Reveille-matin des François/Dialogisme

D I A L O G I S M ES V RL' E F F I-
gie de la Paix.
Le Polonois. La Paix Valoiſe.
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Pol. Quelle femme eſ‍t-ce ou Nymphe que ie voy,
Ayant le port de la fille d’vn Roy,
Plus haute à voir que quelque choſe nee,
D’habits nouueaux eſ‍trangement ornee,
Haute en ſourcy, ſuperbe en ſon marcher ?
Mal-appris eſ‍t qui n’oſe s’approcher.
Dites-moy Dame, ou Nymphe ſi vous eſ‍tes
Du reng de nous, ou des Graces celeſ‍tes,
Qui quelque fois frequentent les humains :
Puis s’en reuont en ces lieux ſouuerains,
Quand les mortels ſe plongent en tout vice :
Seriez-vous point ceſ‍te belle Iuſ‍tice,
Qui s’eſmouuant nous viene voir ca bas,
Pour appaiſer les guerres & combats ?
Pa.Ie ne ſuis pas ce qu’eſ‍tre tu me penſe,
Ie ſuis la Paix que Charle a miſe en France
Dont ie ſuis ſœur, baſtarde comme luy,
Le plus loyal des hommes d’auiourd’huy.
Pol. Vrayment tu as vn bon traiſ‍tre de frere.
Mais dy-moy donc, qui fut auſ‍ſi ton pere.
Pa. Mon pere fut vn Diable deſ-Guiſé
Deſ‍ſous l’habit d’vn Preſ‍tre ſuppoſé
Monſ‍tre fatal, compoſé de tout vice,
Trouble-repos, eſ‍table d’auarice,
Dont s’eſchaufa celle noble Putain,
Le ſang infec‍t des bougres d’Italie,

Nourry du laic‍t d’vne horrible Furie,
Qu’vn Pape au col des Valois attacha
Et dans le ſein de nos Roys la cacha,
Pour y nourrir la flammeche allumee,
Dont France vn iour fuſ‍t toute conſumee,
Cauſe de maux, ſemence de malheurs !
Pol. Ce voile ainſi bigarré de couleurs,
Et ceſ‍t habit de pourpre figuree,
De bleu, de verd, de rouge coulouree,
Monſ‍tre-il pas, à qui le verra tel,
Que tu n’es pas d’vn ſimple naturel ?
Pa. Auſsi ne ſuis-ie : ains ſuis-ie toute telle
Que l'eſprit faux & cauteleux de celle,
Qui là tiſ‍ſu d’vn ouurage diuers,
De traiſ‍tres ieux & de ſemblants couuerts.
Pol. Et ces cheueux que tu vas nonchallante
Portant eſpars, ainſi qu’vne Bacchante ?
Pa. Ce font les Rets, où ſous ombre de Foy,
Et de repos, ceux qui vienent à moy
A moy ſont pris, lors qu’ils me penſent prendre,
Et dans mes las ne faillent à ſe rendre
Ceux-la dont Mars n’a dompte la Vertu.
Pol. Quel eſcuſ‍ſon, Valoiſe, portes-tu ?
Où trois Crapaux dedans le champ ſe trainent
Pa. Les trois Crapaux, ainſi que nos gens tienent,
Furent iadis les armes des vieux Roys :
Mais lors que France heureuſe prit les loix
De Ieſus Chriſ‍t, les armes ſe changerent,
Et les beaux Lis les Crapaux effacerent :
Iuſqu’a ce temps, que nos Roys ont quitté
(Ah mal-heureux !) la vraye Chreſ‍tiente :

Introduiſans au lieu du Paganiſme
vne Sodome, vn horrible Atheiſme
Dedans la Cour, où les Lis ſont fenez,
Et les Crapaux en France retournez.
Pol. Mais dequoy ſert ce mors & ce cheueſtre
Et ce ſerment qui pend à ta feneſ‍tre ?
Pa. C’eſ‍t mon amy, dont ie bride les veaux,
Qui s’amuſans à mes Edits nouueaux
Croyent a tout ce que Charle leur iure :
Le Serment, c'eſ‍t ma verge de Mercure,
Dequoy i endors & charme l’Huguenot,
Et du ſommeil ie l'enuoye à la Mort.
Pol. Et ſous tes piez ? Pa. les deux piliers de France
(La Pieté & l’egale balance
De la iuſ‍tice, honteuſe de nos Roys,
Qui font paſ‍ſer leurs plaiſirs pour les loix)
Iadis debout, & maintenant par terre
Sous vne Paix plus barbare que Guerre.
Pol. Mais pourquoy donc mauuaiſe te fais-tu
Nommer la Paix, compagne de Vertu ?
Pa. Suis-ie pas Paix, qui en paix eternelle,
En couche tel, qui iamais ne s’eſueille :
Plus ne font guerre, & plus n’ont d’ennemis,
Ceux qui ſous moy repoſent endormis,
Et ſur la Foy que Charles a iuree.
Pol. Pourquoy tiens-tu ceſ‍te lame ferree,
Qui ſerroit mieux a vn Mars inhumain ?
Pa. Pour faire encore vn beau coup de ma main :
Sous l’amitié de Noces confermee,
Surprendre au lic‍t la force deſarmee,
Meſlant le ſang des Nobles maſ‍ſacrez

Parmy le vin des Conuives ſacrez.
O faux attraits ! ô traiſ‍tre mariage !
Femmes, enfans cherront en ce carnage,
Et de leurs corps les ondes s’emplieront,
Du ſang verſé les fleuues rougiront :
Mais à la fin, ſi d’vn coup de tempeſ‍te
Ce Dieu Vengeur ne me froiſ‍ſe la teſ‍te,
Du meſme acier moy meſme m’occiray.
Et ſur les miens ce ſang ie vengeray.
Pol. Comment ! veux-tu t’outrer auſsi toy-meſme ?
Tounant vers toy par deſeſpoir extreme
Le fer tout nu dedans ton propre ſein ?
Pa. Laiſ‍ſe moy faire, ainſi que de leur main
Mere, & enfant, & du Tyran l’engeance
Faire on verra d’eux meſmes la vengeance :
Pol. Quoy qu’il en ſoit ſi faut il te tenir :
Car tu pourras meilleure deuenir,
Et vraye paix vn iour à l’aduenture.
Pa. Ne le croy pas que iamais ie ſoye ſeure :
Tant qu’on verra la maiſon de Valois
Fauſ‍ſer la foy, & ſe rire des Loix :
Les faux Edits d’vn parlement eſclaue
D’vn Cardinal, parement de Conclaue :
Tant qu'vn Conſeil de monſ‍tres compoſé,
Vne Chimere, vn Garde-ſeaux ruſé,
Qui n’ont pour Dieu que l'Eſ‍tat & la Panſe,
Tiendront en main les gouuernaux de France :
Tant qu’Italie en France regnera,
Tant que la France hors de France fuyra :
Tant qu’on verra de Florence la Fee
D’vn Clerc ſeruie, & d’vne Rets coiffee.

Et que Catin aura, ſes Eſ‍talons,
Vn Diable au ventre, vn Preſ‍tre à ſes talons.

V E R SA VC H A S S E U R

Déloyal.


Ie ne ſcauroy penſer lieu où tu pourrois eſ‍tre
Charles en ſeureté auvecques quelque honneur :
Le peuple Francois t’a ſi fort à contre cœur,
Qu’il te veut auſ‍ſi peu pour valet que pour maiſ‍tre :
L’accort Italien tes ruſes ſcait cognoiſ‍tre,
L’Heſpagnol politic ſe rit de ton malheur :
Le More ne pourroit ſouf‍frir ta Barbarie :
L’Anglois & l’Eſcoſ‍ſois ne veulent point de toy,
LAllemaigne maudit vn ſi barbare Roy :
Le Turc & le Sophi deteſ‍tent ta furie,
Ils ſont Mahumetains, & tu n’as point de Foy :
Sans Foy lon ne va point en la celeſ‍te gloire :
Les Diables en Enfer craindront te receuoir,
Et apres le Concil, que nous deuons auoir
Les Proteſ‍tans feront raſer le Purgatoire :
Tu euſ‍ſes doncques bien à tes ſuiets pourueu
Si mort-né le Soleil iamais tu n’euſ‍ſes veu :
Mais qu’on t’euſ‍t droit porté dedans la foſ‍ſe noire,
Et qu’aux Limbes Papaux tu te fuſ‍ſes tenu.


A V XV R A I SG E N T I L S-

hommes François.


Pourquoy Francoiſe Nobleſ‍ſe
D’vn Tyran t’eſ‍tonnes-tu ?
Qui n’a force ne vertu,
Sinon celle qu’on luy laiſ‍ſe.
N’atten rien de ſa largeſ‍ſe
N’en eſpere rien de doux,
Et ne crain point ſon courroux,
Et tu verras ſa foibleſ‍ſe.
Celuy qui craint ou deſire
N’eſ‍t reſolu ne conſ‍tant,
Et le licol va trainant,
Par ou le Tyran le tire.