Revue des Romans/Charles-Victor Prévost d’Arlincourt

Revue des Romans,
recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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ARLINCOURT (le vicomte d’),
poëte et romancier, né au château de Mérantris, près de Versailles, en 1789.


LE SOLITAIRE, in-8, 1821 ; 2e édition, 2 vol. in-12, 1825. — Le Solitaire de M. d’Arlincourt n’est ni un cénobite qui fuit le monde pour se consacrer à l’Éternel, ni un misanthrope qui boude la société ; c’est un prince, un héros dont les mains puissantes ont agité l’Europe dans le XVe siècle, et que des circonstances inouïes forcent à répandre sur sa propre vie les crêpes de la mort et les ombres de la solitude. Sur le mont sauvage où il s’est exilé, les habitants du lac de Morat et de la vallée d’Underlach le contemplent avec une sorte de terreur, comme un être surnaturel ; les pâtres en racontent d’étonnantes merveilles et des bienfaits nombreux. Dans le monastère d’Underlach vivait, près du comte d’Herstall, son oncle, la belle et jeune Élodie, dont le père, le comte de Saint-Maur, avait péri victime des jalouses fureurs de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Des hauteurs mystérieuses où il réside, le Solitaire a laissé tomber une pensée d’amour sur l’orpheline de l’abbaye. Élodie a pu remarquer la mâle beauté de cet homme singulier ; au bruit de l’orage et des vents, elle rêve à l’impression que lui cause le regard extraordinaire du Solitaire, ce regard sublime où se montre tout ce que le malheur a de plus déchirant, tout ce que la résignation a de plus noble, tout ce que l’âme a de plus expressif. Assise près de l’arche d’un torrent, Élodie faisait un jour entendre sa voix sur un luth harmonieux : dans son extase elle oublie ce luth ; et le lendemain, au même lieu, elle entend un chasseur répéter l’air de la veille sur l’instrument enchanté : ce chasseur, c’était le Solitaire. Mais une troupe de guerriers se dirige vers l’abbaye ; le chef de cette troupe est le comte Ecbert de Norindall, l’un des plus aimables et des plus puissants seigneurs de la cour de René, duc de Lorraine ; il voit sous les voûtes du monastère la fille du comte de Saint-Maur, et bientôt il en est épris. L’offre de son cœur, de sa main, ne peut tenter l’orpheline ; la violence de son amour le pousse aux résolutions désespérées ; il enlève Élodie, et déjà, suivi de ses guerriers, il est prêt à franchir le pont du torrent, lorsqu’un guerrier ferme le passage aux ravisseurs. Les soldats d’Ecbert attaquent le présomptueux qui seul ose arrêter leurs pas ; mais l’inconnu terrasse tout ce qui l’approche, et fait rouler dans le torrent les compagnons d’Ecbert ; furieux, le comte de Norindall fond l’épée à la main sur l’infatigable vainqueur. À son aspect le vaillant étranger recule de quelques pas ; et d’un geste souverain semble lui dire : Arrête ! Ecbert, étonné, suspend un instant ses coups. L’homme mystérieux lève la visière de son casque : c’est le Solitaire. Soudain la terreur s’empare d’Ecbert, il jette son glaive, tombe à genoux, et ses mains suppliantes implorent son superbe ennemi. — Nous ne pousserons pas plus loin l’analyse d’un roman que tout le monde a lu, qui n’a pas eu moins de onze éditions françaises, et qu’il est presque impossible aujourd’hui de lire sans s’endormir, ou tout au moins sans bailler à se rompre la mâchoire. Et cependant, outre les onze éditions françaises, le Solitaire a été traduit en allemand en 1821 ; en anglais, en 1821 ; en danois, en 1823 ; en espagnol, en 1823 ; en hollandais, en 1821 ; en italien, en 1821 ; en polonais, en 1823 ; en portugais, en 1824 ; en russe, en 1824 ; et en suédois, en 1823 !… Tous les théâtres mirent ce roman à contribution : Feydeau, l’Ambigu-Comique, la Gaieté, la Porte-Saint-Martin, Franconi eurent leur Solitaire, et toutes les pièces réussirent !… Il faut avouer qu’on est quelquefois heureux de venir en temps opportun.

LE RENÉGAT, 2 vol. in-8, 1822. — Nous n’entreprendrons pas d’analyser cette étonnante production. Il est des beautés tellement au-dessus des intelligences vulgaires, telles que la nôtre, que leur sublimité devient incompréhensible. Nous nous bornerons à citer quelques fragments pris au hasard, dans la persuasion que c’est le meilleur moyen d’exciter la curiosité de ceux qui auraient la velléité de se passer la fantaisie de lire ce fatras. M. le vicomte d’Arlincourt débute de manière à fermer la bouche à quiconque oserait l’accuser d’employer un style rauque, rocailleux et barbare. Voici son invocation :

« Muse des rochers et des torrents !… puissant génie des orages !… farouche déité du Nord !… je te cherche ; j’ose t’appeler. Au roulement lointain de la foudre, accorde ta harpe sauvage !… Viens, je t’écoute… inspire-moi ! Lyre mélodieuse de la Grèce, loin de moi tes suaves accords ! »

La lyre de la Grèce a obéi, et M. d’Arlincourt a écrit sous la dictée du tonnerre, de l’orage, du bruit des torrents et des échos retentissants des cavernes profondes. Son Renégat est le beau idéal de l’effroyable nébuleux ; voici son portrait :

« Du blanc cadavéreux de son œil infernal se détache une prunelle sanglante, et sur son large front s’imprime en caractère de feu le sceau de la réprobation. Il est énergique comme le cri du désespoir, sauvage comme la route du désert, sinistre comme la pensée du néant ; il est une œuvre antisociale. » Ce qui n’empêche pas qu’une belle princesse d’Asie et une charmante princesse de France ne se plaisent beaucoup dans sa société, et ne meurent toutes deux d’amour pour lui.

Il y a dans cet ouvrage des beautés de plus d’un genre, et qui indiquent des connaissances très-variées : on y trouve de la physique, de la métaphysique, de la géologie, de la botanique, de l’histoire naturelle, de l’architecture et de la médecine ; sciences dont les préceptes ont été inculqués à M. le vicomte d’Arlincourt par la muse des rochers et par la farouche déité du Nord. Voici une définition de l’âme qui nous paraît singulièrement neuve d’expression, même après tout ce que les philosophes ont dit sur cette matière, qui n’en est pas une :

« Illustre étrangère, née dans les cieux, jetée captive et dépaysée en une enveloppe périssable… elle passe mystérieuse au milieu des terrestres voies, et disparaît inexpliquée d’elle-même et de ses semblables, sous les voiles de l’éternité. »

Nous ne parlerons pas du style, on sait que M. d’Arlincourt en a un à lui. Qui oserait d’ailleurs se permettre la plus légère critique à l’égard d’un écrivain colossal qui vous dit sans ambiguïté :

« Honte et mépris à qui se permet de juger légèrement ces hommes qui, du milieu de leurs contemporains, s’élèvent ainsi avec l’ascendant d’une organisation sublime pour imposer aux siècles leurs noms ! »

Nous nous garderons donc de juger M. d’Arlincourt. Ne sommes-nous pas de son siècle ?

IPSIBOÉ, 2 vol. in-8, 1823. — La scène est en Provence au XIIe siècle. Le héros, nommé Alamède, est un orphelin inconnu que le marquis d’Aiguemar a élevé dans son castel, situé auprès de la ville d’Aix, et dont il a fait son page. Alamède atteint sa vingtième année, et paraît destiné à devenir l’héritier des biens considérables de son bienfaiteur, lorsqu’auprès d’un marais redouté du vulgaire, et dans une habitation singulière, vient s’installer la mystérieuse Ipsiboé. Cette femme bizarre protége Alamède ; tantôt elle lui donne à entendre qu’il est de la plus basse extraction ; elle l’aime, et cependant elle est la cause de ses malheurs ; elle l’a fait venir dans son marais, où il se rend malgré la défense de son père adoptif, qui, en apprenant sa désobéissance, le chasse de son castel. Que fait cependant Ipsiboé dans son mystérieux asile ? Placée à la tête d’une grande association secrète, elle rêve, au milieu d’un temps d’ignorance, les idées grandes et généreuses d’un siècle éclairé, et, alliant aux plus nobles sentiments politiques les plus absurdes préjugés sociaux, elle présente l’amalgame le plus original et les effets les plus bizarres ; deux femmes se rencontrent en elle : l’une est la fille des âges barbares, et par conséquent l’extravagance même ; l’autre est l’héroïne des jours civilisés, et celle-là est aussi intéressante que belle. Quant au jeune Alamède, son caractère fou, léger, malin, étourdi, contraste avec les situations dramatiques dans lesquelles Ipsiboé le précipite. Orphelin obscur, sans nom, il devient amoureux de Zénaïre, reine de Provence, dont il ne peut supporter l’arrogance, et qu’il humilie tout en l’adorant. Il se trouve en outre, sans s’en douter, président de la grande association secrète, et sans savoir ni qui il est, ni ce que l’on veut, il conspire contre sa maîtresse. Raconter ici toutes les aventures au milieu desquelles il déploie la plus malicieuse gaieté serait en détruire d’avance tout l’intérêt ; nous nous garderons surtout de mettre le lecteur au fait du dénoûment, qui n’est pas la partie la moins étrange du roman.

Ipsiboé est un des ouvrages dans lesquels M. d’Arlincourt s’est éloigné de la manière qui lui appartient exclusivement ; ici ce n’est plus son pathétique violent, exagéré, son style guindé : l’auteur saisit le fouet de la satire pour la première fois ; il raille tout ce qui l’entoure, tout ce qui passe sous ses yeux, les superstitions religieuses, les préjugés nobiliaires, les abus politiques, notre ordre social tout entier. Mais on sent que M. d’Arlincourt n’est pas là sur son terrain ; sa plaisanterie est pesante, son ironie amère ; d’autres écrivains nous ont habitués à un sarcasme plus léger, moins sérieux, et tout à la fois moins désolant et plus convenable à la nature des choses. On en jugera par quelques citations. Au sortir d’une scène imposante, la dame du marais est assaillie par une famille d’écureuils qui bondit sous ses pas, par un faucon mal appris qui lui enlève son châle, par une chèvre indocile qui déchire sa robe, et le page d’Éral s’écrie : « Une chèvre, un faucon, des écureuils, êtres moins difficiles à mettre en harmonie que villageois, prêtres et princes. » Plus loin, Alamède raille indignement son bienfaiteur, insulte le grand maître du palais, brave sa trop indulgente souveraine, et salue avec un air de protection ridicule les grands et les dames de la cour, « comme avec deux doigts levés, bénédiction de clôture, un saint prélat vide une église. » Un accident imprévu précipite Ipsiboé de son char ; écoutez son infortune : « La mante qui lui servait de robe s’est entièrement séparée d’elle ; ses bras, ses épaules, sa gorge, sont nus… Elle se relève en blanc corset, en jupe courte… Bientôt, ressaisissant sa longue mante, elle en rejette une partie au-dessus de sa tête, en forme de capuchon, et la nymphe au cotillon court s’offre maintenant en vieux moine aux yeux des spectateurs ébahis. » Tout est à peu près de cette force. — La pensée morale que l’on a cherché à développer dans ce livre, c’est que le bonheur n’est point l’apanage des grandeurs et des dignités, c’est qu’il habite plutôt la chaumière du villageois que le palais des souverains.

L’ÉTRANGÈRE, 2 vol. in-8, 1825. — On sait que Philippe-Auguste répudia sa femme Engelburge pour épouser la belle Agnès de Méranie, princesse du sang de Charlemagne ; que sur les plaintes du roi de Danemark, le pape Innocent III cassa son mariage, et que Philippe-Auguste fut contraint de quitter Agnès de Méranie qu’il aimait, pour reprendre cette Engelburge qu’il haïssait de tout son cœur. Tel est le fait historique sur lequel M. d’Arlincourt a fondé le roman de l’Étrangère. — Toute l’action est renfermée dans un espace assez étroit, sur les bords d’un grand lac de l’ancien comté de Nantes. Au commencement du XIIIe siècle, le jeune comte Arthur de Ravenstel sort pour la première fois de son château où il avait été soigneusement renfermé sous la direction d’un précepteur nommé Olburge, pour aller rendre visite au sire de Montolin, son tuteur. Le premier objet qui frappe ses regards est le fort de Karency, où Agnès de Méranie, veuve avant la mort de son époux, regrette son roi et peut-être encore plus la couronne. Parmi les embarcations qui sillonnaient les eaux du lac, Arthur aperçoit un simple bateau où il découvre une de ces figures qui décident en un moment du destin d’un jeune homme passionné ; il s’informe quelle est cette femme ; on lui répond que c’est l’Étrangère, femme proscrite et en horreur au ciel et à la terre. Le jeune Ravenstel arrive chez le sire de Montolin, qui avait le projet de le marier avec sa fille Isolette. Arthur, qui n’éprouve pour cette jeune beauté que la plus froide indifférence, fait de longues promenades aux environs du château ; il dirige ses pas vers une petite maison blanche isolée, habitée par l’Étrangère, s’introduit auprès d’elle et lui découvre sa passion ; mais celle-ci lui apprend qu’elle est proscrite, maudite, et ne lui laisse aucun espoir. Un soir qu’il se dirigeait vers la petite maison blanche, il découvre que l’Étrangère n’est pas seule, qu’elle est en tête à tête avec le baron de Valdebourg. Arthur, plein de rage, se tapis près de la porte, voit sortir le baron, court sur ses traces, lui crie de s’arrêter et de se mettre en défense ; Valdebourg veut le calmer et peut-être lui dire son secret ; mais le furieux Arthur n’entend rien, le baron est forcé de tirer son épée, et Arthur le perce d’un coup mortel. Cependant les cris des combattants ont fait accourir l’Étrangère ; elle apprend le sort de Valdebourg et s’écrie : « Mon frère ! » Le bruit de ce meurtre se répand avec rapidité. Le prieur fait citer l’Étrangère à son tribunal ; elle est déclarée innocente, mais elle a refusé de nommer le meurtrier et est accusée d’être son complice ; quatre fois elle est sur le point d’être condamnée, mais quatre fois des incidents invraisemblables font ajourner le prononcé du jugement. Dans une entrevue qu’Arthur obtient ensuite de l’Étrangère, elle lui ordonne d’épouser Isolette ; il y consent, mais à condition qu’elle se trouvera dans l’église au moment de la cérémonie. L’Étrangère y vient couverte de son voile ; Arthur s’avance vers l’autel ; aussitôt qu’il a prononcé le oui fatal, l’Étrangère se retire, Arthur la suit, la foule accourt sur leurs traces, le voile de l’Étrangère tombe, et l’un des témoins s’écrie : « Juste ciel ! la **** en ces lieux ! » Nous ne dirons pas le mot de l’énigme, que le lecteur se donnera la peine de chercher dans le roman. Nous dirons seulement fort succinctement qu’Arthur expire de chagrin, qu’Isolette se fait religieuse, et qu’une mort tragique met fin à l’existence de l’Étrangère.

Les invraisemblances dont cette fable abonde sont si choquantes, qu’on ne devrait plus s’attendre à éprouver de l’intérêt à la lecture de ce roman. Une femme qui doit toujours être voilée, même dans l’intérieur du fort qu’elle habite ; une autre femme également voilée, inspirant de la haine et du mépris à tout le monde, et qui se promène par monts et par vaux ; le frère de celle-ci qui va fixer sa demeure près du même lieu, sans savoir que l’Étrangère est sa sœur ; un procès étrange interrompu par quatre oppositions successives ; un sénéchal d’un âge mûr, qui s’avise de devenir amoureux d’Isolette, et par-dessus tout cela l’invraisemblance que le lecteur découvrira quand il connaîtra le nom et le rang de l’Étrangère, ces défauts et de choquants anachronismes, tels qu’un empereur d’Autriche que l’on fait régner au commencement du XIIIe siècle, justifient la critique dont l’Étrangère a été l’objet lors de sa publication. Il est cependant certain que ce roman, qui eut, lors de son apparition, un succès de vogue, et dont on ne parle pas plus aujourd’hui que des autres ouvrages de M. d’Arlincourt, il est certain, disons-nous, que ce roman intéresse en dépit de la raison ; on ne peut s’empêcher d’y reconnaître du mouvement, des combinaisons, de la chaleur, des tableaux, des caractères, un certain prestige, de la passion, des sentiments tendres, impétueux, exaltés, des situations tragiques et une foule d’idées qui ne sont point communes.

LES REBELLES SOUS CHARLES V, 3 vol. in-8, 1832. — Ce roman est une allégorie en trois volumes. Charles V, c’est Charles X ; les rebelles, c’est vous, moi, la chambre des députés, la chambre des pairs, l’armée, la garde nationale, la nation entière. Rien enfin ne manque à la comparaison entre notre siècle et le XVe, pas même le duc de Bordeaux, que M. d’Arlincourt nous fait entrevoir en la personne de Charles VII, étoile qui brille au loin. Cette partie de la politique moderne remplit une grande moitié du roman ; aussi bien la grande question pour M. d’Arlincourt était de rappeler au plus tôt les rebelles à l’ordre, de leur faire sentir ce qu’il y a d’inconvenant, d’indiscret, de peu délicat, à bannir un monarque, lors même qu’il foule aux pieds ses propres lois ; de leur prouver, quand ils ont commis cette inconséquence, qu’ils doivent, toute affaire cessante, aller le rechercher la hart au cou et un mouchoir blanc à la main. Cela bien démontré, le reste importait peu ; aussi M. d’Arlincourt ne s’est guère occupé des détails, c’est-à-dire, des situations, des caractères, des personnages, du style. Ce style est celui que chacun lui connaît, non moins bouffon qu’autrefois, et un peu plus prétentieux encore. — Henri Talebar a été élevé par la comtesse de Monthuel avec ses deux enfants, Édouard et Marie de Monthuel. Henri aime Marie et veut se permettre avec elle des libertés ; elle s’en plaint à sa mère, qui met Henri à la porte, et celui-ci, en s’éloignant, jure de se venger. Il entre dans une compagnie de malandrins, et, en passant à Dijon, fait la connaissance d’Yola, la nymphe, la sylphide obligée des romans de M. d’Arlincourt. Voir Talebar, l’aimer, le lui dire, pour Yola, c’est l’affaire d’un instant ; mais Yola est royaliste et ne veut épouser qu’un royaliste, si bien que Talebar va se faire royaliste, lorsqu’il est attaqué par les troupes de Charles V et laissé pour mort. Heureusement Yola veille sur lui, le fait porter dans un vieux castel, où il revient à la santé et disparaît. Talebar apprend qu’Yola a été enlevée par Édouard, son ami d’enfance, et conduite au château de Monthuel ; furieux, il va rejoindre ses malandrins, assiége le château de Monthuel, le prend, tue Édouard, et livre Marie aux malendrins ; il trouve ensuite la comtesse expirante, qui lui apprend, avant de mourir, qu’elle est sa mère, qu’Édouard est son frère, et que Marie est sa sœur. Par la mort de tous les siens Henri se trouve possesseur des biens et du château de Monthuel. Cependant Yola lui avait échappé ; elle avait eu pitié du pauvre Édouard, qu’on avait cru mort et qui n’était que blessé, et auquel elle prodiguait ses soins. Par sa fortune Talebar avait acquis une grande importance dans la province ; le prince de Navarre l’engage à se joindre à lui pour combattre Charles V ; il lève des troupes, combat comme un lion, est vaincu, blessé et prend la fuite. Couvert de sang, accablé de fatigue, il entre dans une ferme. Qu’y voit-il ? Édouard et Yola, qui, retirés dans cette humble demeure, y passaient des jours heureux. À cette vue il expire de désespoir.

LES ÉCORCHEURS, 2 vol. in-8, 1833. — Les Écorcheurs sont précédés d’une préface où l’auteur nous apprend que peu de jours après « le mouvement, le malentendu, le hourra, l’escamotage ou le n’importe quoi de juillet 1830, » il se mit à feuilleter les vieilles chroniques de Monstrelet, de Juvénal des Ursins, etc. La tête pleine des scènes populaires qui retentissaient encore, et qui sans doute avaient produit un prodigieux ébranlement dans son cerveau, M. d’Arlincourt se prit à méditer sur l’histoire du XVe siècle, qu’il résume par les deux phrases suivantes : 1o Barricades, pavés, désolations, anarchie, usurpation et peste ; 2o fils de France, repos, bonheur, justice, gloire et liberté. Là-dessus M. d’Arlincourt « prit le parti d’écrire les malentendus du XVe siècle, pour servir d’enseignement à qui de droit. » Du reste, un homme de qualité comme M. le vicomte ne doit pas écrire comme tout le monde ; aussi a-t-il bien voulu nous prévenir qu’il ne s’est pas donné la peine de finir certains chapitres, et qu’il n’a pas perdu son temps à en commencer certains autres. Quant au nom d’Écorcheurs, il est emprunté à une de ces bandes d’aventuriers qui n’avaient d’autre métier que la guerre et le pillage, et qui jouèrent un rôle dans les troubles publics sous les dernières années de Charles VI, et dans le commencement du règne de Charles VII. M. d’Arlincourt nous retrace la demeure du vieux roi (il a oublié de nous dire s’il y avait là quelque allusion), puis les intrigues du duc de Bourgogne, les désordres de la reine Isabeau, le dévouement de Tanneguy-Duchâtel, qui sauve le jeune dauphin en le retirant de la Bastille ; le meurtre du duc de Bourgogne au pont de Montereau, l’invasion de la France par les Anglais, les exploits de Lahire, de Dunois, de Jeanne d’Arc, et enfin le triomphe du monarque légitime. Tout cela est bien plus décousu que la rapide analyse que nous venons de faire de son livre.

ISMALIE, ou la Mort et l’Amour, roman poëme, 2 vol.  in-8, 1828. — La scène se passe à Saint-Paër, dans le Vexin normand. Ismalie est la fille du baron de Nesler, noble chevalier mort en Palestine ; elle a seize ans, et son cœur ne demande qu’une occasion d’aimer. Oscar paraît ; Ismalie l’aime, mais « Oscar aime comme un autre hait ; » il brûle d’amour, mais il a toujours l’air de haïr ; il fait à Ismalie une déclaration muette, que celle-ci a peine à comprendre. Ismalie a une vision terrible : un fantôme, une sibylle lui apparaît, et lui apprend qu’elle s’appelait avant sa mort Azila ; que le perfide Oscar l’avait séduite et délaissée, mais que, bourrelé de remords, il avait juré au pied des autels de ne dire à une femme : Je t’aime, qu’après qu’il serait son époux. Le revenant Azila insinue à Ismalie de faire prononcer le mot fatal à son amant ; après de grandes difficultés, il prononce le fatal je t’aime, et meurt. Un soir cependant il ressuscite ; il exige que son mariage s’accomplisse ; Ismalie hésite ; elle finit cependant par épouser Oscar ; elle joint la vie à la mort !…

On doit aussi à M. d’Arlincourt : Bannissement et retour de Charles VII, in-8, 1832. — Le Brasseur-Roi, chronique flamande du XIVe siècle, 2 vol. in-8, 1833. — Le Double règne, chronique du XIIIe siècle, 2 vol. in-8, 1836. — L’Herbagère, 2 vol. in-8, 1837.