Revue Musicale de Lyon 1904-03-30/Bibliographie

BIBLIOGRAPHIE

Cours d’harmonie, par Daniel Fleuret[1]

Le Cours d’Harmonie que vient de publier Daniel Fleuret a trois qualités maîtresses qui semblent les plus naturelles dans un ouvrage de ce genre et qui en font cependant l’antipode de la plupart des livres auxquels nous sommes habitués : il est concis, clair et logique.

L’auteur en effet adopte une ligne de conduite dont il ne se départit pas : faire comprendre au lecteur le pourquoi de chaque règle. L’harmonie lui est apparue comme une science mathématique, démontrable, déductive, et au lieu d’asséner à l’élève des principes absolus, qu’il lui faut apprendre par cœur, il lui fait saisir la raison d’être de toute loi énoncée : une telle éducation nous préservera peut-être des musiciens qui récitent de tête l’énumération des cadences ou des renversements sans avoir jamais soupçonné pourquoi ceux-là existent et pas d’autres.

Nous relèverons dans la méthode employée par Daniel Fleuret deux choses qui nous ont paru excellentes, c’est d’abord sous les noms de Démonstration’’ou d’Explication, le raisonnement qui suit chaque paragraphe didactique énonçant une règle, et ensuite le choix des exemples non plus arbitraires, mais choisis dans les auteurs et en général dans les classiques les plus purs.

Le Cours d’Harmonie est suivi d’une « histoire abrégée de l’Harmonie et des développements de cette science à travers les siècles. » On sait la compétence toute particulière de M. Fleuret en matière d’histoire de la musique, et sa connaissance si exceptionnelle des vieux auteurs. L’historique qui termine son livre est un excellent résumé de ces connaissances trop peu répandues. La conclusion de ce chapitre expose, très heureusement, à quel point l’harmonie actuellement enseignée se démode vite, sous la poussée, chaque jour grandissante des doctrines musicales nouvelles. « L’émotion suscitée par le maître de Bayreuth est telle, que personne n’échappe aujourd’hui à l’influence wagnérienne. Cependant quelques raffinés tentent de s’y soustraire et par des essais fort curieux, semblent indiquer aux jeunes de nouvelles voies à explorer… Le chromatisme tend sans cesse à se développer. Les résolutions évitées se multiplient, les notes d’ornement prennent plus d’importance que les notes réelles et s’y substituent même tout à fait, les dissonances les plus ardues se passent de préparation. L’unité finale, conservée même par Franck, tend à disparaître. La musique devient pluritonale. La révolution qui se prépare aboutira-t-elle au renversement d’une tonalité vieille de trois siècles ? L’avenir nous le dira.

De pareilles constatations sont d’un intérêt très haut : et certes ce serait faire œuvre utile que d’exposer en un traité l’harmonie telle que la comprend la jeune école, si tant est qu’il y ait encore une science de l’harmonie. Ce ne pouvait être là le but poursuivi par M. Fleuret, car de telles recherches se fussent singulièrement éloignées du cadre d’un cours au Conservatoire. Il faut au contraire être reconnaissant à l’auteur d’avoir tenu compte dans une certaine mesure des opinions nouvellement admises, et d’avoir par exemple, exposé dès sa première page encore qu’un peu brièvement, cette admirable théorie d’Hugo Riemann sur les harmoniques inférieures et la génération des relatives.

Tant que l’on s’en tiendra au principe directeur du « maintien de l’unité tonale au milieu de la variété des effets harmoniques », le livre de M. Fleuret devra être recommandé comme un des manuels les plus limpides, les plus précis et les plus complets sous une forme brève, de cette science dont M. Fleuret dit en manière de conclusion : « l’harmonie n’est en somme que la moyenne d’opinions admises à une époque par le sens commun des musiciens. »

Edmond Locard.
L’Art du Théâtre

Le sommaire du nouveau numéro de l’Art du Théâtre est particulièrement copieux.

D’abord la Seconde Madame Tanqueray, l’œuvre anglaise de Pinero adaptée pour la scène française et représentée à l’Odéon ; puis les Dragées d’Hercule, le plus gros succès de rire de l’année, la pièce la plus gaie que le Théâtre du Palais-Royal ait donnée depuis longtemps. Citons encore la Citoyenne Cotillon puis un article accompagné de nombreuses gravures sur les nouvelles danses aux pieds nus. Une remarquable étude sur la Montansier ; une critique de M. Acker sur Falstaff et le drame en vers ; le premier acte d’une pièce inédite de M. Schefer ; le mois théâtral, etc…

Parmi les planches hors texte, une belle eau-forte de Mlle Jeanne Granier, costume directoire, un portrait de Mlle Marie Thierry, une superbe esquisse du maître décorateur Carpezat pour le tableau du Cirque de Messaline, constituent une illustration merveilleuse.

  1. 1 vol. gr. in-8o  broché. Lyon, Janin frères, 1904.