Revue des Romans/André Delrieu

Revue des Romans.
Recueil d’analyses raisonnées des productions remarquables des plus célèbres romanciers français et étrangers.
Contenant 1100 analyses raisonnées, faisant connaître avec assez d’étendue pour en donner une idée exacte, le sujet, les personnages, l’intrigue et le dénoûment de chaque roman.
1839
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DELRIEU (André).


VIRGINITÉ, 2 vol. in-8, 1837. — Un peintre français nommé Télèphe devient amoureux d’une belle Flamande ; mais un mystère impénétrable environne l’objet de sa passion, une puissance inquiète veille sur la jeune fille, et l’on comprend dès les premières pages qu’un formidable secret échappera au dénoûment, secret qui sera aussi celui de la critique. — Il y a dans ce livre des pages fraîches et ombrageuses comme les mélancoliques chênaies de Ruisdaël, des pays sombres sillonnés d’ardents rayons à la Rembrandt ; on habite la terre du Landret où M. Delrieu conduit le lecteur ; on est transporté en esprit sur la tour de la merveilleuse cathédrale d’Anvers, d’où l’on embrasse du regard tout le vaste panorama de l’Escaut et des polders, du port et de la cité, tout ce vaste et plantureux Brabant ; on suit l’ombre gigantesque de la gracieuse et bizarre Paz Van-Ullen, on se glisse le long des maisons de la silencieuse place du Neer. Mais pourquoi faut-il que le rêve tourne si vite en cauchemar, et que d’odieux fantômes viennent interrompre le charme ? Quand on comprend comme M. Delrieu les grandeurs et les harmonies de la nature, quand on est capable de tracer de si fines analyses du cœur, et de dessiner des figures comme celle du frère Christophe, on n’a pas besoin de recourir à la hideuse passion de Van-Ullen, ni aux mystères incestueux de la rue Kipdorp, pour émouvoir la fibre du lecteur ; on doit abandonner à l’incapacité stérile la ressource d’imaginer des monstres, faute de pouvoir créer des hommes, et laisser ensevelis dans les colonnes des journaux judiciaires, ces tristes récits qui constatent dans quel abîme de dégradation la nature humaine peut descendre.