Remarques de médecine sur différents sujets/Partie I

PREMIERE PARTIE.

1o. De la saignée. 2o. De l’estat des forces dans la maladie. 3oDe l’action du pouls dans la fièvre. 4oDu volume du sang, quand la transpiration est diminuée. 5oDes effets de l’abstinence pour suppléer au défaut de la transpiration. 6oDe l’usage des purgatifs & de leur action. 7oDu ressort des parties qui composent le corps humain. 8oDu temps necessaire pour l’entiere circulation du sang, &c.



On ne sçauroit disconvenir sans renoncer à ce qu’il y a de plus certain par l’experience, que la saignée ne soit un des plus grands secours de la Medecine. Mais que ce soit l’unique remede à toutes les maladies, c’est ce qu’on ne sçavoit point encore, & ce qu’on apprend heureusement dans la Dissertation de M. Hecquet sur la saignée.

Toutes les maladies viennent du défaut de transpiration, la saignée est l’unique remede à ce défaut, donc la saignee est l’unique remede à toutes les maladies. Voilà à quoi se réduit le raisonnement de l’Auteur. On a vû dans le journal des Sçavans, comment il prouve la seconde proposition de ce raisonnement, mais on n’y a pas vû de quelle maniere il la défend contre une objection qu’il a crû à propos de prévenir, c’est ce qu’il est bon d’exposer ici pour commencer cette premiere Partie.

« Quelle convenance, diront quelques-uns, entre la saignée & la transpiration diminuée[1] ? puisque la cause de cette diminution n’est autre chose qu’un acide qui épaissit le sang, & que l’on ne voit nul rapport entre du sang répandu, & un acide à corriger. » Voilà de quelle maniere M. Hecquet propose l’objection ; voici comment il y répond. « Quoi ! seroit-ce que les Medecins d’aujourd’hui seroient devenus semblables à ces Partisans outrez de l’acide, qui prétendent en voir par tout, & qui à la seule mention d’une maladie encore inconnuë se figurent un acide contre lequel ils auront à lutter ou à combattre ? Cependant cette idée de combat & de violence à exercer ne convient gueres à celle qu’on doit se faire d’un habile Medecin, puisque c’est par l’adresse plûtot que par la force qu’on guerit les maladies. »

Le raisonnement de M. Hecquet est démonstratif. L’idée de combat ne convient point avec celle qu’on doit se faire d’un habile Médecin, puisque c’est par l’adresse plutôt que par la force qu’on guerit les maladies ; donc un Medecin ne doit point combattre les acides, il n’y a pas de réplique à cela. Aussi M. Hecquet qui a bien senti combien sa preuve estoit forte, n’a pas crû devoir en ajoûter une seconde. En effet, à raisonner selon le bon sens, le Médecin qui est fait pour guérir les maladies, est-il fait pour les combattre ? cela répugne à l’idée de la bonne Medecine, & on ne comprend pas comment Hippocrate, Galien & tant d’autres Médecins parlent presque toûjours de maladies à combattre. Un Auteur moderne a esté mesme là-dessus à l’excés ; car aprés avoir dit, qu’on ne peut devenir bon Médecin sans estre parfaitement éclairé dans ce qui regarde la diette, la Pharmacie & la Chirurgie, il ajoûte[2] : que c’est que ce sont là les trois moyens que le Medecin employe pour combattre les maladies. La réponse de M. Hecquet est donc trés-raisonnable. A la vérité on pourroit dire, qu’il n’y a gueres moins de violence à répandre le sang des malades qu’à lutter contre les acides ; & qu’ainsi quand M. Hecquet employe si souvent les saignées, il ne donneroit donc pas de lui l’idée qu’on doit avoir d’un habile Médecin. Mais c’est une petite difficulté, qu’il n’a pas esté obligé de prévoir, & qu’on laissera pour venir à des reflexions importantes qu’il fait ici sur la saignée.

Cet Auteur pour montrer l’avantage de la saignée au dessus de la purgation[3], demande si l’évacuation procurée par les purgatifs est toûjours si loüable, qu’elle ne vuide jamais que l’inutile, & si on ne peut pas raisonnablement craindre qu’elle n’épargnera pas toûjours assez l’utile & le necessaire. Il fait là une demande bien instructive pour ceux qui ont peine à croire que la saignée fasse choix des humeurs pour évacuer les unes plûtôt que les autres, & qui ne peuvent s’imaginer qu’elle ait en cela plus de privilege qu’il n’en accorde à la purgation. Entestement dont il ne tiendra pas sans doute à M. Hecquet que tous ses Confreres ne reviennent, n’y en ayant gueres parmi eux qui soient là-dessus d’un autre sentiment que Galien[4] & Fernel[5].

La saignée, selon M. Hecquet, n’a pas seulement le privilege de n’évacuer que les humeurs inutiles, elle a encore celui, lors même qu’elle est abondante, de ne point diminuer les forces. « C’est à tort, nous dit-il, qu’on accuse la saignée de ruiner les forces necessaires à la vie ; & pour achever de se convaincre là-dessus, il suffit de faire attention au peu de force & de sang qu’il faut pour empêcher un malade de mourir. Car enfin un malade n’estant obligé à aucun mouvement considerable, & n’ayant rien à faire que de ne point mourir, il ne lui faut pour vivre, ni plus de force, ni plus de sang qu’à un homme endormi, par la raison que vivre pour l’un & pour l’autre n’est que respirer, ou pour parler plus exactement, la vie dans tous les deux ne consiste que dans le pouls, dans la respiration, en un mot dans la circulation du sang[6]. »

Voilà une remarque qui doit rassurer les Confreres de M. Hecquet, lesquels comptent tous pour quelque chose dans une maladie, les insomnies, les sueurs, les cours de ventre, la fiévre, ses accez, ses redoublemens, &c. & qui se persuadant que ces sortes d’épreuves, sur tout, la fiévre & l’insomnie, sont trés-capables d’épuiser les forces, craignent toûjours de trop affoiblir leurs malades. Ce qui les entretient dans cette crainte, c’est qu’ils croyent que dans la pluspart des maladies, les alimens mesmes les plus legers ausquels on est contraint de reduire les malades, ne se convertissant pas en sucs nourriciers, les parties dont les mouvemens sont les plus necessaires à la vie, doivent s’affoiblir faute de recevoir ce qui auparavant reparoit la substance qu’elles perdoient, d’où ils concluent que le corps estant alors hors d’estat de faire un nouveau fond de forces, on doit extrêmement craindre de lui trop dérober de celles qu’il a. Ces Medecins timides ne raisonnent ainsi, que parce qu’ils ne connoissent pas les privileges de la maladie. Mais quand ils auront appris de M. Hecquet qu’un malade n’ayant rien à faire que de ne point mourir, il ne lui faut pour vivre, ni plus de sang, ni plus de force qu’à un homme endormi, ils reviendront sans doute de leurs frayeurs. Mais quoi ? Demandera-t-on, un malade qui ne dort ni jour, ni nuit, n’a pas plus besoin de force & de sang qu’un homme endormi ? Non sans doute ; car dès qu’on est malade, qu’a-t-on à faire que de ne point mourir ? Et quand on a si peu de chose à faire, faut-il plus de force & plus de sang que si on dormoit ? Or un malade qui ne dort point est un malade : il doit donc joüir du privilege de la maladie, & n’avoir par consequent pas plus besoin de sang & de force qu’un homme endormi. D’où il s’ensuit qu’on peut sans crainte lui faire de grandes & de frequentes saignées. D’ailleurs la saignée n’estant point épargnée en cette occasion, est certainement le plus efficace de tous les moyens pour faire dormir le malade.

De ce principe nôtre Auteur n’a-t-il pas raison de conclure qu’avec les malades il ne faut point estre si reservé sur la saignée ? Mais pour lever tout scrupule sur ce sujet, il prie ses Lecteurs de considerer que la force du cœur se trouvant fort augmentée dans le temps de la fiévre[7], aura besoin de beaucoup moins de sang pour s’entretenir. On voit donc par tout ceci, ajoûte-t-il, que dans le tems d’une grosse maladie on pourroit diminuer des forces & du sang au-delà mesme de ce qu’on oseroit croire, & on en a la preuve dans l’exemple de ceux que l’on a vû guerir aprés avoir perdu quatre-vingt livres de sang.

M. Hecquet, comme on voit, prouve évidemment qu’on peut diminuer le sang au-delà de ce qu’on oseroit croire, puisqu’il remarque qu’il y a des gens qui aprés en avoir perdu quatre-vingt livres n’en sont pas morts. La preuve est convaincante ; on dira peut-estre que comme on n’est plus au siècle des Géants, il se trouve peu de personnes aujourd’hui qui ayent quatre-vingt livres de sang à perdre. Mais aussi M. Hecquet ne prétend-il pas apparemment que ces 80 livres de sang ayent esté perduës en une fois, son intention sans doute est de laisser comprendre que la perte s’en est faite en un long espace de temps. Or cet espace de temps quelque étendu qu’on le veüille supposer, empêche-t-il que ce ne soit toûjours 80 livres de sang de perduës, & qu’ainsi il soit vrai de dire qu’il s’est vû des gens perdre 80 livres de sang sans en mourir ? La remarque de l’Auteur n’a donc rien que de fort juste ?

Au reste il y a dans le passage qu’on vient de citer, une observation curieuse sur le cœur ; c’est que la force du cœur augmente dans la fièvre, & mesme augmente fort. Chose d’autant plus digne d’attention, que l’Auteur ne pense pas qu’elle ait besoin de preuve. Il se fonde apparemment sur les battemens du pouls, qui sont alors plus fort & plus fréquents, en quoi il paroist bien autrement éclairé que certains Médecins qui prétendent au contraire, que si les battemens du pouls sont alors plus forts & plus multipliez, ces battemens viennent, non d’une augmentation de force dans le cœur, mais de l’une des deux causes suivantes, lesquelles en augmentant l’action du cœur en diminuent la force ; sçavoir, ou d’un sang trop acre qui en picotant les fibres du cœur, oblige ce muscle à des battemens plus violens & plus redoublez, ce qui doit à la fin affoiblir le ressort du cœur, ou d’un sang trop épais, qui par sa résistance force aussi le cœur à augmenter ses mouvemens, ce qui doit par la mesme raison diminuer la force du cœur & causer par ce moyen la ruine de tout le corps. Car dès que les mouvemens du cœur sont trop forts & trop frequents, ce muscle perd de sa force pour avoir esté trop forcé, & la mort s’ensuit. C’est la remarque d’un sçavant Médecin[8]. Plus, dit-il, l’action de la vie est augmentée dans le corps. humain, par quelque irritant qui oblige le cœur & les vaisseaux à redoubler leurs mouvemens, & plus la mort est proche, parce que par ces mouvemens redoublez, les liquides se dissipent, & les solides se relâchent ou se rompent.

On comprend aisément que le sang peut par son acreté rendre les battemens du pouls & des arteres plus forts & plus frequens ; mais que par sa resistance il puisse produire le mesme effet, c’est ce qui ne paroît pas d’abord, & ce que les Medecins dont on vient de parler expliquent en cette maniere. Les parois des ventricules, disent-ils, & ceux des arteres venant à rencontrer un sang épais qui leur resiste, se rapprochent d’autant moins du centre, que le sang qui leur resiste fait plus d’obstacle : Or ces parois ne pouvant commencer à s’écarter que lorsqu’ils cessent de s’approcher, il s’ensuit que leur approche étant plûtôt finie, puisqu’elle est moins entiere, leur écart doit recommencer plutôt, & par consequent les battemens du cœur & des arteres, lesquels ne consistent que dans cette alternative de contractions & de dilatations, estre beaucoup plus frequents. Ils ajoûtent, que cette mesme resistance qui fait obstacle aux contractions du cœur, doit aussi obliger le cœur à des dilatations forcées, parce que la dilatation commençant avant le terme où elle avoit coûtume de commencer, doit nécessairement tendre au-delà de celui où elle avoit coûtume de finir ; ce qui est cause, disent-ils, que dans les apoplexies & les léthargies considerables où le sang fait beaucoup de resistance, on remarque d’ordinaire un pouls forcé. Ils concluent de tout cela que le cœur estant obligé de se resserrer & de se dilater ainsi à reprises si frequentes, & de se dilater avec effort, ne peut resister à de telles épreuves sans s’affoiblir considerablement, & quelquefois mesme sans perdre tout-à-coup son ressort, qui à force d’estre violenté peut enfin se rompre ou se fausser, comme il arrive dans les apoplexies & dans les lethargies dont on vient de parler, où l’extrême violence du pouls est presque toujours le présage d’une prompte mort. C’est ce que M. Baglivi dans l’article de l’Apoplexie[9] a soin de remarquer après Valois, Rhodius, Baillou, & quelques autres Auteurs, & dont il dit qu’il avertit sérieusement les Medecins. Dans les maladies où le ressort du cœur ne souffre pas une extrême violence, comme dans les fiévres longues, par exemple, il ne s’affoiblit que peu à peu, & alors on remarque que le pouls après s’estre soûtenu quelque temps, commence enfin à baisser, quoique sans rien perdre de sa promptitude, qui au contraire augmente d’autant plus, qu’il est plus prés de sa fin, semblable en cela à une balle qui bondissant à plusieurs coups, précipite d’autant plus ses bonds, qu’il lui en reste moins à faire, ou à une corde tenduë, qui estant mise en action, fait d’abord des allées & des venuës assez distantes les unes des autres, & qui estant sur le point de s’arrester les fait plus promptes & plus serrées. Ces Médecins tirent de tout ceci une consequence pour la pratique, qui est que lorsqu’on est obligé de faire plusieurs saignées au commencement d’une fiévre pour faciliter le cours du sang, il faut extremement prendre garde d’exceder, de peur de dérober au cœur le sang mesme dont il a besoin pour s’entretenir dans sa force, ou pour recouvrer celle qu’il peut avoir perduë par les efforts que la resistance du sang lui a fait faire, & cela d’autant plus que pendant la fiévre les digestions estant ou aneanties ou considerablement diminuées, ne fournissent plus au sang ni aux esprits dequoy se reparer comme auparavant. Mais nostre Auteur a d’autres sentimens. La force du cœur, selon lui, augmente dans la fiévre, & mesme augmente fort ; d’où il conclut qu’on ne doit pas faire difficulté de beaucoup saigner dans la fiévre, quand il s’agit de remedier au défaut de la transpiration ; duquel viennent presque toutes les maladies. Car il prétend qu’il n’y a que la saignée qui puisse véritablement suppléer à ce défaut, & pour le prouver, il entre dans un détail que ce seroit dommage d’omettre ici.

« Si on supose, dit-il[10], que le sang moins divisé fournisse dans chaque systole un quart de grain moins qu’à l’ordinaire à l’insensible transpiration, ce seront neuf onces de liqueur qui seront retenuës par jour dans les vaisseaux, & qui grossiront d’autant la masse du sang, tandis que l’insensible transpiration diminuera de la mesme quantité : mais si la masse du sang s’augmentoit à proportion tous les jours pendant des semaines ou des mois entiers, son volume croîtroit à l’excés, du moins parviendroit-il enfin à augmenter du double. Cependant la force des solides, & en particulier du cœur & des arteres, est bornée par la nature qui ne l’a faite que pour pouvoir pousser la valeur de vingt livres. Il faudra donc ou trouver le moyen de doubler aussi cette force, ou si cela est impossible, il faudra diminuer la moitié du sang, (M. Hecquet veut dire sans doute, diminuer le sang de la moitié,) & par là on se trouve pleinement convaincu de la nécessité de la saignée. »

On voit par ces paroles, que quand la transpiration est diminuée, l’humeur qui cesse de transpirer reste toute entiere, selon M. Hecquet, dans la masse du sang ; ce qui est un point d’autant plus digne de remarque, qu’il découvre l’erreur grossiere de tous les Medecins, qui prétendent que quand les matières transpirables trouvent quelque obstacle dans les voyes ordinaires, il s’en dissipe souvent une bonne partie par d’autres voyes, ainsi qu’ils s’imaginent le prouver par l’exemple de l’urine & de la salive, dont l’évacuation est plus abondante pendant l’hiver, où l’on transpire moins ; sans parler de l’évacuation par les selles, qui est ordinairement plus grande alors, & qui mesme ne manque presque jamais de dégenerer en diarrhée, lorsqu’on a souffert du froid, en sorte qu’il semble que le resserrement de la peau, & la liberté du ventre, aillent presque toujours de[11] compagnie.

La masse du sang devant donc croître, selon M. Hecquet, à mesure que la transpiration diminuë, il ne faut pas douter que la saignée ne soit l’unique moyen de remedier au défaut de la transpiration. Mais pour empêcher les malades d’avoir trop de regret à la grande quantité de sang que quelquefois il leur faudra tirer pour suppléer à ce défaut, M. Hecquet les prie de prendre garde que rien ne pullule tant que le sang[12] ; sur quoy on remarquera que ceux qui voudront embrasser le systeme de l’Auteur, doivent prendre garde de faire pulluler le sang trop vîte : car comme dans ce systeme on ne saigne que pour mettre le sang en équilibre, & en diminuer le poids, il seroit à craindre qu’en supposant qu’il se reproduise si promptement, on ne s’attirast une objection fort naturelle, qui est que si le sang qu’on tire se reproduit avec tant de diligence, ce n’est pas la peine de le tirer. Il semble que pour l’interest du systeme, il euft esté mieux de dire que le sang ne pullule point si vîte, ou d’avertir que s’il a une si grande disposition à pulluler, il faut après les saignées retrancher tout ce qui peut fournir une nouvelle matiere au sang ; mais aussi on auroit par là effrayé ceux qui croyent que le sang est un tresor dont la perte ne sçauroit estre trop tôt reparée ; c’est pourquoi M. Hecquet n’a peut-estre pas pris le plus mauvais parti, d’éviter sagement, comme il a fait, d’entrer là-dessus dans aucun éclaircissement.

On vient de remarquer que le volume du sang devant croître, selon M. Hecquet, à mesure que la transpiration diminuë ; ce Medecin ne croit pas qu’on puisse lui contester que la saignée ne soit l’unique voye de remedier au défaut de la transpiration. Cependant ne pourroit-on point dire, que l’abstinence seroit aussi capable que la saignée, de vuider les vaisseaux ? Car comme ce sont alimens qui font le sang, il semble que la diminution des alimens doive emporter avec soi la diminution du sang. M. Hecquet lui-mesme dit dans sa Réponse au Journal de Paris[13], que trois livres de nourriture font en 24 heures plus de deux livres de sang nouveau. Ainsi on s’imagineroit aisément qu’en retranchant une certaine quantité de nourriture, on pourroit diminuer le volume du sang, vû que le sang, quelque interrompuë que soit la transpiration, ne laisse pas de se dissiper à tous les momens. Hippocrate estoit si persuadé de l’efficacité de l’abstinence pour vuider les vaisseaux, qu’en plusieurs endroits de ses ouvrages, quand il parle de l’effet que produit le retranchement de la nourriture, il ne le nomme point autrement que l’inanition des vaisseaux κενεαγγείην, ainsi qu’on le peut voir, non seulement dans le second & dans le troisiéme Aphorisme de la premiere section, mais encore dans tout le Livre du Régime des maladies aiguës[14] où le mot κενεαγγείη ne se trouve employé que pour signifier l’inanition que l’abstinence produit dans les vaisseaux. En sorte que sans le témoignage de M. Hecquet, l’autorité d’Hippocrate jointe aux reflexions qu’on vient de faire seroit tres-capable de seduire.

On ne doit pas, après cela, tenir grand compte du sentiment de plusieurs autres Auteurs, qui prétendent que les maladies dont la cause vient du défaut de transpiration, se guerissent quelquefois mieux par l’abstinence seule que par les autres remedes ; c’est ce que se sont imaginez Celse[15], Fernel, Mercurial[16], Vvillis[17], Donchers[18], Sydenham[19], Tachius[20], Frederic Hofman[21], &c. Si jamais l’abstinence a lieu, dit ce dernier, c’est dans les maladies causées par le défaut de transpiration, & elles en viennent presque toutes, à la verité il y a plusieurs moyens de diminuer le volume du sang & des humeurs ; de ce nombre sont saignées, les purgations, &c. mais quoique ces secours soient efficaces pour cela, il est neanmoins bien important d’examiner d’où procede la superfluité retenuë : car si cette surabondance de sang & d’humeurs vient par exemple, de ce que le corps a pris trop de nourriture, il y aura bien plus de sureté de s’en tenir à l’abstinence que d’en venir à la saignée, ni aux autres remedes, à moins que le mal trop pressant ne permette pas d’attendre. Voilà ce que dit M. Hofman ; mais l’examen à quoi cette methode assujettit, la rend trop penible, celle de M. Hecquet est bien plus aisée : la transpiration est-elle diminuée ? Ne vous embarassez point de la cause, saignez.

Cet Auteur, pour mieux recommander la saignée comme necessaire en toutes sortes de maladies, déclame contre les autres remedes generalement, & sur tout contre la purgation qu’il soûtient n’estre pas un secours fort utile dans la Medecine. Il en apporte deux raisons ; la première que voici, merite d’estre considerée. « On comprend aisément, dit-il, combien d’inconveniens doivent arriver necessairement de la retenue de l’urine, de la bile, & de l’évacuation particuliere au sexe, parce qu’elles tiennent de la nature des secretions, c’est-à-dire, de ces liqueurs qui se séparent du sang pour la conservation de la santé, & qui doivent par conséquent causer beaucoup de trouble, & amasser beaucoup de sucs superflus & dangereux, si elles viennent à rentrer dans les vaisseaux ; mais il n’en est pas de même de l’évacuation par les selles, parce que ce n’est pas une secretion ou une humeur qui se sépare du sang[22] ; mais la décharge du superflu des alimens qui n’a point dû se porter dans les vaisseaux ; cette évacuation donc ne fera tout au plus, qu’épargner au sang le mélange d’une matiere impure : on dit au plus, parce qu’il ne paroist pas trop prouvé que le séjour mesme de ces superfluidez dust estre si malfaisant, ou capable de soüiller le sang, puisque la nature a paru ne rien craindre de leur séjour en les faisant passer lentement par le plus long canal qui soit dans le corps, qui est celui des intestins. »

L’évacuation par les selles, dit ici M. Hecquet, n’est pas une secretion, ou une humeur qui se sépare du sang, mais la décharge du superflu des alimens ; d’où il conclut que l’avantage qu’on retire de la purgation n’est pas si considerable. Cet Auteur, comme on voit, ne met nulle différence entre l’évacuation qui se fait du superflu des alimens par la voye des selles, & l’évacuation que les crises ou les purgatifs procurent par la mesme voye ; ce qu’il est d’autant plus important de sçavoir, que tout ce qu’il y a de gens qui ont le mieux étudié la Mecanique du corps humain prétendent que cette derniere espece d’évacuation entraîne du fond mesme de la masse du sang les impuretez du corps, & les precipite dans les intestins, d’où elles sont chassées avec les autres matières qui s’y rencontrent. Le propre effet du purgatif, disent-ils, c’est de purger la masse du sang, & non d’evacuer simplement les matières grossieres du bas-ventre, sur lesquelles il n’agit que par accident. C’est-à-dire, que selon ces Medecins, le purgatif passe des intestins dans le sang, & se distribuë à toute l’habitude du corps. De maniere, comme l’observe[23] Fernel après Aristote[24], que le purgatif ainsi mêlé dans la masse sans pouvoir s’y digerer, s’attache aux sucs impurs qui lui resistent, & les entraîne avec lui par le bas-ventre, ce qui est le propre effet de la purgation. Que les purgatifs s’introduisent dans le sang, on se l’imagine d’autant plus, qu’un enfant qui tette sa nourrice le jour qu’elle a esté purgée par quelque medicament, est purgé lui-mesme ce jour-là par le lait qu’il succe, jusques-là que si la nourrice a pris quelque vomitif, il arrive souvent que l’enfant vomit. Il en est de mesme du lait des animaux ; & Hippocrate[25] remarque que le lait de chevre est purgatif, lorsque la chevre a mangé du concombre sauvage. [26]

Voilà donc déja les plus celebres Medecins convaincus d’erreur sur le fait des purgatifs : mais pour tirer ici de la preuve de M. Hecquet tout le profit qu’on en peut tirer, il faut relire les termes par lesquels elle commence, & puis les comparer avec ceux qui se lisent un feuillet après : M. Hecquet commence donc par dire, que l’on comprend aisément combien d’inconveniens doivent arriver necessairement de la retenue de l’urine, de la bile, & de l’évacuation particuliere au sexe, parce qu’elles tiennent de la nature des secretions, c’est-à-dire, de ces liqueurs qui se séparent du sang pour la conservation de la santé, & qui doivent par consequent causer beaucoup de trouble, & amasser beaucoup de sucs dangereux & superflus, si elles viennent à rentrer dans les vaisseaux. Et un feuillet après il dit : « On peut-estre que l’évacuation par les selles[27] doit estre plus considerable qu’on ne l’a dit, à raison de la bile qui se décharge aussi par cette voye ; mais il est demontré qu’il ne peut sortir que tres-peu de bile par la voye des selles, puisqu’il est constant par les experiences de Sanctorius, que le bas-ventre n’évacue gueres plus de quatre onces de matière par jour ; d’où il s’ensuit que la bile se remêlera avec le chyle pour estre reportée dans le sang, & y circuler de nouveau. »

A considerer d’une première vûë ces deux articles, on croiroit d’abord qu’ils renfermeroient une contradiction. Le premier porte, que la bile estant de ces liqueurs qui se séparent du sang pour la conservation de la santé, elle doit par consequent causer beaucoup de trouble, & amasser beaucoup de sucs dangereux & superflus, si elle vient à rentrer dans le sang. Et le second, que cette bile après s’estre déchargée dans les intestins, rentre dans le sang. Voilà deux langages qui paroissent opposez, & il n’y a personne qui ne crust là-dessus que M. Hecquet se contredit visiblement ; mais à Dieu ne plaise qu’on ait une telle pensée : ce qu’on doit conclure, c’est qu’il faut que la nature se soit trompée d’avoir fabriqué le corps humain de maniere qu’une liqueur qui ne sçauroit rentrer dans le sang sans causer beaucoup de trouble, soit neanmoins obligée d’y rentrer. Ainsi voilà l’avantage qu’on retire de la preuve de M. Hecquet, on découvre tout ensemble deux erreurs, l’une des Medecins sur les purgatifs, & l’autre de la nature dans la maniere dont elle a construit le corps humain.

M. Hecquet toûjours ferme dans son principe, que la purgation n’évacuë que les ordures du bas-ventre, ne veut autre chose pour prouver l’inutilité de ce remede, que faire voir, premierement, que les matières du bas-ventre ne sont pas si impures que le séjour en puisse estre dangereux ; & en second lieu, qu’elles ne sçauroient passer à travers les intestins pour s’insinuer dans le sang. On n’examinera point si c’est là veritablement ce qu’il faut prouver pour faire voir que la purgation est inutile. On se contentera d’exposer les raisons de M. Hecquet, les Lecteurs en jugeront ensuite. La premiere preuve qu’il apporte pour montrer que les sucs du bas-ventre ne sont pas si impurs que le séjour en puisse estre dangereux, c’est que la nature a paru ne rien craindre de ces sortes de matieres, en les faisant passer par le plus long canal du corps, qui est celui des intestins. Ceux qui croyent sçavoir l’usage des intestins, diront que la longueur de ce canal n’est necessaire que pour donner le temps au chyle de se séparer des autres matieres, & de se porter ensuite dans les vaisseaux lactez pour la nourriture du corps ; mais que si-tost que ce suc nourricier qui est un suc doux, s’est séparé des autres, ce qui reste n’est plus alors qu’une matière irritante que la nature se haste de chasser, & qu’on n’est mesme que trop souvent obligé d’évacuer par des lavemens, pour guerir ou pour prévenir des maux fâcheux. Mais il faudroit, pour tenir ce langage, contrarier visiblement M. Hecquet, qui déclare que les superfluitez dont il s’agit, ne sont point capables de nuire par leur séjour, & qu’à le bien prendre, elles ne meritent pas le nom d’ordures.

La seconde raison, c’est que ces sucs sont trop épais pour pouvoir passer dans le sang à travers les intestins, que ni l’air, ni l’esprit de vin ne peuvent penetrer[28]. Messieurs les Journalistes ont dit, qu’il eust esté à souhaiter que M. Hecquet eust prévenu ici une difficulté qui se présente naturellement ; sçavoir, que le chyle qui est bien plus épais que l’air & que l’esprit de vin, ne laisse pas de passer à travers les intestins. On peut ajoûter cinq reflexions à celles de Messieurs les Journalistes. La premiere, que la bile mesme qui se décharge dans les intestins, repasse, selon M. Hecquet, des intestins dans le sang, quoiqu’elle n’ait pas la finesse de l’esprit de vin, ni de l’air[29]. La seconde, qu’on voit des malades qui ne pouvant rien prendre par la bouche, sont nourris par des lavemens qu’on leur prépare à ce dessein. La troisieme, que quelquefois les lavemens sortent par les urines : La quatriéme, que souvent les matieres contenuës dans le bas-ventre laissent tellement échapper à travers les intestins ce qu’elles ont d’humide, qu’elles durcissent presque comme des noyaux : La cinquiéme, que l’eau dont on aura rempli un estomach ou des intestins bien liez par les deux bouts, s’échappera mesme par leurs pores, ce que l’air ne fera pas tout subtil[30] qu’il est. Toutes observations qui semblent prouver que les matieres impures, soit du superflu des alimens, soit de la bile, peuvent quelquefois passer à travers les intestins, quoiqu’elles ne soient pas plus subtiles que l’air. On peut joindre à ceci la methode des praticiens, qui dans les occasions où la saignée estant necessaire, se peut neanmoins remettre, prennent le parti de la differer, lorsqu’ils soupçonnent trop d’impuretez dans les premieres voyes ; car ils n’alleguent point d’autres raisons de cette conduite, sinon, qu’alors il est à craindre que les mauvais sucs des premières voyes passant dans les vaisseaux, n’aillent remplir la place du sang tiré[31], & qu’on ne pompe alors par les veines les impuretez du bas-ventre. Selon ces principes, il s’ensuit que quand mesme les partisans de la purgation seroient d’humeur à convenir que ce remede seroit inutile, en cas que les matieres impures du bas-ventre ne pussent passer à travers les intestins, ils n’accorderoient rien en cela, dont M. Hecquet pust tirer contre eux aucun avantage. Ce qu’on en dit cependant n’est point pour affoiblir en rien les décisions de cet Auteur, c’est seulement pour montrer qu’il n’y a rien de si sûr qui n’ait quelquefois ses difficultez.

Mais comment se peut-il faire que l’eau, par exemple, qui n’approche pas de la finesse de l’air, passe à travers les intestins ? M. Hecquet n’a-t-il pas du moins en ceci la raison de son costé, s’il n’a pas l’experience ? On ne veut rien décider contre ce Medecin, on remarquera seulement que la raison pourquoi l’eau a ainsi plus de facilité que n’en a l’air de passer à travers certains visceres, c’est que l’eau détrempe la matiere glutineuse qui colle ensemble les petits filamens des membranes, & que de plus elle penetre ces filamens mesmes, les rend plus souples & plus propres à se ranger & à s’écarter, ce que l’air ne peut faire. Et pour preuve de cela, on ajoûtera[32], que si on charge d’une grosse pierre une vessie remplie d’air, l’air renfermé ne laissera pas d’y demeurer toujours, & que si on la plonge dans l’eau, ainsi chargée, l’air en sortira, parce que l’eau travaillera à ouvrir la prison de l’air.

Au reste comme toutes les reflexions de M. Hecquet sont instructives, on rappellera ici celle qu’il vient de faire sur l’évacuation particuliere au sexe, sçavoir, que l’on comprend aisément combien d’inconveniens doivent arriver de la retenuë de cette évacuation, parce qu’elle est de la nature de ces liqueurs qui doivent causer beaucoup de trouble, si elles viennent à rentrer dans les vaisseaux. Par où on voit que, selon M. Hecquet, cette portion de sang après estre sortie des vaisseaux, y peut quelquefois rentrer, ce qui est une curieuse découverte en fait d’Anatomie ; mais il est temps de passer à d’autres matieres.

Le corps animé est une machine admirable par sa structure, tout le monde en convient : mais une chose en quoi il le paroist davantage, & à laquelle cependant on ne fait gueres d’attention, c’est le ressort des parties qui le composent. Ce ressort paroist manifestement dans le cœur, dans les arteres, & dans tous les vaisseaux qui conduisent le sang, mais on n’en a peut-estre jamais bien connu la cause, comme fait nostre Auteur, parce que peut-estre n’a-t-on jamais bien sçu comme lui, ce qui contribuoit au ressort en general. Les Physiciens croyent que plus les corps capables de ressort sont denses, & plus ils ont de ressort, que le fer battu, par exemple, a plus de ressort que celui qui ne l’est pas, parce que le marteau en a fait approcher les parties ; que le fer trempé a plus de ressort que celui qui ne l’est pas, parce que la trempe en a resserré les parties, qu’une lame d’acier mise au feu perd son ressort, parce que le feu en écarte les parties, qu’estant trempée elle le reprend, parce que les parties qui s’estoient éloignées se rapprochent, que le ressort n’augmente point à proportion de l’extension du corps ; qu’au contraire, quand cette extension est trop poussée, le ressort en devient plus foible. Voilà ce que pensent les Physiciens ; écoutons M. Hecquet. « Les corps, dit-il, qui sont susceptibles de ressort s’en donnent d’autant plus, qu’ils ont esté plus battus & plus applatis sous le marteau[33]. De là il est prouvé que le ressort des parties du corps sera au-dessus de tous les ressorts imaginables, puisqu’il n’y a rien dont l’extension & l’alongement ait esté porté si loin. En effet l’ébauche du corps humain qui étant renfermé encore dans son germe comme dans un œuf, ne pesoit au plus qu’un grain, se donne par la fecondation & par son dévelopement dans le corps d’un adulte jusqu’à cent livres & plus de masse & de pesant. C’est donc un grain qui s’allongeant & se grossissant parvient à peser cinq cens soixante mille grains. On doit certainement se promettre une étrange force de ressort d’une extension si surprenante. Aussi se trouve-t-elle telle dans les meninges, dans le cœur, & dans le ventricule, qui sont des exemples de cette force & de ce ressort presque inconcevables. » Voilà de quelle maniere M. Hecquet explique la vertu du ressort. Ensuite, pour faire comprendre combien le ressort du cœur est considerable, il dit que « le cœur ne faisant que pousser le sang, comme il fait dans l’espace d’un jour au-delà des arteres[34], fait la mesme chose que s’il surmontoit la resistance de sept milliards cinq cens soixante millions de livres. »

A l’occasion de cette remarque, on observera ici que selon tous les autres Medecins, la circulation du sang se fait un grand nombre de fois dans l’espace d’une heure ; ensorte, par exemple, que si on a 15. livres de sang, ils croyent que la circulation s’en fait 20. fois ou environ dans l’espace d’une heure. C’est-à-dire, que selon eux, il ne faut pas au cœur la moitié d’un demi quart-d’heure pour pousser le sang au-delà des arteres, & le faire revenir. Le cœur, disent-ils[35], reçoit à chaque fois qu’il s’ouvre, deux onces de sang dans le ventricule gauche, quand l’homme est en santé & dans la force de l’âge, ensorte que quand le cœur se resserre, le ventricule gauche doit chasser deux onces de sang dans l’aorte. Or ce resserrement ou cette contraction, qu’en terme de Medecine on appelle systole[36], arrive environ quatre mille fois dans une heure, d’où ils concluent qu’en une heure tout le sang doit passer vingt fois par le cœur, si on suppose qu’il y ait vingt-cinq livres de sang dans le corps. Plusieurs prétendent mesme expliquer par ce moyen comment les alimens liquides peuvent se répandre si promptement par tout le corps, & fortifier presque en un instant toutes les parties ; comment dans les mammelles des nourrices il se peut porter en si peu de temps une si grande abondance de lait[37], & d’où vient que quelquefois les eaux minérales sortent par les urines presque aussi-tôt qu’on les a bûës. Mais M. Hecquet fait marcher le sang plus gravement. Le cœur, dit-il, ne faisant que pousser le sang comme il fait dans l’espace d’un jour au-delà des arteres, fait la mesme chose que s’il surmontoit le poids de sept milliards cinq cens soixante millions de livres. En effet, comment le cœur ayant à surmonter sa resistance de tant de livres pour pousser le sang hors des vaisseaux, pourroit-il en venir à bout dans l’espace de quelques minutes ? C’est bien le moins qu’on puisse lui accorder pour tant de peines, que l’espace d’un jour.

On ne rapportera plus que deux articles de cette These, l’un où M. Hecquet pour faire voir la transpiration n’est pas particuliere à l’homme, dit qu’il y a plusieurs choses qui transpirent[38], & cite là-dessus six exemples ; sçavoir, la glace, les œufs, le bois, les pierres, le marbre, & parmi tout cela les grenoüilles. La justesse de l’Auteur dans le choix de ces exemples est à remarquer : la glace, les œufs, les grenoüilles, le bois, les pierres, & le marbre.

L’autre article regarde un fait de pratique très-important. C’est qu’il est impossible de faire suer ceux en qui la substance du foye ou de la rate est schirreuse[39], ou, pour se servir des termes mesmes de l’Auteur, en qui le foye ou la rate est schirreuse. On dira là-dessus ingenûment, qu’on a vû suer abondamment plusieurs malades donc le foye estoit schirreux, & si schirreux, comme on l’a découvert après leur mort, qu’il estoit presque aussi dur que de la corne. C’est dequoi on pourroit citer plusieurs témoins. Comment donc accorder des observations si opposées ? M. Hecquet dit que l’observation lui a fait connoistre qu’il est impossible de faire suer ceux en qui le foye ou la rate est schirreuse ; & d’autres assurent au contraire, avoir vû de ces sortes de malades suer abondamment. Cela paroist à la vérité se contrarier ; mais la contrarieté n’est qu’apparente. L’impossibilité dont parle M. Hesquet n’estant point une impossibilité absoluë, mais seulement une certaine impossibilité qui n’empesche pas que la chose impossible n’arrive quelquefois, & mesme souvent. On se souvient d’avoir vû employer cette judicieuse distinction à M. Hecquet dans des disputes publiques. Impossibilitate absolutâ concedo, impossibilitate secundùm quid, nego. Il y a lieu de croire que c’est de cette derniere sorte d’impossibilité qu’il prétend parler ici. Mais il faut enfin quitter cette These, dont on trouve un assez long extrait dans le second Journal des Sçavans de 1707. & venir à la seconde piece du Recueil, qui est la Réponse de M. Hecquet à ce mesme extrait.



  1. Thes. sur la saignée art. 3. p. 40.
  2. Nemo unquam credat se in perfectum Medicum evasurum, qui integram curandorum morborum cognitionem sibi non acquisiverit. Hanc habere nequit quisquis non est instructus notitiâ trium instrumentorum Medicinæ, quorum ope Medicus pugnat adversus morbos. Joann. Van-Horne. μικροτέχνη in proæmio.
  3. Thes. sur la saignée art. 4. p. 60.
  4. Galen. Comm. 24. in Aphor.
  5. Constans sit igitur præcisâ venâ omnes qui in venis conditi sunt humores æquabiliter vacuari. Fernel. de venæ sectione cap. 3.

    Venæ sectio cum fortasse vitiosum humorem qui consistit in venis, at non sincerum evacuat, sed sanguine & utili humore permistum. Fernel. de purg. cap. 1.

  6. Thes. sur la saignée art. 5. p. 68.
  7. Thes. sur la saignée art. 5. p. 73.
  8. Quo in humano corpore vis vitæ magis augetur, id est quo cordis musculus & vasorum latera in crebriores oscillationes per aliquem stimulum concitantur, eò mors est propinquior ; nam liquida sic resolvuntur plus justo, & facile vel exhalant vel motu attrita continui, alcalescunt acerrimè, solida autem, vel rumpuntur, vel flaccescunt. Linder de Venenis, cap. 1. p. 21.
  9. Valesius observavit quod in lethargicis, pulsus qui priùs erat parvus, adveniente lethargo fiebat magnus, & quò crescebat in magnitudinem pulsus, eò citiùs interibant ægroti. Rhodius quoque in Septalium ait ex Ballonio quod in omnibus affectibus comatosis, præcipuè lethargo & apoplexiâ, pulsus dum ex parvo fiebat magnus, & sensim in magnitudine crescebat, ægrotantes brevi moriebantur. Hoc idem, & nos vidimus Romæ in vetulâ anno 1695. quæ apoplectica cum esset quatuor dierum ; quodam vesperi magnos & vibrantes pulsus horâ quartâ noctis observavi ; decimâ verò ejusdem noctis horâ mortua est, quâ de se feriò monemus medentes. Bagliv. Prax. lib. 1. §. de Apoplexiâ.
  10. Thes. sur la saignée art. iii. p. 39.
  11. ἡ δέρματος ἀραιότης, ἡ κοιλίης πυκνότης. Hipp. de morb. vulgar. lib. 6. sect. 3. num. 1. p. 267. edit. Foesius in folio.
  12. Thes. sur la saignée art. 5. p. 76.
  13. p. 190.
  14. Art. v. xiii. xiv. xxii. Edition de Vander-Linden.
  15. Celsus lib. 5. cap. 15. & 25.
  16. Merc. in Com. ad Lib. de Arte.
  17. Vvillis de Feb. cap. 4.
  18. Donc. tract. de morb. punct. memb. 4. c. 12.
  19. Synden. in oper. p. 479.
  20. Tach. p. 97.
  21. Plura autem sunt quæ superfluum sanguinem congestosque humores demunt atque imminuunt, & hujus censûs sunt sanguinis missiones, evacuationes per alvum, &c. Quamvis autem hæc ipsa singularem præstare opem in minuendâ sanguinis quantitate non eamus inficias ; præstat tamen ipsum pespicere fontem, undè hæc noxia redundantia ortum habeat, & cùm deprehendimus ex immodico appetitu, ciboque copiosùs ingesto causam petendam esse, meliùs & longè tutiùs, præ omnibus aliis remediis, nisi periculum in morâ sit, & in instanti aliquid efficiendum, commendamus abstinentiam. Pag. 66.

    Frider. Hofm. Dissertat. de inædiâ magn. morb. remedio, p. 66.

  22. Thes. sur la saignée art. 1. p. 12.
  23. Fernel. de Purgat. cap. vi.
  24. Atistot. Problem. sect. 1. Problem. 43. Medicamenta in omne fortasse corpus pervadunt, & noxium humorem quasi vinctum reducunt in ventrem, de quibus ita sensuit Aristoteles : Medicamenta ubi ventrem adierunt resolutaque sunt, statim ad venas per easdem feruntur vias per quas cibus commeat. Mox quum nihilò concoqui potuerunt, sed victrice potentiâ
  25. Hipp. Epid. l. vi. sect. v.
  26. persisterunt, relabuntur, & quæ sibi obsistunt, secum detrahunt, quæ res purgatio vocitatur. Venter porrò selectum secretumque humorem ubi pariter cum medicamento excipit, gemino stimulo acriùs lacessitus, quum diutiùs ferre non potest, totis viribus utrumque excutit, dùm à se deponat, expellatque per loca convenientia. Fernel. de Purg. cap. 6.
  27. p. 14.
  28. Thes. sur la saignée art. 4. p. 61.
  29. Thes. sur la saignée art. 1. p. 14.
  30. Histoire de l’Academie Royale des Sciences, année 1707. p. 13.
  31. Suppressiore alvo, si venam eliseris, exaustæ venæ sordidum quiddam & impurum è fœcibus exsugent. Fernel. de ven. sect. cap. 14.

    Tantùm moræ in pertudendâ venâ interponi debet quantùm satis est, ut excrementa descendant, id. ibid.

    Corruptus humor in ventriculo, aut in vicinis partibus exuperans, sivè illîc genitus est, sivè aliundè… differre hortatur venæ incisionem dum sit expurgatus. Secùs enim rapitur in venas, hasque impuritate multâ polluit, hinc obstructiones, cachiexiæ fiunt, vel morbi quibus mederi proposueris ingravescunt. Fernel. ibid.

    Crudiore ventriculo secta atque exinanita vena crudi succi plurimum in sanguinis locum rapiet, id. ibid.

  32. Histoire de l’Académie Royale des Sciences, année 1707. p. 13.
  33. Thes. sur la saignée art. 11. pag. 31.
  34. Thes. sur la saignée art. 11. p. 32.
  35. Joann. Gothofredi Bergeri Physiologia Medic.
  36. Hartsoekers Conjectures Physiq. tom. 2. Dissert. 3. de la circulation du sang.
  37. Bergeri Physiologia Medic.
  38. Thes. sur la saignée art. 1. p. 8.
  39. Thes. sur la saignée art. 4. p. 54.