Traduction par Albert Chappelier.
Gauthier-Villars (Bulletin biologique de la France et de la Belgique, t. XLIp. 372-374).



Choix des plantes d’Expérience.


La valeur et l’importance de toute expérience dépendent du choix judicieux des matériaux employés, ainsi que de leur bonne utilisation. Et dans le cas présent, on ne peut se désintéresser ni du choix des espèces végétales servant de substratum aux expériences, ni de la façon dont celles-ci sont conduites.

Le choix du groupe végétal à utiliser dans des recherches de ce genre doit être fait avec les plus grandes précautions si l’on ne veut, dès le début, compromettre toute chance de succès.

Les plantes d’expériences doivent absolument satisfaire à certaines conditions :

1o  Elles doivent posséder des caractères différentiels constants.

2o  Il faut que, pendant la floraison, leurs hybrides soient naturellement, ou puissent facilement être mis à l’abri de toute intervention d’un pollen étranger.

3o  Les hybrides et leurs descendants ne doivent éprouver aucune altération notable de fertilité dans la suite des générations.

Des adultérations par pollen étranger, si elles se produisaient au cours des recherches et n’étaient pas reconnues, pourraient conduire à des conclusions tout à fait fausses. Une diminution de fécondité ou une stérilité complète de certaines formes, comme on en rencontre dans la descendance de beaucoup d’hybrides, rendraient les recherches très difficiles ou les feraient complètement échouer. Pour que l’on puisse connaître les rapports qui unissent les formes hybrides entre elles et avec leurs espèces souches, il paraît indispensable que tous les individus de chaque génération soient soumis à l’observation.

Dès le début, les Légumineuses ont particulièrement attiré l’attention, à cause de la structure spéciale de leur fleur. Des expériences entreprises avec plusieurs espèces de cette famille ont conduit à ce résultat que le genre Pisum répondait suffisamment aux desiderata exprimés. Quelques formes bien déterminées de ce genre ont des caractères différentiels constants et faciles à reconnaître avec certitude ; elles donnent, par fécondation croisée de leurs hybrides, des descendants à fécondité illimitée. De plus, il ne peut facilement se produire de perturbations par pollen étranger, car les organes de la fécondation sont étroitement entourés par la carène et les anthères éclatent quand la fleur est encore en bouton, de telle sorte que le stigmate est couvert de pollen dès avant la floraison. Ce fait a une grande importance. D’autres avantages méritent encore d’être cités : la culture facile de ces plantes en pleine terre et en pots, ainsi que la durée relativement courte de leur végétation. La fécondation artificielle est certainement assez minutieuse, mais elle réussit cependant presque toujours. Pour la pratiquer, on ouvre le bouton encore incomplètement développé, on écarte la carène et on enlève chaque étamine avec précaution au moyen d’une petite pince ; après quoi, l’on peut aussitôt recouvrir le stigmate de pollen étranger.

On se procura dans plusieurs graineteries en tout 34 espèces de Pois plus ou moins différentes les unes des autres ; elles furent mises à l’épreuve pendant deux ans. On remarqua, chez l’une des espèces, à côté d’un très grand nombre de plantes semblables, quelques formes particulièrement anormales. Celles-ci ne variaient cependant pas l’année suivante et concordaient complètement avec une autre espèce provenant de la même maison : sans aucun doute les graines avaient été tout simplement mélangées par hasard. Chacune des autres espèces donna des descendants tous semblables et constants ; on ne put, du moins, remarquer aucune modification essentielle pendant les deux années d’essai. On choisit, pour la fécondation, 22 espèces qui furent cultivées chaque année pendant toute la durée des expériences. Elles se maintinrent sans aucune exception.

Une classification systématique de ces formes est difficile et peu sûre. Si l’on voulait employer dans toute sa rigueur la notion d’espèce, d’après laquelle n’appartiennent à une espèce que les individus qui, toutes choses égales d’ailleurs, présentent des caractères absolument semblables, on ne pourrait ranger deux de ces individus dans une même espèce. Cependant, d’après les spécialistes, la majorité appartient à l’espèce Pisum sativum, tandis que les autres ont été considérés et décrits, tantôt comme sous-espèces de P. sativum, tantôt comme espèces indépendantes ; par exemple : P. quadratum, P. saccharatum, P. umbellatum. Du reste, la place qu’on leur donne dans la classification n’a aucune importance pour les recherches en cause. On a aussi peu réussi, jusqu’à présent, à établir une différence essentielle entre les hybrides des espèces et des variétés, qu’à tirer une ligne de démarcation nette entre espèces et variétés.