Revue agricole (La Nature - 1873)/02
(1/3)
|
◄ | (2/3)
|
► | (3/3)
|
REVUE AGRICOLE
LA MOISSON. — CONCOURS DE LA MOISSONNEUSES. — LES RÉCOLTES DÉROBÉES. — CONCOURS HIPPIQUE. — FERMES-ÉCOLES. — ÉCOLE DE BERGERS, À RAMBOUILLET.
Tout est fauché dans les champs et le cultivateur attend chaque jour un peu d’eau pour ses regains et pour ses avoines. D’autres plus pressés en ont déjà rentré et battu. Les avoines, qui vont arriver en quantité sur nos marchés, sont le seul produit qui, cette année, soit véritablement abondant : il offre une compensation à la médiocre récolte de blé dont la Beauce souffrira certainement, quoique le prix s’annonce déjà comme assez élevé. C’est un fait reconnu que les prix élevés d’une mauvaise récolte n’enrichissent jamais l’habitant des campagnes, car sa consommation comme celle de son personnel étant toujours la même, s’il ne lui reste qu’une petite quantité d’hectolitres à vendre, une augmentation de 5 à 6 fr. et même davantage par hectolitre, ne comble pas le déficit causé par le mauvais rendement, surtout au prix actuel de la main-d’œuvre. Pour couper les blés il a fallu dans certaines localités, payer 25 à 28 fr. par hectare, ce qui met la journée à 7 et 8 fr.
Les petits cultivateurs, ceux qui font toute leur besogne par eux-mêmes, joindront à peine les deux bouts. Ceux qui n’ont point d’attirail, et qui sont obligés de payer tous les frais de labourage et de récolte seront en déficit. Il n’y a donc que les cultivateurs un peu importants, ceux qui ont des produits plus variés qui, dans une récolte abondante d’escourgeons et d’avoine, et dans de beaux blés sur betteraves, trouveront un certain profit, mais en général l’année sera bien médiocre pour le cultivateur. C’est pourquoi nous croyons qu’il est de plus en plus nécessaire de diminuer les frais de main-d’œuvre en employant les machines : une moissonneuse avec deux chevaux et un homme pour la conduire, coupe 4 à 5 hectares de blé par jour ; de plus, elle confectionne assez convenablement la javelle, il ne reste donc plus que le liage auquel on peut n’employer que les femmes. Du reste, le concours de moissonneuses qui vient d’avoir lieu à Grignon a prouvé surabondamment quel parti on peut tirer de ces engins agricoles. On a dit, avec raison, que l’outillage agricole est désormais une question de vie ou de mort pour l’agriculture.
Après la moisson et surtout après la sécheresse que nous venons de traverser, un certain nombre de cultivateurs intelligents font ce qu’on appelle des récoltes dérobées, c’est-à-dire qu’ils labourent immédiatement après la moisson et sèment certaines plantes : navets, sarrasin, millet, maïs, quarantin, moutarde blanche et spergule. Ce qui paraît le plus avantageux, ce qu’on peut faire partout, c’est de semer soit du sarrasin pour enfouir en vert, soit un mélange de sarrasin, de moutarde blanche et de millet pour fourrage vert, après la navette, le colza, les vesces et même l’escourgeon et le seigle. Comme c’est à la fenaison qu’on enfouit ou qu’on coupe, et que deux mois suffisent généralement pour amener ces plantes à ce point, leur culture n’empêche pas de faire suivre un blé d’automne dans les meilleures conditions. Nous ferons remarquer que c’est surtout dans des circonstances semblables, que les engrais pulvérulents offrent de l’avantage. Une petite quantité de guano, de tourteaux ou de poudrette, appliquée au sarrasin ou au mélange indiqué, pourra souvent doubler sa fumure ou le fourrage obtenu.
Nous avons vu avec satisfaction les vœux qui ont été émis dans les concours régionaux pour que désormais les chevaux soient admis dans ces concours. En attendant que l’année prochaine ces vœux soient réalisés, nous sommes heureux de constater qu’un concours général et spécial de chevaux, sera ouvert le 12 du mois prochain, à Landerneau (Finistère), il se continuera le 13 et sera clos le 14, par une grande revue d’honneur des animaux primés et par la distribution des primes aux propriétaires lauréats. Ce concours a pour but de faire connaître les ressources hippiques de la Bretagne et d’apprécier la force productive de l’industrie chevaline, dans les circonscriptions des dépôts d’étalons de Lamballe et d’Hennebont. Il sera précédé, le 11 septembre, du concours départemental d’étalons pour le Nord-Finistère, arrondissement de Brest et de Morlaix. On espère que cette grande fête hippique attirera, en Bretagne, bon nombre de visiteurs intéressés et que les résultats immédiats se traduiront par un redoublement de rapports entre ce pays, producteur du cheval apte à tous les services, et les pays de consommation, notamment les grands centres du Midi, qui ont, depuis longtemps déjà, pris l’habitude de s’approvisionner en Bretagne. Ce n’est pas seulement au point de vue des usages personnels, mais aussi pour les besoins de notre armée, que l’élevage du cheval est aujourd’hui de première importance et l’on ne peut qu’approuver tout ce qui tend à le développer.
Le Ministère de l’agriculture et du commerce vient de publier les rapports sommaires sur les fermes-écoles en 1872. On se rappelle peut-être que dans la séance de l’Assemblée nationale, du 4 décembre 1872, M. le ministre de l’agriculture et du commerce annonçait qu’à l’avenir les rapports présentés sur les fermes-écoles, par messieurs les inspecteurs généraux de l’agriculture, seraient annuellement publiés. C’est l’accomplissement de cette promesse qui motive la présente publication.
Le ministère fait observer dans une note, qu’il n’a pas été possible de publier in extenso ces rapports. Plusieurs in-4o n’auraient pas suffi pour contenir de tels documents, où sont consignées les observations sur tous les détails de la ferme, enseignement et pratique. On a dû s’en tenir à de brefs extraits, rédigés par MM. les inspecteurs, et constatant la situation actuelle de chaque ferme.
La lecture de ces documents nous a démontré que le recrutement des fermes-écoles devient malheureusement très-difficile. Malgré tous les avantages qui sont offerts aux fils des paysans, auxquels on donne dans ces écoles la même rémunération que s’ils étaient ouvriers dans les fermes, malgré des primes et une bonne instruction, les enfants de la campagne ont tant de répugnance pour l’étude, ils tiennent si peu à apprendre sérieusement leur métier, qu’ils préfèrent vivre plus libres et rester ignorants ! Le travail et la discipline de la ferme-école les épouvantent.
Cette mauvaise disposition est telle que l’école de bergers du Haut Tingry est devenue déserte : en présence de ce fait, il vient d’être décidé que ce bel établissement serait transporté à Rambouillet, où l’on espère que le recrutement sera plus facile. Souhaitons-le aussi, mais ajoutons qu’il n’est pas aisé de vaincre l’indifférence en pareille matière.