Il obtenait que la Flandre avec Tournay, Mortagne, Saint-Amand, et l’Artois, accru de la ville de Hesdin, et dont la frontière cesserait d’être menacée par les fortifications renversées de Thérouanne, fussent dégagés du lien féodal qui les attachait à la couronne de France. Non-seulement il entrait ainsi dans la pleine souveraineté des Pays-Bas tout entiers, mais il prétendait les étendre jusqu’à la rivière de Somme en revendiquant de plus les villes de Roye, de Montdidier, etc., autrefois cédées à un des ducs ses ancêtres et légitimement revenues au royaume. Il persistait dans sa première et invariable prétention aux vastes domaines repris par Louis XI à son aïeule, qui n’avait pas eu droit les conserver, et il réclamait opiniâtrement le duché de Bourgogne, le comté de Mâcon, le comté d’Auxerre, la vicomte d’Auxonne, la châtellenie de Bar-sur-Seine, ce qui aurait singulièrement réduit à l’est le royaume de France, déjà si resserré au nord. Il demandait impérieusement que le duc de Bourbon, dont la condamnation serait annulée et dont les complices seraient réhabilités, rentrât dans tous ses biens, pût faire valoir ses droits sur la Provence, et, protégé par une formidable alliance politique, appuyé d’une étroite parenté matrimoniale, fût rétabli en souverain dans ses provinces centrales, et pût braver impunément le roi désarmé au cœur du royaume amoindri. En même temps qu’il exigeait des satisfactions aussi dangereuses pour ce rebelle vassal, il imposait au roi qu’il affaiblissait l’humiliante condition d’abandonner d’anciens alliés : le duc de Gueldre, le duc Ulrich de Wurtemberg, le sire de La Marck, seigneur de Bouillon, de Sedan et de Jamets, le sire d’Albret, prince de Béarn et roi de Navarre, et de les livrer ainsi à son inimitié. Charles-Quint allait encore plus loin à l’égard de François Ier. Il le soumettait à des dépendances onéreuses et à des obligations militaires ; il voulait que François Ier fût son suivant dans les grandes cérémonies de son règne, son second dans ses entreprises, son allié dans ses guerres. Il l’astreignait à l’accompagner en Italie avec sa flotte et ses troupes lorsqu’il irait y prendre la couronne impériale dans l’appareil d’un vainqueur et d’un dominateur. Après avoir orné son couronnement, François Ier serait tenu de le suivre dans ses campagnes en mettant sur pied des forces égales aux siennes et en pourvoyant à leur entretien. Il l’aiderait à repousser les Turcs de la Hongrie, à dompter les luthériens en Allemagne, et s’associerait ainsi aux deux grands projets qu’avait Charles-Quint de protéger la chrétienté contre les infidèles, de soutenir la catholicité contre les hérétiques par l’expulsion des Ottomans de l’Europe orientale, qu’ils avaient envahie, et par la soumission des novateurs à l’église, qu’ils avaient abandonnée[21].
Telles étaient les exigences et tels étaient les desseins de l’ambitieux et entreprenant empereur, qui se croyait modéré en ne demandant que ce qu’il appelait le sien et magnanime en refusant une rançon. Il ne considérait pas comme une rançon exorbitante cet abandon complet de l’Italie, cet affranchissement de provinces de tout temps assujetties, cet amoindrissement d’un royaume dont la frontière facile à franchir serait de nouveau rapprochée de la capitale, non moins aisée à atteindre, — enfin cette dépendance d’un roi forcé d’abandonner qui l’avait servi, de servir qui l’avait accablé. A toutes ces prétentions, Charles-Quint en ajoutait une autre. Il voulait que le roi ainsi dépouillé se montrât satisfait, et qu’il fût à jamais son ami fidèle. Il n’entendait pas qu’il se tînt pour mécontent dès qu’il serait libre, qu’il cherchât à reprendre par la force ce qu’il aurait cédé sous la contrainte, et il exigeait l’assurance de son affection non moins que la résignation à ses sacrifices. Il abusait de la victoire sans pour ainsi dire s’en apercevoir, et il était si aveugle dans son avidité, si tranquille dans son immodération, qu’il croyait être généreux en ne réclamant pas davantage. Il n’en était pas moins inhabile par défaut de clairvoyance, et pour vouloir se procurer trop d’avantages il s’exposait à n’en obtenir aucun.
Ces propositions furent portées le 9 octobre à Madrid par l’archevêque d’Embrun et le premier président de Selve, qui les communiquèrent à François Ier. Le prisonnier les connaissait déjà. Malgré ce que lui avait écrit la duchesse sa sœur sur les tenaces prétentions de l’empereur, si peu conformes aux espérances qu’il lui avait récemment données, il s’en étonna. Il y répondit sur-le-champ (le 10 octobre) avec hauteur et avec esprit. Il dit que c’était la crème des articles dont l’empereur avait chargé Beaurain lorsqu’il était enfermé à Pizzighetone et de ceux qu’il avait adressés lui-même de Pizzighetone à l’empereur. Il consentit à ce qu’il avait offert et rejeta fièrement le reste, en accompagnant ses refus d’observations amères ou ironiques[22]. Il écrivit ensuite cette lettre à Charles-Quint : « Monsieur mon frère, j’ai entendu par l’archevêque d’Embrun et mon premier président de Paris la résolution que leur avez dite sur le fait de ma délivrance, et me déplaît de quoy ce que demandez n’est en mon possible : car vous cognoistriez qu’il ne tiendrait à moy que je fusse et demeurasse votre amy. Mais cognoissant que plus honnestement vous ne pouvez dire que vous me voulez toujours tenir prisonnier que de me demander chose impossible de ma part, je me suis résolu prendre la prison en gré, estant sûr que Dieu, qui sçait que je ne l’ay méritée longue, estant prisonnier de bonne guerre, me donnera la force de la pouvoir porter patiemment, et n’ay regret sinon que le fruit de vos honnestes paroles qu’il vous pleust me tenir en ma maladie n’ait sorti son effect, ayant peur que le bien de la chrétienté ne soit doresnavant si bien conduit au service de Dieu qu’il eust été, moy demeurant par sang et mariage vostre bon frère et amy François[23]. » Charles-Quint demeura insensible à ces fiers regrets et ne crut pas à ce ferme langage. La duchesse d’Alençon, n’ayant plus rien à attendre, prit congé de l’empereur. Le 13 octobre, elle quitta Tolède pour se rendre à Madrid auprès du roi son frère[24]. La négociation entreprise par elle avait été aussi infructueuse que la négociation d’abord engagée par l’archevêque d’Embrun et le premier président de Selve ; elle n’avait duré que quelques jours. Elle sembla complètement abandonnée pendant un mois.
Mais François Ier, dont la santé s’altérait par la prolongation d’une captivité à laquelle il se résignait moins aisément qu’il ne l’avait cru ou qu’il ne l’avait dit, et qui n’était ni d’humeur ni en position d’attendre avec la même patience que Charles-Quint, se lassa le premier de ce silence. Il prit occasion de l’arrivée de Gabriel de Gramont, évêque de Tarbes[25], accrédité comme ambassadeur de France auprès de Charles-Quint, pour renouer la négociation et faire encore une tentative. L’évêque de Tarbes demanda que les plénipotentiaires français fussent admis à présenter des propositions nouvelles au nom du roi leur maître. Charles-Quint y consentit. Croyant sans doute que l’énormité de la somme pourrait disposer le nécessiteux empereur à accepter une rançon en argent sans l’exiger en territoire, les commissaires français lui offrirent trois millions d’écus d’or, en revenant toujours sur le mariage de la reine Éléonore, qui recevrait le duché de Bourgogne en dot[26]. L’empereur répéta qu’il ne voulait pas prendre de rançon du roi, qu’il voulait rentrer seulement dans les domaines héréditaires enlevés à son aïeule par un des prédécesseurs du roi. Il avait dit que la duchesse d’Alençon avait entrepris à tort un si long voyage, puisqu’elle n’avait pas le pouvoir de les rendre ; il déclara aux ambassadeurs de la régente qu’ils renouaient en vain la négociation, s’ils n’offraient pas de les céder. Cette reprise des pourparlers dans laquelle l’empereur se montra plus que jamais résolu et posa comme condition absolue de la paix sa mise en possession de la Bourgogne préalablement à la délivrance du roi, qui serait garantie par des otages, n’eut pas plus de suite et eut encore moins de durée que les précédentes. Elle cessa au bout de quelques jours par la visible impossibilité de s’entendre.
François Ier n’avait rien pu obtenir de l’inexorable Charles-Quint, que n’avaient ébranlé ni l’abandon du roi d’Angleterre, ni l’attitude menaçante de l’Italie. Ses concessions n’avaient pas satisfait Charles-Quint ; ses prières et sa confiance ne l’avaient pas fléchi ; sa maladie, qui semblait l’avoir mieux disposé pour un moment, ne l’avait au fond pas touché ; l’offre d’une immense rançon ne l’avait pas tenté. Il essaya si la crainte de perdre tous les avantages qu’il pouvait retirer de sa délivrance ne rendrait pas l’empereur moins inflexible dans ses résolutions. Il parut résigné sérieusement à une captivité durable et prêt à donner un autre roi à la France en cessant de l’être lui-même. Il ne laissait plus dès lors qu’un prisonnier ordinaire entre les mains de l’empereur. En présence de l’archevêque d’Embrun, du maréchal de Montmorency, du premier président de Selve, de La Barre, prévôt de Paris, il abdiqua en faveur du dauphin son fils. Dans les lettres-patentes[27] destinées au couronnement de son successeur, qu’il signa devant eux et qu’il fit contre-signer par le secrétaire Robertet, il disait : Qu’il avait plu à Dieu de lui sauver la vie et l’honneur à la bataille de Pavie ; que, mis entre les mains de l’empereur, il en avait espéré humanité, clémence et honnêteté comme d’un prince chrétien et d’un proche parent ; que, gravement malade pendant sa prison et dans un état désespéré, cette maladie extrême n’avait pas ému le cœur de l’empereur et ne l’avait pas porté à le délivrer ; que, pour obtenir sa délivrance et conclure une paix profitable à toute la chrétienté, il avait fait les offres les plus considérables ; que les ambassadeurs de la régente sa mère et sa sœur la duchesse d’Alençon, venue à travers la mer et la terre, n’avaient rien omis de ce qui pouvait disposer l’empereur à faire acte d’honneur et d’humanité, tout en recevant la plus grande rançon qui pût se donner pour le plus grand prince du monde et en établissant une étroite alliance au moyen d’un double mariage de sa sœur avec lui et de sa nièce avec le dauphin ; que l’empereur s’y était refusé et n’avait pas voulu le délivrer jusqu’à ce qu’il fût mis en possession du duché de Bourgogne, des comtés de Mâcon et d’Auxerre, de Bar-sur-Seine, outre d’autres demandes non moins déraisonnables et dommageables qu’il avait rejetées. « Nous avons plus tôt résolu, disait-il dans un pathétique langage, endurer telle et si longue prison qu’il plaira à Dieu que nous portions… Nous la lui offrons avec nostre liberté pour le bien, union, paix, conservation de nos subjets et royaulme, pour lesquels vouldrions employer non-seulement nostre vie, mais celle de nos très chers enfans, qui sont nés non pour nous, mais pour le bien de nostre royaulme et vrays enfans de la chose publique de France. »
Il prescrivait en même temps que le dauphin, son fils aîné et son successeur, fût couronné et sacré avec les solennités accoutumées, et fût dès à présent tenu pour roi très chrétien par ses sujets. Il désignait la duchesse d’Angoulême, sa mère, pour exercer la régence pendant la minorité de son fils, lui substituait en cas de mort la duchesse d’Alençon, sa sœur, les invitait à prendre dans les actes du nouveau règne le conseil des princes, des prélats, du chancelier, du président, des autres officiers du royaume. S’il était délivré plus tard, il se réservait de remonter sur le trône, ce qui, sans annuler le couronnement de son fils, en suspendrait les effets jusqu’à son trépas. Rien ne manquait à ce grand dessein, ni la patriotique résignation ni l’habile prévoyance. François Ier pensait sans doute par là se faire rendre une liberté qui rapporterait quelque chose à l’empereur en faisant cesser une captivité qui ne lui rapporterait plus rien. Afin de compléter l’arrangement qui intéressait la France par un arrangement qui touchait à sa personne et pour faire croire à la sincérité de ses sentimens comme à la réalité de ses mesures, il parut vouloir s’établir d’une manière commode dans une prison qui ne devait plus s’ouvrir. Il envoya le maréchal de Montmorency demander à l’empereur soixante personnes qui resteraient attachées à son service pendant sa captivité. Il désigna parmi elles le prévôt de Paris La Barre, le maître d’hôtel Monchenu, l’écuyer tranchant Pommereul, Robertet pour secrétaire, La Pommeraye pour portier, des valets de chambre, de garde-robe, de fourrière, un barbier, un tailleur, un tapissier, des cuisiniers et des aides de bouche, des sommeliers de gobelet, un fruitier, un aumônier, le médecin Burgancy, un apothicaire, un chirurgien, des officiers ordinaires, comme pâtissier, boulanger, garde-vaisselle, etc., et, afin de le distraire et de le divertir, quatre pages qui savaient chanter, avec ses trois joueurs de luth, d’espinette et de viscontin[28]. C’était toute une maison destinée à adoucir ou faciliter une captivité perpétuelle.
Que ferait Charles-Quint ? Il recevait des conseils contradictoires. Pescara, qui avait prêté l’oreille aux offres des conspirateurs italiens sans les accepter, s’était décidé à lever le masque. Après avoir pris des précautions qu’il jugeait cependant insuffisantes, et afin de prévenir une dangereuse explosion contre la puissance espagnole, il avait fait arrêter le chancelier Morone à Novare, et il assiégeait le duc Sforza dans la citadelle de Milan. Connaissant toutes les menées des Italiens et craignant que la péninsule ne se soulevât tout entière si l’on n’empêchait pas qu’elle s’unît avec la France, il conjurait de nouveau l’empereur de délivrer le roi prisonnier sans exiger la Bourgogne, pourvu que le roi lui cédât l’Italie[29]. En paix avec la France, il soumettrait à jamais la péninsule italienne, tandis qu’il s’exposait par leur mécontentement commun et par leur union à recommencer la guerre avec l’une et à perdre l’autre. Si le hardi capitaine qui avait trompé l’attente de l’Italie conseillait à Charles-Quint dans un langage passionné de la soumettre après s’être entendu avec le roi de France, le profond chancelier Gattinara, qui aimait l’Italie et qui haïssait la France, engageait l’empereur son maître à gagner les Italiens et à ne se départir d’aucune des demandes faites au roi prisonnier. Il affirmait qu’il n’aurait rien à craindre tant qu’il tiendrait François Ier éloigné de la France., qui, privée de son roi, restait hors d’état d’entreprendre et de nuire[30]. Tandis que Pescara conseillait des arrangemens avec le roi de France pour s’assurer de l’Italie et Gattinara des ménagemens envers l’Italie pour isoler la France, l’ambassadeur que Charles-Quint avait accrédité auprès de la régente, Louis de Bruges, sieur de Praet, lui annonçait le projet d’abdication de François Ier. Tout en avouant que retenir ce prince à jamais en prison c’était paralyser pour toujours sa puissance, il insinuait que peut-être il valait mieux se montrer généreux à son égard que trop exigeant, et ne pas lui imposer des conditions dures et humiliantes auxquelles il ne se soumettrait qu’avec l’intention de s’y soustraire. Il assura que cela serait facile à François Ier une fois rentré dans son royaume, qui, tout épuisé qu’il était, le seconderait avec une adhésion ardente et une fidélité dévouée. Il concluait à le garder toujours prisonnier ou à le renvoyer pleinement satisfait[31], à l’annuler par la captivité comme ennemi, ou à le gagner par la magnanimité comme ami.
Charles-Quint n’était nullement enclin à suivre l’avis de Pescara, et les habiles insinuations de Louis de Praet n’éveillèrent pas en lui une générosité qui aurait été politique. S’il désirait que François Ier restât son ami après avoir été délivré, il ne voulait pas le délivrer sans avoir reçu de lui tout ce qu’il revendiquait. Avec cette fixité dans les résolutions une fois prises qui tenait autant à son esprit inflexible qu’à son caractère opiniâtre, il ne céda à aucune considération de sûreté ou d’utilité. Suivant donc ses propres dispositions autant que les conseils du chancelier Gattinara, il résolut de ne jamais délivrer le roi, si le roi ne lui restituait pas la Bourgogne. Le projet d’abdication de François Ier ne l’ébranla point, soit qu’il le considérât comme réel, soit qu’il n’y vît qu’un subterfuge. Il se montra prêt à lui rendre plus commode le séjour d’une prison sans terme.
Il recevait en même temps avec grand éclat[32] le duc de Bourbon, qu’il avait appelé d’Italie pour le consulter dans les arrangemens qui le concernaient. Le 15 novembre, par une pluie très forte, il alla au-devant de lui avec le cardinal légat Salviati et toute sa cour jusqu’à une certaine distance de Tolède. Il lui fit l’accueil le plus cordial et lui dit qu’il était la personne au monde qu’il désirait le plus de voir. Il rentra dans Tolède en ayant le cardinal légat à sa droite et le duc à sa gauche. « Sire, lui dit Bourbon, j’ai perdu mon état à votre service, et de ma personne j’ai fait ce que je vous offris comme chevalier, bon serviteur et vassal, et je rends grâce à Dieu de ce que les choses en sont à ce point, pour la grande gloire et avec la victoire de votre majesté… S’il avait fallu perdre un royaume, comme j’ai perdu mon état, je l’aurais fait volontiers, et à cela l’aurais trouvé bien employé. — Duc, répondit Charles-Quint, votre état n’est pas perdu et ne se perdra pas ; je vous le rendrai, et en outre je vous en donnerai un plus considérable. Je sais que tout ce que vous dites est vrai ; le temps et mes œuvres montreront la volonté que j’ai de vous agrandir. — Seigneur, ajouta le duc, après la bataille de Pavie, je voulais suivre la fortune. Si je ne le fis pas, c’est que je ne trouvai point la même volonté dans plusieurs des principaux de votre armée. Il me parut alors qu’il convenait mieux au service de votre majesté de pourvoir à la garde du roi de France et des prisonniers les plus considérables. — Vous avez mieux fait comme cela, ajouta l’empereur, et tout a été bien conçu et bien exécuté. Je sais que vous avez été, avec l’aide de Dieu, une des causes les plus décisives de cette victoire, et je le reconnaîtrai comme je le dois[33]. »
Pendant que l’empereur accueillait ainsi l’ancien connétable de France et qu’il comblait de félicitations et de promesses le grand traître qui l’avait servi en combattant contre son pays et en aidant à vaincre et à prendre son roi, le triste prisonnier, qui ne pouvait pas sortir de captivité à des conditions acceptables, et qui ne voulait pas donner pour rançon une partie de son royaume, cherchait à s’évader par des moyens peu dignes d’un roi. Au moment même où l’on négociait pour la troisième fois avec la certitude que les propositions des commissaires français seraient repoussées, tout était disposé mystérieusement pour l’évasion de François Ier. Un capitaine mantouan nommé Emilio Cavriana, qui avait été au service du roi, parcourait l’Espagne, comme beaucoup d’autres, à l’aide de la trêve, sans exciter de soupçons. Par ses soins, des chevaux avaient été placés de distance en distance pour faciliter la fuite du roi[34]. Mais comment échapper à la surveillance d’Alarcon et sortir de l’Alcazar à travers les soldats qui le gardaient ? Un esclave nègre qui était chargé d’entretenir le feu dans la chambre du roi, et qui entrait et sortait librement sans que les gardes fissent attention à lui, fut facilement gagné. Le roi, après s’être teint en noir le visage et les mains, devait prendre les vêtemens du nègre et le laisser dans la chambre à sa place, en profitant pour s’évader de l’obscurité du soir. Le subterfuge n’était pas noble, mais il était sûr. François Ier quittant l’Alcazar sans être aperçu, ayant une nuit d’avance pour fuir, se servant des chevaux qui avaient été échelonnés dans cette intention, pouvait arriver à la frontière sans être atteint et la franchir sans qu’on y fût prévenu assez à temps de sa fuite pour l’empêcher de pénétrer en France. Le secret de ces préparatifs d’évasion n’était connu que de ceux qui devaient y concourir. Il fut livré non par trahison, mais par vengeance.
La Rochepot, frère du maréchal de Montmorency et l’un des gentilshommes venus auprès du roi, se prit de querelle avec Clément Le Champion, valet de chambre de François Ier, et lui donna un soufflet. Cet outrage, dont le valet de chambre ne put obtenir réparation d’un Montmorency, le mit hors de lui, et, ne pouvant pas se venger du grand seigneur qui l’avait si gravement insulté, il trahit le roi. Il courut à Tolède et révéla les projets d’évasion dont il avait la confidence, et auxquels l’empereur ne voulait pas croire[35]. Charles-Quint s’étonna que François Ier consentît à prendre, pour fuir, un déguisement si indigne d’un grand prince comme lui[36]. Il fit arrêter le capitaine italien Emilio Cavriana, défendit à Alarcon de laisser entrer le nègre dans la chambre du roi[37], et s’apprêta à confiner son prisonnier dans un lieu où il pût être placé avec encore plus de sécurité et sous la surveillance d’une garde moins considérable. Il se disposa en même temps à se rendre à Séville pour y recevoir et y épouser l’infante Isabelle de Portugal, en attendant de recommencer la guerre à l’expiration de la trêve.
C’est alors que la régente Louise de Savoie fit partir pour l’Espagne Chabot de Brion, chargé de ses dernières instructions pour ses ambassadeurs à Tolède. Si la pensée de retenir un prisonnier inutile et la crainte de voir monter sur le trône de France un autre roi ne portaient pas Charles-Quint à délivrer François Ier, la régente autorisait ses négociateurs à conclure la paix en cédant à l’empereur tout ce qu’il demandait. Elle leur disait que la délivrance du roi était d’un prix inestimable pour le royaume, que la longue captivité du roi aurait les inconvéniens les plus graves, que le dauphin ne serait de longtemps en âge et en état de gouverner, qu’elle-même ne saurait porter toujours un si grand faix, que le royaume pourrait tomber dans la confusion et souffrir des maux irréparables, que chacun regretterait alors de n’avoir pas racheté le roi, qu’on avait cédé bien davantage par le traité d’Arras afin de séparer le duc de Bourgogne du roi d’Angleterre ; que le roi Jean, fait prisonnier à la bataille de Poitiers, avait été racheté par bien plus de terres et d’argent, quoiqu’il eût un fils en mesure de gouverner ; qu’en croyant sauver un duché on exposerait le royaume à se perdre, le roi à rester prisonnier, ses enfans à être détruits[38].
Ces raisons, se joignant à l’impatience qu’éprouvait François Ier d’obtenir une liberté qu’il ne pouvait pas se procurer autrement, semblèrent le décider au grand sacrifice de la Bourgogne. Il fit dire à l’empereur, par Charles de Lannoy, que s’il voulait désigner de nouveau des plénipotentiaires, la paix cette fois serait bientôt faite[39]. Charles-Quint n’en nomma que trois, et il les choisit parmi ceux qui étaient le plus favorables à François Ier. Il chargea le vice-roi de Naples Charles de Lannoy, le prieur de Messine, Ugo de Moncada, et le premier secrétaire d’état Jean Lallemand, de cette négociation définitive, que le roi confia à l’archevêque d’Embrun et au premier président de Selve, auxquels il adjoignit Chabot de Brion. Il leur donna des instructions semblables à celles qu’ils venaient de recevoir de sa mère. — Voyant, disait-il, que l’empereur avait constamment persisté dans sa première résolution, qui n’avait fléchi devant aucune offre, considérant l’état de son royaume, dont sa mère l’avertissait chaque jour, et qui serait en danger d’un grand déclin à cause du bas âge et de la faiblesse de ses enfans, s’il était enlevé de ce monde, comme il y avait été exposé depuis deux mois et comme il le serait encore en demeurant en captivité et en ne respirant pas l’air de son pays, seul capable, avec la liberté, de le tirer de l’état d’affaiblissement où il était tombé, il engageait ses ambassadeurs non-seulement à renoncer de sa part au duché de Milan, au comté d’Asti, à la seigneurie de Gênes, au royaume de Naples, à toutes les prétentions des rois ses prédécesseurs sur l’Aragon, la Catalogne, le Roussillon, non-seulement à abandonner la suzeraineté de la Flandre et de l’Artois, à céder Tournay et le Tournaisis, Mortagne, Saint-Amand, la cité et le comté d’Arras, mais à restituer le duché de Bourgogne et ses dépendances, avec exemption de droit de ressort à la couronne de France. Il ne se bornait pas à les y inviter, il le leur commandait, et, de peur qu’ils ne se crussent pas le droit de le faire, il les déchargeait de toute responsabilité, s’ils lui obéissaient, et les menaçait de son animadversion, s’ils s’y refusaient. Il leur disait que c’était chose forcée pour arriver à sa délivrance. « Par là vous rendrez à nous et à notre royaume un service qui jamais ne sera oublié : si vous différiez au contraire de faire ce que vous commandons, vous nous feriez desservice, dommage et desplaisir irréparable[40]. »
Mais de même que les plénipotentaires français ne pouvaient être décidés à signer une pareille cession que s’ils y étaient contraints par le commandement royal, de même cette cession ne paraissait exécutable que si le roi était présent dans son royaume. Son retour devait y précéder une restitution si difficile à effectuer, et son autorité était seule capable d’amener ses sujets à y consentir. Il demandait toujours à épouser la sœur de Charles-Quint, à qui il donnerait ses deux fils aînés pour otages de la cession promise et entre les mains duquel il retournerait, s’il ne parvenait point à détacher le duché de Bourgogne de la couronne de France.
Cette fois Charles-Quint ne pouvait pas s’opposer à un mariage qui était une condition de la paix et le moyen de rentrer en possession de ce qu’il avait si opiniâtrement demandé et de ce qu’il arrachait avec tant de peine au monarque captif ; mais pour donner à François Ier la reine de Portugal il fallait la refuser au duc de Bourbon. L’engagement envers celui-ci était ancien, formel, et jusque-là Charles-Quint n’avait pas eu la pensée d’y manquer. Le duc de Bourbon comptait sur la fidèle exécution de cet engagement, et le chancelier Gattinara en déclarait la rupture impossible. Comment faire renoncer le duc à un mariage depuis si longtemps convenu, qui était pour lui un honneur éclatant et comme le gage certain d’une souveraineté indépendante ? Aussi, loin d’obtempérer à un semblable arrangement, il s’en plaignit tout haut. Il dit qu’il avait perdu ses états à cause de l’empereur et pour son alliance, qu’il aspirait moins à recouvrer son ancienne grandeur qu’il ne tenait à la parenté qui lui avait été offerte[41], et que ce serait étrangement reconnaître les sacrifices qu’il avait faits et payer les services qu’il n’avait cessé de rendre que de lui refuser celle qui lui avait été si solennellement promise. L’empereur, placé entre sa parole et sa politique, était fort embarrassé. Il consulta la volonté de sa sœur. Lorsque la duchesse d’Alençon l’avait demandée la première fois en mariage pour François Ier, la reine Éléonore, alors en pèlerinage à Notre-Dame-de-Guadalupe, avait annoncé que la volonté de l’empereur serait la sienne. Lannoy était plus que jamais en lutte ouverte avec Bourbon, qui le détestait autant qu’il en était haï. Ils avaient eu les plus vives altercations en présence de l’empereur soit au sujet de l’expédition de Provence, où Bourbon prétendait avoir été abandonné par le vice-roi, soit au sujet de la campagne d’Italie, où Bourbon taxait le vice-roi de faiblesse avant la bataille, d’orgueil après la victoire. Lannoy, aussi prononcé pour la paix avec François Ier et aussi favorable à sa délivrance que le chancelier Gattinara[42] était bien porté pour le duc de Bourbon et trouvait conforme à une bonne politique d’affaiblir François Ier, Lannoy fit demander à la veuve du roi de Portugal si elle voulait devenir reine de France ou être la femme d’un duc fugitif. Éléonore eut une volonté cette fois, et sans hésitation elle déclara sa préférence pour François Ier[43]. L’empereur, que le choix de sa sœur aidait à se dégager envers le duc de Bourbon, fit d’ailleurs entendre à celui-ci que ce mariage était la condition de la paix, qu’il ne pourrait pas recouvrer ce que la maison de Bourgogne avait perdu et le réintégrer lui-même dans les états qui lui avaient été enlevés, s’il ne s’accordait point avec le roi de France en lui donnant sa sœur. Il lui demanda son acquiescement, et pour le dédommager de ce coûteux sacrifice il lui réserva le duché de Milan[44], dont il se proposait de dépouiller le duc Sforza à cause de sa récente rébellion.
En vue de ce mariage, Charles-Quint abandonnait les comtés d& Mâcon et d’Auxerre, ainsi que la seigneurie de Bar-sur-Seine, annexes du duché de Bourgogne qu’il laissait en dot à sa sœur[45]. Mais, après avoir jusque-là déclaré qu’il ne rendrait pas François Ier à la liberté avant d’avoir été mis en possession du duché de Bourgogne, consentirait-il à délivrer d’abord le roi sous la promesse de recouvrer ensuite le duché ? Il consulta son conseil à ce sujet. Lannoy surtout fut de cet avis[46]. Comprenant les difficultés d’une pareille cession de territoire, il soutint qu’elle ne pourrait être arrachée à la France que par l’active volonté du roi. La présence de François Ier dans son royaume lui parut dès lors indispensable pour la restitution dont l’empereur faisait le fondement de la paix et dont la délivrance préalable du roi était le seul moyen. Les avantages considérables de cette paix n’étaient pas moins certains, quoique un peu retardés, en acceptant les sûretés offertes par le roi lui-même. L’empereur pourrait arranger sans obstacle et sans dépense ses affaires d’Italie, où il consoliderait sa domination après s’y être fait couronner, — mettre à l’abri de tout péril et de toute sujétion les Pays-Bas agrandis et indépendans, — poursuivre les desseins qu’il avait de repousser les Turcs de la Hongrie, de rétablir en Allemagne la foi religieuse ébranlée, et de se rendre ainsi, comme il en avait la pensée, le défenseur de la chrétienté et le restaurateur du catholicisme, sans être troublé par l’opposition de personne et en étant secondé par les forces de son ancien adversaire, devenu son nouvel allié. Le chancelier Gattinara fut d’une opinion contraire. Il détourna l’empereur de délivrer François Ier avant d’avoir reçu le duché de Bourgogne, affirmant que s’il n’en exigeait pas la restitution immédiate, il ne l’obtiendrait jamais ; que le roi de France devenu libre ne lui rendrait point ce qu’il avait refusé de lui donner pour le devenir ; qu’il ne tiendrait pas plus l’engagement qu’il prenait aujourd’hui qu’il n’avait tenu les promesses qu’il avait faites précédemment ; qu’il voudrait se soustraire à la contrainte qu’il prétendrait lui avoir été imposée, se relever de sa défaite et venger les déplaisirs de sa captivité ; que la guerre recommencerait et que tout serait remis en question ; que ses fils donnés en otage de sa parole seraient laissés en captivité, sans profit pour l’empereur et sans détriment pour le roi, tandis que, le roi restant prisonnier, à moins qu’il ne restituât la Bourgogne et qu’il n’accomplît d’avance toutes les conditions de l’accord, l’empereur n’avait rien à craindre de personne, et pouvait s’arranger avec l’Italie, qui, se trouvant sans appui, se soumettrait sans difficulté[47]. Il dit résolument qu’il fallait rendre le roi libre sans lui imposer de conditions ou le retenir toujours prisonnier[48]. Il dissuada donc l’empereur de conclure un traité qu’il refusait d’ailleurs de dresser en qualité de chancelier, parce qu’il le regardait comme devant compromettre et peut-être faire perdre entièrement les fruits de la dernière victoire.
Charles-Quint ne suivit pas cette fois les conseils de son grand-chancelier, qu’une animosité extrême pouvait conduire à une défiance excessive. Il ne crut pas devoir rejeter les avantages d’une paix à laquelle son prisonnier semblait se résigner sincèrement, puisqu’il avait mis si longtemps et eu tant de peine à s’y résoudre. D’ailleurs un refus de sa part ne l’eût pas placé dans une position meilleure. La trêve était sur le point d’expirer, la guerre, en recommençant, rendrait incertain tout ce qui était assuré par le traité. L’empereur n’avait plus l’appui de ceux qui l’avaient jusque-là soutenu ou la neutralité de ceux qui l’avaient laissé vaincre. Le roi d’Angleterre, sans se déclarer encore son ennemi, était devenu l’allié de François Ier. Les potentats italiens qui avaient été précédemment ses confédérés ourdissaient contre lui des trames dangereuses. Il connaissait les projets d’union des Vénitiens, des Florentins, du pape, du duc de Milan avec la France[49]. Ce que Pescara lui avait révélé en lui conseillant d’être moins difficile sur les conditions de la paix avec le roi, la régente l’avait laissé entendre à son ambassadeur, Louis de Praet, dans l’espérance que cette crainte porterait l’empereur à se montrer plus accommodant[50] La lutte même avait commencé au-delà des Alpes. Pescara, qui, après avoir arrêté le chancelier Morone, assiégeait le duc Sforza dans la citadelle de Milan, n’était pas loin de sa fin, et la mort prévue de cet habile capitaine allait priver du chef le plus accrédité comme le plus résolu la petite armée avec laquelle l’Italie pouvait être contenue et la guerre entreprise. — L’empereur, dans un complet état d’isolement, loin de pouvoir envahir la France, serait obligé de se défendre dans la péninsule italienne, dont la possession lui serait de nouveau disputée, et dans les Pays-Bas, dont la pleine souveraineté lui échapperait. Il perdrait ainsi ce qui se trouvait gagné, et tout au moins aurait-il besoin de victoires nouvelles pour s’assurer des acquisitions qui étaient dues à ses victoires passées et qui allaient être ratifiées par un traité. Il se décida donc à accepter les avantages qui lui étaient concédés sous les conditions où ils lui étaient offerts ; mais il crut les rendre certains en rendant le traité inviolable. Prenant envers François Ier les sûretés les plus variées, il tint à l’engager comme père, comme roi, comme gentilhomme. Le père dut livrer ses deux fils aînés pour otages, le roi se lier par son serment et sa signature, le gentilhomme donner sa parole sous la foi de chevalier. François Ier adhéra à toutes ces précautions qu’il devait rendre inutiles.
Le traité aux dures, conditions duquel il avait donné l’ordre à ses ambassadeurs de se soumettre fut, le 19 décembre, dressé conformément à toutes les cessions convenues. François Ier promettait de le ratifier six semaines après être redevenu libre, de le faire accepter par les états et les parlemens du royaume en moins de quatre mois, et, s’il ne parvenait pas à effectuer les restitutions stipulées, il s’engageait à rentrer dans sa prison et à y reprendre la place du dauphin son fils aîné et du duc d’Orléans son second fils, qui, au moment de sa délivrance, seraient remis à l’empereur comme otages de sa fidélité[51].
Toutes les clauses de cet accablant traité étaient arrêtées, et le 14 janvier 1526 le traité devait être apporté à François Ier dans l’Alcazar et recevoir de lui la plus formelle adhésion. La veille du jour où le roi, en apparence résigné, était appelé à prendre, à signer et à jurer cet engagement, il réunit dans sa chambre le premier président de Selve, l’archevêque d’Embrun, le maréchal de Montmorency, Chabot de Brion, le prévôt de Paris La Barre, le secrétaire Bayard, et, après avoir pris leur serment de tenir secret tout ce qui allait se faire, il protesta[52] contre le traité auquel il était contraint de se soumettre, et il annula de lui-même les obligations qu’il était sur le point de contracter, comme attentatoires aux droits de sa couronne, dommageables à la France, injurieuses à son honneur. Il rappela qu’il avait plusieurs fois annoncé, soit en Italie, soit en Espagne, à Lannoy comme à Alarcon, que si on le forçait de les prendre, il ne se croirait pas tenu de les observer. Il fit l’historique de sa captivité ; il raconta les promesses de l’empereur pendant sa maladie et l’inexécution de ces promesses après son rétablissement ; il énuméra les tentatives multipliées de négociations pour sa délivrance, les offres si considérables et les raisons si fortes données avec tant d’inutilité par les ambassadeurs de la régente sa mère et par la duchesse d’Alençon sa sœur, et il condamna les exigences de l’empereur comme iniques en soi, impossibles pour lui, inacceptables pour son royaume. « C’est pourquoi, dit-il, l’empereur lui faisant promettre choses exorbitantes qu’il ne peut tenir en son honneur et qui mettraient la France en servitude, il déclare devant Dieu et en présence des dessus nommés,… qu’il cède, par contrainte et longueur de prison et pour éviter les maux qui pourroient en advenir, à ce que l’empereur lui impose ; mais il proteste que tout ce qui est convenu au traité sera nul et de nul effet, et qu’il est délibéré de garder les droits de la couronne de France. »
Il se dégage de ses promesses comme roi, parce qu’il les trouve injustes, et il projette même de manquer à sa parole de chevalier, parce qu’elle ne lui est pas demandée avec confiance et qu’il ne la donnera pas en liberté. Il assure qu’il aimerait mieux mourir que de l’enfreindre s’il la donnait en étant libre, mais que, l’empereur l’exigeant d’un prisonnier qu’il surveille, il n’est pas tenu, d’après les lois de la chevalerie, de la lui garder. Tout en avançant ces maximes sur la violation légitime des engagemens onéreux et sur le manquement régulier aux paroles contraintes, il est saisi de certains scrupules, et il déclare qu’il ne veut pas frustrer l’empereur de ce qu’il lui doit pour la liberté qu’il va prendre. Seulement ce qu’il doit, il se reconnaît le pouvoir de le déterminer lui-même. Il dit « que pour mettre Dieu et la justice de son côté, il entend faire envers l’empereur tout ce qu’un roi prisonnier de bonne guerre peut et doit raisonnablement faire. La rançon qu’il offrira rendra manifeste à chacun qu’il veut faire justice de lui-même et se mettre en son devoir. » Après s’être attribué subtilement un droit qu’il n’avait pas, avoir annoncé la rupture audacieuse du traité qu’il allait conclure, il commanda de nouveau à ses trois ambassadeurs de signer le lendemain l’engagement qu’il rompait d’avance la veille, les rendant ainsi confidens et complices de son futur parjure.
Le 14 janvier en effet, ce traité lui fut solennellement soumis, et rien ne fut oublié de ce qui pouvait le lier de la manière la plus irrévocable. Un autel avait été dressé dans sa chambre. L’archevêque d’Embrun y dit la messe. La messe finie, le traité fut lu en présence des six plénipotentiaires qui l’avaient négocié, et le roi fit serment sur l’Évangile, de l’exécuter fidèlement. Les plénipotentiaires en jurèrent aussi l’observation, et le traité fut signé par François Ier, l’archevêque d’Embrun, le président de Selve et Chabot de Brion, d’un côté, par le vice-roi de Naples Lannoy, le prieur de Messine Ugo de Moncada, et le secrétaire Jean Lallemand, de l’autre[53]. Charles-Quint ne devait signer que plus tard. Après l’engagement du monarque, François Ier fut invité à prendre l’engagement du chevalier. Lannoy le lui demanda de la part de l’empereur, et François Ier n’hésita point à accorder cette sûreté de plus, bien qu’il eût, dit-il, donné suffisamment sa foi en jurant et en signant le traité qui venait d’être lu. Il ajouta qu’il tenait Lannoy pour gentilhomme de nom et d’armes connues, et que, l’empereur lui ayant conféré le pouvoir de prendre son serment, il le rendait de son côté apte à le recevoir. Alors debout, la tête découverte, la main placée dans celle du vice-roi de Naples, il prononça, conformément aux termes du traité et à haute voix, ces paroles : « Je, François, roi de France, gentilhomme, donne ma foi à l’empereur Charles, roi catholique, gentilhomme, en la personne de vous, Charles de Lannoy, commis et habilité par lui et par moi pour la recevoir, que, en cas que six semaines après le jour que l’empereur m’aura fait délivrer et effectivement mis en liberté dedans mon royaume de France, je ne lui accomplisse la restitution du duché de Bourgogne et autres pièces déclarées par le traité de paix que j’ai maintenant juré et signé, et pareillement en cas que les ratifications et autres seuretés mentionnées audit traité ne fussent délivrées dedans quatre mois, je retournerai au pouvoir de l’empereur et viendrai incontinent, passé ledit temps, par devers lui, quelque part qu’il soit, et me rendrai son prisonnier de guerre, comme suis de présent, pour tenir prison là où il plaira audit empereur me ordonner, tant et si longuement que le contenu audit traité soit entièrement fourni et accompli[54]. »
Le secrétaire d’état Lallemand, comme notaire impérial, dressa acte de cette déclaration, faite de gentilhomme à gentilhomme. Charles-Quint devait être aussi satisfait que François Ier était obligé de le paraître. Il était arrivé à ses fins. Il avait arraché à son prisonnier ce que son prisonnier avait soutenu être impossible à l’égard de son royaume et contraire à son honneur. L’exécution de ce traité, qui devait commencer par la délivrance du roi, à laquelle s’était longtemps refusé l’empereur, et qui devait se poursuivre par la restitution de la Bourgogne, que le roi avait si souvent repoussée, François Ier semblait craindre qu’elle ne fût différée, et Charles-Quint qu’elle ne fût pas accomplie. Ils ne négligèrent l’un envers l’autre aucune des démonstrations propres à se rassurer mutuellement. François Ier écrivit à Charles-Quint pour lui exprimer sa satisfaction du traité conclu, demander à le voir et rendre par là sa délivrance plus prompte. Charles-Quint lui répondit en se réjouissant d’une paix qu’il avait tant souhaitée, et dont il avait, disait-il, un merveilleux plaisir à cause du bien qui en résulterait, s’ils l’observaient fidèlement, « comme, ajoutait-il, ne fais doute que vous de votre côté et moi du mien ferons[55]. » Il témoignait le même désir de voir le roi qu’avait exprimé le roi de se trouver avec lui, et il annonçait amicalement qu’il y satisferait dès qu’il aurait dépêché tout ce qui concernait les affaires dépendantes de la paix conclue[56]. La lettre de Charles-Quint à la régenté de France, pour se concilier la bonne volonté et l’efficace influence de la mère du roi par les témoignages d’une extrême confiance et d’une vive tendresse, était non moins habile qu’affectueuse. Il lui donnait alors adroitement le titre de mère qu’il lui avait donné autrefois, et qu’elle avait réclamé sans l’obtenir après la bataille de Pavie. « Puisque j’ai recouvré dans le roi votre fils un bon frère, disait-il, et que je vous baille la reine ma sœur pour fille, il m’a semblé que je devais reprendre le nom dont autrefois j’avais usé et vous tenir pour bonne mère. Et puisque pour telle vous tiens, je vous prie que vers la reine ma sœur et aussi vers moi en veuillez faire les œuvres[57]. »
Charles-Quint s’était hâté d’affermir les liens d’une aussi avantageuse amitié en les resserrant par le mariage convenu de François Ier et de la reine Éléonore. Six jours après la conclusion solennelle du traité, dans la chambre même où François Ier en avait entendu la lecture et juré l’observation, entra le vice-roi de Naples, muni de la procuration de la reine de Portugal[58], pour la fiancer avec le roi. Il était houssé et éperonné, prêt à partir pour Tolède afin d’y rendre compte de la mission dont l’avait chargé l’empereur. Il trouva François Ier couché et repris de la fièvre depuis la veille. Ce fut du lit que François Ier accomplit la cérémonie en prononçant les paroles des fiançailles, que le vice-roi de Naples répéta au nom de la reine Éléonore[59]. L’union fut consacrée par ce double engagement, pris d’une manière assez peu usitée, et dès ce moment l’empereur dît que François Ier devait appeler Éléonore sa femme.
Devenu l’ami du frère par la paix conclue, le mari de la sœur par l’union contractée, François Ier demeurait toujours prisonnier. Retenu à l’Alcazar, il restait soumis à une perpétuelle surveillance. De jour et de nuit, des soldats étaient à sa porte, et pendant son sommeil l’on venait jusqu’au bord de son lit vérifier s’il y dormait[60]. La garde qui l’observait sans cesse dans le château le suivait avec une assiduité importune lorsqu’il en sortait ; elle l’accompagnait partout. Depuis la conclusion du traité, sans être plus libre de sa personne, il était moins gêné dans ses mouvemens. Il descendait de l’Alcazar dans Madrid, qu’il parcourait en litière ou monté sur sa mule. Il allait entendre la messe aux églises célèbres, faire des visites à des couvens où les religieuses lui offraient des collations et se rangeaient avec curiosité autour de lui. Le peuple se pressait sur son passage, et ceux qui avaient les écrouelles lui demandaient de les toucher de ses mains royales, qui passaient pour avoir le don unique de les guérir[61]. Cette surveillance, qui devait s’exercer à son égard jusqu’à ce qu’il eût donné ses fils comme otages de sa personne, était commandée par la politique, mais elle attestait une défiance dont il s’autorisa encore plus pour se dégager de sa parole, qu’il ne se crut pas tenu d’observer, puisqu’on ne s’y était pas fié. Selon lui, le serment du chevalier obligeait à la délivrance du captif, et la détention prolongée du captif annulait la parole donnée par le chevalier.
L’empereur, malgré les objections alarmantes et les résistances opiniâtres du chancelier Gattinara, qui n’avait pas plus voulu signer que dresser le traité de Madrid, le confirma par sa ratification le 11 février. Il se félicitait de cette paix, si remplie d’avantages pour lui et si favorable à ses futurs desseins. Aussi écrivait-il à sa tante l’archiduchesse Marguerite, gouvernante des Pays-Bas : « Mon honneur et bien particulier y a été bien gardé[62]. » Il prétendait cependant qu’il aurait pu en tirer plus grand profit, s’il n’avait pas songé au bien universel de la chrétienté, au soulagement de ses royaumes, à l’entreprise contre le Turc et à l’extirpation de l’hérésie en Allemagne. Il comptait être bientôt en mesure, d’exécuter ces divers projets.
Le 13 février, après avoir signé la paix à Tolède, Charles-Quint s’achemina vers Madrid pour voir son prisonnier, devenu son beau-frère, et gagner entièrement le rival qu’il croyait avoir transformé en ami ; il voulait passer quelques jours avec lui avant de le laisser retourner en France. Instruit de sa venue, François Ier se rendit au-devant de lui. Monté sur sa mule richement enharnachée, portant une cape et une épée à l’espagnole, ayant à sa droite le grand-maître de Rhodes Villiers de l’Isle-Adam et à sa gauche le capitaine Alarcon, suivi de trois cents hommes de sa garde, il alla jusque vers le pont de Tolède sur le Mançanarès. Charles-Quint arriva bientôt à cheval, vêtu de velours noir, accompagné des principaux de sa cour, et ayant pour escorte une troupe magnifique de deux cent cinquante hommes d’armes en costume de guerre, et dont l’armure de tête était portée par des pages qui les suivaient à cheval[63]. Les deux monarques ne s’étaient pas vus depuis le jour où le vainqueur inquiet avait visité dans l’Alcazar le prisonnier moribond ; Aussitôt qu’ils s’aperçurent, ils s’avancèrent l’un vers l’autre, tenant à la main, François Ier son bonnet, Charles-Quint son chapeau, et ils s’embrassèrent étroitement[64]. A la cordialité de leur longue étreinte, on les eût pris pour deux amis heureux de se retrouver. Dans l’effusion de leur nouvel attachement, ils semblèrent oublier, l’un le triomphe de ses prétentions imposées, l’autre l’amertume de ses humiliantes condescendances. Ils luttèrent de courtoisie à qui des deux céderait le pas à l’autre. François Ier finit par l’emporter dans ce combat de politesse, et il obtint que l’empereur prît cette fois la droite[65]. Ils entrèrent ainsi dans Madrid, au grand contentement du peuple, accouru de tous les côtés pour jouir du spectacle de cette heureuse réconciliation, et dont François Ier, par la renommée de son courage et par les grâces de sa personne, avait gagné l’admiration. Ils se rendirent à l’Alcazar, où ils soupèrent et s’entretinrent longtemps ensemble.
Ils demeurèrent ainsi, durant plusieurs jours, dans la plus parfaite union, se donnant les témoignages réciproques d’une amitié qu’ils disaient sincère et d’une confiance qui paraissait inébranlable. Ils faisaient leurs dévotions dans les mêmes églises et se montraient à côté l’un de l’autre au peuple ravi de leur apparente intimité[66]. François Ier demanda à voir la reine sa fiancée, et il exprima le désir qu’elle le suivît à quelques journées de marche, lorsqu’il se dirigerait vers la frontière de France, afin qu’elle pût le rejoindre aussitôt que, rentré dans son royaume, il aurait rempli les principales conditions du traité. Charles-Quint y consentit sans peine[67] : c’était ce qui lui convenait le mieux en le rassurant le plus. De son côté, mettant à profit les facilités de leur amitié, il hasarda des demandes nouvelles. Il tenait à contenter le duc de Bourbon, que le roi avait en haine comme un rebelle qui l’avait trahi, comme un ennemi qui l’avait vaincu. L’empereur avait exigé que ses possessions lui fussent rendues, que ses complices fussent remis dans leur liberté et dans leurs biens, que sa prétention au comté de Provence fût débattue en justice. Il lui avait accordé le duché de Milan pour le récompenser des services qu’il en avait reçus et pour le dédommager du mariage qu’il avait rompu. Il pria alors le roi d’accorder au duc de Bourbon 20,000 livres de pension jusqu’à ce que le procès touchant la Provence fût vidé, et il renouvela le désir, déjà exprimé dans la négociation et repoussé par le traité, que le Bourbonnais, l’Auvergne, le Forez, et tous les autres pays qui seraient restitués au duc de Bourbon fussent tenus par lui en pleine souveraineté. C’eût été faire de lui un potentat indépendant et détacher de la couronne le centre de la France, comme devaient en être séparés, par le traité de Madrid, la Flandre, l’Artois, la Bourgogne et toutes les provinces frontières appartenant à l’empereur. François Ier consentit à la pension, mais il refusa nettement la souveraineté[68].
Le 16 février, les deux monarques partirent à cheval de Madrid pour aller voir la reine Éléonore, venue de Tolède à Illescas, l’une des possessions de l’opulent archevêque primat des Espagnes. Ils s’arrêtèrent ce jour-là à Torrejpn de Velasco, dont le château appartenait au comte de Puñon Rostro. Ils y établirent leur résidence, et le lendemain ils se rendirent à Illescas, qui n’en était éloigné que de deux lieues. La reine Éléonore attendait dans une galerie[69], avec la reine Germaine de Foix[70] et les dames de sa suite, l’empereur son frère et le roi son fiancé. Après les révérences d’usage, lorsque François Ier s’approcha d’Éléonore, celle-ci tomba à genoux et voulut prendre sa main, pour la baiser. « Ce n’est pas la main que je vous dois, lui dit le roi en la relevant, c’est la bouche[71]. » — Et il l’embrassa. Il embrassa aussi Germaine de Foix et donna aux autres dames sa main à baiser. Prenant ensuite sous le bras la reine sa fiancée tandis que l’empereur conduisait de la même manière la veuve de son aïeul le roi Ferdinand, ils entrèrent dans une salle qui avait été préparée pour la danse. Les deux monarques assistèrent à cette fête pendant deux heures et retournèrent fort avant dans la nuit coucher à Torrejon[72].. Le lendemain, ils revinrent à Illescas dans la même litière, et ils visitèrent de nouveau la future reine de France. Cette fois Éléonore, qui, sans être belle, était encore jeune et qui avait toute la grâce de la bonté, dansa à l’espagnole devant François Ier avec la marquise de Zenette[73]. — François Ier et Charles-Quint reprirent ensuite le chemin de Torrejon dans la même litière qui les avait portés à Illescas. Après sept jours passés dans la plus grande intimité, le 19 février, ils partirent ensemble de Torrejon à cheval, l’un pour se rendre à Madrid et de là en France, l’autre pour aller se marier à Séville avec l’infante Isabelle de Portugal. Charles-Quint accompagna François Ier jusqu’à un jet d’arc de Torrejon. Arrivés à un chemin qui se bifurquait et où ils devaient se séparer, l’empereur, se rappelant les défiances du chancelier Gattinara et ne pouvant se défendre lui-même de quelques inquiétudes sur l’exécution du traité, tira le roi à part et lui dit : « Mon frère, vous souvenez-vous des engagemens que vous avez pris avec moi ? — Sans doute, répondit François Ier, et je puis vous répéter tous les articles du traité que nous avons conclu. — Assurez-moi que vous les exécuterez fidèlement de votre côté comme je vais les exécuter du mien ; celui de nous deux qui manquerait à l’autre serait réputé justement un méchant homme et un lâche. — Je les accomplirai exactement dès que je serai dans mon royaume, répliqua François Ier ; rien ne saurait m’en empêcher. — Dans la longue guerre que nous avons eue ensemble, continua Charles-Quint, je ne vous ai jamais haï ; mais si vous me trompiez, en ce qui touche surtout la reine votre femme et ma sœur, je le prendrais à si grande injure que j’aurais votre personne en haine, et chercherais tous les moyens d’en tirer, vengeance et de vous faire le plus de mal que je pourrais. — Je vous jure, dit en finissant François Ier, que je veux maintenir tout ce que j’ai promis[74]. » — Après ces mots, ils se saluèrent en se recommandant l’un et l’autre à la garde de Dieu.
Le lendemain, 20 février, François Ier espérait se mettre en route pour la frontière de France. Aux termes du traité, il devait redevenir libre le 10 mars et rentrer dans son royaume ; mais ce départ tant souhaité fut retardé d’un jour, afin que les soldats d’Alarcon reçussent leur paie et pussent le suivre en continuant à le garder[75]. Enfin le 21 François Ier quitta avec joie ce triste château de Madrid, où il avait été enfermé six mois, où la mort s’était montrée à lui de plus près que sur le champ de bataille de Pavie, où aux souffrances de la maladie s’étaient ajoutées toutes les amertumes de la captivité, où il s’était appelé l’esclave de son vainqueur sans obtenir de lui le prix de cette soumission, où, se débattant sous les étreintes de la nécessité, il avait résisté longtemps aux dures conditions imposées à son adversité, et où, après avoir fièrement préféré une prison perpétuelle à une paix honteuse, il avait fini par sacrifier sa parole à sa liberté et promis sous un double serment ce qu’il était décidé à ne pas tenir.
Il partit sous la conduite du vice-roi de Naples[76] et sous l’escorte d’Alarcon. À mesure qu’il approchait de la France, les précautions redoublèrent à son égard. Le vice-roi, à qui l’empereur avait confié le soin d’accompagner son prisonnier jusqu’à la frontière et de l’y échanger avec les otages désignés par le traité, était d’autant plus attentif à sa garde[77] qu’il s’était montré plus favorable a sa délivrance. Il avait été accusé d’une partialité qui le laissait suspect, et il se trouvait chargé d’une responsabilité qui le rendait inquiet. On eut dit, aux arrangemens qu’il prit, qu’il craignait une évasion ou un enlèvement. Arrivé à Aranda, sur le Douero, étant encore éloigné de cinquante lieues du royaume de France, il régla, le 26 février, d’accord avec le roi, comment il serait procédé à sa délivrance. Dix jours avant et dix jours après, il ne devait y avoir, à vingt lieues de distance de la frontière, ni réunion d’hommes de guerre, ni assemblée de gens du pays. Douze personnes envoyées par le vice-roi, au nom de l’empereur, visiteraient préalablement la frontière dans toute son étendue et lui rendraient un compte exact de ce qu’ils y auraient vu. Le jour de l’échange, entre Fontarabie et Andaye, au milieu de la Bidassoa, d’où toutes les barques seraient éloignées et de l’embouchure de laquelle, dans le golfe de Biscaye, n’approcheraient plus les navires français et espagnols, aucun gentilhomme de la maison du roi, aucun archer de sa garde, aucun cavalier, de son royaume ne pourrait dépasser Saint-Jean-de-Luz[78].
D’Aranda, François Ier et le vice-roi dépêchèrent Chabot de Brion et le commandeur Penalosa, le premier pour avertir la régente sa mère de venir diligemment à sa rencontre avec les otages, le second pour lui porter la capitulation qui réglait le mode de délivrance du roi son fils. Six jours après, le 4 mars, François Ier atteignit Vittoria, non loin du revers méridional des Pyrénées, dans la plaine de l’Alava. Comme on n’avait encore reçu aucune nouvelle de la régente, le vice-roi n’avança pas davantage[79].
La régente n’avait cependant pas perdu de temps. Le maréchal de Montmorency, le 29 janvier 1526, avait apporté à Lyon le traité de Madrid. Louise de Savoie avait quitté la résidence qu’elle y occupait à Saint-Just depuis un an et demi, et le 1er février elle s’était mise en route pour traverser la France et se rendre à Bayonne. Elle était suivie d’une partie de la cour et accompagnée du docteur Taylor et de Louis de Praet, ambassadeurs de. Henri VIII et de Charles-Quint. De la route elle annonça cette paix au royaume, sans en faire connaître les désastreuses conditions[80]. Elle se bornait à montrer les heureux résultats qu’aurait la délivrance du roi, et elle demandait une levée de deniers pour faire face aux engagemens contractés envers le roi d’Angleterre[81]. Arrivée à Roanne, elle s’embarqua sur la Loire, grossie par des pluies extraordinaires, et se rendit, non sans lenteur et sans péril, d’abord à Blois, puis à Amboise, où étaient les enfans de France[82]. Dans l’alternative laissée par le traité de Madrid de livrer comme otages ou le dauphin et douze des principaux personnages du royaume, parmi lesquels étaient le duc de Vendôme, le duc d’Albany, le comte de Saint-Pol, le maréchal de Lautrec, le maréchal de Montmorency, le comte de Guise, le grand-sénéchal de Normandie, Chabot de Brion, le seigneur de Laval de Bretagne, bref tous ceux qui avaient survécu au désastre de Pavie et qui étaient capables de défendre le pays, ou bien de remettre les deux fils aînés du roi, elle choisit, d’accord avec son conseil, ce dernier parti. Par un sacrifice qui coûtait à son affection, mais qui pouvait tourner à l’avantage du royaume, elle se décida à donner en otage un de ses petits-fils de plus et à conserver en France ceux qui restaient les derniers soutiens de l’état. Prenant avec elle le dauphin, âgé de huit ans et demi, et le duc d’Orléans, qui allait atteindre sa septième année, elle ne laissa dans le royaume que le duc d’Angoulême, beaucoup plus jeune que ses frères. Quoique tourmentée par la goutte, elle s’achemina vers Bayonne avec ses deux petits-fils, réservés à la plus attristante captivité. L’ambassadeur d’Angleterre, qui les vit à Amboise, écrivit au cardinal Wolsey : « Tous deux m’embrassèrent, me prirent par la main et me demandèrent des nouvelles de l’altesse du roi et de votre grâce, en me témoignant le désir d’être recommandés au roi et à vous dans mes lettres. En vérité, ce sont deux charmans enfans ; le filleul du roi (le duc d’Orléans, qui régna après son père sous le nom de Henri II) est d’un esprit plus vif et plus hardi, à ce qu’il me semble[83]. » Ces aimables et pauvres enfans allaient être conduits au-delà des Pyrénées, bientôt séparés de leurs serviteurs, enfermés dans le château de Pedraza au milieu des montagnes, sous la garde de quelques grossiers soldats de don Juan de Tovar, marquis de Verlanga, fils du connétable de Castille, privés presque de lumière et d’air autant que de liberté, laissés dans un indigne dénûment, avec des vêtemens usés, un petit chien pour toute compagnie, sans qu’il leur parvînt, pendant plus de trois années de guerre, aucun souvenir de leur famille, sans qu’ils entendissent prononcer un mot de la langue de leur pays, dont ils perdirent l’usage à tel point qu’après la paix de Cambrai ils ne comprenaient déjà plus le messager qui vint les visiter de la part de leur aïeule et de leur père, et les instruire en français de leur prochaine délivrance[84].
La régente écrivit au roi son fils et au vice-roi de Naples qu’elle se rendait en toute diligence vers la frontière, mais qu’elle n’y arriverait jamais au terme convenu. En apprenant son approche et ce retard, le vice-roi partit le 7 mars de Vittoria[85], où la reine Éléonore, qu’escortait le connétable de Castille, remplaça bientôt François Ier, qui fut conduit par Lannoy dans la forte place de Saint-Sébastien, à trois lieues de l’embouchure de la Bidassoa. Là fut dressé entre Chabot de Brion, envoyé par la régente, qui fit son entrée dans Bayonne le 15 au soir, et le vice-roi de Naples, une nouvelle convention pour fixer le jour et régler le mode de la délivrance du roi. Ce fut le 17, à sept heures du matin, que dut se faire, avec les plus minutieuses et les plus défiantes précautions, l’échange de François Ier et de ses deux fils sur la rivière qui séparait le royaume de France des terres d’Espagne.
Ce jour-là, à l’heure fixée, arrivèrent, aux bords déserts de la Bidassoa, le vice-roi accompagnant François Ier, Lautrec conduisant le dauphin et le duc d’Orléans. Au milieu de la rivière, entre Fontarabie et Andaye, avait été placé un ponton en forme d’estrade que des ancres retenaient immobile à une égale distance des deux rives, et où il était convenu qu’aborderaient ensemble le roi et ses enfans, pour passer en même temps le roi en France, ses enfans en Espagne. Deux barques de semblable dimension, montées par un pareil nombre de rameurs, étaient préparées sur chaque rive. A l’heure marquée, Lannoy entra dans l’une avec François Ier, et Lautrec dans l’autre avec le dauphin et le duc d’Orléans. Chacun d’eux avait pour escorte dix gentilshommes, armés seulement de leur épée et de leur poignard. Les barques parties ensemble s’avancèrent d’un mouvement égal vers le ponton, où elles arrivèrent au même moment. Lannoy, que suivit Alarcon, monta sur l’estrade avec François Ier, pendant que Lautrec y paraissait tenant par la main les enfans de France. Les dix gentilshommes de chaque côté restaient immobiles dans les barques arrêtées[86]. Si Alarcon accompagnait le vice-roi tandis que Lautrec n’était accompagné de personne, c’était en continuation de la même défiance et pour que l’égalité de nombre maintint l’égalité de force entre François Ier et Lautrec d’une part, Lannoy et Alarcon de l’autre. Le dauphin et le duc d’Orléans, Rapprochant de leur père, dont ils allaient prendre la place, lui baisèrent la main, et le vice-roi dit alors à François Ier : « Sire, maintenant votre altesse est libre ; qu’elle accomplisse ce qu’elle a promis ! — Tout sera fait, répondit François Ier[87]. » Il embrassa ses enfans, et, descendant dans la barque qui les avait conduits, il fut ramené au rivage. En abordant la terre de France, il ne put contenir la joie que lui inspiraient le sentiment de la liberté et le retour dans son royaume. Il s’élança sur un cheval et il s’écria : « Maintenant je suis roi ! je suis roi encore[88] ! » Puis il se rendit à Saint-Jean-de-Luz, où les seigneurs de la cour, le chancelier Duprat et, l’ambassadeur d’Angleterre étaient venus à sa rencontre, et il arriva le même jour à Bayonne. En mettant pied à terre, il alla dans la grande église de cette ville rendre grâce à Dieu de sa délivrance[89], et combler de joie par sa présence et les vifs témoignages de sa reconnaissante affection la régente sa mère, qui avait gouverné le royaume pendant sa captivité avec un dévouement si actif et une capacité si soutenue. Félicité par l’ambassadeur de Henri VIII de son retour dans ses états, il en fit remonter le bienfait jusqu’au roi d’Angleterre, dont il devait avoir bientôt besoin, et il lui dit avec une effusion de gratitude qui n’était pas sans habileté : « Monsieur l’ambassadeur, je connais parfaitement les bonnes intentions de mon bon frère d’Angleterre, lequel, après Dieu, je remercie de ma liberté. Il a fait pendant ma captivité un acte qui lui assure une gloire éternelle et qui oblige à tout jamais moi et les miens à lui faire service[90]. »
MIGNET.
- ↑ Voyez, sur cette lutte et les incidens antérieurs, la Revue du 15 janvier 1851, du 15 mars et du 1er avril 1858, des 15 février, 1er et 15 mars 1860, et du 1er février 1860.
- ↑ Lettre de l’empereur à François Ier, dans Captivité, etc., p. 322.
- ↑ Della vita e delle opere di Andrea Nanagero, par Cicogna, p. 179.
- ↑ Captivité de François Ier, p. 133 et 135.
- ↑ Relation de lo sucedido en la prision de Francisco I, por Hernandez de Oviedo, fol. 15 v°. — Dans Gachard, Appendice, p. 87. — Commentarios de los hechos del señor Alarcon, p. 306. — Sandoval, t. Ier, liv. XIII, § 16.
- ↑ « In questo mezzo peggiorando il re, cesare volle visitarlo in persona a Madril. Accostatosi al letto il re si sforzò di sollovarsi il meglio cho potè ed abbraciato cesare, gli disse in francese queste formali parole : Imperator mio signor, ecco qui un tuo servitore e schiavo. Cesare rispose che così non era, ma suo bueno amico e fratello, che tale sperava gli sarebbe, che attendesse pure a star allegro, e non pigliasse altro pensiero che di risanare, perchè alla venuta di madama d’Alanson siguirebbe tra loro buena pace, perch’ egli non voleva se non il dovere, e pensava che anche dal re non sarebbe mancato di fare il dovere, e perciò sarebbe presto in libertà. » — Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 179. — Ce récit de la visite de Charles V est conforme à la relation inédite qu’en fait Gonzalo Hernandez de Oviedo, qui l’avait appris le soir du retour de Charles V à Tolède de la bouche même du duc Ferdinand de Calabro. — Cette relation, qu’extrait et cite M. Gachard dans son Appendice, p. 87, est conservée à la bibliothèque de Madrid ; elle s’accorde avec ce qu’en dit Sandoval (liv. XIII, § 16). Elle diffère un peu de la version de François Ier, qui fait dire à Charles-Quint : « Mon frère, ne vous souciez d’autre chose que de guérison et santé, car quand vous voudriez demeurer prisonnier, je ne le voudrois pas, et vous promets que vous serez délivré à votre grand honneur et contentement, et après que madame la duchesse sera venue à Tolède, nous ferons chose pour votre délivrance dont vous serez joyeux et content. » Captivité de François Ier, p. 471. — Il y a un peu d’exagération des deux côtés sans aucun doute. Il n’est pas vraisemblable que Charles-Quint dans ce moment ait insisté sur ce qui lui était dû, puisque, selon lui, ce qui lui était dû était la Bourgogne, que François Ier ne voulait pas lui céder. Il n’est pas vraisemblable non plus qu’il soit allé jusqu’à lui dire que quand il voudrait demeurer prisonnier, lui ne le voudrait pas.
- ↑ Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 179.
- ↑ Lettres de Marguerite d’Angoulême, sœur de François Ier, publiées par M. Génin, Paris 1841, in-8o, p. 182.
- ↑ Lettre de Marguerite au maréchal de Montmorency, ibid., p. 187.
- ↑ Lettre du cardinal Salviati, écrite d’Alcala le 22 septembre et continuée à Tolède le 3 octobre. — Imprimée dans Molini, Documenti storici, t. Ier, p. 191 et suiv.
- ↑ Relacion de lo sucedido, etc., fo 15. — Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 120. — Sandoval, t. 1er, lib. XIII, § 16.
- ↑ Lettre du président de Selve, du 1er octobre, au parlement de Paris. — Captivité de François Ier, p. 332.
- ↑ « Stette alli XXIII del passato in fine di morte, senza parlare molti hori et senza virtu alcuna et desperato et tenuto morto da tutti, mismo en la mattina de XXIII, nelia quale comincio a ribaversi et purgar la materia che li andava a la testa per il naso. ». Lettre du cardinal Salviati. Dans Molini, Docum. stor., t. Ier, p. 191 et suiv. — Navagero le dit également dans ses dépêches : « Avendo scoperto i medici ch’ cgli era oppresso da un’ appostema nella testa, si che ad ogni momento parca dovesse morire. » Della Vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 180, col. 2.
- ↑ Navagero. Ibid.
- ↑ Captivité de François Ier, p. 334.
- ↑ Relation manuscrite de Gonzalo Hernandez de Oviedo, citée par M. Gachard.
- ↑ Lettre de Marguerite à François Ier, dans Captivité, etc., p. 342. Elle engageait le roi à paraître plus faible qu’il n’était : « Vous supplyant, monseigneur, fere devant le sieur Larcon contenance foible et ennuyée, car vostre débilité me fortifiera et advancera ma depesche. »
- ↑ Captivité de François Ier, p. 360. — Lettre de l’empereur à L. de Praet, dans Lanz, t. Ier, p. 188.
- ↑ Lettre de Charles V, dans laquelle il rend compte de la négociation de la duchesse d’Alençon. — Archives des Affaires étrangères de France, Espagne, t. V, fo 204-205.
- ↑ « C’est plus tost moquerie que aultre chose. » — Archives, etc.
- ↑ Captivité de François Ier, p. 363-366.
- ↑ Captivité de François Ier, p. 360-368.
- ↑ Cette lettre est en original dans le volume VI de la correspondance d’Espagne aux archives des affaires étrangères de France, Documens relatifs aux traités de Madrid et de Cambrai, — et en copie dans le volume V, f° 301.
- ↑ L’empereur sortit lui-même ce jour-là de Tolède et alla chasser du côté d’Aranjuez jusqu’au 21 octobre.
- ↑ Louis de Bruges, sieur de Praet, avait été en même temps accrédité par l’empereur auprès de la régente.
- ↑ Lettre de Nicolas Perrenot, écrite le 13 novembre à l’archiduchesse Marguerite. Dans les Négociations entre la France et l’Autriche, t. II, p. 642. — Lettre de Charles V à L. de Praet, son ambassadeur en France, du 20 novembre. Dans Lanz, t. Ier, p. 188.
- ↑ Lettres-patentes du roi François Ier pour faire couronner en France son fils le dauphin François. — Captivité, etc., f° 418-424, d’après l’original en parchemin.
- ↑ Archives des Affaires étrangères, Correspondance d’Espagne, vol. V, f° 301.
- ↑ Lettres du marquis de Pescara à l’empereur, des 20 août et 8 septembre. — Archives impériales et royales de Vienne.
- ↑ Della Vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 183.
- ↑ Lettre de Louis de Praet à l’empereur, du 14 novembre. Dans Lanz, t. Ier, p. 182.
- ↑ Lettre de l’ambassadeur anglais évêque de Bath, dans Turner, t. Ier, p. 466. — Lettre du secrétaire d’état Jean Lallemand à L. de Praet, dans Négociations entre la France et l’Autriche, t. II, p. 649. — State Papers, t. VI, p. 511.
- ↑ Relacion de lo sucedido en la prision de Francisco I, por Gonzalo Hernandez de Oviedo, f° 32. — Extrait dans l’appendice à la Captivité de François Ier, par M. Gachard, p. 90.
- ↑ Lettre de Nicolas Perrenot à l’archiduchesse Marguerite, écrite le 18 novembre de Tolède. — Dans Négociations entre la France et l’Autriche, t. II, p. 644.
- ↑ Sandoval, t. Ier, liv. XIII, § 18. — Ferreras, t. XI, p. 51.
- ↑ « No se podia persuadir que un principe como el rey de Francia quisiesse intentar cosa tan fea. » — Sandoval, ibid.
- ↑ Sandoval et lettre de Perrenot à l’archiduchesse Marguerite, du 18 novembre. — Négociations diplomatiques entre la France et l’Autriche, t. II, p. 644, 645.
- ↑ Dernières instructions de la régente à ses ambassadeurs, de la fin de novembre. — Captivité de François Ier, p. 413, 414.
- ↑ Sandoval, t. Ier, liv. XIII, § 14.
- ↑ Instructions dernières du roi à ses ambassadeurs de France, décembre. — Captivité de François Ier, p. 420-430.
- ↑ Lettre du nonce B. Castiglione, écrite de Tolède, le 9 décembre, à l’archevêque de Capoue N. Schmberg. — Lettere del conte Baldessar Castiglione, Padova 1769, in-4o, t. II, p. 8.
- ↑ Le chancelier Gattinara voulait que le mariage de la reine Éléonore se fit avec le duc de Bourbon. Il y insistait, « even so far as to incur the displeasure of the emperor by sayng that he had trained the duke out of France only upon hope of that marriage, and that now breaking it off would be to dishonour of the emperor. » Dépêche du docteur Lee à Henri VIII, du 20 janvier, à Tolède. — State Papers, t. VI, p. 521 et 522, note 2.
- ↑ Sandoval, liv. XIII, § 1.9. — Lettre du 19 mars 1558, de Charles V à Luis Quijade, dans Retraite et mort de Charles-Quint au monastère de Yuste, par M. Gachard, t. II, p. 534.
- ↑ Sandoval, lib. XIII, § 19.
- ↑ « Et pourceque l’affaire de Masconnois, Auxerrois et Bar-sur-Seine est conditionné en dot. » Déclaration de l’empereur du 26 décembre, l’original signé de sa main aux archives des affaires étrangères, Espagne, vol. V, f° 335 et suiy.
- ↑ Sandoval, liv. XIV, §. — Lettre de Lannoy à l’empereur, du 7 avril 1526, dans les Négociations entre la France et l’Autriche, où il exprime plus tard ses regrets de l’avis qu’il a eu alors ; t. II, p. 658.
- ↑ Sandoval, liv. XIV, § 2. — Della vita e delle opere di Andrea Navagero, p. 183.
- ↑ « El chanciller dixo resueltamente que o le soltasse libremente, o le tuviesse simple preso y seguro. » Sandoval, liv. XIV, § 2.
- ↑ Il avait reçu les informations les plus complètes sur la conspiration italienne, et déjà vers la fin d’août Charles-Quint, parlant à l’ambassadeur vénitien Navagero du dataire Giberto, qui en était l’âme, disait avec emportement que Giammaleo Giberto était vittaco e traditore ; p. 179, della Vita e delle opere di Andrea Navagero. Navagero s’étonne de cet emportement : « Sendo cesare tanto moderato in ogni sua azione c massime nel parlare. » Dépêche du 23 août, ibid, p. 246, note 75.
- ↑ La régente lui a dit que le marquis de Pescaire était malade à mort, « aussi que merveilleuses choses se demeueroient en l’Italie, si elle y vouloit prester l’oreille, ce que non, sur espoir de bon traitement que ferez au roy son filz. » Lettre de L. de Praet à l’empereur, du 14 novembre, dans Lanz, t. 1er, p. 187.
- ↑ Dans Dumont, Corps diplomatique, t. IV, Ire partie, p. 400 et suiv.
- ↑ Sa protestation du 13 janvier, dans Captivité de François Ier, p. 407-476.
- ↑ Procès-verbal dressé par le secrétaire Lallemand, le 14 janvier. Il est en copie aux archives du royaume de Belgique, Collection de documens historiques, t. III, f° 172, et cité par M. Gachard.
- ↑ Collection, etc. — Sandoval en parle aussi, t. Ier, liv. XIV, § 4.
- ↑ Lettre de Charles-Quint, dans Lanz, t. Ier, p. 190.
- ↑ Captivité de François Ier, p. 483.
- ↑ Lettre de Charles-Quint à Louise de Savoie. — Négociations entre la France et l’Autriche, t. II, p. 653.
- ↑ Dumont, Corps diplomatique, t. IV, Ire partie, p. 419.
- ↑ Captivité de François Ier, p. 506. — Sandoval, liv. XIV, § 5«
- ↑ « A esté contraint messire Jean de La Barre, chevalier, prevost de Paris, tant devant la maladie du roy, durant icelle et après, laisser entrer de nuict les gardes et gens du guet dedans la chambre du roy, à l’heure qu’il dormoit, pour veoir s’il y estoit. » Captivité de François Ier, p. 507.
- ↑ Lettre de La Barre, du 1er février, à la duchesse d’Alençon. — Captivité de François Ier, p. 487.
- ↑ Lettre de Charles-Quint à l’archiduchesse Marguerite, du 9 février 1526. — Dans Lanz, t. 1er, p. 191.
- ↑ «… El martes trece del dichomes de febrero, havia llegado a Madrid el emperador, é salió el rey de Francia à lo recivir, é fue desta mariera : iba el rey, con una capa de paño frisado é una espada à la espanola, en una mula bien guarnecida é a su mano derecha el gran maestro de Rodas, é à la sinistra el senor Alarcon que ténia en guarda al dicho rey, é muchos caballeros con ellos…. É como supo que el emperador pasava ya la puente que llaman toledana, que esta sobre el rio… procedió per el camino. É ivan entorno todos los campos llenos de gente, ansi por ser la paz deseada, como por ver é notar como se havrian estos principes en sus cortesias e cuando juntos fuesen. Ivan de los continuos del emperador, de la capitania de don Alvaro de Luna é de otros hombres d’armas, hasta docientos e cincuenta muy bien aderezados é armados, sin armaduras de caveza, las quales llevahan detras de ellos sus pages de la lanza a cavallo, é ivan per los costados de fuera del camino, trecientos infantes de la guarda que el dicho señor Alarcon tenia ordinaria al rey di Francia ; é poco adelante de una cruz estañada que esta, en aquel camino, se encontraron el emperador è el rey. El emperador venia en cuerpo en una hacanea con un sayo de terciopelo negro, é una espada en la cinta. » Relacion de lo sucedido en la prision de Francisco I, por el capitan Gonzalo Hernandez de Oviedo y Valdez, f° 40 v°. — Cité par M. Gachard dans l’appendice de la Captivité de François Ier, p. 91, 92, et Sandoval, t. Ier, liv. XIV, § 5.
- ↑ « É en viéndose, se quitaron à la par el rey el bonete, é el emperador un chapeo, é se embrazaron muy estrechamente é gran rato è con mucho placer. » Hernandez de Oviedo, ibid, et Sandoval, ibid.
- ↑ « É luego comenzaron a porfiar sobre cual iria a la muno derecha : en fin el emperador. vencido de cortesia, tomó al rey a su mano siniestra ; é ansi fueron hasta el Alcazar, donde se apearon, é comieron é cenaron juntos en un banquete suficiente… à tan grandes principes. » Hernandez de Oviedo, ibid ; Sandoval, ibid.
- ↑ Sandoval, t. Ier, liv. XIV, § 5.
- ↑ Lettre de Lannoy à l’archiduchesse Marguerite, du 14 février. — Négociations entre la France et l’Autriche, t. II, p. 653.
- ↑ Procès-verbal du traitement fait à François Ier, dans Captivité, p. 507-508.
- ↑ « É las reynas estavan en pié en un corredor esperandolos à la puerta de la escalera. » Relacion de lo sucedido,etc., por Hernandez de Oviedo, fol. 49.
- ↑ Veuve du vieux roi Ferdinand le Catholique ; elle venait de perdre son second mari, le margrave de Brandebourg, et devait bientôt en épouser un troisième, le duc de Calabre, fils du roi Frédéric de Sicile.
- ↑ « Estando à dos pasos el uno del otro, la reyna se hincô de rodillas, é le pidió la mano ; el rey lo dixo : « No es de dar sino la boca, » é la abrazó é besó, é se dió por todos los caballeros una grita mostrando mucho regocijo. » Relation, etc.
- ↑ Hernandez de Oviedo, ibid. — Sandoval, liv. XIV, § 5- — Relation de ce qui se passa à Madrid depuis la signature du traité, dans Captivité de François Ier, p. 503 et aussi p. 509. »
- ↑ Femme du comte de Nassau, marquis de Zenette et grand-chambellan de l’empereur.
- ↑ Sandoval, liv. XIV, § 7.
- ↑ Procès-verbal du traitement fait à François Ier en Espagne, dans Captivité de François Ier, p. 500.
- ↑ « L’empereur m’a commandé mener le roi, prendre M. le dauphin et M. d’Orléans, ou le dauphin et les douze autres prisonniers qui se doivent bailler pour la sûreté du traité de paix, et bailler lesdits seigneurs au connétable, lequel a charge de les garder. » Lettre de Lannoy, du 15 février 1526, à l’archiduchesse Marguerite. — Négociations entre la France et l’Autriche, t. II, p. 653.
- ↑ Procès-verbal du traitement fait à François Ier depuis la signature du traité de Madrid jusqu’à son arrivée en France, dans Captivité, etc., p. 509.
- ↑ Cérémonial réglé pour la délivrance du seigneur roy. Ibid. , p. 510, 511.
- ↑ Lettre de Lannoy à l’archiduchesse Marguerite, gouvernante des Pays-Bas, écrite le 29 mars 1526 de Vittoria. — Archives des Affaires étrangères de France, Espagne, vol. V, f° 250-252.
- ↑ Extrait des registres du parlement, dans Captivité de François Ier, p. 497 et suiv.
- ↑ Lettres-patentes de la duchesse d’Angoulême pour lever une aide extraordinaire. Ibid., p. 490-496.
- ↑ Lettre du docteur Taylor au cardinal Wolsey. Ms. Calig. D. 9, p. 153 ; et dans Sharon Turner, t. II, p. 3, notes 8 et 9.
- ↑ « And after dinner I was brought to see the dauphin, and his brother Harry ; both did embrace me, and took me by the hand, and asked me of the wetfare of the king’s higness, and your grace, and desired that in my writing I should truly commend them to the king and your grace. Verely they be too goodly children. The king’s godson is the quicker spirit and the bolder, as seemeth by bis behaviour. » Lettre du Dr Taylor au cardinal Wolsey. Ms. Calig. D. 9, p. 153 ; et dans Sharon Turner, t ; II, p. 4, note 10.
- ↑ Rapport de Bordin, huissier de la régente, envoyé pour visiter les princes après la paix de Cambrai, en 1529. — Archives de Simancas, série B, liasse 2, no 40.
- ↑ Lettre de Lannoy à l’archiduchesse Marguerite d’Autriche, du 20 mars 1526. — Archives des Affaires étrangères, Espagne, vol. V, f° 250-252.
- ↑ Sandoval, t. Ier, liv. XIV, § 13, et Comentarios de los hechos del señor Alarcon p. 311.
- ↑ Sandoval, t.1er, liv. XIV, etc.
- ↑ Comentarios de los hechos del senor Alarcon, f° 311. — Sandoval, t. Ier, liv. XIV, § 13.
- ↑ Lettre de Jean de Selve au parlement, dans Captivité, p. 518.
- ↑ Taylor à Wolsey, 19 mais 1525. Dans Ellis, Original letters, 2e série, t. Ier, p. 333.