Recherches sur les substances radioactives/1904/Historique

historique.


La découverte des phénomènes de la radioactivité se rattache aux recherches poursuivies depuis la découverte des rayons Röntgen sur les effets photographiques des substances phosphorescentes et fluorescentes.

Les premiers tubes producteurs de rayons Röntgen étaient ces tubes sans anticathode métallique. La source de rayons Röntgen se trouvait sur la paroi de verre frappée par les rayons cathodiques ; en même temps cette paroi était vivement fluorescente. On pouvait alors se demander si l’émission de rayons Röntgen n’accompagnait pas nécessairement la production de la fluorescence, quelle que fût la cause de cette dernière. Cette idée a été énoncée tout d’abord par M. Henri Poincaré[1].

Peu de temps après, M. Henry annonça qu’il avait obtenu des impressions photographiques au travers du papier noir à l’aide du sulfure de zinc phosphorescent[2]. M. Niewenglowski obtint le même phénomène avec du sulfure de calcium exposé à la lumière[3]. Enfin, M. Troost obtint de fortes impressions photographiques avec de la blende hexagonale artificielle phosphorescente agissant au travers du papier noir et un gros carton[4].

Les expériences qui viennent d’être citées n’ont pu être reproduites malgré les nombreux essais faits dans ce but. On ne peut donc nullement considérer comme prouvé que le sulfure de zinc et le sulfure de calcium soient capables d’émettre, sous l’action de la lumière, des radiations invisibles qui traversent le papier noir et agissent sur les plaques photographiques.

M. Becquerel a fait des expériences analogues sur les sels d’uranium dont quelques-uns sont fluorescents[5]. Il obtint des impressions photographiques au travers du papier noir avec le sulfate double d’uranyle et de potassium.

M. Becquerel crut d’abord que ce sel, qui est fluorescent, se comportait comme le sulfure de zinc et le sulfure de calcium dans les expériences de MM. Henry, Niewenglowski et Troost. Mais la suite de ses expériences montra que le phénomène observé n’était nullement relié à la fluorescence. Il n’est pas nécessaire que le sel soit éclairé ; de plus, l’uranium et tous ses composés, fluorescents ou non, agissent de même, et l’uranium métallique est le plus actif. M. Becquerel trouva ensuite qu’en plaçant les composés d’urane dans l’obscurité complète, ils continuent à impressionner les plaques photographiques au travers du papier noir pendant des années. M. Becquerel admit que l’uranium et ses composés émettent des rayons particuliers : rayons uraniques. Il prouva que ces rayons peuvent traverser des écrans métalliques minces et qu’ils déchargent les corps électrisés. Il fit aussi des expériences d’après lesquelles il conclut que les rayons uraniques éprouvent la réflexion, la réfraction et la polarisation.

Les travaux d’autres physiciens (Elster et Geitel, lord Kelvin, Schmidt, Rutherford, Beattie et Smoluchowski) sont venus confirmer et étendre les résultats des recherches de M. Becquerel, sauf en ce qui concerne la réflexion, la réfraction et la polarisation des rayons uraniques, lesquels, à ce point de vue, se comportent comme les rayons Röntgen, comme cela a été reconnu par M. Rutherford d’abord et ensuite par M. Becquerel lui-même.


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  1. Revue générale des Sciences, 30 janvier 1896.
  2. Comptes rendus, t. CXXII, p. 312.
  3. Comptes rendus, t. CXXII, p. 386.
  4. Comptes rendus, t. CXXII, p. 564.
  5. Becquerel, Comptes rendus, 1896 (plusieurs Notes).