Recherches sur les végétaux nourrissans/Quatrième Objection


naiſſance ; ce travail ſe fit en donnant d'abord un trait de charrue du côté du fillon ; un homme venant derrière le Bouvier, ſemois des portions de pommes à un pas de diſtance les unes des autres, & les aſſuroit avec les pieds, & le Laboureur les recouvroit d’un ſecond trait de charrue donné en ſens contraire : on fit un ſarclage à la main dès que les Plantes furent nées, & trois binages avec les bœufs ; le dernier fut donné dans les premiers jours de Septembre.

La ſane ayant ſéché au commencement de Novembre, on fit la récolte des pommes de terre en renversant la terre de côté & d’autre, en dos-d’âne, par pluſieurs coups de charrue, que l’on réitère juſqu’à ce qu’on découvre les tubercules, ce qui accélère beaucoup le travail ; après cette opération, un homme arrache, d’un coup de hoyau, les Plantes qu’il jette à côté de lui, & les pommes ſont ramaſſées par des femmes & des enfans : cette façon de les recueillir eſt ſans contredit la plus expéditive : le produit a été de cinq charretées, évaluées à douze quintaux, ce qui ſait ſoixante quintaux.


Quatrième Objection.


La culture des pommes de terre eſt auſſi coûteuſe que celle des grains, il faut la même quantité de labours & d’engrais, des ſoins auſſi réfléchis & auſſi multipliés, leur végétation eſt également aſſujettie à toutes les intempéries des ſaiſons.


Réponse.


Si la culture des pommes de terre eſt auſſi diſpendieuſe que celle des grains, leur récolte vaut au moins un labour, elle rend la terre plus diſpoſée à profiter de l’humidité de l’automne, & en ſuppoſant que les frais ſoient auſſi conſidérables, le produit dédommage amplement : la végétation ayant lieu dans l’intérieur de la terre, elle n’a rien à redouter de la part de la grêle & des autres accidens qui anéantiſſent en un moment nos moiſſons, elle eſt à l’abri de la rouille & de la nielle. Les brouillards qui la frappent, les pluies qui tombent pendant la floraiſon, ne font pas avorter le fruit ; il y a plus, c’eſt que quand une des époques de la végétation des grains na pas été heureuſe, la ſaiſon enſuite a beau être favorable, tout eſt dit, les grains ſont ou chétifs ou peu abondans ; au lieu que ſi la pomme de terre a langui dans ſa fructification à cauſe de la grande ſéchereſſe, les pluies abondantes qui ſurviennent, font bientôt reprendre à cette plante ſa vigueur naturelle ; on en a vu au mois de ſeptembre qui annonçoient toutes les apparences de la stérilité, produire à étonner ; cette plante eſt ſi vigoureuſe qu’elle brave le pied des bœufs & le foc de la charrue, mal dirigés : nous n’avons pas d’exemples que la gelée ait perdu des récoltes ; ces racines, enfoncées profondément dans la terre, s’y conſervent pendant l’hiver, germent au printemps & continuent ainſi leur reproduction.

Ce ne ſont pas là les ſeuls avantages que puiſſent offrir les pommes de terre ; le temps où l’on sème cette Plante eſt après toutes les ſemailles ; celui de leur récolte termine toutes les moiſſons, de manière que le temps qu’elles exigent dans l’un & l’autre cas, n'eſt nullement pris ſur les travaux ordinaires de la campagne : mais je conſens qu’il faille autant de labours, d’engrais & de foins pour la culture des pommes de terre que pour celle des blés ſemés ſur le meilleur ſol, elles rapporteront toujours de quoi dédommager amplement de tous les frais ; d’ailleurs cette Plante préſente le moyen de tirer parti des plus mauvaiſes terres où il ne croît pas même de l’herbe ; toutes ſont favorables à la pomme de terre.

Encore une fois, une culture reconnue ſi avantageuſe, depuis un ſiècle qu’elle eſt pratiquée avec ſuccès par des Nations ſages, qui bien inſtruites en matière rurale, la regardent comme la baſe & le ſoutien de leur exiſtence ne ſauroit être balancée par aucun inconvénient que l’on puiſſe raiſonnablement citer : je ne doute pas même que le concours des Cultivateurs intelligens ne ſoit porté un jour à perfectionner les premiers efforts qui ont été tentés à cet égard, en dépit de tous les détracteurs.


Cinquième Objection.


Quand il ſeroit poſſible de juger, à l’inſtant de la plantation de la pomme de terre, du défaut de récolte future des grains, par la raiſon que ceux-ci auroient été frappés par la gelée, comme en 1791 ou que la germination