Revue Musicale de Lyon 1903-11-03/La Sainte-Cécile

LA SAINTE-CÉCILE

Dans quinze jours, sociétés chorales, harmonies et orphéons vont fêter Sainte-Cécile à leur façon habituelle. Ce jour-là, on met les pieds à l’église et l’on y déchaîne un fatras d’élucubrations que nous sommes heureux d’attacher au pilori musical. Pour les harmonies, on choisit dans le répertoire courant les œuvres qui présentent un peu de recueillement, arrangements d’opéras dont les plus respectueux du saint lieu suppriment le pas redoublé final, et encore ! On y chante généralement quelque messe orphéonique que les Maîtres du genre, Lambillote locaux, osent signer de leurs noms[1]. Les Gloria en sont d’ordinaire pompeusement magnifiques et vous ont des airs guerriers à faire trembler les voûtes. Tout cela finit au cabaret d’où ça n’aurait jamais dû sortir et sous prétexte de Sainte-Cécile, on festoie et on échange des propos sur l’art de chef-lieu d’arrondissement et sur la littérature de nos beaux orphéons français. Peut-être un jour, au risque de nous attirer de vertes réponses, dirons-nous la vérité sur l’action de l’Orphéon en France, sur cette sacro-sainte institution qui, paraît-il, nous a élevés à la hauteur des peuples les plus musiciens d’Europe…

… Pauvre Sainte-Cécile, artiste gracile, idéale et charmante, à qui l’on inflige de pareilles sérénades !

  1. Dimanche dernier, dans une église proche de l’avenue de Saxe, nous avons entendu chanter une Messe pour soprano et basse (!) amas de lamentables ritournelles, laissés-pour-compte de vieux opéras, harmonisées de la façon la plus inattendue, véritable défi au bon goût et au bon sens. Un de nos collaborateurs nous dira prochainement dans une série d’articles sur la musique religieuse, ce qu’est la musique dans les églises et ce qu’elle doit être. Mais il nous est impossible de pas signaler en passant la lamentable élucubration entendue avant-hier et auprès de laquelle, la Prose de la fête de la Toussaint, une de ces détestables proses lyonnaises du xviiie siècle, si vulgairement rythmées, parut presque supportable. Puisse Pie x étendre bientôt à toute la chrétienté l’excellent règlement sur la musique religieuse qu’il élabora et fit appliquer dans son diocèse en 1895, lorsqu’il était patriarche de Venise !