Rôle des vers de terre dans la formation de la terre végétale/07

Traduction par M. Levêque.
C. Reinwald (p. 189-212).


CHAPITRE V

Rôle joué par les vers dans la dénudation du sol.


Observations sur le degré de dénudation subie par le sol. — Dénudation sous-aérienne. — Dépôt de poussière. — Terre végétale ; sa couleur foncée et sa structure fine sont en grande partie dues à l’action des vers. — Désagrégation des roches par les acides de l’humus. — Acides analogues produits apparemment dans l’intérieur du corps des vers. — L’action de ces acides est facilitée par le mouvement continuel des particules de terre. — Un lit épais de terre végétale arrête la désagrégation du sol, des roches et du sol sous-jacents. — Particules de pierres usées ou triturées dans le gésier des vers. — Les pierres avalées servent comme meulières. — État pulvérisé des déjections. — Fragments de briques dans les déjections au-dessus d’anciennes constructions bien arrondies. — Le pouvoir triturant des vers n’est pas tout à fait sans importance au point de vue géologique.


Personne ne doute que notre planète n’ait été, à une certaine époque, formée de roches cristallines ; c’est à la désagrégation de ces roches par l’action de l’air, de l’eau, des changements de température, des rivières, des vagues de la mer, des tremblements de terre et des éruptions volcaniques, que nous devons nos formations sédimentaires. Celles-ci, après s’être consolidées et avoir de nouveau cristallisé, ont souvent été désagrégées encore une fois. Dénudation veut dire : transport de ces matières désagrégées à un niveau inférieur. Parmi tous les résultats surprenants que l’on doit au progrès de la géologie moderne, il n’y en pas qui le soient plus que ceux relatifs à la dénudation. Il y a déjà longtemps qu’on avait vu que la dénudation a dû s’opérer sur une échelle immense ; mais ce n’est que lorsqu’on eut figuré et mesuré soigneusement les formations successives, que l’on put se faire une idée exacte de toute son étendue. L’un des premiers mémoires publiés à ce sujet, et en même temps l’un des plus remarquables, est celui de Ramsay[1] qui montra, en 1846, qu’en Galles, de 9,000 à 11,000 pieds d’épaisseur de roche solide ont été enlevés sur de grandes étendues de pays. L’exemple le plus simple peut-être de grandes dénudations nous est fourni par des failles ou crevasses qui s’étendent sur un grand nombre de milles à travers certaines régions, les assises stratifiées étant d’un côté soulevées jusqu’à 10,000 pieds au-dessus des assises correspondantes du côté opposé ; et cependant l’œil ne découvre pas trace de ce déplacement gigantesque à la surface du sol. Une énorme masse de roche a été aplanie d’un côté, sans qu’il en subsiste un reste.

Jusque dans les 20 à 30 dernières années, la plupart des géologues pensaient que les vagues de la mer étaient les agents principaux dans l’acte de la dénudation, mais nous pouvons être sûrs aujourd’hui que l’air et la pluie, aidés par les fleuves et les rivières, sont des agents beaucoup plus puissants, — pourvu que nous considérions la surface entière du pays. Autrefois, on regardait comme indubitable que les longues lignes escarpées qui s’étendent à travers plusieurs parties de l’Angleterre étaient d’anciens rivages de la mer ; mais aujourd’hui nous savons que si elles se dressent au-dessus de la surface générale, c’est simplement parce qu’elles résistent mieux que les formations adjacentes à l’air, à la pluie et à la gelée. Il est rare qu’un géologue ait eu la bonne fortune de convaincre ses collègues sur un point en discussion par un seul mémoire ; mais M. Whitaker du « Geological Survey of England » a eu ce bonheur, quand, en 1867, il publia son travail sur la dénudation sous-aérienne et les falaises et les escarpements de la craie[2] » Avant l’apparition de ce travail, M. A. Tylor avait fourni des preuves manifestes de ces dénudations sous-aériennes, en montrant que le montant de matières entraînées dans les vallées par les rivières devait infailliblement abaisser de beaucoup de pieds le niveau de leur bassin de drainage dans un laps de temps relativement pas trop long. Cet ordre d’arguments a été depuis poursuivi d’une façon fort intéressante par Archibald Geikie, Croll et autres, dans une série de mémoires de grande valeur[3]. Pour ceux qui ne se sont jamais occupés de la question, on peut donner ici un exemple. Je prendrai celui du Mississipi et je le choisis parce que le montant des sédiments charriés par ce grand fleuve a été examiné avec un soin tout spécial par ordre du gouvernement des États-Unis. Le résultat en est, comme montre M. Croll, que le niveau moyen de son énorme bassin de drainage doit s’abaisser de 1/4566 de pied par an, ou d’un pied en 4566 ans. Par conséquent, si l’on prend l’évaluation la plus favorable de la hauteur moyenne du continent de l’Amérique du Nord, c’est-à-dire 748 pieds, et qu’on envisage l’avenir, la totalité du grand bassin mississipien aura été emportée par les eaux et « abaissée au niveau de la mer dans moins de 4,500,000 ans, si le sol ne se soulève pas. » Quelques fleuves charrient beaucoup plus de sédiments que le Mississipi, relativement à leurs dimensions, et d’autres en charrient beaucoup moins.

Des matières désagrégées sont transportées par le vent aussi bien que par l’eau courante. Pendant les éruptions volcaniques, il y a beaucoup de roches réduites en poussière et dispersées ainsi au loin ; dans toutes les contrées arides, le vent joue aussi un rôle important dans le déplacement de ces matières. Du sable chassé par le vent finit aussi par entamer les roches les plus dures. J’ai montré ailleurs[4] que, pendant quatre mois de l’année, le vent emporte une grande quantité de poussière des côtes du nord-ouest de l’Afrique, et qu’elle tombe dans l’Atlantique sur un espace de 1600 milles (anglais) en latitude, et à une distance de 500 à 600 milles de la côte. Mais on a observé la chute de cette poussière à 1030 milles des côtes de l’Afrique. Pendant un séjour de trois semaines à Saint-Jago, dans l’archipel du Cap Vert, l’atmosphère était presque toujours brumeuse, et il tombait continuellement une poussière extrêmement fine venant de l’Afrique. Dans de la poussière de cette sorte, tombée en pleine mer à une distance de 330 à 380 milles de la côte africaine, il y avait un grand nombre de particules de pierre, d’environ 1/1000 de pouce carré. Plus près de la côte, la poussière tombée dans l’eau avait tellement terni la surface de l’eau de la mer qu’un vaisseau en marche laissait une trace claire derrière lui. Dans les pays où, comme dans l’archipel du Cap Vert, la pluie est rare et la gelée inconnue, les roches fermes ne s’en désagrègent pas moins ; et on peut, conformément aux vues avancées récemment par un géologue distingué de la Belgique, de Koninck, attribuer cette désagrégation en majeure partie à l’action des acides carbonique et nitrique, ainsi qu’à celle des nitrates et nitrites d’ammoniaque dissous dans la rosée.

Dans tous les pays humides, même à un degré modéré, les vers contribuent à l’opération de la dénudation de plusieurs manières. Toute la terre végétale qui couvre comme un manteau la surface du sol, a passé mainte et mainte fois par leur corps. Cette terre ne diffère, en apparence, du sous-sol que par sa couleur foncée et par l’absence de fragments ou particules de pierre (quand il y en a dans le sous-sol), plus grands que ceux qui peuvent passer par le canal alimentaire d’un ver. Cette sorte de tamisage des matériaux du sol est aussi, comme nous l’avons déjà remarqué, en partie, l’œuvre de différentes sortes d’animaux fouisseurs et principalement des fourmis. Dans des pays où l’été est long et sec, la terre, dans les endroits bien protégés, doit s’augmenter rapidement par la poussière qu’y apporte le vent d’autres places plus exposées. Par exemple, la quantité de poussière disséminée parfois sur les plaines de La Plata, où il n’y a pas de roches fermes, est si grande que pendant le « gran seco », de 1827 à 1830, l’apparence du sol, qui est ici dépourvu de clôtures, changea si complètement que les habitants ne pouvaient plus reconnaître les limites de leurs propriétés, et il en résulta des procès sans fin. De même, d’immenses quantités de poussière sont éparpillées sur la surface de l’Égypte et du Midi de la France. En Chine, des couches ayant l’apparence de sédiments fins, épaisses de plusieurs centaines de pieds et s’étendant sur une surface énorme, doivent, comme le prétend encore Richthofen, leur origine à la poussière apportée des plateaux de l’Asie centrale[5]. Dans les pays humides, comme la Grande-Bretagne, tant que le sol reste dans son état naturel et revêtu de végétation, la terre végétale ne peut guère gagner beaucoup par le dépôt de poussière ; mais dans sa condition actuelle, les champs situés près des grandes routes ou la circulation est active doivent recevoir une quantité considérable de poussière ; quand on herse les champs par un temps sec et un grand vent, on peut voir des nuages de poussière s’en détacher. Mais dans tous ces cas, le sol de la surface est simplement transporté d’un endroit à l’autre. La poussière qui tombe en couches si épaisses dans nos maisons, consiste en grandes parties en matières organiques ; si on la répandait sur la terre, avec le temps elle se décomposerait et disparaîtrait presque entièrement. Cependant il semble, d’après des observations récentes faites sur les champs de neige des régions arctiques, qu’il tombe continuellement un peu de poussière météorique d’origine extra-terrestre.

La couleur foncée de la terre végétale ordinaire est évidemment due à la présence de matières organiques en décomposition qui, toutefois, ne s’y trouvent qu’en petite quantité. La perte de poids subie par la terre chauffée au rouge paraît due en grande partie à l’expulsion de l’eau de composition. Dans un échantillon de terre fertile, on s’est assuré que la proportion des matières organiques n’est que de 1,76 pour cent ; dans un sol préparé artificiellement, elle s’élevait à 5,5 pour cent, et dans le fameux sol noir de Russie, elle varie de 5 à 12 pour cent[6]. Dans la terre formée exclusivement par la décomposition des feuilles, cette proportion est beaucoup plus grande, et, dans la tourbe, le carbone seul constitue parfois jusqu’à 64 pour cent de la masse ; mais nous n’avons pas affaire ici à ces derniers cas. Le carbone dans le sol tend graduellement à s’oxyder et à disparaître, excepté là où l’eau s’accumule et où le climat est froid[7] ; de la sorte, dans le plus vieux champ de pâturage il n’y a pas grand excès de matières organiques, malgré la décomposition continuelle des racines et des tiges souterraines des plantes, et aussi, à l’occasion, l’addition d’engrais. La disparition des matières organiques de la terre végétale est probablement fort favorisée par les vers, qui les amènent sans cesse à la surface dans leurs déjections.

D’autre part, les vers augmentent beaucoup la quantité de matières organiques dans le sol par le nombre étonnant de feuilles à demi décomposées qu’ils traînent dans leurs galeries jusqu’à une profondeur de 2 à 3 pouces. Ils font cette provision de feuilles surtout pour se ménager de la nourriture, mais en partie aussi pour fermer l’ouverture de leurs galeries et pour tapisser la partie supérieure de celles-ci. Les feuilles qu’ils consomment sont humectées, déchirées en petites bandes, digérées en partie, et intimement mêlées à la terre ; et c’est cette opération qui donne à la terre végétale sa teinte d’un noir uniforme. On sait que la décomposition des matières végétales donne lieu à la formation de différentes sortes d’acides ; et le contenu des intestins des vers et de leurs déjections étant acide, il semble probable que l’acte de la digestion amène un changement chimique analogue dans les feuilles avalées, triturées et à demi décomposées. La grande quantité de carbonate de chaux sécrété par les glandes calcifères sert en apparence à neutraliser les acides ainsi produits ; car le suc digestif des vers n’agit pas à moins d’être alcalin. Le contenu de la partie supérieure des intestins étant acide, l’acidité ne peut guère être due ici à la présence d’acide urique. Nous pourrons donc en conclure que les acides dans le tube digestif des vers se forment pendant l’acte de la digestion, et que, probablement, ils sont à peu près de même nature que ceux de l’humus ordinaire. Tout le monde sait que ces derniers ont la faculté de désoxyder ou de dissoudre le peroxyde de fer, comme on peut le voir là où de la tourbe recouvre du sable rouge, ou bien là où une racine en décomposition pénètre dans ce sable. Je tenais quelques vers dans un pot rempli de sable rougeâtre très fin, formé de petites particules de silex, revêtues d’oxyde rouge de fer ; les galeries creusées par les vers dans ce sable étaient garnies ou tapissées de la manière ordinaire de leurs déjections ; celles-ci consistaient en sable mêlé de sécrétions intestinales et des restes des feuilles digérées, et le sable avait presque complètement perdu sa couleur rouge. En plaçant sous le microscope des petites portions de ce sable, la plupart des grains parurent transparents et incolores, par suite de la dissolution de l’oxyde, tandis que presque tous les grains pris en d’autres parties du pot étaient revêtus d’oxyde. L’acide acétique n’avait presque pas d’effet sur ce sable, et même les acides chlorhydrique, nitrique et sulfurique, dilués comme dans la pharmacopée, produisaient moins d’effet que ne le faisaient les acides dans les intestins des vers.

M. A. A. Julien a récemment recueilli les nombreuses données que l’on a sur les acides produits dans l’humus et qui, selon certains chimistes, ne s’élèvent pas à moins d’une douzaine d’espèces différentes. Ces acides, de même que leurs sels alcalins (c’est-à-dire en combinaison avec la potasse, la soude et l’ammoniaque) agissent énergiquement sur le carbonate de chaux et sur les oxydes de fer. On sait aussi que quelques-uns de ces acides appelés, il y a longtemps déjà, azo-humiques par Thénard, ont la propriété de dissoudre la silice gélatineuse en proportion de l’azote qu’ils contiennent[8]. Il est probable que les vers contribuent un peu à la formation de ces derniers acides, car M. le Dr  Johnson me communique que le réactif de Nessler lui a fait trouver 0,018 pour cent d’ammoniaque dans leurs déjections.

Les différents acides de l’humus qui paraissent, comme nous venons de le voir, se développer à l’intérieur du corps des vers pendant l’acte de la digestion, jouent, ainsi que leurs sels alcalins, un rôle fort important dans la désagrégation de diverses espèces de roches ; c’est ce que nous ont appris les récentes observations de M. Julien. On savait depuis longtemps que l’acide carbonique et sans doute aussi les acides nitrique et nitreux qui se trouvent dans l’eau de pluie, agissent de la même manière. Il y a aussi dans tous les sols et surtout dans les sols riches, un grand excès d’acide carbonique, et il est dissous par l’eau qui se trouve dans le sol. Sachs et autres nous ont d’ailleurs montré que les racines vivantes des plantes corrodent des plaques de marbre de dolomite et de phosphate de chaux, et y laissent leurs empreintes. Elles attaquent même le basalte et le grès[9]. Mais nous n’avons pas affaire ici aux influences qui s’exercent tout à fait indépendamment de l’action des vers.

La combinaison d’un acide quelconque avec une base est beaucoup facilitée par l’agitation des matières, par suite du changement continuel des surfaces en contact. C’est ce qui est opéré d’une façon radicale pour les particules de pierre et de terre dans les intestins des vers pendant l’acte de la digestion ; il faut bien penser que la masse entière de la terre végétale sur chaque champ passe par leur canal alimentaire dans le cours d’un petit nombre d’années. En outre, les anciennes galeries s’écroulant lentement et les déjections nouvelles étant sans cesse apportées à la surface, l’assise superficielle de terre végétale est l’objet, dans son ensemble, d’un lent mouvement de circulation ; la friction des particules entre elles détachera les pellicules les plus fines de matières désagrégées, dès qu’elles se forment. De ces différentes manières, des fragments minimes de roches de beaucoup d’espèces et de simples particules dans le sol seront continuellement soumis à une décomposition chimique, et le montant du sol tendra ainsi à s’augmenter.

Les vers garnissent de leurs déjections l’intérieur de leurs galeries, et ces galeries pénétrant jusqu’à une profondeur de 5 à 6 pieds ou même davantage, une petite quantité des acides de l’humus sera transportée très bas et agira là sur des roches et fragments de roches sous-jacents. Ainsi, l’épaisseur du sol tendra d’une façon constante, bien que lente, à augmenter, si rien n’est enlevé à la surface ; mais, après un certain temps, l’accumulation retardera la désagrégation des roches sous-jacentes et des particules gisant plus profondément. Car, les acides de l’humus, qui se forment en majeure partie dans l’assise supérieure de la terre végétale, sont extrêmement instables, et sujets à se décomposer avant d’arriver à une profondeur quelque peu considérable[10]. Un lit épais du sol superposé arrêtera aussi l’extension vers le bas des grandes fluctuations de la température, et, dans les pays froids, il arrêtera l’action puissante de la gelée. Le libre accès de l’air sera également exclu. Par ces causes diverses, la désagrégation s’arrêterait presque, si la terre superposée venait à augmenter beaucoup d’épaisseur, par suite de ce que peu ou pas de terre serait enlevée à la surface[11]. Dans mon voisinage immédiat, nous avons une preuve curieuse de l’influence de quelques pieds d’argile pour arrêter les modifications que subissent les silex, quand ils sont à ciel ouvert ; les silex de grande taille qui ont reposé quelque temps à la surface des champs labourés ne peuvent, en effet, être employés pour construire ; ils ne se fendent pas convenablement, et les ouvriers disent d’eux qu’ils sont pourris[12]. Dès lors il faut pour construire se procurer des silex provenant du lit d’argile rouge superposée à la craie (résidu de sa dissolution par l’eau de pluie) ou de la craie elle-même.

Non seulement les vers contribuent indirectement à la désagrégation chimique des roches, mais on a des raisons de croire qu’ils agissent également d’une manière directe et mécanique sur les particules les plus petites. Toutes les espèces qui avalent de la terre sont pourvues d’un gésier, et celui-ci est garni d’une membrane chitineuse si épaisse que Perrier en parle comme[13] « d’une véritable armature ». Le gésier est entouré de muscles transverses puissants, à peu près dix fois aussi épais, d’après Claparède, que les muscles longitudinaux ; et Perrier les a vus se contracter énergiquement. Des vers appartenant à un genre particulier, les Digaster, ont deux gésiers distincts, mais tout à fait pareils ; et, dans un autre genre, chez les Monoligaster, le second gésier consiste de quatre poches consécutives, de sorte qu’on pourrait presque dire qu’ils ont cinq gésiers[14]. De la même manière que les gallinacés et les autruches avalent des pierres pour faciliter la trituration de leur nourriture, de même il semble que les vers de terre emploient aussi leur gésier de la sorte. On ouvrit le gésier de 38 de nos vers communs, et dans 25 cas on y trouva de petites pierres ou des grains de sable, en même temps que les concrétions calcaires dures formées à l’intérieur des glandes calcifères antérieures ; dans deux autres on ne trouva que des concrétions. Dans le gésier des autres vers, il n’y avait pas de pierres ; mais quelques-uns d’entre eux ne formaient pas une exception réelle, les gésiers ayant été ouverts à la fin de l’automne, c’est-à-dire lorsque les vers avaient cessé de se nourrir et que leur gésier était tout à fait vide[15].

Quand les vers creusent leurs galeries à travers de la terre abondant en petites pierres, beaucoup d’elles sont sans doute avalées inévitablement, mais il ne faudrait pas supposer que ce fait explique la présence fréquente de pierres et de sable dans leur gésier. Car des perles de verre et des fragments de brique et de carreaux durs ayant été disséminés à la surface du sol, dans des pots dans lesquels des vers tenus confinés avaient déjà fait leurs galeries, un très grand nombre de ces perles et de ces fragments furent ramassés et avalés par les vers, puisqu’on les retrouva dans leurs déjections, leurs intestins et dans le gésier. Ils avalèrent même la poussière rouge grossière résultant de la trituration des carreaux. On ne peut pas supposer qu’ils aient pris les perles et les fragments de carreaux pour de la nourriture, car nous avons vu qu’ils ont le goût assez fin pour distinguer entre différentes espèces de feuilles. Il est donc manifeste qu’ils avalent les objets durs, tels que des morceaux de pierre, des perles de verre et des fragments angulaires de briques ou de carreaux, dans quelque but spécial ; il n’est guère douteux que ce ne soit pour aider leur gésier à écraser et à broyer la terre qu’ils consomment en si grande quantité. Ces objets durs ne sont pas nécessaires pour écraser des feuilles, c’est ce que l’on peut induire du fait que certaines espèces vivant dans la boue et dans l’eau, et se nourrissant de matières végétales mortes ou vivantes, mais n’avalant pas de terre, sont dépourvues de gésier[16], et par suite ne peuvent pas avoir la faculté d’utiliser les pierres.

Pendant l’acte du broiement, les particules de terre doivent être frottées les unes contre les autres et entre les pierres et la dure membrane de revêtement du gésier. Les particules les plus tendres subiront par là une certaine attrition et seront peut-être même écrasées. Ce qui vient à l’appui de cette manière de voir, c’est l’apparence des déjections fraîchement déposées ; elles me rappelèrent souvent celle de couleur venant d’être broyée entre deux pierres plates par un ouvrier. Morren remarque que le canal intestinal est « impleta tenuissimâ terrâ, veluti in pulverem redactâ[17]. » : Perrier aussi parle de l’état de pâte excessivement fine à laquelle est réduite la terre qu’ils rejettent, etc.[18] »

Le degré de trituration subie par les particules de terre dans le gésier des vers présentant, comme nous allons le voir ci-après, un certain intérêt, j’ai essayé de recueillir des données à son égard, en examinant avec soin un grand nombre de fragments qui avaient passé par leur canal alimentaire. Chez des vers vivant à l’état de nature, il est, cela va sans dire, impossible de savoir jusqu’à quel point les fragments ont été altérés avant d’être avalés. Cependant, il est bien certain que les vers ne choisissent pas habituellement des particules déjà arrondies, car on a déjà souvent trouvé des morceaux de silex ou d’autres roches dures à angles vifs dans leur gésier et leurs intestins. Dans trois cas, on trouva ainsi des épines aiguës provenant des tiges de rosiers. Des vers tenus renfermés ont, à plusieurs reprises, avalé des fragments angulaires de carreaux durs, de charbon, de cendres et même jusqu’aux fragments les plus tranchants de verre. Les gallinacés et les oiseaux de la famille des autruches conservent longtemps dans leur gésier les mêmes pierres et elles deviennent par suite bien arrondies ; mais, il ne paraît pas en être ainsi des vers, à en juger d’après le grand nombre de fragments de carreaux, de perles de verre, de pierre, etc., que l’on trouve d’ordinaire dans leurs déjections et leurs intestins. Ainsi donc, à moins que les mêmes fragments ne passent à plusieurs reprises par leur gésier, on ne peut guère s’attendre à trouver sur ces fragments des signes marqués d’attrition, excepté peut-être pour le cas de pierres très tendres.

Je passerai maintenant aux exemples d’attrition que j’ai eu l’occasion de constater. Dans le gésier de quelques vers extraits d’un lit mince de terre végétale au-dessus de la chaux, il y avait un grand nombre de petits fragments de chaux bien arrondis, et deux fragments de coquille d’un mollusque terrestre (comme on s’en est assuré par la structure microscopique), et ces derniers n’étaient pas seulement arrondis, mais un peu polis. Les concrétions calcaires formées dans les glandes calcifères, et souvent trouvées dans le gésier, les intestins et, à l’occasion, dans les déjections, lorsque celles-ci sont de grande taille, ont quelquefois paru avoir été arrondies ; mais chez tous les corps calcaires, l’apparence arrondie peut être due, en partie ou en totalité, à leur corrosion par l’acide carbonique et les acides de l’humus.

Dans le gésier de plusieurs vers recueillis près d’une serre dans mon jardin potager, on a trouvé 8 petits fragments de cendres, et parmi eux six d’apparence plus ou moins arrondie, ainsi que l’étaient aussi deux morceaux de brique ; mais quelques autres morceaux n’étaient pas arrondis du tout. Un chemin d’exploitation, près d’Abinger Hall, avait 7 ans auparavant été recouvert de décombres de brique jusqu’à une profondeur d’environ 6 pouces ; de l’herbe avait poussé sur ces décombres des deux côtés de la route sur une largeur de 18 pouces, et sur cette herbe il y avait une quantité innombrable de déjections. Quelques-unes d’elles étaient d’un rouge uniforme, dû à la présence d’une grande proportion de poussière de brique, et elles contenaient beaucoup de particules de brique et de mortier dur, de 1 à 3 mm. de diamètre, nettement arrondies pour la plupart ; mais toutes ces particules peuvent bien s’être arrondies avant d’avoir été recouvertes par la couche protectrice d’herbe et avant d’avoir été avalées, ainsi que celles fort altérées des parties nues de la route. Un trou dans un champ de pâturage avait été à la même époque, c’est-à-dire 7 ans auparavant, comblé de décombres de brique, et maintenant il était recouvert d’herbe ; ici, les déjections contenaient un très grand nombre de particules de brique, toutes plus ou moins arrondies ; or, ces décombres de brique, après avoir été déchargés dans le trou ne pouvaient pas avoir subi une attrition quelconque. De plus, de vieilles briques, très peu endommagées, jointes à des fragments de mortier, furent employées pour construire des allées, puis on les recouvrait de 4 à 6 pouces de gravier ; sur 6 petits fragments de brique extraits de déjections que l’on recueillit dans ces allées, 3 présentaient une altération évidente. Il y avait aussi un très grand nombre de particules de mortier dur, dont la moitié à peu près étaient bien arrondies ; il n’est pas croyable qu’elles aient subi une corrosion telle par l’action de l’acide carbonique dans le cours de 7 ans seulement.

Des témoignages bien meilleurs d’attrition d’objets durs dans le gésier des vers, nous sont offerts par l’état des petits fragments de carreaux ou de brique, et de ceux de béton dans les déjections déposées là où autrefois se dressaient d’anciennes constructions. Toute la terre végétale recouvrant un champ passant en quelques années par le corps des vers, les mêmes petits fragments seront probablement avalés et apportés à la surface bien des fois dans le cours des siècles. Je dois dire d’avance que dans les différents cas suivants, la matière la plus fine a d’abord été séparée des déjections par lavage et que toutes les particules de brique, de carreaux et de béton ont été recueillies sans choix quelconque, et plus tard on les a examinées. Or, dans les déjections déposées entre les tesseræ sur l’un des sols d’appartement enfouis sous terre de la villa romaine d’Abinger, un grand nombre des particules (de 1/2 à 2 mm. de diamètre) de carreaux et de béton, examinées à l’œil nu ou à travers une forte lentille, montraient à n’en pouvoir pas douter que presque toutes avaient subi une attrition considérable. Je parle de la sorte après avoir examiné de petits cailloux altérés par l’eau et provenant de briques romaines ; M. Henri de Saussure avait eu la bonté de me les envoyer, il les avait extraits de lits de sable et de gravier déposés sur le bord du lac de Genève à une époque antérieure, alors que l’eau était à environ 2 pieds au-dessus du niveau actuel. Eh bien, les plus petits de ces cailloux de brique altérés par l’eau, que je reçus de Genève, ressemblaient exactement à beaucoup de ceux extraits du gésier des vers, seulement les plus gros étaient un peu plus lisses.

Quatre déjections que l’on trouva sur le sol en mosaïque mis à nu de la grande salle de la villa romaine à Brading, contenaient un grand nombre de particules de carreaux ou de brique, de mortier et de ciment blanc dur, et la majorité de ces particules paraissaient évidemment altérées. Cependant, les particules de mortier semblaient avoir subi plus de corrosion que d’attrition, car il saillait souvent de leur surface des grains de silex. Des déjections provenant de l’intérieur de la nef de Beaulieu Abbey, monument détruit par Henri VIII, furent recueillies sur une pièce de gazon horizontale, recouvrant le pavé en mosaïque enfoui, à travers lequel avaient passé les vers ; ces déjections contenaient une masse innombrable de particules de carreaux et de brique, de béton et de ciment, et la plupart avaient manifestement subi un peu ou beaucoup d’attrition. Il y avait aussi nombre de plaques minces d’un schiste micacé, et leurs pointes étaient arrondies. Si, malgré la probabilité qui s’attache à la supposition précédente, on n’admet pas que, dans tous ces cas, les mêmes petits fragments aient passé plusieurs fois par le gésier des vers, il faudra alors dire que dans tous les cas cités plus haut, cette foule de fragments arrondis trouvés dans les déjections avaient tous, par hasard, subi une attrition considérable avant d’être avalés, et c’est là une chose bien peu probable.

D’un autre côté, on doit constater que des fragments de carreaux d’ornement, un peu plus durs que des carreaux ou briques ordinaires, ayant été avalés une fois seulement par des vers tenus renfermés, ces fragments, peut-être à l’exception d’un ou deux des grains les plus fins, ne furent pas du tout arrondis. Néanmoins, quelques-uns d’entre eux paraissaient un peu altérés, bien que pas arrondis. Malgré cela, si nous considérons les observations rapportées plus haut, il n’y a guère de doute que les fragments qui servent de meulières dans le gésier des vers ne subissent un certain degré d’attrition, quand ils ne sont pas de consistance très dure ; et ainsi les particules les plus fines dans la terre que les vers avalent d’ordinaire en quantité si étonnante, sont écrasées ensemble et par là pulvérisées. S’il en est ainsi, la « terra tenuissima, » — la « pâte excessivement fine, » — dont consistent en grande partie les déjections, est partiellement due à l’action mécanique du gésier[19] et, comme nous le verrons dans le chapitre suivant, c’est cette matière fine principalement qui à chaque pluie forte se détache dans chaque champ des masses de déjections qui s’y trouvent. Si les pierres les plus tendres se laissent quelque peu entamer, les plus dures subissent une légère perte par l’usure de toute sorte.

La trituration des petites particules de pierre dans le gésier des vers a plus d’importance au point de vue géologique qu’il ne paraît tout d’abord. M. Sorbey a montré clairement que les agents ordinaires de la désagrégation, c’est-à-dire l’eau courante et les vagues de la mer, ont d’autant moins de pouvoir sur les fragments de roc, que ceux-ci sont plus petits. « Ainsi donc, même en ne tenant pas compte des particules très fines soutenues sur l’eau exceptionnellement par un courant d’eau, fait qui dépend de la cohésion de surface, les effets de l’usure sur la forme de grains doit varier en raison directe de leur diamètre ou à peu près. S’il en est ainsi, un grain de 1/10 de pouce de diamètre s’usera dix fois autant qu’un autre de 1/100 de pouce en diamètre, et au moins cent fois autant qu’un de 1/1000 de pouce de diamètre. Nous pouvons donc peut-être conclure qu’un grain de 1/10 de pouce en diamètre s’userait autant ou plus par le flottage sur un mille d’étendue, qu’un grain de 1/1000 de pouce en diamètre qui serait flotté sur une étendue de cent milles. D’après le même principe, un caillou d’un pouce de diamètre s’userait relativement davantage par le flottage sur quelques centaines de toises seulement[20]. »

Nous ne devons pas non plus oublier en examinant l’action exercée par les vers pour triturer les particules de roc, qu’on a des preuves excellentes que sur chaque acre de terre, suffisamment humide et pas trop sablonneuse, gravelleuse ou rocailleuse pour que les vers l’habitent, plus de 10 tonneaux de terre passent annuellement par leurs corps et sont apportés à la surface. Le résultat pour un pays de la grandeur des Îles Britanniques, dans une période pas très longue, dans le sens géologique, en un million d’années, par exemple, serait assez important ; car les 10 tonneaux de terre doivent d’abord être multipliés par le nombre d’années indiqué plus haut, et puis par le nombre d’acres bien pourvus de vers ; en prenant l’Angleterre et l’Écosse en même temps, on a estimé à plus de 32 millions d’acres la surface de la terre cultivée et convenable à la vie de ces animaux. Le produit sera donc 320 millions de millions de tonneaux de terre.



  1. « De la dénudation de la Galles du sud, etc. » Memoirs of the Geological Survey of Great Britain. vol. 1, p. 297, 1846.
  2. « Geological Magazine », octobre et novembre 1867, vol. IV, pp. 447 et 483. On trouve dans ce mémoire remarquable un grand nombre de données sur la matière en question.
  3. A. Tylor. « Des changements du niveau de la mer, etc. » Philos. Magazine (4e série), vol. V, 1853, p. 258. Archibald Geikie, Transactions Geolog. Soc. of Glasgow, vol. III, p. 153 (communiqué en mars 1868). Groll « De la notion du temps en géologie. » Philosophical Magazine, mai, août et novembre 1868. Consulter aussi Croll « Du climat et du temps ». 1875, chap. XX. Au sujet de données récentes sur le montant de sédiments charriés par la rivière, consulter « Nature », 23 septembre 1880. M. F. Mellard Reade a publié quelques articles intéressants sur la quantité surprenante de matières charriées en dissolution dans l’eau des rivières. Voir Address, Geolog. Soc. Liverpool, 1876-77.
  4. « Explication de la chute de la poussière fine sur des vaisseaux au milieu de l’Océan Atlantique », Proc. Geolog. Soc. of London, 4 juin 1845.
  5. « Pour la Plata », consulter mon Journal des recherches pendant le voyage du Beagle, 1845, p. 133. Élie de Beaumont a donné (Leçons de géologie pratique, tome I, 1845. p. 123) une étude excellente sur l’énorme quantité de poussière transportée dans certains pays. Je ne puis m’empêcher de penser que M. Proctor a un peu exagéré (Pleasant Ways in Science, 1879, p. 379) l’action de la poussière dans un pays humide comme la Grande-Bretagne. James Geikie a donne (Prehistoric Europe, 1880, p. 165) un résumé complet des vues de Richthofen, en les combattant néanmoins.
  6. Ces données sont empruntées à von Hensen dans « Zeitschrift für wissenschaftliche Zoologie », vol. XXVIII, 1877, p. 360. Celles relatives à la tourbe sont prises du travail de M. A. A. Julien, dans « Proc. American Assoc. Science », 1879, p. 314.
  7. J’ai indiqué quelques faits sur les conditions climatériques nécessaires ou favorables à la formation de la tourbe dans mon Journal de Recherches, 1845, p. 287.
  8. A. A. Julien. « De l’action géologique des acides de l’humus », Proc. American Assoc. Science, vol. XXVIII, 1879, p. 311. Et aussi « De l’érosion par des agents chimiques sur le sommet des montagnes. » New-York Academy of Sciences, 14 octobre 1878, cité dans le « American Naturalist ». Voir encore sur ce point, S. W. Johnson, « Sur la manière dont les céréales se nourrissent », 1870, p. 138.
  9. Pour des renseignements à cet égard, consulter S. W. Johnson, « De la manière dont les céréales se nourrissent », 1870, p. 326.
  10. Cette indication est empruntée à M. Julien « Proc. American Assoc. Science, vol. XXVIII, 1879, p. 330.
  11. Le pouvoir de préservation d’une assise de terre végétale et de gazon est souvent montré par l’état de conservation parfaite des raies laissées par la glace sur les rocs, comme on l’a vu quand on les a mis à nu pour la première fois. M. J. Geikie soutient, dans l’ouvrage si intéressant qu’il a publié en dernier lieu (Prehistoric Europe, 1881) que les raies les mieux conservées sont probablement dues au dernier accès du froid et à l’augmentation de la glace, pendant la longue période glaciale avec ses intermittences.
  12. Bien des géologues ont été très surpris de la disparition complète des silex sur de vastes étendues de terrain presque horizontales, dont la craie avait été enlevée par la dénudation sub-aérienne, mais la surface de chaque silex est revêtue d’une couche opaque modifiée qui se laisse jusque rayer par une pointe d’acier, tandis que la surface nouvellement fracturée translucide n’est pas entamée de la sorte. Sans doute les agents atmosphériques n’enlèvent cette partie modifiée extérieure des silex exposés à l’air libre qu’avec une lenteur excessive, mais jointe à la modification s’opérant vers l’intérieur, la première finira, on peut bien le supposer, par amener leur désagrégation complète, bien qu’ils paraissent si extrêmement durables.
  13. « Archives de Zoolog. expér. », tome III, 1874, p. 409.
  14. « Nouvelles Archives du Muséum », tome VIII. 1872, pp. 95, 131.
  15. Morren, en parlant de la terre qu’on rencontre dans le canal alimentaire des vers, dit : Præsepe cum lapillis commixtam vidi : « De lumbrici terrestris, etc. », 1829, p. 16.
  16. Perrier « Archives de Zoolog. expér. », tome III, 1874, p. 419.
  17. Morren « De lumbrici terrestri, etc. », p. 16.
  18. « Archives de Zoolog. Expér. », tome III, 1874, p. 418.
  19. Cette conclusion me fait penser à la grande quantité de boue crayeuse extrêmement fine qui se trouvent dans les lagunes de beaucoup d’atolls où la mer est tranquille et où les vagues ne peuvent pas triturer les blocs de corail. On doit attribuer cette boue, je pense, (« Structure et distribution des récifs de coraux », 2e  édition, 1874. p. 19) aux innombrables Annélides et autres animaux qui creusent des galeries dans le corail mort, et aussi aux poissons, aux Holothuries, etc., qui broutent les coraux vivants.
  20. Anniversary Address. « The Quarterly Journal of the Geolog. Soc., May 1880, p. 59.