Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale/08

Traduction par M. Levêque.
C. Reinwald (p. 213-249).


CHAPITRE VI

Dénudation du sol. (Continuation).


La dénudation du sol est accélérée par les déjections récemment déposées qui coulent le long des surfaces en pente couvertes de gazon. — Quantité de terre coulant en bas chaque année. — Effet des pluies tropicales sur les déjections des vers. — Les particules les plus fines de la terre sont complètement enlevées aux déjections par la pluie. — Désagrégation en boulettes des déjections sèches et leur roulement en bas des surfaces en pente. — Formation de petits rebords sur le flanc des collines, dus en grande partie à l’accumulation des déjections désagrégées. — Déjections poussées sous le vent au-dessus d’un sol horizontal par les mouvements de l’air. — Tentative faite pour déterminer le montant de terre ainsi emportée. — Dégradation de campements anciens et de tumulus. — Préservation des billons et sillons sur un sol anciennement labouré. — Formation de terre végétale au-dessus de la craie et quantité de cette terre.


Nous avons maintenant recueilli les informations préliminaires nécessaires pour considérer le rôle direct joué par les vers dans la dénudation du sol. Autrefois, en réfléchissant à la dénudation sous-aérienne, il me semblait, à moi comme à d’autres, qu’une surface à peu près horizontale ou très faiblement inclinée, recouverte de gazon, ne pouvait pas subir de perte, même pendant un long espace de temps. Cependant, on pourrait alléguer que des pluies torrentielles et des trombes survenues à de longs intervalles pourraient finir par enlever toute la terre sur une pente très faible ; mais en examinant les pentes escarpées et gazonnées de Glen Roy, je fus frappé du fait qu’un tel événement fût arrivé si rarement depuis la période glaciaire, comme cela était évident d’après l’état de parfaite conservation des trois « chemins » ou bords du lac successifs. Mais, grâce à l’action des vers, on n’a plus de difficulté à croire que de la terre en quantité quelque peu appréciable puisse être emportée d’une surface légèrement inclinée, couverte de végétation et entrelacée de racines. Car les nombreuses déjections déposées pendant la pluie ou peu de temps après une forte averse, coulent à une certaine distance le long de la surface inclinée ; en outre, une grande quantité de terre pulvérisée, la plus fine, est complètement enlevée aux déjections par la pluie. Par un temps sec, les déjections se désagrègent souvent en petites boulettes arrondies, et celles-ci roulent souvent en bas par leur propre poids. Ceci est tout spécialement sujet à arriver quand elles sont mises en mouvement par le vent, et probablement aussi par le contact d’un animal, quelque petit qu’il soit d’ailleurs. Nous verrons aussi qu’une brise forte pousse sous le vent toutes les déjections pendant qu’elles sont encore molles, même dans un champ horizontal ; et il en est de même des boulettes, quand elles sont sèches. Si le vent souffle à peu près dans la direction de l’inclinaison de la surface, cela favorise beaucoup la descente des déjections sur la pente.

Les observations sur lesquelles sont fondées ces diverses données doivent être rapportées avec quelques détails. Les déjections, quand elles viennent d’être déposées, sont visqueuses et molles ; pendant la pluie, époque à laquelle les vers les déposent avec une prédilection marquée, elles sont encore plus molles, de sorte que j’ai quelquefois pensé que les vers doivent avaler beaucoup d’eau en ce temps-là. Quoi qu’il en puisse être, la pluie, longtemps continuée, si elle n’est pas trop forte, rend les déjections fraîchement déposées demi-fluides ; et, sur un sol horizontal, elles s’étendent en disques étroits, circulaires, plats, absolument comme le ferait une quantité semblable de miel ou de mortier très mou, en perdant toute trace de leur structure vermiforme. Ce dernier fait a quelquefois été rendu évident, lorsque, par exemple, un ver s’est ultérieurement frayé un passage à travers un de ces disques plats, circulaires, et a amassé au centre une nouvelle masse vermiforme. J’ai vu à plusieurs reprises de ces disques plats et affaissés en beaucoup d’endroits et sur des sols de toute sorte.

Glissement de déjections mouillées et roulement de déjections sèches en voie de désagrégation le long de surfaces en pente. — Quand pendant une forte pluie, ou peu de temps après, les déjections sont déposées sur une surface en pente, elles ne peuvent manquer de glisser un peu vers le bas. C’est ainsi que le 22 octobre 1872, après plusieurs jours de pluie, je trouvai sur quelques pentes escarpées du Knowle Park, couvertes d’herbe grossière, et évidemment dans cet état, de temps immémorial, je trouvai, dis-je, presque toutes les déjections, nombreuses d’ailleurs, allongées considérablement dans le sens de la pente, et elles consistaient alors en masses lisses, seulement légèrement coniques. Partout où l’on a pu trouver l’ouverture des galeries par lesquelles la terre avait été rejetée, il y avait plus de terre en aval qu’en amont. Après quelques jours d’averses (25 janvier 1872), on visita deux champs assez escarpés près de Down ; ils avaient autrefois été labourés et se trouvaient maintenant recouverts d’herbe chétive assez menu parsemée, et un grand nombre de déjections s’étendaient sur une longueur de 5 pouces de la pente, ce qui était deux ou trois fois autant que le diamètre ordinaire des déjections déposées sur les parties horizontales des mêmes champs. Sur quelques belles pentes gazonnées du Holwood Park, inclinées sous un angle de 8° à 11° 30’, où la surface semblait n’avoir jamais été dérangée par la main de l’homme, il y avait une quantité extraordinaire de déjections : un espace de 16 pouces de longueur en travers de la pente et de 6 pouces dans le sens de celle-ci, était complètement revêtu, entre les brins d’herbe, d’une couche uniforme de déjections confluentes et affaissées. Ici aussi les déjections avaient en beaucoup d’endroits coulé le long de la pente, et elles formaient maintenant des plaques de terre lisses, étroites, de six à 7 1/2 pouces de longueur. Quelques-unes de ces plaques consistaient en deux déjections, l’une au-dessus de l’autre, et elles étaient si complètement confluentes qu’elles ne pouvaient guère se distinguer. Dans mon pré recouvert d’un gazon très fin, la plupart des déjections sont noires, mais quelques-unes sont jaunâtres, parce que la terre apportée à la surface provient d’une profondeur plus grande que d’ordinaire ; or, après une forte pluie, on peut voir nettement un coulement dans ces déjections jaunâtres, là où la pente était de 5° et là où elle était moindre de 1° ; on pourrait encore découvrir quelque marque de coulement le long de la pente. Dans une autre occasion, après une pluie qui n’avait pas été forte, mais avait duré 18 heures, toutes les déjections sur ce même pré légèrement incliné, avaient perdu leur structure vermiforme et elles avaient coulé, de sorte que deux bons tiers de la terre rejetée gisaient en aval de l’ouverture des galeries.

Ces observations m’amenèrent à en faire d’autres plus exactes que les premières. Dans mon pré, où les brins d’herbe sont fins et serrés l’un contre l’autre, on prit huit déjections et trois autres dans un champ à herbe grossière. L’inclinaison de la surface, aux onze endroits où avaient été recueillies les déjections, variait entre 4° 30’ et 17° 30’ ; la moyenne des onze inclinaisons étant de 9° 26’. La longueur des déjections dans le sens de la pente fut d’abord mesurée avec autant d’exactitude que le permettaient leurs irrégularités. On a trouvé le moyen de prendre ces mesures à 1/8 de pouce près, mais une des déjections était trop irrégulière pour être mesurée. La longueur moyenne des dix déjections restantes était, dans la direction de la pente, de 2,03 pouces. On partagea alors avec un couteau les déjections en deux parties, le long d’une ligne horizontale passant par l’ouverture de la galerie, et on mit celle-ci à nu en coupant l’herbe ; puis, on recueillit la terre déposée séparément, d’une part celle en amont du trou, et d’autre part celle en aval. Plus tard on pesa les deux. Dans chacun des cas, il y eut beaucoup plus de terre en aval qu’en amont ; le poids moyen de celle en amont étant de 103 grains, et de celle en aval de 205 ; ce dernier était ainsi, à très peu près, le double du premier. Comme, sur un sol horizontal, les déjections sont d’ordinaire déposées d’une façon presqu’égale tout autour de l’ouverture des galeries, la différence dans le poids indique le montant de terre rejetée qui a coulé le long de la pente. Mais il faudrait un nombre d’observations bien plus considérable pour arriver à quelque résultat général ; car la nature de la végétation et d’autres circonstances accidentelles, telles que la force de la pluie, la direction et la violence du vent, etc., paraissent avoir plus d’influence sur la quantité de terre qui coule le long d’une pente, que n’en a l’angle sous lequel cette pente est inclinée. C’est ainsi que pour quatre déjections dans mon pré (comprises dans les onze précédentes), où la pente est en moyenne de 7° 19’, la différence dans le montant de la terre en amont et en aval des galeries était plus grande que pour trois autres du même pré, dans un endroit où la pente moyenne était de 12° 5’.

Nous pouvons néanmoins prendre les onze cas précédents qui sont exacts dans la mesure de leur portée, et calculer le poids de la terre rejetée coulant chaque année le long d’une pente d’une inclinaison moyenne de 9° 26’. C’est ce qu’a fait mon fils Georges. Il a montré que presqu’exactement deux tiers de la terre rejetée se trouvent en aval de l’ouverture de la galerie, et un tiers en amont. Or, si les deux tiers gisant en aval du trou sont divisés en deux parties égales, la moitié supérieure de ces deux tiers contrebalancera exactement le tiers en amont du trou ; de sorte que pour ce qui concerne le tiers en amont et la moitié supérieure des deux tiers en aval, il n’y a pas de terre qui ait coulé en bas de la colline. La terre constituant la moitié inférieure des deux tiers est cependant déplacée à des distances qui sont différentes pour chaque partie, mais que l’on peut représenter par la distance entre le trou et le point médian de la moitié inférieure des deux tiers. La distance moyenne de déplacement est ainsi la moitié de la longueur totale de la déjection. La longueur moyenne de dix des déjections par les onze indiquées plus haut, était de 2,03 pouces, dont la moitié peut être regardée comme égale à un pouce. On est donc en droit de conclure qu’un tiers de toute la terre apportée à la surface a été dans ces cas entraînée le long d’une pente sur l’espace d’un pouce.

Nous avons montré au chapitre III que dans la prairie de Leith Hill, une masse de terre sèche, pesant au moins 7l453, a été apportée par les vers à la surface sur une toise carrée dans l’espace d’un an. Si on trace, sur le flanc d’une colline, une toise carrée dont deux des côtés soient horizontaux, il est clair que seulement 1/36 de la terre apportée à la surface de cette toise carrée sera assez près de sa base pour la dépasser, à supposer que le déplacement de la terre soit d’un pouce. Mais il semble que seulement 1/3 de la terre rejetée puisse être considéré comme coulant en bas ; par suite 1/3 de 1/36 ou 1/108 de 7,453 dépassera la base de notre toise carrée en un an. Or, 1/108 de 7l453 fait 1,1 once. Conséquemment, tous les ans, 1,1 once de terre sèche dépassera chaque toise linéaire courant horizontalement le long d’une pente ayant l’inclinaison précédente ; ou très approximativement 7 livres de terre dépasseront tous les ans une ligne horizontale longue de 100 toises sur le flanc d’une colline de cette inclinaison.

On peut faire un compte plus exact, bien que très grossier encore, de la masse de terre qui, dans son état d’humidité naturelle, coule par an le long de la même pente par-dessus une ligne longue d’une toise, tirée horizontalement à travers elle. D’après les différents exemples donnés dans le chapitre III, on sait que les déjections apportées annuellement à la surface sur une toise carrée formeraient une couche de 0,2 de pouce d’épaisseur, si on les disséminait uniformément : d’un calcul semblable à celui déjà donné, il résulte donc que 1/3 de 2 36 ou 2,4 pouces cubiques de terre humide dépasseront chaque année une ligne horizontale longue d’une toise sur le flanc d’une colline ayant l’inclinaison dite plus haut. On a trouvé que la masse des déjections humides pesait 1,85 once. Par conséquent, il y aurait 11,56 livres de terre humide au lieu de 7 livres de terre sèche comme par le calcul précédent, qui passeraient chaque année une ligne longue de 100 toises sur la surface inclinée. Dans ces calculs-ci, on a admis que les déjections coulent à une certaine distance pendant toute l’année, mais cela n’arrive que pour celles rejetées pendant la pluie ou peu de temps après ; les résultats précédents sont par suite exagérés d’autant. D’un autre côté, pendant la pluie, beaucoup de la terre la plus fine est emportée à une distance considérable des déjections, même quand la pente est extrêmement douce, et cette terre est ainsi tout à fait perdue, du moins pour les calculs de tout à l’heure. Les déjections déposées par un temps sec perdent de la même manière, quand elles ont durci, une quantité considérable de terre fine. Les déjections desséchées sont d’ailleurs capables de se désagréger en petites boulettes, qui souvent roulent en bas de toute surface en pente, ou bien elles sont emportées par le vent. Ainsi donc, le résultat cité plus haut, c’est-à-dire que 2,4 pouces cubiques de terre (pesant 1,85 once à l’état humide) dépassent par an une ligne longue d’une toise de la sorte déjà indiquée, n’est probablement pas fort exagéré, si même il l’est de quelque façon.

C’est là une quantité bien faible ; mais il faut songer combien de vallées se ramifient et divisent la plupart des pays, leur longueur totale doit être très grande, et cette terre est continuellement en train de descendre le long des deux flancs gazonnés de chaque vallée. Pour chaque 100 toises de longueur dans une vallée à côtés inclinés comme dans les cas précédents, il y aura chaque année 480 pouces cubiques de terre humide pesant plus de 23 livres qui atteindront le fond de cette vallée. Là, il s’accumulera un épais lit d’alluvium prêt à être emporté par les eaux dans le cours des siècles, à mesure que le fleuve courant au milieu fera son cours sinueux d’un côté à l’autre.

Si l’on pouvait montrer que les vers creusent généralement leurs galeries à angles droits sur une surface inclinée, et ce serait là le chemin le plus court pour eux pour apporter à la surface la terre venant de dessous, alors les vieilles galeries s’écroulant par le poids du sol superposé, l’écroulement amènerait inévitablement l’affaissement ou le glissement lent du lit entier de terre végétale le long de la surface inclinée. Mais on trouva par trop difficile et pénible de déterminer la direction d’un grand nombre de galeries. Un fil de fer droit fut cependant poussé dans 25 galeries dans différents champs en pente, et dans 8 cas les galeries étaient presque à angle droit sur la pente, tandis que dans les autres cas elles étaient indifféremment dirigées à des angles divers, soit en haut, soit en bas, par rapport à la pente.

Dans les pays ou les pluies sont très fortes, comme sous les tropiques, les déjections paraissent, comme on aurait pu s’y attendre, être emportées en plus grande partie le long des pentes qu’en Angleterre. M. Scott m’informe que, près de Calcutta, les grandes déjections en colonnes (précédemment décrites) dont le diamètre est d’ordinaire de 1 pouce à 1 1/2, s’affaissent après une forte pluie sur une surface horizontale, en disques presque circulaires, minces et plats, de 3 à 4 et quelques fois cinq pouces de diamètre. Trois déjections qui avaient été fraîchement déposées dans le jardin botanique « sur un talus artificiel légèrement incliné d’argile, visqueuse et recouvert de gazon », furent mesurées soigneusement et elles avaient une hauteur moyenne de 2,18, et un diamètre moyen de 1,43 pouce ; après une forte pluie, elles formaient des plaques allongées de terre avec une longueur de 5,83 pouces en moyenne dans la direction de la pente. La terre s’étant étendue très peu en haut de la pente, une grande partie, à en juger d’après le diamètre originaire de ces déjections, a dû couler tout d’une pièce en bas, à peu près de 4 pouces. En outre, une part de la terre la plus fine dont elles sont composées doit avoir été complètement enlevée par la pluie à une distance encore plus grande. Dans des endroits secs, près de Calcutta, une espèce de vers dépose ses déjections, non en masses vermiformes, mais en petites pelottes de grandeur variable : elles sont très nombreuses en certains lieux, et M. Scott dit « qu’elles sont emportées par chaque ondée. »

J’ai été amené à penser qu’une quantité considérable de terre fine est complètement enlevée aux déjections pendant la pluie, par suite de ce que la surface des plus vieilles était souvent parsemée de particules grossières. En conséquence, on prit un peu de précipité fin de carbonate de chaux humecté de salive ou d’eau gommée, de manière à le rendre légèrement visqueux et de la même consistance qu’une déjection de fraîche date, et on en mit sur le sommet de plusieurs déjections et le mêla doucement à elles. Ces déjections furent alors arrosées avec une tête d’arrosoir très fine, dont les gouttes étaient plus serrées ensemble que celles de la pluie, mais bien moins grosses que celles d’une pluie d’orage, elles ne frappaient point non plus sur le sol avec autant de force que les gouttes d’une forte pluie. Une déjection traitée de la sorte s’affaissa avec une lenteur surprenante, grâce, je suppose, à sa viscosité. Elle ne coula pas tout d’une pièce le long de la pente gazonnée du pré, qui était ici inclinée sous un angle de 16° 20’ ; néanmoins on trouva un grand nombre des particules de la craie 3 pouces en aval de la déjection. On répéta cette expérience sur trois autres déjections en des parties différentes du pré, inclinées sous des angles de 2° 30’, 3° et 6°, et on put voir des particules de craie entre 4 à 5 pouces en aval de la déjection, et quand la surface fut sèche, on trouva en deux cas des particules à une distance de 5 à 6 pouces. Plusieurs autres déjections avec du précipité de carbonate de chaux à leur sommet furent abandonnées à l’action naturelle de la pluie. Dans l’un des cas, après une pluie pas trop forte, la déjection était sillonnée de raies longitudinales blanches. Dans deux autres cas, la surface du sol fut un peu blanchie sur une distance d’un pouce à partir de la déjection, et du sol recueilli à une distance de 2 1/2 pouces, là où la pente était de 7°, faisait légèrement effervescence, quand on en mettait dans de l’acide. Une ou deux semaines après, la chaux avait complètement, ou presque complètement disparu de toutes les déjections sur lesquelles on en avait mis, et celles-ci avaient recouvré leur couleur naturelle.

Nous remarquerons ici, qu’après des pluies très fortes, on peut voir sur des champs horizontaux ou à peu près de niveau des mares peu profondes, là où le sol n’est pas très poreux ; l’eau dans ces mares est souvent un peu bourbeuse ; quand ces petites mares ont séché, les feuilles et les brins d’herbe du fond sont en général recouverts d’une mince couche de boue. Je crois que cette boue provient en grande partie de déjections récemment déposées.

M. le Dr King me fait savoir que la majorité des déjections gigantesques décrites plus haut et trouvées par lui sur un monticule tout à fait à découvert, nu et couvert de gravier dans les Monts Nilgiri aux Indes, avaient été plus ou moins atteintes par la mousson nord-est précédente, et la plupart d’entre elles avaient l’air de s’être affaissées. Ici, les vers ne déposent leurs déjections que pendant la saison des pluies ; à l’époque de la visite de M. le Dr King, la pluie était tombée depuis 110 jours. Il examina avec soin le sol entre l’endroit où gisaient ces déjections énormes et un petit cours d’eau au pied du monticule, mais nulle part il n’y avait d’accumulation quelconque de terre fine, comme la désagrégation des déjections y en aurait certainement laissé, si celles-ci n’avaient pas été enlevées en entier. Il n’hésita donc pas à affirmer que la totalité de ces déjections énormes est chaque année emportée par la pluie dans le petit cours d’eau pendant les deux moussons (et alors il tombe environ 100 pouces de pluie), de ce cours d’eau la terre passe ensuite dans les plaines en aval, à une profondeur de 3,000 à 4,000 pieds.

Des déjections déposées avant la sécheresse ou pendant celle-ci, durcissent quelquefois même d’une façon surprenante, par suite de ce que les particules de terre ont été cimentées ensemble par les sécrétions intestinales. La gelée parait moins agir qu’on n’aurait pu s’y attendre sur leur désagrégation. Néanmoins, elles tendent à se séparer en petites boulettes, quand elles ont été alternativement humectées par la pluie et séchées de nouveau. Celles qui, pendant la pluie, ont coulé le long d’une pente, se désagrègent de la même manière. Souvent, de ces petites boulettes roulent un peu le long d’une surface inclinée quelconque, leur descente étant quelquefois puissamment favorisée par le vent. Tout le fond d’un large fossé à sec, dans ma propriété, où il y avait fort peu de déjections de fraîche date, était complètement recouvert de ces boulettes ou déjections désagrégées qui avaient roulé en bas de pentes escarpées, inclinées sous un angle de 27°.

Dans les environs de Nice, dans les endroits où abondent les grandes déjections cylindriques décrites plus haut, le sol consiste en argile arénaceo-calcaire très fine ; et M. le Dr King me communique que ces déjections sont extrêmement sujettes à s’émietter en petits fragments par le temps sec, et ceux-ci subissent bientôt l’influence de la pluie et s’affaissent jusqu’à ne plus se distinguer du sol environnant. Il m’a envoyé une masse de ces déjections désagrégées recueillies au sommet d’un talus où aucune n’avait pu rouler de plus haut. Elles devaient avoir été déposées dans les 5 à 6 mois précédents, mais alors elles consistaient en fragments de toute grandeur, plus ou moins arrondis, depuis 3/4 de pouces de diamètre jusqu’à de petits grains et de simple poussière. M. le Dr King a suivi les progrès de l’émiettement en desséchant des déjections parfaitement conservées qu’il m’a envoyées ensuite. M. Scott a fait aussi des observations sur l’émiettement des déjections près de Calcutta et dans les montagnes du Sikkim pendant la saison chaude et sèche.

Quand les déjections près de Nice avaient été déposées sur une surface inclinée, les fragments désagrégés roulaient en bas sans perdre leur forme distinctive, et en certains endroits on pouvait les recueillir « par paniers ». M. le Dr King a observé un exemple frappant de ce fait sur la route de la Corniche, où une tranchée d’environ 2 1/2 pieds de largeur et de 9 pouces de profondeur avait été ouverte pour recueillir les eaux de drainage de la surface de la pente adjacente. Le fond de ce fossé était couvert, sur une distance de plusieurs centaines de toises, d’une assise de déjections en fragments ayant encore leur forme caractéristique, assise épaisse de 1 1/2 à 3 pouces. Ces fragments innombrables avaient presque tous roulé d’en haut, car extrêmement peu de déjections avaient été déposées dans le fossé même. Le flanc de la colline était escarpé, mais son inclinaison variait beaucoup ; M. le Dr King estime qu’il formait un angle de 30° à 60° avec l’horizon. Il grimpa en haut de la pente et, « çà et là, il trouva de petites digues formées par des fragments des déjections arrêtées dans leur descente par des irrégularités de la surface, telles que des pierres, des branches, etc. Un petit groupe d’anemone hortensis avait agi de même manière, et il s’était amassé autour de ces plantes tout un petit remblai de terre. Une grande partie s’était émiettée, mais une bonne part avait encore la forme de déjections. » M. le Dr King déterra ces plantes et il fut frappé de l’épaisseur du sol qui avait dû s’accumuler dans les derniers temps au-dessus de la cime du rhizome, comme le montrait la longueur des pétioles étiolés en comparaison de ceux d’autres plantes de la même espèce, où il n’y avait pas eu d’accumulation pareille. La terre ainsi accumulée avait, sans doute (comme je l’ai vu partout), été fixée par les racines les plus petites des plantes. Après avoir décrit cet exemple et d’autres analogues, M. le Dr King dit en concluant : « Je n’ai pas de doute que les vers ne contribuent puissamment au phénomène de la dénudation. »

Bordures de terre sur des pentes escarpées. — De petites bordures horizontales, l’une au-dessus de l’autre, ont été observées dans beaucoup de parties du monde sur des pentes escarpées couvertes de gazon. On a attribué leur formation à des animaux passant à plusieurs reprises dans les mêmes lignes horizontales le long de la pente pendant qu’ils cherchent leur nourriture, et il est bien certain qu’ils se meuvent de la sorte et se servent des bordures ; mais un observateur très exact, M. le professeur Henslow, dit à sir J. Hooker qu’il était convaincu que ce n’était pas là la seule cause de leur formation. Sir J. Hooker a vu de ces bordures dans les chaînes de l’Himalaya et de l’Atlas, où il n’y a pas d’animaux domestiques, et où les animaux sauvages sont rares. Mais ces derniers se servent probablement des bordures la nuit pour aller pâturer, comme nos animaux domestiques. Un de mes amis a fait pour moi des observations sur les bordures des Alpes de la Suisse ; il dit qu’elles courent à 3 ou 4 pieds l’une au-dessus de l’autre, et ont environ 1 pied de largeur ; les pieds des vaches au pâturage y avaient laissé des creux profonds. Ce même ami a observé des bordures analogues sur nos falaises de craie et sur un vieux talus de fragments de craie (provenant d’une carrière) qui s’était revêtu de gazon.

Mon fils Francis a examiné une falaise de craie, près de Lewis ; dans une partie très escarpée, faisant angle de 40° avec l’horizon, il y avait à peu près une trentaine de bordures peu élevées, s’étendant horizontalement sur une longueur de plus de 100 toises et à environ 20 pouces en moyenne de distance l’une au-dessus de l’autre. Elles avaient de 9 à 10 pouces de largeur. Regardées à distance, elles présentaient une apparence frappante par leur parallélisme, mais examinées de plus près, on voyait qu’elles étaient un peu sinueuses et se perdaient souvent l’une dans l’autre, ce qui donnait l’apparence d’une bordure qui se serait bifurquée. Elles sont formées de terre de couleur claire ; cette terre avait dans l’un des cas 9 pouces d’épaisseur à l’extérieur, là où se trouvait le maximum ; et, dans un autre cas, elle avait de 6 à 7 pouces d’épaisseur. Au-dessus des bordures, l’épaisseur de la terre recouvrant la craie était, dans le premier cas, de 4 pouces, et dans le second, de 3. L’herbe poussait mieux sur les lignes extérieures des bordures que sur toute autre partie de la pente, et là elle formait une frange touffue. Leur partie moyenne était dénudée ; quant à savoir si cela venait du piétinement des brebis, c’est ce que mon fils n’a pu déterminer avec certitude. Il n’a pas pu non plus déterminer quelle proportion de la terre des parties moyennes dénudées provenait de déjections désagrégées qui auraient roulé d’en haut ; mais, certainement, il en venait peu de cette manière, et il était évident que les bordures avec leurs lignes frangées d’herbes devaient arrêter tout petit objet roulant de haut en bas.

À l’une des extrémités ou faces du talus portant ces bordures, la surface consistait en plages de craie nue, et là les bordures étaient fort irrégulières. À l’autre extrémité du talus, la pente cessait brusquement d’être escarpée, et là les bordures cessaient aussi un peu brusquement ; mais il y avait encore de petites digues d’un pied à deux de longueur. La pente devenait plus escarpée vers le bas de la colline, et alors les bordures reparaissaient régulièrement. Un autre de mes fils a observé, du côté de Beachy Head, situé vers l’intérieur, là où la surface est inclinée sous un angle d’environ 25°, un grand nombre de petites digues de courte étendue semblables à celles que je viens d’indiquer. Elles s’étendaient horizontalement et étaient de quelques pouces jusqu’à 2 à 3 pieds de longueur. Elles supportaient des touffes de gazon d’une végétation vigoureuse. L’épaisseur moyenne de la terre végétale dont elles étaient formées était, d’après neuf mesures prises, de 4,5 pouces ; tandis que celle de la terre végétale en amont et en aval était seulement en moyenne de 3,2 pouces, et de chaque côté au même niveau de 3,1 pouces. Dans les parties supérieures de la pente, ces endiguements ne montraient pas trace de piétinement par les brebis, mais dans les portions inférieures on en voyait des signes bien manifestes. Là, il n’y avait pas eu de longues bordures continues déformées.

Si les petits endiguements en amont de la route de la Corniche, que M. le Dr King vit en voie de formation par l’accumulation de déjections désagrégées et roulées, venaient à confluer le long de lignes horizontales, il y aurait des bordures de formées. Chaque endiguement tendrait à gagner latéralement par l’extension latérale des déjections arrêtées dans leur descente ; et des animaux pâturant sur une pente escarpée profiteraient presqu’à coup sûr de chaque saillie à peu près au même niveau et échancreraient le gazon dans l’intervalle ; et à leur tour ces échancrures intermédiaires arrêteraient de nouveau les déjections. Une bordure irrégulière une fois formée, tendrait aussi à devenir plus régulière et horizontale, parce que quelques-unes des déjections rouleraient latéralement des parties élevées aux inférieures et relèveraient ainsi ces dernières. Toute partie saillante située en aval d’une bordure ne recevrait point par la suite de matières désagrégées de la partie supérieure et tendrait à disparaître par la pluie et les autres agents atmosphériques. Il y a une certaine analogie entre la formation de ces bordures, telle que nous la supposons ici, et celle des rides du sable, poussé par le vent, telles que les décrit Lyell[1].

Les flancs escarpés et recouverts d’herbe d’une vallée montagneuse de Westmoreland, appelée Grisedale, étaient marqués en beaucoup d’endroits d’innombrables petites bordures presque horizontales ou plutôt comme de lignes de falaises en miniature. Leur formation n’avait rien à faire avec l’action des vers, car nulle part il n’y avait de déjections visibles (et cette absence est un fait inexplicable). Pourtant le gazon reposait en bien des endroits sur une couche puissante d’argile à galets et de débris de moraine. Autant que j’ai pu en juger, la formation de ces petites falaises n’est pas du tout en rapport avec le piétinement des vaches ou des brebis. Il semble que la terre un peu argileuse de la surface ait, tandis qu’elle était encore tenue partiellement par les racines des herbes, glissé en masse sur une petite étendue le long des flancs de la montagne, et, qu’en glissant ainsi, elle ait cédé et ait été brisée en lignes horizontales transversalement à la pente.

Déjections poussées par le vent dans la direction dans laquelle il souffle. — Nous avons vu que la plupart des déjections humides coulent le long de toute surface inclinée et que des déjections désagrégées y roulent ; maintenant nous allons voir que des déjections récemment déposées sur une surface horizontale, couverte de gazon, sont poussées sous le vent par les ouragans accompagnés de pluie. C’est ce que j’ai bien des fois observé sur un grand nombre de champs pendant plusieurs années de suite. Après ces tempêtes, les déjections présentent dans la direction d’où souffle le vent une surface légèrement inclinée et unie ou quelquefois sillonnée, tandis que dans la direction dans laquelle le vent souffle, elles sont fortement inclinées ou à pic, de sorte qu’elles ressemblent en miniature à de petites collines de roc sur un fond de glacier. Elles sont souvent caverneuses du côté sous le vent, la partie supérieure ayant été recourbée au-dessus de l’inférieure. Pendant un ouragan du sud-ouest d’une rare violence, accompagné de torrents de pluie, beaucoup de déjections furent entièrement emportées sous le vent, de sorte que l’ouverture des galeries resta à nu et exposée du côté du vent. Des déjections fraîches coulent naturellement le long d’une surface inclinée, mais sur un champ couvert d’herbe et d’une pente de 10° à 15° on en trouva plusieurs, après une forte tempête, que le vent avait poussées de bas en haut de la pente. C’est ce qui est aussi arrivé en une autre occasion dans une autre partie de ma prairie, où la pente était un peu moindre. Dans un troisième cas, les déjections qui se trouvaient sur les flancs escarpés et gazonnés d’une vallée, qu’une brise avait balayés de haut en bas, étaient dirigées obliquement par rapport à la pente, au lieu de l’être directement dans son sens ; ce qui évidemment était dû à l’action combinée du vent et de la pesanteur. Dans ma prairie, où l’inclinaison est de 0° 45’, 1°, 3° et 3° 30’ (moyenne 1° 49’) dans la direction du nord-est, après une forte brise du sud-ouest accompagnée de pluie, on partagea quatre déjections par une ligne passant par l’ouverture des galeries et on les pesa de la manière précédemment décrite. Le poids moyen de la terre en aval de l’ouverture des galeries et sous le vent était à celui en amont des ouvertures et du côté du vent dans la proportion de 2 3/4 à 1 ; tandis que nous avons vu que pour plusieurs déjections qui avaient coulé le long de pentes d’une inclinaison moyenne de 9° 26’ et pour trois déjections où l’inclinaison était de plus de 12°, la proportion du poids de la terre en aval des galeries à celle en amont n’était que de 2 à 1. Ces différents cas montrent la puissance des coups de vent accompagnés de pluie, pour déplacer des déjections fraîchement déposées. Nous sommes donc en droit de conclure que même un vent modéré produira un léger effet sur elles.

Après leur désagrégation en fragments ou boulettes de petite dimension, les déjections sèches et durcies sont quelquefois, et probablement souvent, poussées sous le vent par une forte brise. C’est ce que j’ai observé en quatre occasions, mais je n’ai pas suffisamment poursuivi la question. Une déjection d’ancienne date sur un talus légèrement en pente fut complètement emportée par un fort vent de sud-ouest. M. le Dr King pense que le vent enlève la plus grande partie des vieilles déjections qui tombent en poussière dans les environs de Nice. On marqua avec des épingles plusieurs déjections dans ma prairie et on les garantit de toute espèce de perturbation. Après un intervalle de dix semaines, pendant lequel le temps avait été alternativement sec et pluvieux, on les examina de nouveau. Quelques-unes qui étaient d’une couleur jaunâtre avaient été emportées presque complètement par la pluie, comme on peut le voir à la couleur du sol environnant. D’autres avaient complètement disparu, et celles-ci, sans doute, avaient été emportées par le vent. Enfin d’autres restaient encore et devaient rester bien longtemps, des brins d’herbe ayant poussé au milieu d’elles. Dans un pâturage maigre qui n’a jamais été passé au rouleau et n’a pas été beaucoup trépigné par les animaux, toute la surface est quelquefois parsemée de petites élevures et l’herbe y pousse à travers et par-dessus ; ces élevures consistent en anciennes déjections de vers.

Dans le grand nombre des cas de déjections molles poussées sous le vent, cela a toujours été effectué par de grands vents accompagnés de pluie. Ces vents-là venant d’ordinaire du sud et du sud-ouest en Angleterre, la terre doit en somme tendre à traverser nos champs dans la direction du nord et du nord-est. Ce fait est intéressant, parce qu’on pourrait penser que sur une surface horizontale couverte d’herbe, il ne peut d’aucune façon y avoir de la terre enlevée. Dans les bois épais et de niveau, protégés contre le vent, jamais les déjections ne seront changées de place, tant que le bois restera debout, et la terre végétale tendra à s’y accumuler jusqu’à la profondeur à laquelle les vers peuvent travailler. J’ai essayé de me procurer des renseignements sur la quantité de terre végétale emportée à l’état de déjections par nos vents humides du sud vers le nord-est par-dessus un sol découvert et plat, en regardant le niveau de la surface aux côtés opposés des vieux arbres et des haies ; mais l’inégalité de développement des racines des arbres et la transformation en terrain de culture de la plupart des pâturages m’a empêché d’arriver à un résultat satisfaisant.

Dans une plaine à découvert près de Stonehenge, il y a des tranchées circulaires peu profondes, avec un endiguement extérieur de peu d’élévation, elles entourent des surfaces horizontales de 50 toises de diamètre. Ces cirques paraissent très anciens et on les croit contemporains des pierres druidiques. Des déjections déposées à l’intérieur de ces espaces circulaires fourniraient, si elles avaient été poussées vers le nord-est par des vents du sud-ouest, une couche de terre végétale à l’intérieur de la tranchée, et cette couche serait plus épaisse du côté nord-est que de tout autre côté. Mais l’endroit n’était pas favorable à l’action des vers, car la terre végétale recouvrant la formation de craie à silex environnante n’avait que 3,37 pouces d’épaisseur, d’après la moyenne de six observations faites à 10 toises de distance en dehors de l’endiguement. On mesura l’épaisseur de la terre végétale à l’intérieur de deux des tranchées circulaires, de 5 toises en 5 toises, du côté intérieur près du fond. Mon fils Horace reporta sur le papier les mesures prises ; et bien que la ligne courbe représentant l’épaisseur de la terre végétale fût extrêmement irrégulière, on pouvait pourtant voir qu’elle était plus grande du côté nord-est que partout ailleurs. Quand on eût pris la moyenne de toutes les mesures dans les deux tranchées et qu’on eut égalisé la ligne, il devint évident que la terre végétale avait son maximum d’épaisseur dans le quart de cercle compris entre le nord-ouest et le nord-est, et son minimum dans le quart de cercle situé entre le sud-est et le sud-ouest, mais spécialement en ce dernier point. Outre les mesures précédentes, on en prit encore six autres, l’une près de l’autre, dans l’une des tranchées circulaires, mais du côté nord-est ; et là, la terre végétale avait en moyenne une épaisseur de 2,29 pouces, tandis que la moyenne de six autres mesures prises du côté sud-ouest, n’était que de 1,46 pouce. Ces observations indiquent que les déjections avaient été portées par les vents de sud-ouest de l’espace enclos circulaire dans la tranchée du côté nord-est. Mais il faudrait un nombre bien plus grand de mesures prises dans des cas analogues pour arriver à un résultat digne de confiance.

Sans doute le montant de terre fine apportée à la surface sous forme de déjections et transportée ensuite par les vents accompagnés de pluie, ou de celle qui coule ou roule le long d’une surface en pente, est peu considérable dans le cours de quelques vingtaines d’années, sinon toutes les inégalités de nos champs de pâture s’égaliseraient en un espace de temps beaucoup plus court que cela ne semble être. Mais la quantité qui est ainsi transportée dans le cours de milliers d’années ne peut manquer d’être considérable et elle mérite notre attention. Élie de Beaumont considérait la terre végétale qui recouvre partout le sol comme une ligne fixe ou zéro, pouvant servir de repère pour mesurer l’importance de la dénudation[2]. Il ignorait qu’il y a formation continue de terre végétale nouvelle par la désagrégation des roches et fragments de roche sous-jacentes, et il est curieux de trouver des vues beaucoup plus philosophiques soutenues il y a longtemps par Playfair, qui dès 1802 écrivait : « La permanence d’un revêtement de terre végétale à la surface du globe nous donne la démonstration de la destruction continue des roches.[3] »

Anciens campements et tumulus. — Élie de Beaumont cite l’état actuel d’un grand nombre d’anciens campements, de tumulus et de vieux champs cultivés, comme preuve que la surface du sol ne subit guère de dégradations. Mais il ne semble pas qu’il ait jamais examiné l’épaisseur de la terre végétale au-dessus des différentes parties de ces restes anciens. Il s’en rapporte principalement aux témoignages indirects, mais en apparence dignes de foi que la pente des levées anciennes est la même aujourd’hui qu’elle l’était à l’origine ; mais, il est évident que cela ne lui apprenait rien de leur hauteur primitive. Dans le Knowle Park, on avait élevé une jetée derrière les cibles et elle semblait avoir été formée de terre supportée à l’origine par des blocs carrés de gazon. Les côtés étaient inclinés sous un angle de 45° à 50°, autant que j’ai pu en juger, et ils étaient couverts, principalement du côté du nord, de longues herbes grossières au-dessous de laquelle on trouva de nombreuses déjections de vers. Elles avaient coulé tout d’une pièce et d’autres avaient roulé sous forme de boulettes jusqu’en bas. Il est donc certain que, tant qu’une jetée de la sorte est habitée par des vers, sa hauteur diminue continuellement. La terre fine qui coule ou roule le long des flancs d’une levée de ce genre s’accumule à sa base sous forme de talus. Un lit même très mince de terre fine est éminemment favorable aux vers ; un plus grand nombre de déjections seront, en conséquence, déposées sur un talus ainsi formé que partout ailleurs et une partie d’elles sera enlevée à chaque forte averse et disséminée sur le sol horizontal adjacent. Le résultat final sera l’abaissement de toute la jetée, tandis qu’il n’y aura pas diminution considérable dans l’inclinaison de ses côtés. Assurément, la même chose arriverait pour des endiguements anciens et des tumulus ; sauf là où ils avaient été formés de gravier ou de sable presque pur, une telle matière étant peu favorable aux vers. On attribue à un grand nombre de ces anciens ouvrages de fortification et de ces tumulus au moins 2,000 ans de date ; et nous devrions réfléchir qu’en bien des endroits, il y a 1 pouce environ de terre végétale apportée à la surface en 5 ans et 2 pouces en 10 ans. Dans une période de 2,000 ans, il aura donc été apporté à la surface une grande masse de terre à plusieurs reprises sur la plupart des anciens endiguements et des tumulus, et spécialement sur le talus tout autour de leur base, terre qui aura été en grande partie emportée complètement par la pluie. Nous pouvons donc conclure que toutes les levées de terre anciennes, quand elles ne sont pas formées de matériaux défavorables aux vers, ont un peu perdu de leur hauteur dans le cours des siècles, bien que leur inclinaison n’ait pas beaucoup changé.

Champs autrefois labourés. — Depuis une période très reculée et en beaucoup de pays, on a labouré le sol, de sorte que l’on a fait des lits convexes appelés billons, d’environ 8 pieds de largeur ordinairement et séparés l’un de l’autre par des sillons. Les sillons sont dirigés de manière à emporter l’eau de la surface. Lorsque j’essayai de déterminer combien de temps durent ces billons et sillons, quand de la terre de labour a été convertie en pâturage, je rencontrai des obstacles de beaucoup de sortes. Il est rare qu’on sache quand un champ a été labouré pour la dernière fois et certains champs dont on croyait qu’ils avaient été des pâturages de temps immémorial se trouvèrent, comme on le découvrit plus tard, avoir été labourés seulement 50 ou 60 ans auparavant. Pendant la première partie du siècle actuel, alors que le prix du blé était très élevé, il semble qu’on ait labouré en Grande-Bretagne toute espèce de sol. Néanmoins on n’est pas en droit de douter que dans nombre de cas les anciens billons et sillons n’aient été conservés depuis une époque très reculée[4]. Qu’ils aient été conservés pendant des durées très inégales, c’est ce qui résulterait naturellement de ce que les billons, lorsqu’ils furent formés pour la première fois, variaient beaucoup de hauteur dans les différents districts, comme cela arrive encore maintenant pour un sol qui vient d’être labouré.

Dans les anciens champs de pâture, là où l’on prit des mesures, on trouva que la terre végétale était de 1/2 à 2 pouces plus épaisse dans les sillons que sur les billons ; mais c’est là ce qui résulterait naturellement de ce que la terre la plus fine ait été emportée des billons dans les sillons par la pluie, avant que le sol ne fût bien recouvert de gazon, et il est impossible de dire quel rôle les vers peuvent avoir joué dans cette œuvre. Néanmoins, d’après ce que nous avons vu, les déjections tendent certainement à couler et à descendre des billons dans les sillons pendant une forte pluie. Mais dès que d’une façon quelconque, il s’est accumulé dans les sillons un lit de terre fine, celui-ci sera plus favorable aux vers que les autres parties, et il y aura un plus grand nombre de déjections déposées là que partout ailleurs ; les sillons sur un sol en pente étant d’ordinaire dirigés de manière à emmener l’eau de la surface, une partie de la terre la plus fine sera enlevée par la pluie aux déjections déposées là, et elle sera complètement emportée. Le résultat sera que les sillons se combleront très lentement, tandis que les billons s’abaisseront peut-être encore plus lentement par le coulement et le roulement des déjections le long de leur pente douce jusque dans les sillons.

Néanmoins, on pourrait s’attendre à ce que, surtout sur une surface en pente, les anciens sillons se comblassent et disparussent dans le cours du temps. Mais, quelques observateurs minutieux qui ont examiné pour moi des champs en Glocestershire et Staffordshire, n’ont pas pu découvrir de différence dans l’état des sillons des parties supérieure et inférieure de champs en pente supposés avoir été longtemps des pâturages ; et ils en sont venus à conclure que les billons et les sillons durent une série presque indéfinie de siècles. D’un autre côté, l’œuvre d’oblitération semble avoir commencé en quelques endroits. C’est ainsi que dans un pré de la Galles du Nord, dont on sait qu’il a été labouré il y a environ 65 ans, et qui est incliné sous un angle de 15° vers le nord-est, on trouva, par une mesure minutieuse, que la profondeur des sillons (séparés seulement de 7 pieds l’un de l’autre) était d’environ 4 1/2 pouces dans la partie supérieure de la pente et seulement de 1 pouce près de la base, et là on eut de la difficulté à les poursuivre. Dans un autre champ incliné à peu près sous le même angle, au sud-ouest, les sillons étaient à peine perceptibles dans la partie inférieure, et pourtant ces mêmes sillons avaient de 2 1/2 à 3 1/2 pouces d’épaisseur quand on les suivait sur un terrain horizontal adjacent. Un troisième cas se présenta qui était fort semblable. Dans un quatrième cas, la terre végétale était épaisse de 2 1/2 pouces dans un sillon à la partie supérieure d’un champ en pente, et à la partie inférieure, l’épaisseur allait jusqu’à 4 1/2 pouces.

Sur les falaises de craie à une distance d’environ un mille de Stonehenge, mon fils William examina une surface couverte de gazon, sillonnée et inclinée de 8° à 10°, qui, au dire d’un vieux berger, n’avait jamais été labourée de mémoire d’homme. On mesura la profondeur d’un sillon en 16 points sur une longueur de 68 pas et on trouva qu’elle était plus considérable là où la pente était la plus grande, et où naturellement moins de terre tendait à s’accumuler ; à la base, elle disparaissait presque complètement. L’épaisseur de la terre végétale était de 2 1/2 pouces dans la partie supérieure, et elle augmentait jusqu’à 5 pouces un peu au-dessus de la partie la plus escarpée de la pente ; à la base, au milieu de l’étroite vallée, en un point où le sillon aurait touché, si on l’avait continué, elle s’élevait à 7 pouces. De l’autre côté de la vallée, il y avait des traces de sillons très faibles, presque effacées. Un autre cas analogue, mais pas si prononcé, fut observé à quelques milles de distance de Stonehenge. En somme, il paraît que les billons et les sillons tendent, là où la surface est inclinée, à disparaître lentement sur un sol autrefois labouré, mais maintenant recouvert de gazon ; ce qui est probablement dû en grande partie à l’action des vers ; mais quand la surface est à peu près de niveau, les billons et les sillons durent très longtemps.

Formation de terre végétale au-dessus de la formation de craie, sa puissance. — Souvent des déjections de vers sont déposées en nombre extraordinaire sur des pentes escarpées, couvertes d’herbe et où la craie vient jusque près de la surface ; c’est ce que mon fils William a observé aux environs de Winchester et ailleurs. Si ces déjections sont emportées en grande partie par les fortes pluies, on a peine à comprendre tout d’abord comment il reste encore de la terre végétale sur nos falaises, puisqu’il ne semble pas y avoir de moyen de réparer cette perte. Il y a d’ailleurs encore une cause de perte, c’est la filtration des particules de terre les plus fines dans les fissures que présente la craie, et dans la craie elle-même. Ces considérations me firent douter pendant un certain temps si je n’avais pas exagéré le montant de terre fine qui coule ou roule en bas de pentes gazonnées sous forme de déjections, et je cherchai à me procurer à cet égard des renseignements plus étendus. En certains endroits, les déjections que l’on trouve sur les falaises de craie consistent, en grande partie, en matière calcaire, et là, la provision de rechange est naturellement illimitée. Mais dans d’autres endroits, par exemple dans une portion de la falaise de Fey, près de Winchester, les déjections étaient toutes noires et ne faisaient pas effervescence avec les acides. La terre végétale au-dessus de la craie n’avait ici que de 3 à 4 pouces d’épaisseur. De même aussi dans la plaine près de Stonehenge, la terre végétale dépourvue en apparence de matière calcaire avait une épaisseur moyenne un peu moindre de 3 1/2 pouces. Quant à savoir pourquoi les vers percent la craie et l’apportent à la surface en certains endroits et pas en d’autres, c’est ce que je ne saurais dire.

Dans beaucoup de districts où le sol est à peu près horizontal, un lit de plusieurs pieds d’épaisseur d’argile rouge pleine de silex intacts recouvre la craie supérieure. Ce revêtement, dont la surface s’est couverte en terre végétale, est constitué par le résidu non dissous laissé par la craie. Il sera bon de rappeler ici le cas des fragments de craie enfouis sous des déjections de vers dans un de mes champs, et dont les angles s’étaient si complètement arrondis dans le cours de 29 ans, que les fragments ressemblent maintenant à des cailloux usés par l’eau. Cela peut avoir été l’effet de l’acide carbonique contenu dans la pluie et dans le sol, des acides de l’humus et du pouvoir de corrosion des racines vivantes. Comment se fait-il qu’il ne soit pas resté sur la craie une masse épaisse de résidu, partout où le sol est à peu près horizontal ? Peut-être peut-on l’expliquer par la filtration des particules fines dans les fissures qui se trouvent fréquemment dans la craie et sont ouvertes ou comblées de craie impure, ou bien par leur filtration dans la craie elle-même encore solide. Qu’il y ait une telle filtration, c’est ce qu’on ne peut même mettre en doute. Mon fils a recueilli de la craie en poussière et en fragments au-dessous du gazon près de Winchester ; le colonel Parsons, du corps des ingénieurs de l’armée, a trouvé que la première renfermait dix pour cent de matière terreuse, et que les fragments en contenaient huit pour cent. Sur les flancs de l’escarpement près de Abinger, en Surrey, la craie immédiatement au-dessous d’une assise de silex avait 2 pouces d’épaisseur et était recouverte de 8 pouces de terre végétale ; cette craie fournit un résidu de 2,7 pour cent de matière terreuse. D’un autre côté, la craie supérieure proprement dite contient, à ce que m’a dit feu David Forbes, qui en avait fait un grand nombre d’analyses, seulement de 1 à 2 pour cent de matière terreuse ; deux échantillons pris dans des fosses près de ma maison, en contenaient 1,3 et 0,6 pour cent. Je mentionne ces derniers cas parce que l’épaisseur du lit superposé d’argile rouge à silex m’avait fait m’assurer que la craie sous-jacente pourrait bien être ici moins pure qu’ailleurs. Si nos résidus s’accumulent davantage en certains endroits qu’en d’autres, on peut l’attribuer à ce qu’il est resté sur la craie, à une période reculée, une assise de matière argileuse, et que celle-ci empêche la filtration ultérieure de matière terreuse dans la craie.

Des faits que nous venons d’indiquer, il est permis de conclure que les déjections déposées sur nos falaises de craie subissent une certaine perte par la filtration de leurs parties les plus fines dans la craie. Mais cette craie impure de la surface doit, quand elle se dissout, laisser plus de matières terreuses, qui s’ajouteront à la terre végétale que dans le cas de craie pure. Outre la perte causée par la filtration, certainement de la terre fine est emportée par la pluie le long des pentes gazonnées de nos falaises. Cependant cette perte par la pluie s’arrêtera avec le temps ; car bien que je ne sache pas quelle épaisseur de terre végétale suffit pour entretenir l’existence des vers, il faut bien qu’à la fin une limite soit atteinte ; et alors leurs déjections cesseront ou du moins elles deviendront rares. Les cas suivants montrent qu’une quantité considérable de terre fine est emportée par la pluie. On mesura l’épaisseur de la terre végétale, de 12 en 12 toises, à travers une petite vallée creusée dans la craie, aux environs de Winchester. D’abord les flancs étaient légèrement inclinés, puis leur inclinaison atteignit à peu près 20° ; puis elle diminua jusque près du fond qui était presque horizontal en travers et large d’à peu près 50 toises. Au fond de la vallée, l’épaisseur moyenne de la terre végétale, d’après 5 mesures prises, était de 8,3 pouces, tandis que sur les flancs de la vallée, où l’inclinaison variait entre 14° et 20°, son épaisseur moyenne était un peu moindre de 3,5 pouces. Le fond gazonné de la vallée étant incliné sous un angle de seulement 2° à 3°, il est probable que la majeure partie de l’assise de 8,3 pouces de terre végétale avait été enlevée par la pluie aux flancs de la vallée et non pas à sa partie supérieure. Mais un berger dit qu’il avait vu de l’eau couler dans cette vallée après la fonte soudaine de la neige, et il est possible qu’un peu de terre ait été entraînée de la partie supérieure ; ou bien, d’autre part, qu’un peu ait été emportée plus bas dans la vallée. On obtint des résultats fort analogues, dans une vallée voisine, à l’égard de l’épaisseur de la terre végétale.

La colline de Ste-Catherine, près de Winchester, a 327 pieds de haut et consiste en un cône escarpé de craie d’environ un quart de mille de diamètre. La partie supérieure fut convertie par les Romains, ou, comme quelques personnes le pensent, par les anciens Bretons, en un campement, par l’établissement d’un fossé profond et large tout à l’entour. La plus grande partie de la craie déplacée pendant les travaux fut jetée au-delà, ce qui forma une levée saillante ; et cela empêche réellement les déjections de vers (elles sont nombreuses en certains points), des pierres et d’autres objets d’être emportés par la pluie dans le fossé ou d’y rouler. On trouva que la terre végétale n’avait sur la partie supérieure et fortifiée de la colline que de 2 1/2 à 3 1/2 pouces d’épaisseur ; tandis qu’au pied du parapet au-dessus du fossé, elle s’était accumulée jusqu’à une épaisseur de 8 à 9 1/2 pouces. Sur le talus lui-même, la terre végétale n’était épaisse que de 1 à 1 1/2 pouce, et à l’intérieur du fossé, au fond, l’épaisseur variait de 2 1/2 à 3 1/2, mais à un endroit elle allait jusqu’à 6 pouces. Au côté nord-ouest de la colline, ou bien on n’avait pas fait de talus au-dessus du fossé, ou bien ce talus avait été enlevé par la suite ; il n’y avait par suite là rien qui empêchât les déjections de vers, la terre et les pierres d’être entraînées par la pluie dans le fossé, au fond duquel la terre végétale formait une assise de 11 à 22 pouces d’épaisseur. Il faut cependant noter que là et dans d’autres parties de la pente, le lit de terre végétale contenait souvent des fragments de craie et de silex qui évidemment avaient roulé d’en haut à des époques différentes. Les interstices dans la craie en fragments sous-jacents étaient aussi comblés par de la terre végétale.

Mon fils examina la surface de cette colline jusqu’à sa base dans la direction du sud-ouest. En aval du grand fossé, où la pente était d’environ 24°, la terre végétale formait une couche très mince, de 1 1/2 à 2 1/2 pouces ; tandis que, près de la base, où la pente n’était que de 3° à 4°, cette couche augmentait jusqu’à une épaisseur de 8 à 9 pouces. Nous pouvons donc conclure que, sur cette colline, dont les rapports ont été modifiés de main d’homme, aussi bien que dans les vallées naturelles des falaises de craie avoisinantes, un peu de terre fine, provenant sans doute en grande partie des déjections de vers, est emportée en bas par la pluie et s’accumule dans les portions inférieures, malgré la filtration d’une quantité inconnue de la même terre dans la craie sous-jacente ; et la dissolution de la craie par les agents atmosphériques et autres, fournit un contingent de matière terreuse fraîche.

  1. « Elements of Geology. » 1865, p. 20.
  2. Leçons de Géologie pratique, 1845 ; cinquième leçon. Tous les arguments d’Élie de Beaumont sont admirablement réfutés par le prof. A. Geikie dans son essai dans « Transact. Geolog. Soc. of Glasgow », vol. III, p. 153, 1868.
  3. Illustrations of the Huttonian Theory of the Earth, p. 107.
  4. M. J. Tyler remarque dans son allocution présidentielle (Journal of the Anthropological Institute. Mai 1880, p. 451) « D’après plusieurs notes lues à la Société de Berlin, sur les champs des hauteurs (Hochæcker) et les champs des païens (Heidenæcker), il semble qu’ils correspondent assez par leur situation sur des collines et des espaces incultes aux sillons de sylphes (Elf-furrows) d’Écosse que la mythologie populaire explique par une interdiction des champs par un pape, ce qui aurait fait que les gens se seraient mis à cultiver les collines. Il semble qu’on ait lieu de croire que, comme les portions cultivées des forêts de la Suède attribuées par la tradition aux anciens piocheurs, les champs des païens de Germanie représentent la culture par une population ancienne et barbare.