La Maison de la bonne presse (p. 142-144).


MONTRE-NOUS TON FRAIS VISAGE


Ton sourire est beau, mignonnette !
Dans tes regards quels puissants feux !
Humble comme la violette,
Plus belle qu’elle, loin des yeux,
Tu coules tes jours en retraite.


Il est un cœur qui veut te voir…
Ne cache pas ainsi tes charmes.
Que le rayon de ton œil noir
Brille et vienne sécher ses larmes !

Tends l’oreille aux accents chéris
Qui frémissent dans la nature ;
N’entends-tu pas les joyeux cris
Que les oiseaux dans la ramure
Font entendre près de leurs nids ?

Tout vibre au milieu d’une flamme.
Que soufflent la nuit et le jour,
Et tout cela pour dire à l’âme
Que pour elle, Dieu fit l’amour.


C’est l’amour qui t’a façonnée !
Ne reste pas sourde à sa loi ;
Près d’un trône tu n’es pas née,
Mais, si j’étais seigneur, ou roi
Je t’aurais bientôt couronnée !

Respire un peu de liberté,
Oui, montre-nous ton frais visage !
Ignores-tu donc ta beauté,
Ô chaste fleur de mon village !


Octobre, 1891