Recueil de recettes et le médecin à la maison/Partie 2, Chapitre 1

Imprimerie Léger Brousseau (p. 52-58).

DEUXIÈME PARTIE



CHAPITRE PREMIER



LINGE, LESSIVE, REPASSAGE ET BLANCHISSAGE

Blanchissage. — Le blanchissage proprement dit consiste à nettoyer les fibres ou les tissus de toute substance qui les salit accidentellement et principalement des matières grasses. De tout temps on a eu recours aux lessives pour cet objet ; mais leur emploi exige quelques précautions dont la principale consiste à faire varier le degré de concentration de la liqueur alcaline avec la force de tissu sur lequel on opère, et avec la quantité d’impuretés dont il est imprégné. De là la nécessité de faire un triage du linge et de le partager au moins en trois parties ; savoir : le linge fin, le linge de couleur et celui de cuisine ; si l’on agissait autrement, une portion du linge se blanchirait aux dépens de l’autre, et le linge fin serait retiré du cuvier plus sale qu’il ne l’était auparavant.

Beaucoup de personnes sont dans l’usage d’essanger le linge avant de le mettre à la lessive, c’est-à-dire de lui enlever la graisse par un simple lavage à l’eau froide. Le linge ainsi décrassé salit moins la lessive et se nettoie aussi plus facilement. Pour éviter que le linge ne se détériore en l’accumulant tout imprégné encore de saleté, on a donc soin de l’essanger à mesure qu’on le salit et de le faire sécher.

Lorsqu’il s’agit de lessiver, on place un grand cuvier sur un trépied de bois et on y arrange le linge pièce à pièce, ayant soin de mettre tout le linge fin en dessous et le gros linge par dessus. Pressez-le, faites qu’il ne reste aucun vide et qu’il soit partout d’une épaisseur égale. Couvrez votre linge d’une toile très forte et assez grande pour déborder tout autour du cuvier. Mettez sur cette toile les cendres de bois neuf qui doivent fournir l’alcali ou carbonate de potasse qui formera la lessive et dont la quantité doit être proportionnée à celle du linge à blanchir. Repliez la toile par dessus les cendres que vous étalerez de manière à former une couche égale. Ayez sur le feu un grand chaudron rempli d’eau chaude, mais non bouillante, et versez-en dans le cuvier.

Au bas, et sur le côté de ce cuvier, est un trou que l’on bouche avec un tortillon de paille replié sur lui-même et disposé de manière à laisser filer la lessive, qui tombe dans un seau placé au-dessous, après avoir traversé toute la masse du linge.

Quelquefois on met à la place du seau une rigole ou gouttière qui reporte cette lessive, dans la chaudière où elle se réchauffe à mesure.

On répand de temps en temps un seau de cette lessive chaude sur le linge ; on répète cette manipulation pendant près de douze heures, ce qui s’appelle couler la lessive ; on enlève le drap avec les cendres, on retire le linge du cuvier et on le savonne à l’eau claire. Après l’avoir rincé avec de nouvelle eau, on le plonge dans de l’eau légèrement teinte en bleu au moyen d’indigo en pierre, enfermé dans un sachet de toile, on l’égoutte, on le tord, puis on l’étend sur des cordes pour le faire sécher.

Dans les localités où l’on se chauffe avec du charbon de terre et où il est difficile de se procurer de bonnes cendres de bois, on les remplace par du carbonate de soude, vulgairement sel de soude qu’on trouve à bas prix chez tous les épiciers ou droguistes. Mettez-en 12 livres pour 12 gallons d’eau, dans un chaudron ; ajoutez-y une livre de savon râpé. Cette quantité de sel de soude suffit pour 400 livres de linge. Recueillez de même la lessive qui s’écoule et reversez-la bien chaude à mesure sur le linge, lequel doit être recouvert d’une toile épaisse. On a soin de détirer gros linge avant qu’il soit complètement sec. On met à l’empois les serviettes damassées et ouvrées ; puis on les passe au cylindre, si on en a un ou bien on les repasse. Le linge fin se repasse également.

On place ensuite le linge en pile dans les armoires de la lingerie, et on met près de chaque pile un sachet rempli d’iris de Florence en poudre. En été on compose des sachets avec de la lavande, des feuilles de rose et toutes les herbes odoriférantes.

Une remarque importante à faire, lorsqu’on fait couler la lessive, c’est que le linge se blanchit mal lorsque la première eau que l’on jette sur les cendres est trop chaude ; elle doit arriver graduellement à un degré de chaleur convenable ; sans cette précaution, les impuretés qui salissent le linge se trouvent pour ainsi dire coagulées et fixées dans le tissu, qui acquiert alors plus ou moins une couleur fauve et souvent nuancée. Une température douce, au contraire, permet au tissu de se gonfler par degrés et de se laisser plus facilement pénétrer. D’une autre part, si les lessives sont fortes, elles corrodent et ternissent le tissu, trop faibles, elles sont insuffisantes pour enlever les matières grasses dont le linge est sali. Ces inconvénients arrivent surtout lorsqu’on se sert de potasse et de soude au lieu de cendres et que la quantité de ces alcalis est mal proportionnée.


Blanchissage au moyen du son. — Faites tremper le linge pendant quelque temps dans de l’eau chaude pour ramollir les corps gras et leur donner plus de facilité à être absorbés par la pâte de son ; puis faites bouillir une livre de son dans 6 pintes d’eau, et formez-en une pâte avec laquelle vous savonnez le linge. On emploie généralement ce mode de blanchissage pour les foulards et les mouchoirs de baptiste à vignette de couleur.


Savonnage. — Il n’est pas nécessaire que le linge de corps soit mis à la lessive toutes les fois qu’il a besoin d’être lavé ; la lessive jaunit le linge de coton. Un bon savonnage est préférable, voici comment on s’y prend.

On trie d’abord le linge en séparant le moins sale du plus sale. Le soir on fait chauffer de l’eau dans un chaudron, puis sans attendre qu’elle bouille, on la verse dans un baquet et l’on y trempe chaque pièce de linge que l’on a préalablement frottée de savon sur les parties les plus sales. Quand tout le linge a été ainsi mis au savon et légèrement frotté, on l’enfonce bien pour qu’il trempe, puis on couvre le baquet d’une toile, et le lendemain ayant réchauffé le tout avec un peu d’eau chaude, on procède au décrassage.

On prend une planche bien lisse qui trempe par un bout dans le baquet et l’on frotte dessus chaque pièce de lin bien enduite de savon. On peut se servir d’une brosse pourvu qu’elle ne soit pas trop dure et que l’on n’agisse pas brutalement ; cela n’abîme pas plus que de frotter avec les mains et l’on gagne beaucoup de temps.

Pendant que l’on décrasse on fait bouillir dans un chaudron de l’eau contenant des tranches de savon coupées bien minces. On peut ajouter 5 grammes de cristaux de soude pour chaque pinte d’eau. Lorsque cette eau est chaude, on la bat bien avec une cuillère de bois, puis on y plonge tout le linge décrassé et on le laisse bouillir environ dix minutes.

Lorsque le linge a ainsi bouilli on le retire et on le plonge dans l’eau froide ; si le linge a été bien décrassé, il ne reste plus qu’à le bien rincer et à le passer au bleu.

Au lieu de faire bouillir le linge dans l’eau de savon, on peut faire dissoudre ¾ de livre de cristaux de soude dans vingt pintes d’eau bouillante. On range son linge bien décrassé dans le baquet, on verse dessus l’eau de soude, on couvre bien le baquet, et, quand ce linge a trempé 4 ou 5 heures, on le lave comme celui qui a bouilli. Ce procédé est plus simple et plus économique.

Mettre du linge au bleu, c’est le plonger dans de l’eau où l’on a fait dissoudre de l’indigo.

L’indigo se vend en petites boules. On place deux de ces boules dans un petit morceau de toile neuve bien nouée. On met le bleu ainsi préparé dans l’eau, on le presse dans les mains jusqu’à ce que l’eau ait la teinte voulue.

Le linge neuf, surtout celui de coton, prend beaucoup plus de bleu que le vieux linge ; le linge neuf sera donc trempé en dernier.

L’eau de puits est la meilleure pour passer le linge au bleu.

On doit bien tordre et étendre le linge qu’on vient de passer au bleu, sans cela le bleu en s’égouttant formerait des raies d’un effet désagréable.

Procédé pour laver la flanelle sans qu’elle jaunisse. — Délayez deux cuillerées de farine dans 2 pintes d’eau de savon, placez le tout dans un vase sur le feu en remuant constamment la composition, afin de l’empêcher de s’attacher ; lorsque cette colle est bouillante, versez-en la moitié sur la flanelle et lorsqu’elle n’est plus assez chaude pour vous brûler, frottez l’étoffe comme on le pratique avec le savon ; rincez ensuite la flanelle à l’eau claire, puis on recommence l’opération, en versant le reste de la colle, et on rince à plusieurs eaux.

Ce procédé conserve à la flanelle toute sa blancheur, l’empêche de contracter une odeur désagréable et elle se trouve parfaitement nettoyée.

On peut remplacer la farine par des pommes de terre dont on enlève la peau et que l’on fait cuire ; on en forme ensuite, avec de l’eau de savon, une pâte épaisse ; on la trempe dans de l’eau chaude, puis on savonne la flanelle avec cette pâte ; on la rince ensuite dans de l’eau bouillante à plusieurs eaux et avec soin, puis on la fait sécher.


Repassage du linge. — Pour bien repasser, il y a plusieurs précautions à prendre, d’abord on ne doit pas attendre que le linge soit parfaitement sec ; il faut, en retirant les pièces de l’étendage, les étaler sur une table, les plier en 2, en 4 ou en 8 selon leur grandeur, les empiler les unes sur les autres, effacer les plis avec la main. Il résultera de cette méthode un grand avantage, c’est que l’humidité qui reste nécessairement dans les diverses pièces de linge, se répartira également dans toute la masse.

On doit par dessus tout veiller à ce que le fer ne soit pas trop chaud, afin de ne pas roussir le linge ; si le fer ne coule pas facilement, ce qui arrive lorsque le linge est empesé, frottez-le avec un peu de cire renfermée dans un sachet de toile.

L’empesage à l’eau de riz est plus facile à repasser que celui à l’amidon ; il est préférable pour les mousselines. On peut d’ailleurs mettre quelques gouttes de vinaigre dans l’eau amidonnée. Cette eau ainsi préparée, n’épaissira plus autant le tissu, et le fer coulera mieux.

On empèse souvent les grandes pièces, rideaux, etc, à l’empois cru, c’est-à-dire dissous à froid dans l’eau, mais cette méthode est vicieuse, car il faut dans ce cas repasser le linge très mouillé, le fer ne coule pas, fait des plis et quelquefois le linge se déchire.

Un quart d’once d’alun par pinte d’eau, rend l’amidon plus limpide et plus coulant. On attend pour cela qu’il soit en ébullition.


Linge. Le parfumer. — Les personnes qui veulent parfumer leur linge sans employer le musc, l’ambre et d’autres substances capables de fatiguer l’odorat de ceux qui les approchent, ces personnes, disons-nous, peuvent mettre dans les armoires où elles conservent leur linge ou leurs vêtements, des paquets de lavande cueillie dans sa pleine fleur ; ou un mélange des feuilles de différentes plantes aromatiques, telles que la citronnelle, la menthe, le basilic, la lavande, le romarin, etc ; ou des fleurs odorantes : la rose, le jasmin, l’œillet, la tubéreuse ; ou enfin des aromates pulvérisés grossièrement, tels que des clous de girofle, muscade, etc ; des bois odorants, etc, sont employés dans le même but. On étend ces feuilles ou ces fleurs sur des papiers pour les faire sécher dans les armoires qu’elles sont destinées à parfumer. Mais lorsqu’elles sont sèches, on les place dans des sachets ou dans des boîtes ouvertes, afin que leur odeur se répande insensiblement dans le linge ou parmi les vêtements. On compose de cette manière des sachets d’après le goût particulier de chacun. Ainsi, en mêlant ensemble des feuilles de roses séchées, des clous de girofle pulvérisés, de la muscade, etc, on se procure une odeur très agréable.