Recherches statistiques sur l’aliénation mentale faites à l’hospice de Bicêtre/I/II/Sec 1/Art 1

Art. Ier. — Âge.

Pour apprécier convenablement l’influence de l’âge sur la production de la folie, on ne doit pas seulement, comme l’ont fait jusqu’à présent tous les auteurs, prendre les aliénés en masse et rechercher le rapport des nombres que fournit chaque époque de la vie ; il faut, de plus, distinguer entre elles les diverses espèces d’aliénation qu’il est impossible de confondre dans une même étude. C’est probablement pour ne pas avoir fait ces distinctions que quelques médecins sont arrivés à des résultats différents. Nous tâcherons d’éviter ce reproche ; et dans le tableau qui va suivre, pour 1839, nous avons déterminé l’âge des individus relativement à chaque variété de délire. Un total, placé dans la dernière colonne, comprend tous les individus du même âge, sans distinction des divers genres d’affection.

Avant de nous arrêter sur chaque variété, examinons d’abord les résultats de la dernière colonne, afin de pouvoir les comparer tout de suite à ceux des autres statistiques. Sur la totalité des aliénés de notre année, le plus grand nombre est compris dans la période de 35 à 40 ans, puis vient celle de 30 à 35 ; dans les années placées en dessous de 30 ans, ce chiffre décroît dans une proportion moindre qu’au delà de 50. Nous n’avons pas obtenu absolument le même résultat sur le relevé que nous avons fait des admissions de 1831 à 1839.

Relevé de 1831 à 1839.
Avant 10 ans 35. De 56 à 60 ans 163.
De 11 à 15 82. De 61 à 65 114.
De 16 à 20 235. De 66 à 70 126.
De 21 à 25 297. De 71 à 75 97.
De 26 à 30 457. De 76 à 80 76.
De 31 à 35 588. Au-dessus de 80 14.
De 36 à 40 626.
Total.
3869.
De 41 à 45 447.
De 46 à 50 304. Âges non indiqués. 62.
De 51 à 55 208. Total général. 3,931.

Le maximum, dans ce second relevé, est le même que pour les aliénés de notre année ; il se trouve dans les périodes de 35 à 40 et de 30 à 35. Mais celle de 25 à 30, qui occupe un rang inférieur en 1839, vient en troisième ligne ; ensuite celle de 41 à 45 ; et immédiatement après arrive la période avant 20 ans, qui, dans le premier tableau, se trouve infiniment plus bas. Les aliénés qui dépassent 50 ans sont les moins nombreux.

1839. 1831 à 1838.
De 36 à 40 ans 98. De 36 à 40 ans 626.
De 31 à 35 75. De 31 à 35 588.
De 41 à 45 69. De 26 à 30 457.
De 26 à 30 61. De 41 à 45 447.
De 46 à 50 47. Avant 20 352.
De 21 à 25 44. De 46 à 50 304.
Avant 20 36. De 21 à 25 297.
De 51 à 55 27. De 51 à 55 208.
De 56 à 60 18. De 56 à 60 163.
De 66 à 70 15. De 66 à 70 126.
De 71 à 75 14. De 61 à 65 114.
De 61 à 65 13. De 71 à 76 97.
Au-dessus de 80 6. De 76 à 80 76.
Au-dessus de 80 14.
Total.
523.
Total.
3869.

Les différences qui distinguent ces deux tableaux ne sont point fondamentales ; elles sont plutôt apparentes que réelles, et nous semblent dépendre uniquement de ce que la proportion des divers genres de folie n’a pas été la même en 1839 que dans les années qui ont précédé. Celle des idiots, par exemple, a été cette année comparativement plus faible (voir le tableau) ; et on conçoit alors pourquoi la période avant 20 ans, qui est l’âge de l’idiotie, renferme moins d’individus dans le premier tableau que dans le second, où le chiffre des idiots est beaucoup plus élevé. Les autres différences sont peu importantes, et tiennent probablement à ce que les deux termes de comparaison ne sont pas égaux, l’un ne comprenant que 549 malades, l’autre 3,931 ; ce dernier chiffre étant plus élevé, doit mériter à ce titre plus de confiance.

Nous avons réuni par périodes décennales tous les âges indiqués dans les statistiques que nous avons sous les yeux, et nous en avons formé un tableau synoptique où l’on pourra juger comparativement les résultats auxquels les divers auteurs sont arrivés.

DÉSIGNATION
DE L’ÂGE
Desportes.

Bicêtre.
Esquirol.

Charenton.
Bouchet.

Nantes.
De Boutteville.

Rouen.
Vastel.

Caen.
Bertolini.

Turin.
Bonacossa.

Turin.
Greco.

Palerme.
Dundée. Beck.

États-Unis.
Holst.

Norwege.
Totaux.
Avant 20 ans. 254 82 2 24 7 3 31 19 1 8 188 619
De 21 à 30 710 254 6 113 38 31 176 84 2 70 198 1,682
31 à 40 1,003 236 13 147 44 26 213 90 10 55 214 2,051
41 à 50 687 188 9 115 32 17 119 62 4 43 150 1,426
51 à 60 334 105 1 54 18 11 69 33 1 15 128 769
61 à 70 287 60 3 26 6 3 27 18 » 4 117 551
71 à 80 155 6 2 9 1 » 1 » 2 1 » 177
Au-dessus de 80 19 1 » » » » » » » » » 20
Totaux. 3,449 932 36 488 146 91 636 306 20 196 995 7,295

Un premier coup d’œil jeté sur la dernière colonne de ce tableau nous fait voir, sur un total de 7,295, que la période de 31 à 40 ans est la plus favorable au développement de la folie ; ensuite vient celle de 21 à 30 ans, puis celle de 41 à 50 ans, ce qui est tout à fait en harmonie avec le tableau de 1831 à 1838. Il nous est donc permis sur ces deux résultats d’établir par période décennale l’ordre de fréquence qui suit, relativement à l’influence que l’âge peut exercer sur les dérangements de l’esprit.

Statistiques réunies1831 à 1838. 1839.
De 31 à 40 ans 2,051. 1,214. 173.
De 21 à 30 1,682. 754. 105.
De 41 à 50 1,426. 751. 116.
De 51 à 60 769. 371. 45.
Avant 20 ans 619. 352. 36.
De 61 à 70 551. 240. 28.
De 71 à 80 177. 173. 14.
Au-dessus de 80 20. 14. 6.
Totaux. 7,295. 3,869. 523.

Il n’y a de différence dans ces trois colonnes que pour la période de 21 à 30 ans, qui, en seconde ligne dans les deux premiers, ne se trouve qu’en troisième pour l’année 1839. Voyons maintenant le rapport qui existe entre les diverses statistiques que nous avons rassemblées. La période qui précède 20 ans est en troisième ligne pour la Norwège, tandis que dans les autres pays elle n’occupe que le cinquième ou sixième rang ; le nombre des aliénés qui sont compris forme le sixième de celui des fous qui existent dans le royaume, proportion énorme, comparativement à Paris où les aliénés qui ont moins de 20 ans ne constituent que le quatorzième de la population de cette classe de malades. Cette différence, comme le dit M. Esquirol, est due à la quantité prodigieuse d’idiots qu’indique le relevé de Norwège. Les trois périodes qui offrent le plus de malades sont pour toutes les statistiques, cette dernière exceptée, celles qui se trouvent entre 20 et 50 ans ; c’est au reste le résultat que Haslam et Rush ont annoncé depuis longtemps ; mais l’âge qui excède tous les autres est celui de 31 à 40 ans, dans les relevés de MM. Desportes, de Boutteville, Bouchet, Vastel, Bonacossa, Greco, Holst, et dans le travail sur l’établissement de Dundée ; c’est celui de 20 à 30 pour MM. Esquirol, Bertolini et Beck. En définitive, d’après le résultat que nous ont donné nos tableaux et les travaux des auteurs que nous venons de citer, il nous semble permis d’établir que l’aliénation mentale, rare dans la première enfance, devient très commune après 20 ans, est plus fréquente entre 30 et 40 ans, époque où elle a son maximum, commence à diminuer après cet âge, et s’éteint graduellement à mesure que l’on arrive vers la vieillesse. Dans la Norwège, la diminution est rapide à cette époque de la vie. Ainsi, on a calculé qu’il n’y avait plus qu’un huitième d’aliénés au delà de 60 ans, tandis qu’à Paris un sixième à peu près dépasse cet âge. Nous avons pris dans toutes les statistiques précédentes le chiffre des aliénés qui ont plus de 60 ans, et nous l’avons comparé à la totalité des malades qui se trouvent au-dessous de cet âge. Nous avons trouvé pour tous ces travaux réunis qu’un dixième dépassait 60 ans ; c’est moins qu’à Paris, comme on voit, et moins qu’en Norwège.

Nous avons vu que la folie avait son maximum de fréquence entre 30 et 40 ans ; mais de ce qu’il y a à cet âge un grand nombre d’aliénés, en conclurons-nous qu’il constitue une prédisposition à l’aliénation mentale ? C’est une question qui mérite de nous arrêter, et sur laquelle on est loin d’être parfaitement d’accord. MM. Esquirol et Leuret, qui ont comparé l’âge de 12,869 aliénés à l’âge de dix millions d’individus pris dans l’Annuaire du bureau des Longitudes, ont avancé, contrairement aux autres, que c’était la vieillesse qui donnait proportionnellement le plus grand nombre de fous. Nous allons laisser parler M. Esquirol.

« Pour déduire des conséquences rigoureuses du nombre absolu des aliénés relativement aux âges, il ne suffit pas de constater qu’il existe numériquement plus de fous âgés de 30 à 40 ans ; il importe de rechercher et de connaître le nombre des fous comparé à celui de la population de chaque âge.

« Pour cela, nous avons constaté l’âge de 12,869 aliénés, observés à Bicêtre, à la Salpêtrière et à Charenton. Nous avons classé ces 12,869 individus d’après leur âge, et nous les avons rapportés à une échelle d’où il est résulté des quantités géométriques qui permettent de saisir d’un coup d’œil le nombre et la différence des aliénés dans chaque âge, de comparer ce nombre et ces différences, et de les soumettre même à des proportions mathématiques. Cette même opération a été faite sur 10,000,000 individus classés d’après leur âge, afin de constater la proportion propre à chaque âge de la vie. L’Annuaire du bureau des Longitudes a servi de base à ce travail, qui a été fait par M. le docteur Leuret.

« La population absolue diminue d’âge en âge ; cette diminution est graduelle et s’opère dans des proportions à peu près égales de 20 à 25 ans ; elle est plus forte de 35 à 45 ; elle est plus tranchée de 45 à 60 ; très rapide depuis 60, et surtout depuis 65. À cette dernière époque jusqu’à la décrépitude, cette diminution s’opère régulièrement et dans une progression presque géométrique. La fréquence de la folie comparée aux âges ne suit pas la même loi que la population générale ; elle offre des anomalies bien singulières, quoiqu’elle aille toujours en augmentant. Ainsi, plus l’homme avance dans la vie, plus il est exposé à la perte de la raison, mais avec des chances différentes relativement aux âges. Il y a moins de fous de 20 à 30 ans comparativement à la population de cette époque de la vie : il y en a plus de 30 à 40, quoique la population ait déjà diminué ; et néanmoins le nombre des fous est moins élevé comparativement à la population dans les âges suivants : de 40 à 45 ans, la population est diminuée, et le nombre relatif des fous augmente à raison de cette même diminution : il en est de même de 40 à 50 ans. L’augmentation relative du nombre des fous est plus marquée encore de 50 à 55 ans, de 70 à 75 ; et de 75 à 80, le nombre des aliénés relatif à la population est énorme ; c’est l’âge de la démence sénile.

« Ainsi, quoique numériquement et d’une manière absolue, il soit vrai de dire qu’il y a plus d’aliénés de l’âge de 30 à 40 ans qu’avant et après cette époque de la vie, on se tromperait si l’on en tirait la conclusion qu’à cet âge l’homme est plus exposé à perdre la raison, puisque relativement à la population générale il y a mois de fous de 30 à 40 ans que dans les âges suivants. »

Un auteur qui est venu après, M. de Boutteville, reprenant le même calcul, mais par une opération sans doute différente, est arrivé à conclure que l’âge de 30 à 40 ans était le plus favorable à la production de la folie, et qu’il pouvait être regardé réellement comme une prédisposition.

Voici un tableau qui expose le calcul auquel il s’est livré.

ÉPOQUES DE LA VIE. NOMBRE
des
aliénés.
POPULATION
sur dix millions
d’habitants.
Avant 20 ans. 784 4,018,157
De 20 à 30 ans. 2,549 1,637,413
De 30 à 40 ans. 3,048 1,404,371
De 40 à 50 ans. 2,777 1,160,475
De 50 à 60 ans. 1,801 891,938
De 60 et au-dessus. 1,910 887,646
Totaux.
12,869 10,000,000

M. de Boutteville déduit de son travail que le nombre relatif des aliénés ne croît pas avec l’âge jusqu’à la fin de l’existence, et que la folie est moins fréquente dans la partie de la population âgée de 50 à 60 ans que dans celle qui n’a atteint que 40 à 50 ans. La proportion des aliénés, dit-il, ayant 60 ans est très forte, il est vrai, et cependant elle est au-dessous de celle que l’on observe entre 30 et 50 ans.

Nous avons tâché à notre tour de résoudre cette question ; et, ayant pris la population d’habitants qui a servi de base à ces calculs, nous lui avons comparé le chiffre des admissions depuis 1831 jusqu’à 1839. Ce chiffre est de 3,869.

Voici les rapports que nous avons trouvés :

ÉPOQUES DE LA VIE. ALIÉNÉS. POPULATION.
Avant 20 ans. 352 4,018,157
De 20 à 30 ans. 754 1,637,413
De 30 à 40 ans. 1,214 1,404,371
De 40 à 50 ans. 751 1,160,475
De 50 à 60 ans. 371 891,938
De 60 et au-dessus. 427 887,646
Totaux.
3,869 10,000,000

Nous avons réduit nos chiffres comme l’a fait M. de Boutteville. Voici, mis en regard, note calcul et celui de cet auteur.

ÉPOQUES
de l’âge.
PROPORTION
des aliénés
à la population.
ÉPOQUES
de l’âge.
PROPORTION
des aliénés
à la population.
De 40 à 50 ans. 1 sur 417 De 30 à 40 ans. 1 sur 1,156
De 30 à 40 1 460 De 40 à 50 1 1,545
Au-dessus de 60 1 464 Au-dessus de 60 1 2,078
De 50 à 60 ans 1 495 De 20 à 30 1 2,171
De 20 à 30 ans 1 495 De 50 à 60 1 2,404
Avant 20 ans. 1 5,125 Avant 20 ans. 1 15,445

Nos résultats, comme on le voit dans ce tableau, diffèrent de ceux de M. Leuret, puisque notre maximum correspond à l’âge de 30 à 40 ans. Ils diffèrent aussi de ceux de M. de Boutteville, puisque pour lui c’est la période de 40 à 50 qui présente le plus d’aliénés. Celle de 20 à 30 est aussi, à l’inverse de son calcul, supérieure à celle de 50 à 60 ans ; mais dans les deux échelles de proportion, c’est la période avant 20 ans qui a le moins d’aliénés ; c’est du reste le résultat auquel M. Leuret était déjà arrivé.

Le nombre d’aliénés sur lequel nous avons opéré n’est pas assez élevé pour infirmer d’une manière rigoureuse ce que MM. Esquirol et Leuret ont avancé sur ce point, cette question ne nous paraît donc pas définitivement résolue ; il y a peut-être dans ces calculs des causes d’erreur que nous ne connaissons pas, et nous laissons à d’autres le soin d’éclairer plus complètement ce sujet. Mais de quelque côté qu’existe la vérité, nous ne dirons pas à priori, comme le fait M. Parchappe, que l’âge viril doit être celui qui prédispose le plus à l’aliénation mentale, parce que c’est l’âge des passions et des excès, celui où les causes de la folie ont une plus grande énergie. Il est vrai qu’elles sont plus actives et plus fréquentes à cette époque de la vie ; mais l’âge avancé n’est point à l’abri de certains excès sensuels : le vieillard résiste moins, et la cause la plus légère peut amener chez lui un trouble cérébral.

Ceci établi, qu’il y a un plus grand nombre d’aliénés à l’âge viril, nous nous sommes demandé s’il n’en serait pas de même pour les maladies autres que l’aliénation mentale. On conçoit toute l’importance de cette question, car si nous venions à prouver que c’est à cet âge qu’on observe le plus grand nombre de malades, il s’ensuivrait qu’il prédispose à l’aliénation mentale comme à la plupart des autres affections dont l’homme peut être atteint.

Nous avons à cet effet consulté les registres d’admissions de l’Hôtel-Dieu, et voici le résultat auquel nous sommes arrivé.

Sur 3,247 individus du sexe, masculin

10 avaient été admis avant 15 ans,
538 de 15 à 20,
608 de 21 à 25,
445 de 26 à 30,
371 de 31 à 35,
325 de 36 à 40,
256 de 41 à 45,
177 de 46 à 50,
155 de 51 à 55,
147 de 56 à 60,
80 de 61 à 65,
71 de 66 à 70,
43 de 71 à 75,
18 de 76 à 80,
3 au delà de 80.
3247

Il suit de là que l’âge où s’observent le plus grand nombre d’affections autres que l’aliénation mentale est celui de 21 à 25. Il n’en est point ainsi pour la folie, et on serait porté à admettre que l’âge de 35 à 40 exerce une influence toute spéciale sur sa production.

Nous allons maintenant jeter un dernier coup d’œil sur le tableau placé au commencement de ce chapitre, et examiner l’influence de l’âge sur les diverses formes de la folie. Ici, les termes de comparaison nous manquent complétement. Réduit à nos propres chiffres, qui ne sont pas très élevés, nous n’oserons dans la plupart des cas donner nos conclusions comme certaines, mais, satisfait d’avoir posé ce premier jalon, nous laisserons à d’autres le soin d’arriver à des résultats plus positifs.

Pour la manie, qui occupe le chiffre le plus élevé, l’âge de 35 à 40 ans prédomine ; ensuite celui de 31 à 35. Il y a une proportion assez forte de maniaques entre 21 et 25. Le nombre diminue au-dessous de cet âge, de même qu’il s’éteint graduellement au-dessus de 50 ans. Nous en avons trouvé qui ont moins de 20 ans ; ce chiffre assez considérable nous fait voir que la manie n’est pas aussi rare dans la première jeunesse qu’on le croit généralement : le plus jeune de nos malades n’avait que 11 ans. M. Ferrus en a vu d’un âge moins avancé ; M. Esquirol en cite un de 8 ans ; mais personne, que nous sachions, n’en a trouvé à l’âge de 2 ans, comme Joseph Franck paraît l’avoir rencontré.

Pour la monomanie, le maximum occupe une période un peu plus avancée que celle de la manie, c’est-à-dire l’âge de 41 à 45 ans. Les autres malades sont répartis plus ou moins inégalement. On en trouve 16 au-dessus de l’âge qui donne le maximum, et 21 au-dessous. Nous ferons remarquer qu’il n’y en a point au-dessous de 20 ans ; ce qui est tout à fait en rapport avec ce que nous avons dit dans une autre partie de ce mémoire.

La lypémanie, sur un total de 18, nous donne 16 malades pour l’espace compris entre 21 et 55 ans ; un seul a dépassé cet âge, et le plus jeune n’a pas moins de 20 ans.

Le chiffre des stupides est fort peu élevé. Aucun n’a dépassé 45 ans, trois ont de 31 à 35 ans, le plus jeune n’a que 20 ans.

Dans la démence simple, les périodes qui occupent le premier rang sont celles de 65 à 70 ans, et de 74 à 75 ans. On voit 6 aliénés qui ont dépassé 80 ans : tous les âges en offrent quelques cas ; mais on n’en trouve point au-dessous de 31 ans. Ces résultats ne sont pas les mêmes dans la démence paralytique : ici nous voyons 33 malades sur 113 qui ont de 35 à 40 ans, c’est-à-dire un peu moins d’un tiers ; les périodes placées immédiatement au-dessus et au-dessous de cet âge en ont aussi beaucoup ; toutes les trois réunies renferment plus de la moitié du chiffre total. Le plus jeune a 18 ans, le plus âgé ne va pas au delà de 75 ans. On voit de quelle importance il est de séparer ces deux variétés d’une même maladie ; et à mesure que nous avancerons, nous aurons plusieurs fois l’occasion de faire remarquer ce qui distingue et caractérise leur individualité.

Sur le petit nombre d’idiots qui ont été admis cette année, nous en voyons près de la moitié qui ont moins de 20 ans. Ceci est en harmonie avec la statistique de Norwège, et avec ce que nous dirons sur ce sujet dans le recensement de la division. Tous ceux qui avaient dépassé l’âge de 20 ans étaient simplement imbéciles. Nous n’avons presque pas à nous arrêter sur les épileptiques : un huitième à peu près avait moins de 20 ans ; la plupart étaient jeunes ; deux seulement avaient plus de 50 ans, et l’épilepsie existait depuis plusieurs années. Cela nous prouve que la première enfance et la jeunesse sont les plus propres au développement de cette maladie, et que l’on a d’autant moins de chances d’en être atteint qu’on est arrivé à un âge plus avancé.