Recueil de recettes et le médecin à la maison/Partie 1, Chapitre 1

Imprimerie Léger Brousseau (p. 5-15).

PREMIÈRE PARTIE



CHAPITRE PREMIER



CUISINE

Le cuisinier doit avoir une attention continuelle sur l’état de ses ustensiles de cuisine, et les examiner toutes les fois qu’il s’en sert. Une ménagère prudente les passe elle-même soigneusement en revue, au moins tous les mois. Les couvercles doivent être aussi tenus proprement et bien étamés ; il est nécessaire que les casseroles le soient non-seulement en dedans, mais à l’extérieur sur une largeur de 2 à 3 pouces. Beaucoup de malheurs proviennent de négligence sur ce point. Sans ce soin tout le travail de la cuisine est inutile ; le bouillon prend une teinte verdâtre, un goût amer, et les meilleurs ragoûts deviennent désagréables à la vue et au palais. La santé et même la vie d’une famille y sont intéressées, et il vaut mieux payer le mémoire de l’étameur que celui du médecin.

Si le cuisinier ou une servante a enlevé, par accident, l’étamage d’un vase, ce qui peut arriver au domestique le plus soigneux, il doit prévenir sur le champ ses maîtres ; cette franchise ne peut manquer d’obtenir des éloges, tandis que la négligence les expose à de justes reproches.

Soyez pourvus de tamis, d’écumoires, de cuillères ; imposez-vous la règle de ne jamais vous en servir sans les avoir lavés et séchés ; que les vases de cuisine soient toujours lavés dans de l’eau bouillante, et essuyés avec un linge sec et une petite brosse, afin d’enlever la graisse qui s’y serait attachée, et d’empêcher qu’ils ne prennent une mauvaise odeur.

Quoiqu’on ne suppose pas que la cuisinière néglige le soin de ses marmites, on ne saurait trop lui recommander de les laver promptement, de les faire sécher devant le feu et de les garder dans un lieu sec ; car l’humidité les oxyderait et les gâterait bientôt.

Ne conserver ni soupe, ni jus, dans un vase de métal, ou n’y rien laisser que pendant le temps nécessaire pour faire la cuisine, et mettre tout ce qu’on veut réserver dans des vases de terre vernissés, ou mieux encore, dans des vases de grès.

Les casseroles et les marmites, à fond épais et de forme ronde, contiennent deux fois plus d’aliments, durent le double, et demandent bien moins de temps pour être nettoyées que les casseroles en fer blanc dont les côtés sont soudés au fond ; la graisse et la poussière entrent dans les rainures, et il est presque impossible de les en ôter.

Veillez à ce que les couvercles ferment aussi bien que possible, afin que le bouillon et les sauces ne perdent pas leur saveur par l’effet de l’évaporation ; ils deviennent inutiles s’ils ne retiennent pas en grande partie la vapeur des mets, et s’ils ne les préservent pas de la fumée.

Les poêlons et les casseroles doivent être récurés avec soin dans la partie supérieure, qui n’est pas brûlée par le feu ; il serait inutile de se fatiguer à les nettoyer dans toute leur surface extérieure.

Conservez avec soin les habitudes de propreté et de régularité. Vous exécuterez avec facilité et promptitude votre travail, sans vous agiter comme font quelque ménagères qui semblent vivre dans un tourbillon, et, qui sans cesse occupées à ranger, laissent cependant toutes choses en désordre.

Employez, pour faire du bon bouillon, les parties maigres du bœuf, du mouton et du veau ; procurez-vous les morceaux qui donnent le plus de jus, et que la viande soit fraîche.

La viande trop longtemps conservée donne mauvais goût au bouillon, et la graisse y est inutile. Cette dernière observation ne s’applique qu’au bouillon clair et sans mélange ; car on peut, avec de la graisse mêlée à des légumes, se procurer une soupe économique et nourrissante, également propre à satisfaire l’appétit et à soutenir les forces. On ne peut trop recommander cette méthode aux personnes zélées pour le soulagement des pauvres et à la classe ouvrière.


BOUILLONS


Pot-au-feu

La viande de bœuf est celle qui donne le meilleur bouillon ; ensuite, celle du mouton, pourvu qu’elle ne soit trop grasse, à moins qu’elle n’ait été préalablement rôtie ou grillée. Le veau ne s’emploie que pour le bouillon de malade.

Les volailles ajoutent peu de sapidité au bouillon. Si on met une poule au pot, elle doit être vieille ; car elle a plus de goût.

Un vieux pigeon, une perdrix, un lapin augmentent l’arôme du bouillon. Les os de viandes rôties, quelles qu’elles soient, y font aussi un bon effet.

Les meilleurs morceaux de bœuf pour faire de bon bouillon sont la tranche, la culotte et le gîte à la noix. Les côtes d’aloyau peuvent être employées pour bouilli en famille, et en y ajoutant un chou.

La viande doit être bien fraîche ; on la sépare de ses os et on la ficelle. On la met dans la marmite à l’eau froide, les os au fond. Ceux qui conseillent de mettre la viande à l’eau bouillante, ignorent que sa chaleur coagule l’albumine dans la viande, et qu’elle y retient le jus qui doit donner la saveur au bouillon ; tandis que se dissolvant peu à peu dans l’eau froide et tiède, elle se coagule ensuite, monte à la surface sous forme d’écume, et débarrasse ainsi le bouillon de toutes sortes d’impuretés qui ne lui communiquent aucun bon goût. On fait chauffer la marmite lentement, après y avoir jeté une poignée de sel. Plus elle chauffe lentement, plus l’écume qu’on a grand soin de retirer, est abondante. Lorsque le feu est trop vif, on est obligé de rafraîchir la marmite en y ajoutant de l’eau froide pour faire remonter l’écume qui se précipiterait au fond et troublerait la transparence du bouillon.

Lorsque le feu a été bien conduit et que la marmite est soigneusement écumée, on met les légumes qu’on a préparés et épluchés. Il ne faut pas craindre d’en mettre, parce qu’ils donnent au bouillon un arôme plus agréable. Ces légumes sont des carottes, des navets, un panais, des poireaux et céleri ficelés, un oignon piqué de deux clous de girofle. Un oignon brûlé ou une carotte torréfiée pour donner couleur, ou un peu de caramel (sucre fondu et durci), l’un de ces trois derniers.

Cinq ou six heures d’ébullition lente et toujours égale sont nécessaires pour faire acquérir au bouillon la perfection que l’on désire. Cette ébullition ne peut se régulariser facilement qu’au moyen d’un fourneau économique.

Une heure avant de retirer le pot au feu, on ajoute au bouillon un bouquet de persil. Quelques personnes mettent une grosse ail, un peu de thym et une feuille de laurier.

Bouillon fait en une heure

Prenez une livre de bœuf que vous coupez en morceaux assez menus, mettez-les dans une casserole avec oignons, carottes, un peu de lard et un demi-verre d’eau ; laissez mijoter et suer le tout pendant un quart d’heure, jusqu’à ce qu’il commence à s’attacher à la casserole ; versez ensuite environ une chopine d’eau bouillante, un peu de sel, faites bouillir trois quarts d’heure, passez au tamis et versez.

Bouillon de poulet

Prenez un poulet maigre, ajoutez-y une livre de bœuf, oignons, carottes, fines herbes, quelques grains de sel ; mettez trois pintes d’eau, laissez bouillir le tout et se réduire lentement dans une marmite bien fermée.

Bouillon de veau

Faites bouillir une livre de ruelle de veau avec quelques feuilles de laitue et cerfeuil dans une pinte d’eau. Si ce bouillon est pour un malade, un pinte et demie d’eau est nécessaire.

BOUILLONS MÉDICINAUX

Bouillon de veau : prenez ½ livre de ruelle de veau dégraissée, faites-la cuire pendant deux heures dans un pot d’eau, à vase fermé, passez le bouillon et ajoutez-y un peu de sel. On rendra ce bouillon plus agréable et plus salutaire en y ajoutant une laitue, un peu de cerfeuil et une poignée de poirée ou de pourpier. Le bouillon de poulet se fait de la même manière, avec la moitié d’un poulet maigre.

Voici une autre espèce de bouillon médicinal auquel les Anglais ont donné le nom assez bizarre de beef tea (thé de bœuf), et qui convient aux malades épuisés par des privations ou des maladies graves.

Prenez 2 livres de chair de bœuf bien dégraissée et sans os ; hachez-la finement et ajoutez-y 3 chopines d’eau froide, faites chauffer le tout ; et après une vive ébullition de quelques minutes, passez votre bouillon avec expression dans une serviette de forte toile, ajoutez-y du sel et un peu de caramel pour lui donner de la couleur. Ce bouillon est essentiellement réparateur.

Soupe à la purée de divers légumes

Mettez de l’eau sur le feu, lorsqu’elle bout, ajoutez-y beaucoup de carottes, quelques tranches de citrouilles, deux ou trois navets, quatre ou cinq grosses pommes de terre pelées et entières ; faites parfaitement cuire ; passez dans la grosse passoire avec le pilon, remettez au feu. Lorsque le bouillon bout, ajoutez la quantité de riz nécessaire au potage, du beurre, puis salez. Laissez cuire le riz. Servez.

On peut conserver cette soupe pendant 3 ou 4 jours en hiver ; 2 en été. Elle est au moins aussi bonne réchauffée que fraîche. On peut aussi y ajouter de l’oseille, dont le goût acidulé plaît à beaucoup de personnes.

Cette soupe est bonne, saine, nourrissante et peu coûteuse.

DU MOUTON

La chair du mouton doit être très-foncée, et il est utile de la laisser mortifier pour qu’elle soit tendre. Les parties les plus estimées du mouton sont, en termes de cuisine, les filets mignons, la selle (pièce entre les côtes et le gigot), les côtelettes, le gigot et la poitrine.

COCHON

Toutes les parties du cochon sont comestibles, et nous serions très-embarrassé d’indiquer celles dont on ne peut tirer le meilleur profit.

Jambon

Nettoyez votre jambon sans altérer la couenne. Faites-le dessaler à grande eau plus ou moins de temps, suivant qu’il est vieux ou nouveau ; enveloppez-le dans un linge blanc, et placez-le dans une marmite profonde, avec thym, laurier, ail, gros bouquet de fines herbes, une douzaine d’oignons et autant de carottes, quatre ou cinq clous de girofle et une once à peu près de salpêtre, pour donner une belle couleur à la viande. Mouillez avec de l’eau, et ajoutez-y, si vous voulez, une bouteille de vin rouge ou blanc. Faites cuire cinq ou six heures à petit feu ; laissez refroidir le jambon dans son bouillon.

Nous ferons remarquer qu’en supprimant le salpêtre et le vin, le bouillon de la cuisson peut être utilisé pour une bonne soupe, en y faisant cuire un chou une fois le jambon retiré.

Jambon paré

Lorsque le jambon est cuit, enlevez toute la couenne du dessus et ne conservez que celle recouvrant les côtés ; étendez dessus une légère couche de saindoux sur laquelle vous formez des dessins avec de la gelée de différentes couleurs et des fines herbes, puis on découpe des tranches de gelée que l’on place-symétriquement et avec goût ; le manche est ornée de papier découpé.

Manière de faire le boudin

Faites cuire de l’oignon haché avec un peu d’eau et de la panne. Quand il est bien cuit et réduit en purée, mettez-le dans trois pintes de sang, dont deux de cochons et un de veau ; ajoutez-y le quart de crème et de la panne que vous couperez en dés. Assaisonnez de sel, d’épices mêlées. Maniez le tout ensemble, afin de bien en opérer le mélange, et l’entonnez dans des boyaux bien propres et non troués. Il ne faut pas trop les remplir, afin qu’ils ne crèvent pas en cuisant ; ficelez les deux bouts du boyau, mettez vos boudins dans un chaudron où il y a de l’eau bouillante, mais ils ne doivent pas bouillir. Avant de les mettre dans l’eau, piquez-les légèrement avec une épingle. Laissez-les cuire pendant un quart d’heure, et assurez-vous qu’ils sont cuits en les piquant de nouveau, et en les pressant légèrement ; si le sang n’en sort plus la cuisson est faite.

Lorsqu’ils seront froids et que vous voudrez les servir, faites les griller sur un feu qui ne soit pas trop vif, après les avoir piqués avec une fourchette ou une lardoire ; servez chaud avec de la moutarde.

Boudin blanc

Faites cuire dans du saindoux, sans les laisser roussir, des oignons coupés en très-petits morceaux. Ajoutez-y de la mie de pain bouillie dans du lait et bien égouttée. Hachez les chairs d’une volaille cuite à la broche avec une quantité égale de panne, réunissez le tout, et pilez-le, afin de mieux mêler ces ingrédients ; mettez-y une chopine de bonne crème, six jaunes d’œufs crus, du sel et des épices ; le tout étant bien mélangé, versez dans les boyaux ; ne les remplissez pas entièrement, de crainte qu’ils ne crèvent ; liez-les solidement, et faites cuire dans de l’eau bouillante. Faites-les ensuite griller après les avoir piqués, et servez.

On peut remplacer la viande de volaille par toute autre viande blanche comme celle de veau préalablement cuite. Il importe que les jaunes d’œufs soient bien mêlés ; ce sont eux qui par la cuisson donnent de la consistance au boudin.

On peut aussi faire des boudins blancs en maigre en faisant cuire les oignons avec du beurre, et remplaçant par des chairs de poisson cuit et d’écrevisses celles de volailles. Toute la préparation est la même.

Saucisses

Prenez de la chair de porc où il y ait plus de gras que de maigre, hachez-la, mettez-y persil et ciboules, aussi hachés, poivre, sel et épices ; entonnez le tout dans des boyaux de porc ou de veau, liez en les extrémités, et faites cuire sur le gril à petit feu. Pour les saucisses plates, on emploie, au lieu de boyau, une crépine ou coiffe de porc frais. On peut varier le goût des saucisses en y mettant des truffes ou des champignons hachés.

Fromage de cochon

Prenez une tête de cochon bien désossée, levez toute la chair et le lard que vous coupez en filets minces. Faites de même pour les oreilles. Assaisonnez le tout avec sel fin, poivre, thym, laurier, basilic, clous de girofle et muscade râpée, deux gousses d’ail, quatre échalottes hachées et une demie poignée de feuilles de persil entières. Mettez la peau de la hure dans une casserole ronde ; arrangez-y tous vos filets de viande en mélangeant bien le gras et le maigre, et en semant votre persil. Cousez ensuite la couenne pour la bien fermer ; enveloppez le tout d’un torchon que vous serrerez fortement avec de la ficelle, en sorte que le tout soit bien comprimé. — Mettez votre fromage dans une marmite de la même grandeur, pour le faire cuire durant six heures, avec une pinte de vin blanc, bouillon, oignons, racines, thym, laurier, basilic, une gousse d’ail, sel, poivre et épices. Lorsqu’il sera cuit, vous le laisserez refroidir.

Cervelas

Prenez de la chair de porc frais entrelardée et du lard gras que vous hacherez ; ajoutez-y poivre, sel, muscade, épices. Entonnez le hachis dans un tuyau dont vous ficelerez les extrémités. Suspendez pendant trois jours vos cervelas dans la cheminée, puis faites-les cuire durant trois heures dans de l’eau, avec ail, thym et laurier. Les saucissons se préparent de même.

Andouilles

Après avoir vidé et nettoyé les boyaux les plus gros et les plus gras du cochon, faites-les dégorger à l’eau fraîche pendant 24 heures. Égouttez et essuyez-les, puis choisissez les boyaux en meilleur état pour fourrer les andouilles, coupez les autres en filets de 15 pouces, ajoutez du lard maigre coupé aussi en filets, de la panne hachée en petits morceaux, sel, poivre, persil, échalottes ; laissez mariner le tout pendant six heures et mettez-le dans un boyau que vous lierez ensuite par les deux bouts. Faites cuire pendant cinq heures à très petit feu dans une marmite avec du lait et de l’eau assaisonnée de sel, thym, laurier, basilic. Il faut les laisser refroidir dans leur cuisson ; on les fait ensuite griller pour les servir en hors-d’œuvre.

Petit salé

La recette suivante convient particulièrement aux personnes qui habitent la campagne et qui élèvent un porc.

Votre cochon étant tué, prenez-en la poitrine et le dessous du ventre[1] que vous couperez en morceaux convenables. Remplissez d’eau une marmite de fonte, et mettez-y un œuf qui ira à fond. Lorsque l’eau sera en ébullition, jetez-y du sel jusqu’à ce que l’œuf monte à la surface. Retirez la marmite du feu, et lorsque la saumure sera refroidie, versez la dans le saloir où vous mettrez vos morceaux de lard, qui doivent être recouverts par cette saumure. Si les morceaux venaient à la surface, tenez-les enfoncés au moyen de cailloux que vous aurez lavés d’avance. Couvrez votre saloir de manière à ce que l’air n’y pénètre pas, et placez-le en lieu frais pendant les chaleurs.

Au bout d’une quinzaine de jours, la préparation du petit salé est terminée, et vous pouvez en faire usage.

Il se conservera un temps considérable, si vous avez soin, chaque fois, de bien recouvrir le saloir et de ne prendre que les morceaux de dessus, sans toucher à ceux de dessous.

Un soin indispensable est d’examiner si le saloir est bien propre et n’exhale aucune mauvaise odeur, avant d’y verser la saumure. Dans le cas contraire, il faudrait le purifier en le lavant à plusieurs reprises avec de l’eau bouillante.

On fait cuire le petit salé à part dans de l’eau. On le sert ordinairement avec des choux que l’on met dans l’eau où a cuit le petit salé. On le dresse également sur de la choucroûte ou sur des purées.

Voici un moyen indiqué par le célèbre Beauvilliers pour donner au porc le goût et l’apparence du sanglier.

Mettez mariner, pendant huit jours, les chairs de cochon dans un mélange de moitié eau et moitié fort vinaigre, avec tranches d’oignons, gousses d’ail coupées en deux, graines de genièvre, sel, poivre, girofle, muscade, gingembre, quelques branches de mélilot, de menthe poivrée, et du brou de noix. Pour réussir parfaitement il faut que le cochon soit jeune et pas trop gras.




  1. Le porc anglo-chinois ou le porc tonquin, étant plus petit et généralement moins gras, peut être mis en entier en petit salé.