Rayons perdus (1869)/Soleil d’hiver

Alphonse Lemerre (p. 106-107).

SOLEIL D’HIVER.


Hélas ! hier encor sur mon front, sur ma lèvre,
Sont venus se poser la joie & le plaisir,
J’ai ri comme une folle… aujourd’hui j’ai la fièvre,
Car ma porte est fermée & j’en ai le loisir.

Ô pauvre humanité ! J’ai pitié de moi-même
Quand mon masque s’en va décollé par mes pleurs
Et qu’apparaît, meurtri, consumé, maigre, blême,
Mon visage, dont tous admiraient les couleurs.

— Nous sommes en janvier : le ciel, d’un azur tendre,
Réfléchit sa splendeur dans les flots clapotants ;
Le vent est si léger qu’à peine on peut l’entendre,
Le soleil est si doux qu’on dirait le printemps.


Mais, comme ces rayons à la nature morte
Se prodiguent en vain & ne fécondent rien,
Dans mon âme, la peine est aussi la plus forte :
Mon rire est un mensonge & l’amour le sait bien !


Janvier 18…