Revue musicale — 14 octobre 1839
— Le Théâtre-Italien vient de produire, au début de la saison, une jeune cantatrice dont tout Paris s’émeut ; en quelques jours, le nom de Pauline Garcia est devenu célèbre. Déjà, l’hiver dernier, le public avait pu juger, dans les concerts, de cette voix si riche, de cet instinct musical si merveilleux. Mlle Pauline Garcia a tenu au théâtre tout ce qu’elle avait promis dans les concerts ; reste à savoir si dans l’intérêt même de sa voix, admirable aujourd’hui, mais qui doit nécessairement grandir encore et se fortifier avec l’âge, ses débuts n’ont pas été un peu hâtés. Meyerbeer, après avoir entendu, l’an dernier cette jeune fille d’un avenir si beau, lui recommandait, sur toute chose, d’attendre encore deux ans avant de monter sur la scène. Certes, le conseil était bon, mais comment s’y soumettre quand on s’appelle Garcia, et qu’on a du sang de la Malibran dans les veines ? Mlle Pauline Garcia n’a voulu écouter que son inspiration, et trois fois de suite, en la même semaine, nous l’avons vue, dans le rôle de Desdemona, réveiller les plus ravissans souvenirs attachés à cette musique de Rossini. Mlle Pauline Garcia dit la romance du Saule, au troisième acte, avec une expression vraiment admirable ; sa voix trouve des effets inouis dans l’emploi des belles notes graves qu’on lui connaît, et son style, correct, irréprochable, à la fois sobre et varié, rappelle à tout moment l’école de son père. Mlle Pauline Garcia n’a que dix-huit ans ; sa voix, d’une portée si franche, est frêle encore, même dans sa puissance, et son talent réclame les plus grands ménagemens. Aussi, nous craindrions pour ses forces le fardeau du répertoire ; heureusement dans deux mois Mlle Grisi rentrera pour l’aider. En attendant, nous avons voulu payer notre tribut d’éloges à cette jeune fille, et constater ces éclatans débuts, sur lesquels nous aurons bientôt l’occasion de revenir.