Rational (Durand de Mende)/Volume 5/Huitième livre/Chapitre 03

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 5p. 152-165).


CHAPITRE III.
QU’EST-CE QUE L’ANNÉE SOLAIRE ?


I. L’année est le cours ou circuit du soleil, qui, au bout de trois cent soixante-cinq jours, revient au même endroit du ciel d’où il était parti. On dit année, parce que, les mois retournant sur eux-mêmes, l’année roule autour d’un cercle (Volvitur, ab am. ; am. est synonyme de circum, autour). L’an née roule à partir d’un point du circuit, fait comme le tour, et revient au point d’où elle était partie, d’une manière en quel que sorte circulaire. D’où vient que l’on dit encore année, comme l’on dirait un anneau, un cercle, parce qu’elle revient sur elle-même, semblable à un cercle. C’est pourquoi Virgile a dit :

Atque in se sua per vestigia volvitur annus.

« Et l’année revient en roulant sur elle-même, en suivant la route par où elle a passé précédemment. »
C’est pourquoi, avant l’invention des lettres, chez les Egyptiens on marquait ou désignait l’année de la manière suivante : Ils représentaient un dragon qui mordait sa queue, parce que l’année se recourbe et revient sur elle-même. Et c’est ainsi que quelques-uns la figurent encore. D’autres font dériver le mot annum, année, ab innovatione, de renouvellement : car l’année se renouvelle incessamment.

II. L’année, suivant divers peuples, a divers commencements. Car les Arabes et les Egyptiens la commencent après le solstice d’été, c’est-à-dire à partir de septembre, par la raison qu’on lit qu’au commencement du monde les arbres portèrent du fruit, et que les arbres portent du fruit en septembre ; ils pensent que le monde fut créé à cette époque, c’est pourquoi ils commencent alors l’année. Numa Pompilius et les Romains commençaient l’année en janvier, parce qu’alors, ou un peu auparavant, le soleil commence à se rapprocher de nous. Les Juifs la commençaient en mars, parce que le monde fut créé en ce mois, et c’est pour cela que l’on dit que son dix-huitième jour est le premier jour du siècle. Ceux qui s’occupent du Comput, les calculateurs, imitent tous ces peuples en quelques points ; car ils commencent, à partir du mois de septembre, les nombres réguliers lunaires, les embolismes, les épactes et toutes les années lunaires ; ils commencent, à partir de janvier, le nombre d’or et certaines lettres dominicales : à partir de mars, les nombres réguliers solaires, les nombres concurrents et certaines lettres dominicales, comme on le verra dans la seconde partie. Il est certain que quelques modernes, par respect pour le Sauveur, commencent l’année à partir de sa Nativité, d’autres à partir de son incarnation, c’est-à-dire de la Conception de la bienheureuse Marie, quand elle dit à l’Ange : « Voici la servante du Seigneur, etc. » Car aussitôt, le Christ fut homme et plein de l’Esprit saint.

III. Il y a différentes années : l’année naturelle, l’année usuelle, l’année légitime, l’année émergente, l’année solaire, la grande année, l’année olympiade, l’année lustrale, l’année d’indiction, l’année jubilaire, l’année de bonté, l’année de l’éternité et de la gloire. L’année naturelle est celle où la lune est placée devant ou en face du soleil, ce qui fait que le soleil est éclipsé. L’année usuelle ou temporelle est celle qui commence d’après l’usage des hommes, par exemple à partir de janvier jusqu’au mois de janvier suivant. L’année légitime ou cérémonielle est celle qui est supputée ou calculée selon les lunaisons, d’avril en avril ; car avril est le premier mois chez les Hébreux. L’année émergente est celle où il est arrivé quelque grand événement aux Juifs ou aux autres peuples. En mémoire de cet événement, ils commencent à compter l’année à partir de ce fait, ou d’un jour quelconque.

IV. L’année solaire est l’espace dans lequel le soleil fait son circuit autour des douze signes du Zodiaque. Il fait ce circuit dans l’espace de trois cent soixante-cinq jours et presque six heures, comme il a déjà été dit. J’ai dit presque (fere), à cause de certains moments qui sont ajoutés, comme il sera dit plus bas. Or, ces six heures, de quatre en quatre années, forment un jour naturel bissextile. Cette année est commune à toutes les nations ; elle commence à un jour quelconque, et se termine à un certain jour, quand les jours précités sont accomplis ; et ce jour peut être aussi appelé naturel.

V. Or, les signes précités sont : le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge, la Balance, le Scorpion, le Sagittaire, le Capricorne, le Verseau et les Poissons ; d’où ces vers :

« Voici les signes célestes qui sont toujours la route que parcourt le soleil :

« Le Bélier, le Taureau, les Gémeaux, le Cancer, le Lion, la Vierge et la Balance, le Scorpion, Chiron, le Capricorne, l’Urne (le Verseau), les Poissons. » Et remarque que l’habitation céleste ou la voûte des cieux est séparée ou partagée en zones ou ceintures de cercles. Il y a cinq zones, qui sont appelées zones ou cercles, parce qu’elles se trouvent dans la circonférence de la sphère. Le Zodiaque est un cercle qui est formé de cinq angles de lignes et d’une seule ligne. Le mot grec Zodiacos signifie animal, à cause de l’image des animaux ou signes du Zodiaque ; ou bien, en latin Zodiacos se dit signum, signe, d’où Zodiaque se dit animal, ou cercle qui porte des signes, circulus signifer, parce qu’au milieu du firmament il y a douze signes placés en travers ou en flanc, qui sont également coupés ou séparés par le cercle, et qui sont désignés par la figure et le nom d’animaux ; car le soleil, entrant dans ces signes, jouit en quelque façon des propriétés de ces animaux ; ou bien encore parce que les étoiles sont disposées en signes sous la figure d’animaux[1]. Un signe se dit la douzième partie du Zodiaque. Le soleil entre dans quelqu’un de ces signes chaque mois, le quinze d’avant les calendes, selon l’Eglise. Ainsi, en mars le soleil entre dans le Bélier, le quinze d’avant les calendes d’avril ; en avril, il entre dans le Taureau, le quinze d’avant les calendes de mai ; et ainsi par ordre des mois et des signes.

VI. Or, le premier signe est le Bélier, dans lequel on dit que le soleil fut créé. Le soleil entre dans ce signe vers le commencement du printemps. Ce signe est ainsi appelé, parce que le bélier est faible dans sa partie postérieure et a quelque vigueur dans sa partie antérieure ; de même, en ce temps, la partie postérieure du soleil a une faible chaleur, et le froid affaiblit la force de ses rayons ; mais la partie antérieure, qui regarde l’été, ou qui est tournée du côté de l’été, a quelque force, c’est-à-dire quelque chaleur ; ou bien encore, de même que le bélier, en hiver, se couche sur le côté gauche et commence au printemps à se coucher sur le côté droit, ainsi le soleil, avant ce temps, reste au côté gauche du firmament, c’est-à-dire au midi, mais alors il entre dans le côté droit, c’est-à-dire vers l’aquilon ou le nord. Les anciens appelaient ce signe Jupiter, à cause de ses amours, et ceux qui font des statues images de ce dieu le représentent avec des cornes de bélier sur la tête.

VII. Le second signe est le Taureau, ainsi nommé parce que, de même que le taureau est plus fort que le bélier, ainsi en ce temps le soleil a plus d’ardeur dans sa partie antérieure que postérieure. Il est plus ardent dans sa partie antérieure que dans sa partie postérieure, et en cela ressemble au taureau. (Ou peut-être encore le soleil est plus ardent lorsqu’il monte dans le ciel que lorsqu’il descend.) Les anciens ont placé le taureau au nombre des astres, pour honorer Jupiter ; car la fable a imaginé que ce dieu se changea en taureau, quand il enleva Europe.

VIII. Les Gémeaux sont le troisième signe, qui est ainsi nommé parce qu’en ce temps l’ardeur du soleil est doublée. Car il commence effectivement à être chaud et à dessécher la terre ; ou bien encore parce que c’est alors (geminando), en s’accouplant que tout se reproduit ou se multiplie dans la nature, car les oiseaux et les animaux font leurs petits ; ou bien à cause du double degré ou des deux degrés d’élévation de terre, que le soleil possède de plus sous ce signe que sous le précédent. Les anciens ont appelé ce signe Gemini, Gémeaux, à cause de Castor et Pollux, qu’ils placèrent, après leur mort, parmi les astres les plus fameux.

IX. Le quatrième signe est le Cancer ou l’Ecrevisse, ainsi appelé parce que l’écrevisse marche à reculons, et que le soleil aussi rétrograde et s’éloigne de nous après s’en être d’abord approché.

X. Le cinquième est le Lion, ainsi appelé parce que le lion est un animal cruel et qui a toujours la fièvre ; de même ce temps est malsain et engendre des fièvres. De plus, parce que Hercule, dans la Grèce, mit à mort le lion le plus fort ; c’est pourquoi les Grecs, à cause de son courage, l’ont placé au nombre des douze signes du Zodiaque.

XI. Le sixième est la Vierge, qui n’engendre rien. De même, ce temps est stérile et ne produit rien ; mais il fait mûrir ce qui a été produit antérieurement, car c’est le temps des jours caniculaires.

XII. Le septième signe est la Balance. Il est ainsi appelé de l’égalité de ce mois, parce qu’alors le soleil équilibre les jours et les nuits, car c’est l’équinoxe d’automne.

XIII. Le huitième est le Scorpion ; et, de même que le scorpion est venimeux et pique, de même ce temps est morbide, à cause de l’irrégularité de la température ; car le matin il fait un froid piquant, et à midi une chaleur dévorante.

XIV. Le neuvième est le Sagittaire, parce que c’est presque toujours alors que les archers se livrent à l’exercice de la chasse, ou bien à cause des éclairs qui tombent souvent alors, et que les Italiens appellent sagittas, flèches ou carreaux.

XV. Le dixième est le Capricorne. Car, de même que le capricorne broute sur les montagnes escarpées et les bords élevés des précipices, de même alors le soleil est à son degré le plus élevé vers le midi ; ou, de même que le capricorne a coutume de gravir les montagnes, ainsi le soleil commence à monter par rapport à nous. De plus, les anciens placèrent la figure du Capricorne parmi les signes du Zodiaque, à cause de la chèvre nourrice de Jupiter, et ils figurèrent la partie postérieure du capricorne sous la forme d’un poisson, pour désigner les pluies, que presque toujours le même mois a coutume d’amener à sa fin.

XVI. Le onzième est le Verseau. Ce signe est ainsi désigne, parce que ce temps est très-pluvieux, et venteux.

XVII. Les Poissons sont le douzième signe. Car, de même que le poisson est un animal aquatique, de même ce temps est abondant en eau, à cause de la grande quantité des pluies ; ou bien parce qu’alors, quand les eaux sont débarrassées des glaces, vient le temps de la pêche. Mais bien que, comme il est évident par les choses précitées, les signes soient égaux selon les astronomes, l’Église, cependant, ne les considère pas, ne les donne pas comme égaux ; car quelquefois un signe renferme plus de jours qu’un autre, puisqu’il y a des mois qui renferment plus de jours que d’autres, d’où vient qu’il y a des signes qui renferment plus de degrés que d’autres. On appelle degré (gradus) l’espace où le soleil, par son mouvement, passe dans le Zodiaque, au jour naturel. D’après ce que nous avons déjà dit, on peut savoir en quel degré quelconque d’un signe se trouve le soleil à un jour donné.

XVIII. Or, le jour dissextile ou bissextile, dont il a été parlé, est appelé bissextile par les philosophes ou selon les philosophes, comme si l’on disait qu’il est produit de la réunion de deux tiers de moments, ce qui pourra ainsi se comprendre ; car le soleil reste en chaque signe pendant trente jours et le tiers de trente heures, puis les deux tiers de trente moments. Or, le tiers est la troisième partie d’un tout, qui est formé de trois parties ; les deux tiers sont deux parties de ce tout ; mais, en multipliant trente jours par douze, nous avons trois cent soixante jours. Le tiers de trente heures est de dix heures, qui, multipliées par douze, font cinq jours. Les deux tiers de trente moments font vingt moments (il faut ici supposer que trente a été divisé par vingt-quatre) et par conséquent deux points (puisque le point se compose de dix moments) ; mais en multipliant deux points par douze, nous avons six heures, de la réunion des deux tiers des moments, qui de quatre en quatre ans constituent un jour qu’on appelle bissextile.

XIX. De plus, selon saint Isidore, chaque année s’accroît du quart de l’as, assis, ou bien du quart de 11/12, dont se composait la livre romaine. Et remarquons ici que l’as se prend pour divers objets susceptibles de division ; ici c’est une subdivision du temps, et un as signifie un jour. Et lorsque, la quatrième année ou au bout de quatre ans, l’as a été complété, c’est-à-dire qu’on a obtenu les 4/4 de 11/12 ou les quatre quarts d’un jour, on obtient un jour bissextile ; et c’est pour cela que tous les quatre ans on ajoute un jour bissextile. Or, selon le même saint Isidore, ce mot vient de bis sexies ; six multipliés par deux donnent douze, ce qui constitue l’as, qui est un jour. (Si saint Isidore veut parler de l’as comme poids et mesure, et qui, s’appliquant à la division du temps, peut en ce sens signifier un jour, il faut sous-entendre, après bis sexies, le mot heures, au lieu du mot onces. Peut-être aussi faut-il entendre le mot as pour le nombre six, comme faisait Pythagore ; mais alors les jours seraient de vingt-quatre heures, tandis qu’ici saint Isidore semble parler d’un jour de douze heures, bis sexies.)

En quel lieu du calendrier doit-on placer ce jour ? C’est ce que déclarent les deux vers suivants :

Bissextum sextœ Martis, tenuere Calendœ.
Posteriore die, celebrantur festa Mathiœ.


C’est-à-dire que sur la lettre où, dans le calendrier, se trouve le sixième des calendes de mars, on doit placer le jour bissextile, et alors nous nous tenons ou nous demeurons deux jours sur cette lettre, et la fête de saint Mathias, qui devrait être célébrée en ce jour, c’est-à-dire le vingt-quatre février, est remise au jour suivant, de telle sorte cependant qu’entre la fête et la vigile il n’y ait aucun intervalle (Extra De verborum signis quœsivit). Toutefois il n’importe point que la fête ait lieu le premier ou le second des jours précités ; mais en cela on doit conserver l’usage de chaque pays. Saint Isidore dit que le jour bissextile provient et dérive du cours de la lune, depuis le six des nonos de mars jusqu’au jour des calendes de janvier.

XX. Mais si nous voulons savoir quand a lieu l’année bissextile, nous devons diviser les années du Seigneur par quatre, autant de fois que nous le pouvons ; et, s’il n’y a point de reste, alors nous sommes dans l’année bissextile. S’il y a un reste, nous n’y sommes pas, d’où les vers suivants :

Anni divisi Domini per quatuor œque,
Monstrant bissextum, qua ratione scias.

« Les années du Seigneur, divisées également par quatre, indiquent le moyen par lequel tu trouveras l’année bissextile. »

Or, ceci est vrai d’après ceux qui divisent les années du Seigneur en commençant à partir de la Nativité, ou à partir de janvier, mais non d’après ceux qui commencent à partir de l’Incarnation. Il y a encore un autre moyen pour trouver l’année bissextile, dont on parlera plus bas, quand on traitera des Nombres concurrents.

XXI. Les temps ou parties de l’année solaire sont au nombre de quatre, savoir : le printemps, l’été, l’automne, l’hiver, comme il a été dit dans la sixième partie, à la quatrième férié de la troisième semaine de l’Avent. Or, on dit temps ou saisons, à cause de l’action que ces diverses époques ont sur le tempérament, par l’humidité, la sécheresse, la chaleur et le froid ; et on les appelle curricula (chars ou chariots), parce qu’ils ne restent pas immobiles, mais marchent et courent sans cesse. Le printemps est ainsi appelé, parce que c’est en ce temps que la sève se développe et que tout verdoie. L’été, œstas, est ainsi nommé de la chaleur (œstu), d’où l’on dit œstas (été), comme si l’on disait usta (brûlé), arida (aride). Autumnus, l’automne, est ainsi nommé a tempestate, temps, saison, tempête ; ou bien tempestas se dit encore de quelque chose qui arrive à temps, en temps opportun, à propos, à maturité ; car c’est alors que les feuilles tombent et que tout mûrit. L’hiver est ainsi appelé par rapport à l’hémisphère, parce qu’alors le soleil tourne autour d’un cercle beaucoup plus rétréci : de là vient que ce temps est appelé bruma, comme si l’on disait brachus, c’est-à-dire brevis, bref, court ; ou bien encore, hiver vient a cibo, de nourriture, parce qu’alors on est doué d’un plus grand appétit ; car edacitas, voracité, se dit en grec bruma (hiver). Les saisons de l’année, d’après le système de l’Eglise, sont renfermées dans ces vers :

Festum Clementis, hyems caput est orientis.
Cedit hyems retro, cathedrato Simone Petro,
Ver fugat Urbanus ; œstatem Symphorianus.
Id tibi, quod restat autumni tempora prœstat.


Ce qui signifie que la fête de saint Clément, qui est le huit des calendes de décembre, est le commencement de l’hiver, qui dure jusqu’à la fête de la Chaire de saint Pierre ; alors commence le printemps ; et cette dernière fête est le huit des calendes de mars, et le printemps se prolonge jusqu’à la fête de saint Urbain, qui est le huit des calendes de juin. Alors commence l’été, qui dure jusqu’à la fête de saint Symphorien, qui est le huit des calendes de septembre. L’automne commence alors, et dure jusqu’à la fête de saint Clément, à laquelle commence l’hiver.

XXII. A chacune de ces quatre saisons on observe un jeûne de trois jours, ce qu’on appelle les jeûnes des quatre-temps. Le jeûne du printemps se trouve dans la première semaine de Carême, savoir en la quatrième férié après les Cendres. Le jeûne d’été est le premier mercredi après la Pentecôte. Le jeûne d’automne est le troisième mercredi de septembre, savoir le mercredi après la fête de la sainte Croix. Le jeûne d’hiver se trouve le mercredi après la fête de la bienheureuse Luce ; d’où ces vers :

Vult Crux, Lucia, Cineres, Charismata dia
Ut det vota pia quarta sequens feria.

« La sainte Croix, la bienheureuse Lucie, les Cendres et le saint Carême exigent que le mercredi suivant rende à Dieu des vœux pleins de piété. »

XXIII. Or, ces jeûnes ont lieu le mercredi, parce que ce fut dans la quatrième férie (le mercredi) que le Christ fut trahi et vendu par Judas ; dans la sixième férie, parce que ce fut en ce jour qu’il fut crucifié ; et le samedi, parce qu’alors nous représentons la tristesse des apôtres, affligés de la mort du Sauveur : « car, si nous souffrons avec lui, nous régnerons avec lui » (De consec, dist. iii, Jejunia et sabbato). Nous avons dit, dans la sixième partie, au chapitre de l’Avent, quand on célèbre l’Avent du Seigneur.

XXIV. Dans l’année solaire, il arrive encore deux solstices et deux équinoxes. Les solstices arrivent en été et en hiver, et les équinoxes au printemps et en automne. Le solstice est une inégalité considérable entre le jour et la nuit, ou bien l’entrée du soleil dans les signes du Capricorne et du Cancer. Et on dit solstice, solstitium, comme on dirait solis statio, station, état de repos, immobilité, halte du soleil, parce qu’alors le soleil s’arrêtant dans sa marche rétrograde, les jours ou les nuits croissent.

XXV. L’équinoxe est la plus grande égalité du jour et de la nuit, parce qu’alors l’entrée du soleil dans le signe du Bélier ou de la Balance a lieu dans un égal espace d’heures ou aux mêmes heures. Où doit-on placer les solstices et les équinoxes ? C’est ce qu’on verra dans les deux vers suivants :

Solstitium decimo Christum prœit, atque Joannem.
Æqua Crucis festum dat tempora Martis et idus.


Ce qui signifie que le solstice d’hiver se trouve dix jours avant la Nativité du Christ, savoir le dix-huit des calendes de janvier, temps dans lequel le soleil commence à décrire des cercles plus élevés, et le solstice d’été se trouve autant de jours avant la Nativité de saint Jean-Baptiste, savoir le dix-huit des calendes de juillet, temps dans lequel le soleil commence à décrire des circuits moins élevés ; d’où l’on trouve que le plus grand jour de l’année est celui du solstice d’été, et le jour le plus court celui du solstice d’hiver. Mais, selon les Egyptiens le solstice d’hiver est le douze des calendes de janvier, et le neuf selon les Grecs. Selon les Egyptiens le solstice d’été est le douze des calendes de juin, et le neuf suivant les Grecs. De même à la fête de la Croix, et, selon d’autres, le douze des calendes d’octobre, se trouve l’équinoxe d’automne. Et quand on dit dans les calendes, et lorsqu’on se sert de l’expression dans les calendes, ou bien (en cet endroit on dit dans les calendes) l’équinoxe du printemps se trouve aux ides de mars, ou, selon d’autres, le douze des calendes d’avril ; car jadis l’année n’était divisée qu’en deux parties seulement, savoir le solstice d’été et le solstice d’hiver, et en deux hémisphères.

XXVI. Pour ce qui est de la grande année, elle s’accomplit quand toutes les planètes reviennent au lieu de leur création, ce qui n’a pas lieu en moins de cinq cent trente ans. Or, la grande année du monde aura lieu quand toutes les étoiles seront retournées en leur position primitive, révolution qui aura lieu après quinze mille ans. Le maître des sentences dit, dans l’histoire de la Genèse, au passage où il traite de l’ivresse de Noé, que la grande année est accomplie dans le cours de six cents ans.

XXVII. L’ère dont se servent les Espagnols se compose d’une année, et a été établie par César-Auguste quand il fit faire le premier recensement de l’univers. Or, le mot ère, œra, vient de (œre airain, monnaie, parce que l’univers entier se confessa tributaire de la république romaine : d’abord existèrent les indictions, ensuite les ères (indictio, indiction, signifie impôt extraordinaire).

XXVIII. L’olympiade, olympias, a été établie chez les Grecs dans la ville d’Elide. D’autres nations établirent des jeux et des combats quinquennaux. Les jeux étaient séparés par quatre années, ou bien il y avait quatre années d’intervalle entre ces jeux, qui avaient lieu dans la cinquième année ; c’est pour cela que le temps des jeux d’Elide fut appelé olympiade, et on comptait un espace de quatre ans pour une seule olympiade, c’est-à-dire depuis une olympiade jusqu’à l’autre olympiade, qui avait lieu la cinquième année.

XXIX. Le lustre est l’espace de cinq ans, quinquennium, pentaiteris. Le lustre se complétait dans la cinquième année, et il fut institué par les Romains, à l’imitation de l’olympiade des Grecs ; car alors, à Rome, on ne connaissait ni les consuls, ni les ères (œrae). Or, ce temps a été nommé quinquennal, parce que, après avoir achevé le cens quinquennal dans la république, on parcourait (lustrabatur) la ville de Rome.

XXX. Chez les Romains, il y a l’année d’indiction, qui renferme quinze ans, comme on le dira plus bas, et comme on l’a déjà dit.

XXXI. Les Hébreux ont l’année jubilaire ou de rémission, qui se complète et se célèbre après sept semaines d’années. Nous en avons parlé dans la sixième partie, au chapitre de la Quinquagésime.

XXXII. Chez les Chrétiens, il y a l’année de honte (benegnitatis) et de grâce, dans laquelle le Christ est venu et nous a rachetés par sa seule bonté. Pour les saints qui jouissent de la présence de Dieu, qui comprennent Dieu (comprehensores Dei), existe l’année de l’éternité et de la gloire, où les saints se réjouiront dans une gloire qui n’aura pas de fin. De plus, les siècles sont formés de générations qui se suivent ; car à mesure que les hommes meurent, d’autres leur succèdent continuellement. Certains appellent ce temps la cinquantième année, que les Hébreux appellent année jubilaire, comme on l’a déjà dit. C’est pour cette raison que l’Hébreu aimant son maître à cause de sa femme et de ses enfants, a l’oreille percée, est réduit en servitude et contraint de rester esclave pour un siècle, c’est-à-dire jusqu’à ce que la cinquantième année soit arrivée.

XXXIII. L’âge, la plupart du temps, se prend pour un an, pour sept ans, pour cent ans et pour un temps indéterminé ; d’où vient que l’âge, œtas, est composé de plusieurs siècles. C’est pourquoi on dit âge comme l’on dirait œvitas, ævité (fraction de l’éternité), éternité, à cause de la similitude avec le mot œvum, éternité, car l’œvum, l’éternité, est l’âge perpétuel, éternel, qui dure toujours, dont on ne connaît ni le commencement ni la fin. Le mot œvum est dérivé de aïôn, qui chez les Grecs a l’acception tantôt de siècle, tantôt d’éternité. Age, œtas, se dit proprement de deux manières, savoir : l’âge d’un homme, comme l’enfance, la jeunesse, la vieillesse ; on dit aussi l’enfance, la jeunesse, la vieillesse du monde. Le premier âge du monde s’étend depuis Adam jusqu’à Noé ; le second, depuis Noé jusqu’à Abraham ; le troisième, depuis Abraham jusqu’à David ; le quatrième, depuis David jusqu’à la captivité de Juda à Babylone ; le cinquième, depuis la captivité de Juda jusqu’à l’avènement du Sauveur dans la chair ; le sixième a lieu maintenant jusqu’à la fin de ce monde. Nous avons dit, dans la sixième partie, au chapitre de la Septuagésime, combien il y a d’années depuis l’origine du monde.

  1. voir la note 19.