Rational (Durand de Mende)/Volume 1/Troisième livre/Chapitre 17

Traduction par Charles Barthélemy.
Louis Vivès (volume 1p. 268-278).


CHAPITRE XVII.
DU PALLIUM[1] (43)[2].


I. Maintenant, disons quelques mots du pallium, qui est particulier aux patriarches, aux primats et aux métropolitains, afin qu’on les distingue par là des autres évêques, parce qu’ils occupent un rang privilégié. C’est pourquoi il n’en est nullement parlé dans l’énumération qui a été faite plus haut des ornements communs et spéciaux. Or, par le pallium nous comprenons à la fois le surhuméral et le rational du pontife de la loi, unis ensemble et ne formant qu’un seul vêtement ; car on l’appelle surhuméral, ou logion, parce qu’il couvre les deux épaules du pontife, et rational parce qu’il descend des épaules sur la poitrine même du pontife, où il s’attache. Le grand-prêtre portait le surhuméral et le rational, qui étaient joints ensemble par des chaînettes d’or. Il y en a cependant qui disent que, de nos jours, nul ornement n’a succédé au rational ; ce dont on parlera au chapitre des Ornements de l’ancienne loi. D’autres disent que le pallium a été institué pour remplacer la lame d’or, quoiqu’il paraisse plus probable que les orfrois de la mitre représentent cette lame de l’ancienne loi.

II. Assurément, le pallium, dont les prélats se servent, signifie la discipline par laquelle ils doivent, à l’exemple de ceux qui leur sont soumis, se conduire et s’enchaîner, comme ils conduisent et enchaînent leurs inférieurs. C’est par elle qu’on acquiert le collier d’or, que ceux qui combattent pour la bonne cause reçoivent légitimement, et dont Salomon dit, dans les Paraboles : « Écoute, mon fils, les instructions de ton père, et n’abandonne pas la loi de ta mère, et elles seront un ornement à ta tête et un collier à ton cou. » Et, de même qu’on le donnait le collier ou le prix qu’à celui qui avait légitimenent combattu, selon cette parole de l’Apôtre : « Beaucoup courent, à la vérité, mais un seul reçoit le prix ; » ainsi aussi personne ne doit être élevé à l’honneur du pallium que celui qui s’est d’abord exercé avec ardeur, et légitimement, dans chaque degré des vertus ; car ce ne sont pas les charges du siècle qui procurent la première place pour entrer dans le vestibule des affaires, mais les épreuves que l’on a subies en passant par un grand nombre de degrés ; et ce rang, qu’un travail plus étendu et les plus longues campagnes ont mérité à celui qui l’a obtenu, en le faisant passer devant les autres, ce rang l’emporte sur tous les autres. On le porte sur tous les ornements, afin que les autres, le voyant, soient exhortés à un légitime combat. Et le pontife, lorsqu’il se met ou s’ôte le pallium, l’embrasse pour marquer le souverain désir qu’il a de combattre légitimement et de mériter le prix.

III. Or, le pallium est tissé de laine blanche[3], avec un bordure ; il serre les épaules, et a deux bandes des deux côtés qui pendent du haut en bas par devant et par derrière ; à gauche, il est double ; à droite, simple. Il a quatre croix de pourpre devant et derrière, à droite et à gauche. On fiche sur le pallium trois aiguilles, et il y en a certaines qui ne peuvent être portées par le métropolitain sans le pallium, dont il ne peut aussi se servir qu’à certains jours, parce que toutes les choses de l’Église sont imprégnées de mystères moraux, et pleines de divins secrets. Car (comme l’Écriture l’atteste), dans les trésors de la sagesse, le pallium signifie la discipline : dans la laine dont il est fait nous trouvons assurément sa sévérité ; sa blancheur symbolise sa douceur. En effet, la discipline ecclésiastique exerce sa sévérité contre les rebelles et les obstinés ; mais elle montre sa miséricorde envers ceux qui se repentent et qui sont humbles. À cause de quoi on ne fait pas le pallium de la laine de toute espèce d’animal, mais seulement de brebis, qui est un animal doux. C’est pour cela que le Prophète dit : « Il a été conduit à la tuerie comme un agneau ; et, comme un agneau devant celui qui le tond, il n’a pas ouvert la bouche. » De là vient que le vin et l’huile furent versés l’un après l’autre sur les blessures de cet homme à demi-mort que le Samaritain conduisait dans l’hôtellerie[4], afin que par le vin les blessures soient fermées, et par l’huile adoucies, et aussi pour que l’évêque, en tant que se consacrant à guérir les plaies, unisse la saveur âpre de la sévérité dans le vin à la douceur et l’indulgence de la miséricorde dans l’huile. Cela est aussi désigné par l’Arche du tabernacle, où étaient renfermées, avec les tables de la loi, la verge et la manne, parce que dans l’ame du prélat la verge de la direction et la manne de la douceur doivent être unies à la science de l’Écriture, afin que la sévérité ne sévisse pas immodérément, et que la miséricorde ne soit pas plus indulgente qu’il ne faut. De même, le pallium est fait d’une vile matière, à savoir : de laine, afin qu’il ait du prix non par lui-même, mais par ce qu’il signifie en lui-même pour qu’il soit remarquable non aux yeux, mais à l’ame, et afin que le pontife comprenne qu’il s’en revêt non comme d’une parure, mais comme d’un signe.

IV. Le tour du pallium qui serre les deux épaules, c’est la crainte du Seigneur, par laquelle on exerce les œuvres, et elles sont serrées, de’peur qu’elles ne se laissent aller à des choses défendues ou qu’elles ne se relâchent pour les choses superflues car la discipline empêche la gauche des choses illicites par le spectacle effrayant de la punition, mais préserve la droite des choses superflues par l’amour de la justice. Bienheureux donc l’homme qui est toujours tremblant ; car, selon l’avis de Salomon, « la crainte du Seigneur repousse le péché ; mais celui qui vit sans crainte ne peut être justifié. » Voilà donc pourquoi le cercle du pallium serre les épaules au-dessous du cou, pour marquer que celui qui le porte doit être le même dans les œuvres et dans les paroles.

V. Mais nous pensons que les deux bandes, dont l’une passe derrière le dos et l’autre devant la poitrine, signifient les soin et les sollicitudes de cette vie, par lesquels le cœur et les épaules du pontife sont très-souvent appesantis et empêchés de telle sorte qu’ils le détournent de son état propre et l’obligent à penser et à porter certaines pensées vaines et passagères. De là vient que fréquemment on adapte le pallium devant et derrière, à droite et à gauche, devant la poitrine et sur les épaules, afin qu’estimant moins ces choses, et les mettant en quelque sorte derrière lui, il comprenne qu’il doit souvent rentrer en lui-même. Le pallium signifie aussi la vie active et contemplative, à laquelle le prélat doit s’exercer de telle manière, qu’à l’exemple de Moïse il monte tantôt sur la montagne, et là y parle de la sagesse (philosophetur) avec le Seigneur, et qui tantôt il descende au camp, et là pourvoie aux besoins des peuples, faisant d’avance attention de pouvoir quelquefois se rendre à lui-même après qu’il se sera donné souvent aux autres, de manière à ce qu’à la fois il remplisse comme Marthe, avec promptilude et zèle, les devoirs fréquents de sa charge, et qu’à l’exemple de Marie il écoute les paroles du Sauveur. Cependant, les deux bandes sont pesantes par le bas, parce que le corps, qui est corrompu, appesantit l’ame, et que le séjour de la terre accable la raison, qui pense à beaucoup de choses.

VI. Le pallium est double au côté gauche, de même que le rational ; mais il est simple à droite, parce que la vie présente, que symbolise le côté gauche, est sujette à beaucoup d’angoisses, et que pendant son cours nous ne pouvons pas manquer d’être exposés à la duplicité : car tantôt nous sommes enflés par la prospérité, tantôt brisés par l’adversité ; tantôt nous demandons les choses de la terre, tantôt nous désirons celles du ciel ; tanntôt nous sommes les esclaves du corps, tantôt les serviteurs de l’ame ; mais la vie future, qui est symbolisée par le côté droit, est toujours unie en un seul repos, ce que la Vérité même a marqué, quand elle a dit : « Marthe, Marthe, tu es pleine de sollicitude et tu te tourmentes pour beaucoup de choses. En somme, une seule est nécessaire : Marie a choisi la meilleure part, qui ne lui sera point enlevée. »

VII. Le pallium est encore double à gauche, afin quele prélat soit fort pour supporter les tourments de la vie présente ; simple à droite, afin qu’il soupire de toute son affection après le moment où il obtiendra le repos de la vie future, selon cette parole du Psalmiste : « J’ai demandé une seule chose au Seigneur, et je lui réitérerai ma demande : c’est d’habiter dans la maison du Seigneur pendant tous les jours de ma vie. »

Par là il n’y a aucune duplicité ou détour[5], mais la prospérité dans l’adversité, la joie sans la tristesse, et la félicité sans le malheur.

VIII. Les quatre croix de pourpre, ce sont les quatre vertus nécessaires au gouvernement (politicœ) spirituel, savoir : la justice, la force, la tempérance et la prudence, qui, si elles ne sont pas empourprées dans le sang de la croix du Christ, s’arrogent faussement le nom de vertus, et ne conduisent pas à la véritable gloire de la béatitude. C’est pourquoi le Seigneur dit aux apôtres : « Si votre justice n’est pas plus abondante que celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez pas dans le royaume des cieux. » C’est la pourpre du roi, teinte dans les canaux [des teinturiers], dont Salomon fait mention dans le Cantique des Cantiques. Celui donc qui est décoré de la gloire du pallium, s’il désire être ce qu’on a dit, doit avoir devant lui la justice, afin de rendre à chacun ce qui lui appartient ; derrière lui la prudence, afin de prendre garde à ce qui peut nuire à quelqu’un ; la force à gauche, afin que l’adversité ne l’écrase pas ; la tempérance à droite, afin que la prospérité ne l’enfle pas.

IX. Et on enfonce trois aiguilles sur le pallium, savoir : devant la poitrine, sur l’épaule gauche, et derrière le dos. On les a imaginées non pour piquer (ad pungendum), c’est-à-dire non pas à cause des épines (punctiones) de cette vie, mais pour joindre la planète et le pallium ensemble. D’où vient qu’anciennement on mettait sur les planètes certains anneaux par où l’on passait les aiguilles, avec lesquelles on fixait à la fois le pallium et la planète, afin que le pallium ne changeât pas de place. Cependant nous pouvons entendre par les trois aiguilles, sans lesquelles le pallium ne peut être convenablement mis par l’évêque, la Foi, l’Espérance et la Charité. Ces trois aiguilles signifient encore la compassion aux peines du prochain, l’administration de sa charge, et le discernement dans le jugement, dont la première pique l’ame par la douleur, la seconde par le travail, la troisième par la crainte. La première piquait l’Apôtre, lorsqu’il disait : « Quel est celui qui est malade, avec qui moi je ne sois pas malade ? Quel est celui qui est scandalisé, et avec qui moi je ne sois pas consumé ? » La seconde, quand disait : « Outre les choses du dehors, la sollicitude que j’ai pour toutes les églises me presse chaque jour. » La troisième piquait Job, quand il disait : « Si le juste sera à peine sauvé, que sera-ce de l’impie et du pécheur ? » On n’enfonce point l’aiguille sur l’épaule droite, parce que dans l’éternel repos il n’y a aucun aiguillon d’affliction, aucun fouet de piqûre. Car Dieu essuiera toute larme des yeux des saints ; il n’y aura jamais plus de mort, ni de deuil, ni de plainte, ni de douleurs au-delà de celles qui les premières s’en seront allées.

X. Or, l’aiguille doit être d’or ; par le bas elle est aiguë, par le haut ronde et contient une pierre précieuse : car, assurément, sur la terre le bon pasteur est très-accablé par le soin qu’il a de ses brebis ; mais il sera couronné dans les cieux, où il aura cette perle précieuse dont le Seigneur dit dans l’Évangile : « Le royaume des cieux est semblable à un homme qui faisait du commerce et qui recherchait les bonnes perles ; et, ayant trouvé une perle précieuse, il vendit tous ses biens et l’acheta. » Dans le pallium et avec lui est confirmée la plénitude de la charge pontificale.

XI. Voilà pourquoi, avant que d’être décoré du pallium, le métropolitain ne doit pas convoquer de concile, composer le chrême, ordonner des clercs dans sa province, consacrer des pontifes ou dédier des églises, ni prendre le nom d’archevêque, cependant quelques-uns disent qu’il pourrait, hors de sa province, lorsqu’il y est invité ou contraint, célébrer des ordinations en sa qualité de simple évêque et sans être revêtu du pallium. Il y en a aussi qui disent que si l’évêque est tel qu’il puisse se servir du pallium, il ne peut cependant donner la permission à un autre archevêque d’user du pallium dans son diocèse, à moins que ledit évêque soit exempt de porter le pallium ; et aussi qu’il en est de même pour un archevêque dans sa province, à moins qu’il n’y soit par hasard invité ou contraint ; mais alors il faut encore qu’il ait le privilège de pouvoir se servir du pallium hors de sa province, s’il y est invité. Mais ces choses sont plutôt de droit et de rigueur que d’étiquette (curialitatis), car il ne semble pas à celui qui regarde les choses avec un œil subtil, qu’il y ait autre chose dans un évêque exempt du pallium que dans un évêque qui ne l’est pas.

XII. Un métropolitain ne peut célébrer avec le pallium d’un autre, ni, par la même raison, être enseveli avec le pallium d’un autre, mais seulement avec le sien propre. Si un évêque orné du pallium est transféré à une autre église, on l’ensevelira avec le pallium qui lui a été accordé en second lieu. De même, un prélat revêtu du pallium, s’il vient à être transféré à une autre église, ne peut pas s’y servir du pallium obtenu dans la première église, parce qu’on ne le donne pas seulement par égard pour la personne, mais aussi pour le lieu. C’est pour cela qu’il ne peut pas s’en servir hors de la province qui lui a été assignée. Et si quelqu’un renonce à la dignité d’archevêque, il ne peut se servir davantage du pallium. Aucun évêque ne peut se servir du pallium qu’au dedans de l’église et pendant les divins offices. D’où vient que si, par hasard, il lui arrive de sortir pour une procession, ou pour aller prêcher, ou pour quelque autre chose de ce genre, il ne pourra sortir de l’église avec le pallium.

XIII. Or, on interdit régulièrement l’usage du pallium, si ce n’est dans les jours de solennité et dans ceux que chaque église a par privilèges, par exemple dans les festivités : de la Naissance du Seigneur, de saint Étienne, de saint Jean [l’évangéliste], de la Circoncision, de l’Épiphanie, des Rameaux, de la Cène du Seigneur (Jeudi saint), du Samedi saint ; pendant les trois jours qui suivent la Résurrection, l’Ascension, la Pentecôte ; [les fêtes] de saint Jean-Baptiste, de tous les Apôtres ; dans les quatre festivités de la bienheureuse Marie [l’Assomption], de saint Michel, de tous les Saints, et de saint Martin, qui est égal aux apôtres ; dans les festivités principales de l’Église ornée du pallium ; pour les dédicaces des églises, les consécrations des évêques, les ordinations des clercs, et l’anniversaire de la consécration du prélat revêtu du pallium. Quelques-uns ajoutent aussi les dimanches qui suivent la Résurrection ; ce qui, cependant, n’est pas en usage. On pourrait encore dire que partout où, dans sa province, le corps de quelque saint repose, le métropolitain, dans la fête de ce saint et aussi dans la principale fête de tout lieu de sa province, pourra, en s’y rendant, se servir du pallium et des sandales. Mais pour les funérailles des morts ou les bénédictions des mariés, il n’est pas permis de se servir du pallium, à moins que cela ne soit expressément formulé et contenu dans [le] privilège accordé à l’évêque de porter le pallium. L’évêque d’Ostie, qui consacre le pape, se sert du pallium, d’après l’institution du pape Marc ; ce que font aussi certains évêques par un privilège spécial, comme celui du Puy et ceux de la Pentapole [italienne]. [Extra de prœsum. cum in juventute.)

XIV. Enfin, il faut savoir que les pontifes romains qui on précédé le bienheureux Sylvestre sont représentés (depinguntur) portant les bandes du pallium roulées autour des épaules (car le prêtre de la loi, quand il sacrifiait, rejetait les extrémités de son baudrier sur ses épaules) ; ce qui signifie que leur juridiction et leur pouvoir, symbolisés par le pallium, ne furent pas libres alors comme depuis. Mais lui et ses successeurs les eurent libres et dégagés, et c’est pourquoi les bandes de leur pallium sont déroulées et étendues sur eux, et sont représentées pendantes devant et derrière. On peut dire aussi que les bandes, qui (comme on l'a dit plus haut) signifient les sollicitudes et les inquiétudes, pendent déroulées, depuis le temps du pape Sylvestre, à cause des biens temporels accordés à lui et à ses successeurs, lesquels ne peuvent être possédés sans sollicitude et sans inquiétude. Enfin, Bruno [d’Asti] dit que le Souverain-Pontife, entre les susdits ornements, porte le regnum et se sert de la pourpre, comme on l’a dit au chapitre de la Mitre, non comme un symbole, mais parce que l’empereur Constantin donna jadis tous les insignes de l’empire romain au bienheureux Sylvestre[6]. D’où vient que, dans les grandes processions, tout cet appareil du Pontife romain est déployé, ce qu’on avait seulement coutume de faire jadis pour les empereurs ; et le Pape est aussi couronné du diadème impérial.

  1. Pallium, 2, apud Du Cange, Gloss.
  2. Voir la note 42 page 439.
  3. L’auteur du Cérémonial romain (lib. i, sect. 10) donne, au sujet de confection du pallium, quelques détails intéressants que nous traduisons ici : « Le soin de confectionner et de garder les pallium appartient aux sous-diacres apostoliques, qui les font de laine pure et blanche en la manière qui suit : Les religieuses du monastère de Sainte-Agnès, ou les religieux qui sont dans cette église, offrent chaque année deux agneaux blancs sur l’autel de cette église, le jour de la festivité de sainte Agnès, pendant qu’à la messe solennelle on chante l’Agnus Dei ; ces agneaux sont reçus par deux chanoines de l’église de [Saint-Jean-de-] Latran, et par eux ensuite confiés aux sous-diacres apostoliques, qui envoient ces mêmes agneaux dans les pâturages, jusqu’à ce que vienne le temps opportun pour les tondre. On tond la laine sur ces agneaux, on la mêle avec une autre laine blanche et pareillement propre, et on la réduit en fil dont on fait les pallium à la largeur de trois doigts ramenés en cercle, afin que de cette façon ils entourent les épaules des prélats. Sur la poitrine et sur les reins, le pallium a une bande qui pend de la longueur d’un palme, et dont l’extrémité est garnie de petites lames de plomb de la même largeur et arrondies par le bout, couvertes de soie noire et cousues sur les bandes qui pendent devant et derrière et sur les deux épaules. Les pallium étant ainsi faits, sont portés par les sous-diacres à la basilique du prince des Apôtres, et placés par les chanoines de la basilique sur les corps de [saints] Pierre et Paul, apôtres, sous le maître-autel (sub majori altari), où, après qu’on a célébré, selon la coutume, les vigiles pendant la nuit, on les ôte de là, et ensuite on les rend aux sous-diacres, qui les gardent dans un endroit convenable. » C’est de là qu’on dit que les pallium sont pris de dessus le corps de saint Pierre.
      Le camérier Cencius (ou Cenci) parle de la manière dont le Pape confère le pallium ; voici ce qu’il en dit (in Ceremoniali) : « Le prieur de Saint-Laurent, membre du sacré palais, met sur l’autel le pallium, qu’il doit apprêter de sa propre main, et aussitôt l’archidiacre, avec le second diacre, le donne au pontife [l’évpque], et le seul archidiacre lui dit : Reçois le pallium, c’est-à-dire la plénitude de la charge pontificale, pour l’honneur du Dieu tout-puissant et de la très-glorieuse Vierge sa mère, et des bienheureux apôtres Pierre et Paul [et S. R. E.) et de la sainte Église romaine, et rien autre chose. Et à l’instant l’archidiacre, avec le prieur de la basilique (basilicarius), met le pallium sur les épaules du pontife, en faisant entrer devant et derrière et au côté gauche trois aiguilles d’or, sur la tête desquelles sont enchâssées trois pierres d’hyacinthe ; et ainsi orné, le pontife s’approche de l’autel et y célèbre solennellement la messe. »
  4. Le mot stabulum, employé par Durand, semble renfermer un sens mystique d’une très-grande élévation. N’est-ce pas, en effet, dans l’étable (in stabulo) de Bethléem que J.-C. a posé le premier appareil sur les blessures spirituelles du genre humain ? Et si nous adoptons le sens d’hôtellerie, nous pouvons dire que Bethléem est la maison du pain, où l’homme fut non-seulement guéri, mais encore nourri par ce Dieu qui voulut reposer dans la mangeoire de vils animaux. Quelle richesse dans la langue du moyen-âge !
  5. Sive ruga ; ce mot a le sens de rue dans le bas-latin, et, dans le principe, signifiait les détours que décrit un ruisseau ou le cours d’une fontaine. La forme tortueuse des anciennes rues percées dans les vici primitifs ou pâtés de maisons servant à la demeure de tous les membres d’un même corps d’état, leur a fait donner avec raison le nom de ruga, rugæ.
  6. [Deinde diadema, videlicet coronam capitis nominis nostri, simulque phrygium, necnon et superhumerale, videlicet lorum, quod impériale circundare assolet collum.] V. Anastasius in Vit. Pontif. roman., p. 12 et 255, De donatione Constantini magni.