Revue Musicale de Lyon 1904-02-10/Le Prélude de Lohengrin

Le Prélude de « Lohengrin »

Nous avons déjà reproduit ici es commentaires de Wagner sur le Prélude du troisième acte des Maîtres-Chanteurs et sur l’ouverture de Tannhaeser[1]. Nous transcrivons ci-dessous le commentaire-programme du Prélude de Lohengrin donné par Wagner pour le programme de ses Concerts au Théâtre-Italien en 1860 :

« Le Saint-Graal était la coupe dans laquelle le Sauveur avait bu à la dernière cène et où Joseph d’Arimathie avait reçu le sang du Crucifié. La tradition raconte que le vase sacré avait été une fois déjà retiré aux hommes indignes, mais que Dieu avait décidé de le remettre aux mains de quelques privilégiés qui, par leur pureté d’âme, par la sainteté de leur vie, avaient mérité cet honneur. C’est le retour du Saint-Graal sur la montagne des chevaliers, au milieu d’une troupe d’anges, que l’introduction de Lohengrin a tenté d’exprimer.

Dès les premières mesures, l’âme du pieux solitaire qui attend le vase sacré, plonge dans les espaces infinis. Il voit se former peu à peu une apparition étrange qui prend un corps, une figure. Cette apparition se précise davantage, et la troupe miraculeuse des anges, portant au milieu d’eux, la coupe sacrée, passe devant lui. Le saint cortège approche ; le cœur de l’élu de Dieu s’exalte, il s’élargit, il se dilate ; d’ineffables aspirations s’éveillent en lui ; il cède à une béatitude croissante, en se trouvant toujours plus rapproché de la lumineuse apparition, et quand, enfin, le Saint-Graal lui-même apparaît au milieu du cortège sacré, il s’abîme dans une adoration extatique, comme si le monde entier eût soudain disparu.

Cependant le Saint-Graal répand ses bénédictions sur le saint en prières et le consacre son chevalier. Puis les flammes brûlantes adoucissent progressivement leur éclat ; dans sa sainte allégresse, la troupe des anges, souriant à la terre qu’elle abandonne, regagne les célestes hauteurs. Elle a laissé le Saint-Graal à la garde des hommes purs, dans le cœur desquels la divine liqueur s’est répandue, et l’auguste troupe s’évanouit dans les profondeurs de l’espace, de la même manière qu’elle en était sortie. »

  1. Voir le no 4 et le no 9 de la Revue Musicale de Lyon.