Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Septième livre/Chapitre 29

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 87-88).


CHAPITRE XXIX.
DE L’EXALTATION DE LA SAINTE CROIX.


I. Voici l’origine de la fête de l’Exaltation de la sainte Croix. Chosroës, roi de Perse, vint à Jérusalem, en emporta avec lui l’étendard de la croix, et, s’étant fait construire un palais qui représentait le ciel, il y fit construire un trône. A la droite du trône, il plaça la croix, qui tenait lieu du Fils ; à sa gauche un coq, qui représentait le Saint-Esprit, et lui, se tenant au milieu, se fit appeler Dieu. À cette nouvelle, Héraclius, empereur romain, se porta avec une armée sur le Danube, fleuve de Perse (ce n’est point le fleuve qui prend sa source chez les Suèves, mais un autre du même nom), vainquit le fils de Chosroës dans un combat singulier et s’empara de la croix du Seigneur. Comme il approchait de Jérusalem en grande pompe, un ange ferma les portes de la cité pour lui en interdire l’entrée ; et comme Héraclius en était très-étonné, une voix du ciel se fit entendre, qui disait que le roi des rois n’était pas entré ainsi équipé à Jérusalem, quand il y était venu pour souffrir pour tous les hommes, mais bien avec humilité et assis sur une ânesse. Reconnaissant aussitôt son orgueil, l’empereur descendit de cheval et s’humilia profondément, et les portes s’ouvrirent d’elles-mêmes devant lui. Il entra pieds nus dans la ville, et à son entrée, un grand nombre de personnes affligées de divers genres de maladies furent guéries par la Croix. L’empereur lui-même fit entendre ces louanges pleines de piété en l’honneur de la Croix, et s’écria : « Croix, plus brillante que tous les astres, plus célèbre que tous les grands hommes du monde, etc. ! » Il exalta donc la Croix, et ordonna, d’accord avec les évêques, qu’on solenniserait désormais, dans son empire, le jour de l’Exaltation de la Croix. Le pape Sergius, longtemps après, trouva dans le sanctuaire du bienheureux Pierre un coffre ou boîte d’argent, et dans ce coffre une croix faite en grande partie du bois salutaire de la Croix, ou qui porta le salut du monde, et ornée de pierres précieuses. Cette Croix, placée dans la basilique du Sauveur, est adorée par le peuple le jour de l’Exaltation.

II. Or, la fête de l’Invention est plus grande que celle de l’Exaltation, à cause de l’autorité de celui qui l’institua. Car la première fut instituée par un pape, savoir le pape Eusèbe, et l’autre par un empereur.

III. En cette fête on dit l’épître qui se chante au dimanche des Rameaux, parce que dans cette épître il s’agit de l’exaltation de la sainte Croix. D’autres lisent celle-ci : Christus factus est (aux Philippiens, chap. ii). Dans quelques églises on lit encore l’évangile où il s’agit de l’avènement du Christ, Sicut fulgur erit, etc., « Comme un éclair, » qu’on a coutume de dire dans le temps de l’Avent. Dans d’autres églises on lit l’évangile qui a trait à Nicodème, que quelques-uns disent à la fête de l’Invention de la sainte Croix, et où il est dit : « Comme Moïse a exalté le serpent dans le désert, ainsi il faut que le Fils de l’homme soit exalté. » Au commencement, cependant, on dit (ce qui est préférable) l’évangile Nunc judicium est mundi (Jean, chap. xii), où il est dit : « Lorsque j’aurai été élevé de terre (exaltatus), j’attirerai tout à moi. » On lit la préface qui se dit avant Pâques, pendant quinze jours, ou, en certaines églises, pendant cinq jours seulement, ou bien, comme d’autres le veulent, celle qui se lit dans le temps pascal. On dit aussi aux heures le capitule Christus factus est pro nobis (aux Philippiens, chap. ii).