né à Murbach (Wurtemberg) le 10 novembre 1759, mort le 9 mai 1805.
ROMANS DE SCHILLER, traduits par M. Pitre-Chevalier, 2 vol. in-8, 1838. — Dans le nombre de ces romans, qui mériteraient mieux le titre de contes ou de nouvelles, le Criminel par honneur perdu, les Amours généreux, le Jeu du destin, le Duc d’Albe, ne sont que des esquisses dont la longueur n’excéderait pas les limites d’un feuilleton ; le Visionnaire seul a quelque étendue, et c’est véritablement le seul qui comporte une analyse.
Le Visionnaire est une énigme dont l’auteur n’a pas donné le mot, mais dans laquelle perce une intention de satire contemporaine et brille une habileté singulière à éveiller l’intérêt, à le suspendre, à le dépister par des contradictions inattendues. Quand Schiller écrivit ce conte, il régnait une épidémie de crédulité aux jongleries de Cagliostro et autres thaumaturges. Schiller voulut attaquer la tendance maladive des esprits, qui, fatigués du doute, se plongeaient dans une foi aveugle. Il supposa un prince dont la magie avait toujours été le rêve : il l’environna des circonstances les plus propres à le convaincre que son rêve pouvait se réaliser. Cependant, le prince hésite, il examine, discute ce qu’il a entendu, ce qu’il a vu : tantôt la balance penche pour le réel, tantôt pour le fantastique. De deux charlatans qui s’entendaient pour le duper, l’un se confesse à lui et lui révèle leurs stratagèmes. Voilà donc le prince sauvé et la magie perdue ! Attendez un peu : la magie se tire de ce mauvais pas. Le prince est lancé dans un nouveau cercle de combinaisons, calculées avec une finesse surhumaine. Il devient esprit fort, et n’en est que plus faible : il aime avec passion, joue avec rage. Enfin celle qu’il aime expire empoisonnée dans ses bras, et il se convertit au catholicisme. Le pourquoi, le comment de cette mort, de cette conversion, restent enveloppés de nuages que l’auteur n’a pas jugé à propos de dissiper.