Revue Musicale de Lyon 1903-12-01/Correspondance de Paris
GRANDS CONCERTS
M. Colonne, retour d’Amérique, s’est empressé de sacrifier au dieu du jour, à Berlioz, qui est plus particulièrement aussi le sien. Personne ne peut d’ailleurs conduire mieux la Symphonie fantastique, et cette fois-ci, par cœur s’il vous plaît, comme dans la maison rivale ; par cœur, également, l’intermède symphonique de Rédemption de Franck. L’une et l’autre de ces œuvres, aux antipodes de la littérature musicale, comme forme et comme fond, ont été jouées divinement par l’orchestre du Châtelet.
On a entendu également avec un indicible plaisir la limpide et sereine musique du fameux duo de Béatrice et Bénédict, de Berlioz ; il a été chanté, il est vrai, avec tant de grâce et de douceur apaisante par Mlle Jeanne Leclerc et Alice Deville !
Enfin le programme était complété par le concerto en ré pour violon de Beethoven exécuté par M. Arrigo Serato au jeu fin et net, au son pur, quoique un peu étriqué, et par une œuvre de M. Gaetani, Thème et variation dans le style fugué, austère composition classique où de curieuses bouffées de romantisme, parfums wagnériens, rêverie de Hans Sachs, lamentation de Tristan apparaissent non pour détrôner, mais plutôt pour dissiper l’ennui toujours imminent, semble-t-il.
Au prochain concert la Damnation de Faust en attendant l’Enfance du Christ, aux approches de Noël.
Dès notre prochain numéro, nous rendrons compte régulièrement des matinées de poésie et de musique organisées tous les samedis au théâtre Victor-Hugo. Ces séances, dont la direction artistique a été confiée à deux anciens — et très jeunes — Lyonnais, Louis Payen, pour les poèmes et Emile Vuillermoz, pour la musique, seront certainement des plus remarquables. MM. Fauré, Debussy, Ravel, Duparc, Séverac, Etienne Ledmirault accompagneront eux-mêmes leurs œuvres dans ces matinées qui jusqu’alors avaient été trop exclusivement réservées aux œuvres de Francis Thomé, Chaminade, Théodore Dubois et autres musiciens de second ordre et de… l’Institut.