Révoltée !/Texte entier

Calmann Lévy, éditeur (p. --372).

RÉVOLTÉE !


PAR


CLAUDE VIGNON



PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES
RUE AUBER, 3, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15
À LA LIBRAIRIE NOUVELLE



1879


Droits, de reproduction et de traduction réservés


RÉVOLTÉE
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR




DU MÊME AUTEUR




Format grand in-18.


CHÂTEAU-GAILLARD 
 1 vol.
LES DRAMES IGNORÉS 
 1 —
ÉLISABETH VERDIER 
 1 —
UN NAUFRAGE PARISIEN 
 1 —




Tours. – Imp. E. Mazereau.
RÉVOLTÉE !


PAR


CLAUDE VIGNON



PARIS
CALMANN LÉVY, ÉDITEUR
ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES
RUE AUBER, 3, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15
À LA LIBRAIRIE NOUVELLE


1879


Droits de reproduction et de traduction réservés


RÉVOLTÉE !




PREMIÈRE PARTIE


I

– Mon frère, je vous le répète, cette petite a le diable au corps et il n’y a qu’une chose à faire, c’est de la mettre au couvent.

Sur quoi, madame la vicomtesse de Clérac posa d’un air péremptoire sa tapisserie sur sa table à ouvrage ; M. le comte Le Dam d’Anjault, son frère, tordit sa moustache ; et, tout au fond du salon, dans l’ombre, une fillette, qui paraissait quinze ans à peine, et qui allait apparaître ou disparaître derrière une portière en tapisserie, s’arrêta court, ouvrit de grands yeux brillants, pleins de questions et de pensées, et tendit l’oreille, tout en ramenant la tapisserie sur elle, pour se dérober aux regards.

… Nous voici au 10 mars ; je pars le 1er avril ; il faut vous décider ; à quoi servirait-il que je l’emmenasse une année de plus à Clérac ? Elle gamine dans les champs comme une enfant, et ce n’est plus une enfant ; ma responsabilité est lourde, très lourde…

– Mais la mettre au couvent à quinze ans… Pauvre petite !

– Allons donc ! parce que la mère vous a pris la moitié de votre vie et de votre jeunesse, ne faut-il pas que la fille vous prenne l’autre ? Croyez-moi, Armand, à trente-cinq ans, êtes-vous encore fait pour plaire ? Une fois cette fillette au couvent, vous vous marierez très bien. Et je sais une fille d’entrepreneur, élevée au Sacré-Cœur et richement dotée, qui sera contente de devenir comtesse de bon aloi et d’avoir pour mari un joli garçon.

– Pauvre Edmée ! si gaie, si enfant encore ! et qui semble si bien faite pour prendre sa part de la vie !

– Oui ! oui ! et pour vous donner du tintouin aussi.

– C’est ma fille, après tout !

– Votre fille !… votre fille !… Enfin, elle porte votre nom !

– Clémence ! La mère est morte ?

– Oui, mon cher Armand ; et Dieu la reçoive en miséricorde !

Il y eut un moment de silence. Le père semblait soucieux, hésitant ; mais, pour un observateur, il eût été trop clair que la destinée de la petite Edmée était fixée, et que les scrupules de conscience qui la protégeaient encore seraient vite vaincus.

Madame de Clérac reprit :

– Cette enfant porte votre nom, elle n’a pas de fortune. Pouvez-vous lui en donner ? Non ! n’est-ce pas ? Ce n’est pas avec la place de deux mille huit cents francs qui vous permet de vivre en province que vous la doterez ? Eh bien, quand elle aura vingt ans, qu’en ferez-vous Tenez ! je n’y puis penser sans frémir. Jamais vous ne trouverez à vous marier avantageusement ayant auprès de vous ce minois et cette grande fille sans dot. Pour elle, le monde, c’est la misère, le malheur !… Eh ! grand Dieu ! peut-être le vice… Il y a des nécessités qui s’imposent, mon frère ! Et ces nécessités-là deviennent quelquefois des devoirs sociaux.

– Ainsi, selon vous, mon devoir serait de sacrifier Edmée ?

– Sacrifier ! – Les hommes, en vérité, ont de ces mots qu’on devrait laisser à la porte des salons et jeter hors des causeries honnêtes de la famille. C’est dans les coulisses que vous prenez ces mots-là ! Est-ce qu’une chaste et candide jeune fille, est-ce qu’une fille bien née est sacrifiée parce qu’elle devient l’ange du sanctuaire, l’épouse du Seigneur ? Combien donc de vos tantes et de vos cousines ont été sacrifiées depuis les croisades ? Car nous faisons les preuves de 1399 dans notre famille ! et nous voyons des chanoinesses de Remiremont sur notre arbre généalogique. Allons donc ! Armand, votre chétive place de bureaucrate vous aurait-elle donné de ces sottes idées bourgeoises que Rousseau, Diderot et d’Alembert ont semées dans le monde ? Ah ! si vous ou moi avions une situation en rapport avec notre rang, il y aurait encore quelque chose à tenter : ce serait de marier Edmée avec quelque vieux gentilhomme veuf et assez riche pour lui laisser un petit douaire, de lui préparer mon sort, en un mot ; mais ce n’est pas à Clérac que je la marierai, ni à Paris, où je reste à peine trois mois chaque année. Vous savez d’ailleurs que je ne pourrais qu’avec des efforts inouïs la produire dans le monde. Enfin, pour tenter cet impossible, il faudrait une jeune fille de tête, ayant le sentiment des devoirs que sa naissance lui impose ; et Edmée, si elle est votre fille, est aussi celle de sa mère… Déjà cela ne se sent que trop à mille choses ; et, quant à moi, ce ne serait pas avec une fille d’actrice que je me risquerais à courir cette aventure.

– Mais, Clémence, vous avez tort de penser du mal d’Edmée. Ce n’est qu’une enfant ; une enfant rieuse et folle, voilà tout.

– Dieu le veuille, mon frère. – Enfin les dames de Sainte-Claire la prendront pour rien, par considération pour notre famille, qui leur a donné une abbesse, et par la protection de Mgr de Bréhan qui s’intéresse à nous. Consultez-le, Mgr de Bréhan, et vous verrez ce qu’il vous dira. Il vous dira que la place d’Edmée est au couvent, et que ce que vous avez à faire, vous, c’est de vous marier avec une fille sans nom, mais riche et bien élevée, dont la dot vous permettra de rétablir votre blason, et d’aider vos parents pauvres.

– Eh ! ma sœur, sans doute, ce que vous me dites est juste et sensé ; je n’ai pas besoin d’aller consulter Mgr de Bréhan pour le sentir. Seulement… Eh bien, mon cœur se serre à l’idée de prendre cette petite créature, de la conduire dans un grand bâtiment sombre, et de l’y laisser cloîtrée pour toute sa vie…

– Il fallait, Armand, pour éviter ce malheur, suivre l’avis de vos parents, vous conformer aux intentions de toute votre famille qui comptait sur vous comme sur un réparateur, comme sur un Dieudonné.

À quoi ne pouviez-vous pas parvenir sans votre malheureux mariage ? Le roi, alors, était sur le trône ; la noblesse donnait quelques droits aux emplois !… – Enfin, n’en parlons plus et tâchons de sauver ce qui reste. Je vous disais donc que, si vous eussiez pris la vie comme il fallait, vous n’auriez pas aujourd’hui une fille dans la situation fausse où est Edmée. Faites-en votre meâ culpâ. Puis, prenez votre parti. Il y a quinze ans, vous aviez vingt ans et vous avez fait une terrible sottise ; dans quinze ans vous en aurez cinquante. Si vous prenez aujourd’hui le parti que je vous conseille, à cinquante ans vous pouvez avoir une situation de fortune assise ; une femme bien posée dans le monde ; deux ou trois enfants dont vous ne serez pas forcé de faire des prêtres ou des religieuses. Quant à Edmée, elle sera une sainte fille, honorée, peut-être élevée en dignité dans son couvent. Si vous résistez et que vous retourniez dans votre petite ville avec elle, vous serez, elle et vous, deux vieux déclassés, aigris et piteux. Et je ne mets pas les choses au pis ! Car Edmée peut, quelque jour, décamper avec un officier de la garnison. On a vu ça. Supposez qu’elle reste sage : après votre mort elle n’aura même pas de pain, et il lui faudra, pour vivre, faire des chemises ou garder les femmes en couches.

– Oh !

– Voilà, mon frère. C’est la vie ; et, à trente-cinq ans, il est temps de l’apprendre !

– Je réfléchirai, Clémence ; vous êtes mon aînée ; vous êtes une digne femme et une femme d’esprit. Certainement vos conseils sont pour moi d’un grand poids.

Il était dix heures. Madame de Clérac ne veillait pas plus tard à l’ordinaire. M. Le Dam d’Anjault prit congé. Il logeait à l’hôtel, dans le voisinage.

Le petit dérangement occasionné par son départ empêcha madame de Clérac de voir la portière de tapisserie qui séparait le salon de sa chambre à coucher se soulever un peu, puis retomber doucement.

Edmée traversa la chambre de sa tante à pas de loup, gagna une sorte de cabinet de toilette qui suivait et dont on lui avait fait une chambrette, et se glissa comme une anguille entre ses draps.

Dix minutes après, madame de Clérac, après avoir donné, pour le lendemain, les ordres à ses domestiques, entrait dans sa chambre.

– Edmée, ma mignonne, dors-tu ?

Edmée, le bras passé sous sa tête, la tête mollement renversée et la respiration égale et calme, semblait la statue du sommeil.

Une pendule ancienne, qui avait une sonnerie très-retentissante, se mit en ce moment à sonner dix heures. Sans doute, madame de Clérac pensa que le bruit avait dû percer le sommeil de sa nièce, car elle reprit :

– Tu dors, Edmée ?

La jeune fille fit un léger mouvement et murmura :

– Ma tante !

– Ah ! je croyais que tu avais entendu sonner la pendule. Tu t’es donc couchée de bonne heure ? Il est dix heures. Allons, pense à Dieu !

À dix heures, comme à toute heure.
Jésus et Marie soient dans nos cœurs :
Qu’ils y vivent, qu’ils y règnent,
Qu’ils y fassent leur demeure.

– Oui, ma tante !

C’était une habitude de madame de Clérac, qui dormait peu, d’éveiller sa nièce deux ou trois fois par nuit pour lui faire répéter cette antienne.

Peut-être voulait-elle ainsi lui donner un avant-goût du couvent et la préparer à chanter matines.

La jeune fille balbutia les dernières syllabes du dernier vers ; puis sa respiration égale et douce reprit son cours.

Mais quand sa redoutable tante, à son tour, fut couchée ; quand, à travers la porte vitrée entr’ouverte qui séparait sa chambrette de celle de madame de Clérac, Edmée entendit, elle aussi, la respiration particulière au sommeil, la jeune fille se leva en souriant et le bras accoudé sur son genou, le menton appuyé sur sa main, les yeux grands ouverts et regardant à travers l’ombre, se mit à penser.

Elle dormit peu cette nuit-là, et pensa plus qu’en toute sa vie d’enfant elle ne l’avait fait encore.


II


Nous sommes à Paris, rue de l’Université, à un quatrième étage. Madame de Clérac, ainsi qu’on l’aura pressenti par ce qui précède, est une veuve d’une quarantaine d’années, qui, depuis un an, donne asile et protection à sa nièce Edmée.

Madame de Clérac est pourvue de cinq mille livres de douaire pour tout bien ; elle habite trois mois de l’année le petit appartement où nous la voyons en ce moment, et le reste du temps vit, au fond du Limousin, dans une bicoque délabrée que pompeusement ses domestiques appellent « le château ».

Dudit château elle ramène une servante cuisinière, une petite paysanne dégrossie par les sœurs de son village, qu’elle décore du titre de femme de chambre, et un petit berger de quatorze ans, affublé d’une livrée.

Toute cette maisonnée apporte à sa suite des sacs de pommes de terre, de haricots et de noix, du petit salé, des légumes, des confitures, du vin et de la piquette pour les trois mois de séjour.

À la cuisinière, madame de Clérac donne quelques petits gages ; aux deux autres, elle ne donne que la nourriture et sa protection ; c’est-à-dire qu’elle les place après les avoir formés.

En devenant veuve, madame de Clérac avait renoncé à plaire ; elle portait invariablement à la ville une robe de cachemire noir, s’étant vouée au demi-deuil, et à la campagne des robes d’indienne ; pour aller dans le monde une robe de velours noir lui suffisait l’hiver, et l’été une robe de barège ou de mousseline.

Du 1er janvier au 1er avril, grâce à cette organisation économique, elle faisait une figure modeste, mais suffisante, dans le faubourg Saint-Germain ; et, d’avril à décembre, elle vivait noblement en son pigeonnier. Quelquefois elle était invitée à passer un mois chez des amis, et cette année-là elle trouvait moyen d’aller aux eaux, en juillet.

Quant à M. Le Dam d’Anjault, frère de madame de Clérac, que nous avons vu, veuf et encore joli garçon, à trente-cinq ans, nous le trouvons, au moment où commence ce récit, chef de bureau à la préfecture de X., avec deux mille quatre cents francs d’appointements « pour tout potaige ».

Né d’une famille noble qui n’avait eu de bien qu’une chétive part du milliard des émigrés, il était destiné à relever cette famille dont tous les efforts s’étaient réunis pour lui faire donner de l’éducation.

À vingt ans il était bachelier ; grâce à un frère moins heureusement doué que lui, qui était parti comme soldat à sa place, il se trouvait quitte du service militaire. Sa sœur, madame de Clérac, mariée à un vieux chevalier de Saint-Louis, pouvait alors lui offrir à Paris une chambrette, le sel et le pain. On lui dit qu’il fallait en profiter pour faire son droit, puisqu’en cette société révolutionnaire, on ne pouvait plus parvenir à rien sans avoir un diplôme et sans passer une thèse. Quand il serait reçu, on lui aurait, grâce à des protections, soit une sous-préfecture, soit une place d’auditeur au Conseil d’État, et on le marierait richement.

Tels étaient les projets et les espérances de la famille, vers la fin de la Restauration. Malheureusement, Armand avait l’âge des passions, un cœur naïf, l’inexpérience absolue de la vie. En menant la vie d’étudiant, il vit, rencontra, aima mademoiselle Cora Mendilla.

C’était une petite actrice, jouant la comédie à Bobino faute d’avoir pu entrer comme danseuse à l’Opéra, comme chanteuse dans les chœurs aux Italiens, comme comédienne à l’Odéon. Une vieille mère l’accompagnait partout. Sans être jolie, Cora avait du feu, de l’éclat, de l’imprévu, je ne sais quoi, qui pipait les amoureux. D’ailleurs elle paraissait sage. Comment ces deux femmes pouvaient-elles vivre avec les maigres appointements payés par le théâtre Bobino ? C’était un problème ! mais point absolument insoluble cependant, car la vieille était un prodige d’économie et prétendait avoir quelques ressources personnelles ; d’ailleurs la fille touchait des appointements relativement élevés – soixante francs par mois, je crois ! – parce qu’elle était fort goûtée du public de Bobino.

D’où venaient ces deux femmes ? Autre problème plus ardu que le précédent. On les disait espagnoles ici, et là, créoles ; ailleurs marseillaises, ou gitanas, ou bien parisiennes, de quelque faubourg.

Toujours est-il que cette petite Cora était singulière ; sans être ni chanteuse, ni danseuse, ni comédienne, elle chantait agréablement et avec esprit ; elle dansait une danse irrégulière et pittoresque ; elle jouait le drame ou la farce avec des éclats soudains et inattendus qui enlevaient les applaudissements du parterre. Bref, n’ayant point d’amoureux que l’on sût, elle devint à la mode dans le quartier Latin. Quelques jeunes gens firent, sans succès, des folies relatives, pour l’obtenir. La tête d’Armand le Dam d’Anjault se monta.

Ses folies, à lui, furent-elles plus grandes que celles des autres ? Sa figure, sa tournure, les manières aristocratiques qu’il avait prises dans le salon de sa sœur, séduisirent-elles la fillette ? Ou bien, la mère calcula-t-elle que ce jeune homme irait jusqu’où l’on voudrait pour avoir l’amour de Cora ? Il n’importe. Le fait, c’est qu’il devint son amant ; que, presque aussitôt, la fille se trouva enceinte ; que la vieille déclara qu’il fallait épouser ou bien qu’elle ferait disparaître l’enfant, fût-ce au prix de la vie de la mère… et que le comte Armand le Dam d’Anjault épousa, malgré les malédictions de sa famille.

Quand cette famille eut bien maudit pourtant, elle se dit qu’après le désastre du mariage d’Armand, il y en avait un pis à craindre : celui de le voir tomber plus bas qu’il ne convenait qu’un gentilhomme tombât, pour gagner son pain.

On réunit donc encore ses efforts, et on obtint bien loin, en province, une place de dix-huit cents francs dans les bureaux de la préfecture. La belle-mère, le gendre, la bru et l’enfant, y furent expédiés.

Ils y vécurent humblement et honnêtement. Armand aimait toujours sa femme ; la petite fille était charmante, gaie, vive, spontanée, aimée et choyée de tous ceux qui la voyaient. La vieille présidait au ménage et joignait les deux bouts. Elle mourut d’ailleurs au bout de peu d’années, ce qui simplifia la situation.

Malgré la tenue de la jeune femme, jamais la noble famille d’Anjault ne la voulut admettre ni reconnaître. À peine permettait-elle à Armand de parler de sa fille, dans les rares lettres qui s’échangeaient. Enfin une épidémie emporta Cora Mendilla, et ce fut une réjouissance générale, dont volontiers on eût fait sonner les cloches à Clérac, à Anjault et autres lieux où se trouvaient égaillés les père, mère, oncles, tantes, cousins et cousines, d’Armand le Dam d’Anjault.

La fille de l’actrice avait quatorze ans, madame de Clérac la fit venir près d’elle, l’étudia et prit, à son égard et à l’égard de son frère, les résolutions énoncées plus haut. Il est permis de supposer, d’ailleurs, qu’elle avait, touchant tous les deux, des idées préconçues.


III


Edmée, jusqu’à la mort de sa mère, n’avait été qu’une enfant heureuse. — Dans son milieu, elle n’avait vu que des visages souriants ; elle était mignonne, vive, drôlette ; une enfant est « sans conséquence ». On l’invitait donc, çà et là, aux fêtes enfantines qui se donnaient dans la ville. Habituellement elle jouait avec les enfants du préfet. Quant à la mère, on s’en inquiétait peu. Elle eût été la plus correcte des bourgeoises qu’on ne s’en fût pas inquiété davantage dans le monde, la situation administrative et pécuniaire de son mari ne lui permettant pas d’y paraître. Cette exclusion n’était donc pas une injure ; et ni Cora, ni son mari, ni sa fille n’en souffraient.

La première fois qu’Edmée entendit une parole qui lui fit sentir l’infériorité de sa situation, ce fut chez sa tante. L’épanouissement enfantin de la petite fille s’arrêta court. Au lieu de dire librement et spontanément ce qu’elle sentait, elle se contint, préoccupée d’abord de ce que sa tante voulait qu’elle pensât, craintive, défiante d’elle-même et des autres. Mais l’exubérance de sa nature avait besoin de se donner carrière. Alors, quand elle pouvait s’échapper dans la campagne, elle s’en donnait à cœur joie. Courant à perdre haleine dans les chemins, grimpant aux arbres pour dénicher des oiseaux comme un garçon, jouant avec les paysans, les paysannes, sans Page:Cadiot - Revoltee.pdf/27 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/28 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/29 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/30 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/31 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/32 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/33 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/34 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/35 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/36 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/37 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/38 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/39 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/40 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/41 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/42 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/43 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/44 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/45 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/46 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/47 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/48 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/49 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/50 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/51 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/52 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/53 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/54 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/55 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/56 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/57 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/58 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/59 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/60


IX


Quand le départ de madame de Clérac avait été imminent M. de la Chesnaie s’était dit qu’il lui fallait prendre un parti. Demander la main d’Edmée, il ne l’aurait pas osé ; il ne l’aurait pas voulu d’ailleurs. Sa raison était assez clairvoyante pour lui dire que le mariage avec un vieillard, c’était le couvent à peu près, avec la paix en moins, les tentations en plus. Et cependant, faut-il le dire ? son cœur était profondément troublé. La proposition qu’il venait de faire au père d’Edmée lui avait paru concilier les clairvoyances de sa raison et les aspirations de son cœur. Et, maintenant, il tremblait qu’on ne l’acceptât pas… et encore plus qu’on ne l’acceptât.

Le lendemain matin, – c’était ce lendemain que madame de Clérac avait indiqué comme le jour de son départ, — le baron regardait à son tour les fenêtres qui faisaient face aux siennes ; il guettait derrière ses rideaux. La vicomtesse partirait-elle sans sa nièce, ou bien prolongerait-elle son séjour à Paris ? Dans le premier cas, ce serait le refus de ses offres ; dans le second cas, sinon leur acceptation, au moins leur examen. Et son cœur battait comme il ne se souvenait pas de l’avoir senti battre encore.

À midi, aucune apparence de départ ne s’était encore manifestée. Page:Cadiot - Revoltee.pdf/62 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/63 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/64 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/65 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/66 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/67 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/68

Aussitôt après la cérémonie, qui eut lieu devant les quatre témoins et les domestiques, le baron emmena sa jeune épousée.

Une toilette de voyage en laine grise et son modeste trousseau de petite fille, voilà tout ce qu’emportait Edmée, en quittant sa famille. Sa robe de communiante allongée lui avait servi de robe de noces.

Elle partait pour Montevideo où son mari venait d’être nommé consul.

Et jamais peut-être jeune ménage épris et entouré du cortège de toutes les convenances sociales, des bénédictions de la famille, des vœux de nombreux amis n’avait été heureux, en partant pour l’Italie, comme cet homme à cheveux blancs qui emportait cette enfant, et cette enfant qui se jetait éperdue dans les bras d’un sauveur… — fuyant, tous deux, vers l’autre hémisphère.




DEUXIÈME PARTIE




I


Dirai-je le voyage ? Montrerai-je Edmée choyée par le baron de la Chesnaie comme une enfant délicate et frêle, et honorée par le contre-amiral qui commandait le navire, comme l’épouse du représentant de la France dans une des plus importantes capitales de l’Amérique ?

Qui ne se représente dans quelle via différente entrait d’emblée l’enfant mutine qui venait de secouer le joug de madame de Clérac et qui, six mois auparavant, chaussée de brodequins de cuir, vêtue d’une blouse de percaline noire et les cheveux en broussailles, n’imaginait rien au delà d’une course folle et libre dans la campagne !

Depuis ces six mois, on lui avait montré le couvent à l’horizon de son avenir et, d’abord, quand cet horizon lui paraissait encore vague et lointain, elle éprouvait, en y pensant, plus de tristesse que de révolte. C’était une énorme maison carrée, derrière laquelle il y avait un grand jardin ; puis on était habillé de gris, ou de blanc, ou de noir, pour toute sa vie ; pas de Page:Cadiot - Revoltee.pdf/72 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/73 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/74 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/75 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/76 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/77 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/78 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/79 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/80 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/81 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/82 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/83 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/84 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/85 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/86 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/87 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/88 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/89 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/90 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/91 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/92 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/93 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/94 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/95 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/96 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/97 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/98 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/99 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/100 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/101 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/102 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/103 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/104 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/105 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/106 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/107 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/108 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/109

Et, comme il l’avait dit, Robert descendit et tendit la main.

Edmée s’y appuya pour descendre à son tour :

— Adieu ! balbutia-t-elle.

Et rouge, tremblante et les yeux baissés, elle s’élança, en laissant un bouquet dans la main de Robert. Page:Cadiot - Revoltee.pdf/111 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/112 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/113 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/114 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/115 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/116 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/117 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/118 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/119 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/120 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/121 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/122 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/123 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/124 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/125 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/126 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/127 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/128 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/129 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/130 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/131 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/132 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/133 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/134 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/135 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/136 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/137 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/138 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/139 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/140 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/141 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/142 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/143 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/144 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/145 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/146 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/147 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/148 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/149 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/150 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/151 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/152 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/153 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/154 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/155 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/156 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/157 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/158 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/159 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/160 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/161 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/162 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/163 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/164


XVI


Vers quatre heures, et avant que les amants se fussent demandé comment ils allaient arranger leur amour avec les réalités de la vie, un bruit étranger les fit tressaillir. Quelqu’un venait d’ouvrir la porte du grillage de leur jardinet.

Tous deux bondirent en même temps. À travers les fentes de la jalousie baissée, ils aperçurent une silhouette de femme.

– Chut ! dit Robert à Edmée, devenue pâle. Puis : — Cache-toi, c’est ma mère !

Et en effet, à peine Robert avait eu le temps de fermer, sur Edmée, la porte de la seconde pièce, que madame de Ré apparut sur le seuil.

– Je viens, dit-elle, chercher madame de la Chesnaie.

– Vous ? ma mère ? – madame de la Chesnaie ! que voulez-vous dire ?

– Ce que je dis, mon fils. Et vous m’épargnerez, n’est-ce pas, des dénégations indignes de vous et de moi ?

– Mais, je vous assure…

– Elle est là, Robert ; je le sais, et je vous répète que je viens la chercher. Je ne suis ni son père ni son mari. Vous n’avez pas à la protéger contre moi.

– Cependant, ma mère… Page:Cadiot - Revoltee.pdf/166 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/167 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/168 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/169 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/170 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/171 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/172 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/173 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/175 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/176 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/177 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/178 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/179 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/180 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/181 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/182 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/183 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/184 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/185 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/186 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/187 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/188 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/189 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/190 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/191 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/192 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/193 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/194 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/195 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/196 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/197 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/198 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/199 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/200 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/201 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/202 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/203 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/204 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/205 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/206 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/207 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/208 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/209 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/210 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/211 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/212 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/213 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/214 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/215 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/216 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/217 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/218 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/219 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/220 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/221 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/222 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/223 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/224 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/225 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/226 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/227 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/228 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/229 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/230 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/231 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/232 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/233 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/234 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/235 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/236 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/237 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/238 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/239 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/240 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/241 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/242 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/243 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/244 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/245 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/246 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/247 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/248 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/249 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/250 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/251 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/252 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/253 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/254 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/255 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/256 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/257 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/258 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/259 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/260 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/261 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/262 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/263 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/264 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/265 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/266 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/267 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/268 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/269 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/270 la déshabiller ; puis ce dernier effort fait, s’en retourna, brisé, lui aussi, en chancelant comme un homme ivre, à travers les corridors et les salons jusqu’à son fauteuil, où il demeura pendant plusieurs heures éperdu, abîmé, fini, sous le poids lourd de ses soixante ans. Page:Cadiot - Revoltee.pdf/272 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/273 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/274 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/275 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/276 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/277 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/278 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/279 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/280 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/281 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/282 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/283 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/284 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/285 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/286 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/287 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/288 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/289 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/290 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/291


XVIII


Le jour du départ du bateau grec, mesdames Hall et de la Chesnaie allèrent s’habiller chez madame Alepian. M. de la Barre y arriva tout déguisé, et bien déguisé, car les trois femmes déclarèrent qu’elles ne l’auraient pas reconnu. Il portait le costume turc avec le tarbouch au lieu du turban. Il s’était agrandi les yeux, peint les sourcils, dessiné quelques rides et ajouté une barbe entière. Quant aux femmes, elles n’étaient pas plus reconnaissables, avec la taille perdue dans la large veste de Arméniennes, le bas du visage caché par le voile blanc épais qu’on appelle bourcou’e, et la tête et les épaules enveloppées de la mante de taffetas noir. Madame Alepia aussi, pour cette circonstance, avait repris son costume national.

– Voici l’heure de partir, dit M. de la Barre au déclin du jour… Le temps d’aller au cimetière de Karmous et nous arriverons à l’instant précis où commencent les saturnales musulmanes.

– À quelle heure est-ce ? demanda mistress Hall.

– Oh ! répondit l’élève consul, je ne saurais vous le dire exactement, en termes d’horlogerie. Cela dépend du temps et de la saison.

– Mais la semaine du Baïram ne tombe-t-elle pas comme nos fêtes, à une époque fixe de l’année ? Page:Cadiot - Revoltee.pdf/293 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/294 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/295 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/296 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/297 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/298 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/299


QUATRIÈME PARTIE


I


C’était donc vrai ! le rêve s’était accompli !… Elle avait échappé à son geôlier, trompé la surveillance de ses gardiens, e nquis sa liberté !

Sa liberté !

D’abord elle alla s’échouer sur le pont comme stupéfiée. Le bateau marchait ; elle voyait la mer s’ouvrir vaste à l’avant du bateau, et les lumières d’Alexandrie s’estomper dans le lointain, à l’arrière. Oui, c’était vrai.

Son immense soulagement fut suivi de je ne sais quelle étrange sensation d’épouvante. Peut-être était-ce la nuit et le silence, succédant tout à coup aux scènes fantastiques du Baïram, à la fuite vertigineuse avec le Saïs : peut-être le sentiment de la solitude, en face de l’inconnu.

Son costume d’emprunt, quelques bijoux d’usage, de l’or étranger, une poignée de billets français dans ses poches, un faux passeport qu’elle aurait eu besoin de lire, pour savoir dans quel personnage elle venait d’entrer, Page:Cadiot - Revoltee.pdf/302 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/303 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/304 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/305 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/306 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/307


II


Plus elle approchait de Paris, plus une appréhension insurmontable lui serrait le cœur.

À peine arrivée elle se jeta dans un fiacre, se fit conduire au centre de Paris, et, dès qu’elle avisa un hôtel de modeste apparence, y prit une chambre, demanda du papier, une plume et de l’encre, écrivit ce billet et remonta en voiture, pour le porter elle-même à son adresse :

« Enfin ! c’est moi, mon bien-aimé ! me voici, après quinze mois de captivité, et à travers mille dangers. Viens ! accours ! je suis descendue rue… hôtel de Flandre.... Je t’attends !

» EDMÉE. »

– Tenez, mon ami, dit-elle au cocher, quand elle fut arrivée rue du Bac, devant la porte de M. de Ré ; – Veuillez remettre cette lettre au concierge.

Deux minutes s’écoulèrent : deux siècles.

Le cocher qui était descendu de son siège lentement et en maugréant, ressortit de la loge du concierge, la lettre à la main.

– Ce monsieur, dit-il, n’est pas à Paris.

Elle devint très pâle et crut qu’elle allait défaillir. Cependant, elle se dit qu’il n’y avait rien, là, d’extraordinaire. Robert ne l’attendait pas ; il était en voyage, à la campagne, peut-être… Page:Cadiot - Revoltee.pdf/309 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/310 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/311 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/312 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/313


III


Le cœur lui faillit quand elle se trouva dans l’antichambre, et plus encore quand on lui demanda son nom.

– Annoncez, dit-elle, la baronne de la Chesnaie !

– Comment ! c’est vous, ma chère belle ! et à cette heure matinale ? Quel heureux réveil ? Et comment va M. de la Chesnaie ?

Madame de Ré avait été au devant de la visiteuse les mains tendues, le sourire aux lèvres ; mais, malgré son habitude du monde, elle n’avait pu empêcher son visage de pâlir et la contrainte de percer à travers la cordialité apparente de son accueil.

Cet accueil, d’ailleurs, était bizarre. Elle n’avait vu Edmée qu’une fois : – on sait en quelles circonstances ; – et elle n’avait jamais vu M. de la Chesnaie. La visite de la jeune femme annonçait donc, certainement, quelque chose de grave : – et, à ce propos, le nom de M. de la Chesnaie venait assez étrangement en situation.

Edmée pâlit à son tour, mais ne perdit pas contenance et répondit à la question par une question :

– Et Robert ?

Son cœur tremblait dans sa poitrine.

– Il regrettera certainement beaucoup de ne pas être à Paris pendant votre passage…

– Mon passage !… Madame, où est Robert ? Page:Cadiot - Revoltee.pdf/315 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/316 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/317 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/318 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/319


IV


Lorsque, onze mois auparavant, le comte le Dam d’Anjault avait reçu la lettre du baron de la Chesnaie, il était allé immédiatement trouver madame de Ré, pour en appeler à son intervention.

La mère, comme la femme du monde, avait vite compris ; son fils s’apprêtait à faire une folie insigne : à perdre son avenir, à perdre celui de la baronne de la Chesnaie, à se river au pied le boulet d’un ménage illégitime, d’une paternité inavouable. Elle ne pouvait ni ne devait le laisser faire. Surtout quand la fortune lui présentait un mari comme M. de la Chesnaie qui voulait garder sa femme, même adultère, et devenir le père de l’enfant dont elle était grosse. Robert, lui avait-elle dit, vous avez, l’an dernier, fait une faute grave : vous avez séduit une femme mariée, jusqu’alors pure et respectable, qui sans vous aurait pu demeurer près de son vieux mari, honnête et sereine. Je ne vous ai pas fait un reproche, parce que quand cet amour a été brisé dans sa fleur, je vous ai vu souffrir et pleurer ; d’ailleurs, je croyais que vous aviez respecté, dans celle que vous aimiez, l’épouse d’un autre ; mais, j’apprends que vous avez le criminel projet d’aller enlever cette femme à son mari, de la perdre à jamais par un affreux scandale, de vivre avec elle et je viens vous arrêter Page:Cadiot - Revoltee.pdf/321 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/322 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/323 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/324 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/325


V


Cependant ce même jour, vers cinq heures, Edmée vit apparaître son père, à la porte de sa chambre d’hôtel. Il avait l’air simple et digne.

– Ma fille, lui dit-il, je viens vous chercher, car les parents doivent avoir plus de raison que leurs enfants. Vous êtes dans l’âge des passions : des circonstances particulières de naissance et de fortune vous ont poussée à un mariage disproportionné… je ne vous ferai point de reproches ; entre nous ce seraient de vaines paroles. Mon devoir de père a été, je le crois, de consentir autrefois au mariage que vous avez choisi ; j’estime qu’il est aujourd’hui de vous tendre la main. Votre place n’est pas ici, mais chez moi.

— Merci, mon père, répondit Edmée d’une voix qui tremblait légèrement. Vous tenez en effet, vis-à-vis de moi, la conduite d’un père, et d’un gentilhomme. Mais… votre maison est aussi celle de votre femme.

– Ma femme est votre belle-mère ; elle en a les devoirs ; et d’ailleurs, vous la jugeriez mal si vous pensiez que ses sentiments, en cette circonstance, ne sont pas absolument d’accord avec les miens.

– Et ma tante ?

– Votre tante pense comme votre belle-mère, et comme moi. Page:Cadiot - Revoltee.pdf/327 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/328 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/329 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/330 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/331 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/332


VI


Un après-midi, en revenant de tuer le temps par des courses inutiles, elle vit, sur le guéridon du salon, une lettre de faire part, ouverte. Papier blanc : faire part de mariage. Ses yeux s’y portèrent avec distraction, puis tout à coup s’ouvrirent démesurément. Quoi donc ? n’avait-elle pas lu, là-dessus, le nom de Robert de Ré ?

Les lettres flamboyaient ; les mots dansaient… Non, ce n’était pas possible ! ce n’était pas vrai ! ces choses-là n’arrivaient pas !…

Mais, pourtant, il fallait bien croire qu’elles arrivaient, puisque cette lettre de faire part était là ?…

Madame veuve de Ré a l’honneur de vous faire part du mariage de M. Robert de Ré, son fils, avec mademoiselle X***

» Périgueux, ce 12 octobre 18…

» On part.


D’abord, ce fut comme un coup formidable : quelque chose comme si la voûte du ciel, tout à coup, s’était écroulée sur la terre. Comme si la nuit s’était faite sur le monde, et que le monde fût retourné au chaos. Ou Page:Cadiot - Revoltee.pdf/334 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/335 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/336 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/337 triomphe, ni à l’horizon, le mirage de l’amour heureux et libre. Rien que la solitude, la haine, le désespoir et la misère immédiate.

Et cependant, dans son désastre, elle gardait une indomptable énergie.


VII


Elle redescendit dans Paris qui venait de s’éclairer pour le soir, et se sentit un peu réchauffée par la vue des passants nombreux et des boutiques brillantes. Mais elle était exténuée ; elle avait faim ; elle sentait surtout l’impérieux besoin de se poser quelque part où retrouver un instant le confortable de la vie, pour y prendre un parti. Elle chercha du regard un restaurant, en vit un, de bonne apparence. Il y avait sur l’enseigne « salons et cabinets » puis, à côté, un petit escalier par lequel on montait sans passer par la boutique. Elle s’y engagea et entra dans le premier des cabinets dont le garçon lui ouvrit la porte. Elle se jeta sur le canapé, devant la table, pendant que le garçon, lestement, mettait deux couverts et lui laissait la carte. Quand il fut sorti, elle dénoua les brides de son chapeau, humecta ses tempes et ses yeux d’un peu d’eau, respira, puis, comprenant qu’elle allait avoir là une dépense à solder, et que d’autres dépenses allaient suivre, elle ouvrit son porte-monnaie. Trois louis, quelque menue monnaie, et voilà tout : avec cela, aux doigts, elle avait des bagues ; au côté, une montre ; aux oreilles des boutons de diamants. C’était de quoi faire quelques centaines de francs. Et après ?

« Après ! se dit-elle je veux être plus riche que ma

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VIII


Elle avait été autrement jolie ; mais jamais plus que le samedi suivant, quand elle s’élança d’un coupé de remise dans l’allée qui conduit au jardin Mabille. Une robe de barège blanc un peu ouverte, avec des noeuds de velours noir : au cou, des rangs de perles d’or : d’autres se mêlant à ses cheveux sous un délicieux chapeau de tulle et de marabouts blanc mat, attaché par des brides de velours : une rose rouge au côté gauche, des manches ouvertes et de longs gants de Suède, dans lesquels fuyait son bras blanc : des souliers de velours à hauts talons. Avec cela, pâle, les yeux agrandis par l’endiablement intérieur qui la poussait, les lèvres bien rouges sur ses dents blanches, et je ne sais quelle démarche, haute et hardie, que n’avait nulle autre de ces femmes qui sont là.

Elle s’avançait seule, regardant de côté et d’autre, d’un regard droit et direct, et souriant. Malgré la saison, il faisait un temps superbe, clair et doux, avec un peu de brume. Les becs de gaz donnaient aux arbres empourprés ou jaunis par l’automne, un coloris chaud et diapré. Les fleurs éclataient et débordaient partout de la luxuriante végétation d’automne. On dansait dans le jardin, et toutes les courtisanes en vogue étaient à leur poste, assises sur des chaises en avant du Page:Cadiot - Revoltee.pdf/345 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/346 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/347 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/348 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/349 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/350 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/351 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/352

– Vos ordres pour demain, ma belle ? Dois-je venir vous prendre pour le Bois ?

– Venez.

Edmée monta d’un trait à son appartement, s’y enferma, et, après s’être lavée le bras bien vite, se prit à sangloter.


IX

La consigne la plus sévère était donnée à l’hôtel d’Anjault, et M. de la Chesnaie, lui-même, qui arrivait d’Orient, eut de la peine à la forcer.

On l’eût pris pour un homme de quatre-vingts ans, tant il était tordu par la douleur et brisé par la fatigue. Il ne savait rien, hormis qu’Edmée était partie pour la France, avec un faux passe-port.

D’abord, la croyant enlevée par son amant, il avait étouffé les éclats de son épouvantable désespoir. En apprenant, par le capitaine de l’Égyptien, qu’elle s’était embarquée seule, — vite, sans perdre un jour, sans perdre une heure, il l’avait suivie. Et il arrivait pour apprendre que son malheur était plus grand encore que jamais il ne l’aurait pu prévoir !

À l’hôtel d’Anjault, on était sous le coup du désastre d’honneur qui faisait, depuis trois jours, le scandale de Paris.

Le comte, écrasé, ne savait que faire. Demander raison au marquis do B. du déshonneur de sa fille, eût été ridicule. Un homme n’a pas de comptes à rendre à propos d’une femme qu’il ramasse à Mabille. Se saisir d’Edmée et la faire enfermer ? la loi, qui a borné la puissance paternelle, ne le permettait pas.

La comtesse d’Aujault poussait les hauts cris. « Sa Page:Cadiot - Revoltee.pdf/355 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/356 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/357 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/358 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/359 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/360


X


D’abord Edmée s’était jetée avec bravade dans la voie ouverte par son début à Mabille. Elle avait reçu le marquis le matin, elle s’était montrée dans sa voiture, parée de ses cadeaux ; elle avait même paru mettre de l’empressement à s’afficher ; comme si elle avait craint qu’on ne dise jamais assez tôt : « La baronne de la Chesnaie est la maîtresse entretenue du marquis de B., et qui la veut n’a qu’à la payer. »

Les bouquets du marquis ? elle les avait respirés une heure, puis jetés au vent. Ses bijoux ? elle les avait roulés à ses bras, pendus à ses oreilles et fait miroiter à tous les yeux. Enfin, elle n’avait refusé ni les loges, ni les soupers et, parfois, s’y était montrée d’une gaieté folle ou d’un brio et d’un esprit surprenants.

Quant au marquis, à l’origine, il s’était embarqué dans cette aventure pour le bruit qu’elle ferait. Il aimait, comme ses pareils, à occuper la chronique parisienne. Puis il avait trouvé un piquant singulier à cette grande dame devenue lorette, du jour au lendemain, par parti pris, et en qui tout annonçait l’étoffe d’une grande courtisane. Il pensait, avec plaisir, qu’un jour elle étonnerait tout Paris par son luxe et son insolence, et qu’il pourrait dire : « C’est moi qui l’ai lancée ! » Et pendant quelques jours la vanité satisfaite lui fut une Page:Cadiot - Revoltee.pdf/362 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/363 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/364 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/365 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/366 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/367 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/368


XI


Le soir même, Edmée avait résilié son appartement meublé, congédié sa domestique, vendu, pour ce qu’on avait voulu lui en donner, ses toilettes et les quelques bijoux qui lui restaient, et, le lendemain matin, à la première heure, elle partait, portant elle-même, dans une petite valise à main, son léger bagage.

Pour dérouter les recherches du marquis ou de quelque autre, dans le cas où on aurait eu l’idée de suivre sa trace, aile se fit conduire à une station de chemin de fer puis, de là, avec un omnibus, elle gagna Passy.

La maisonnette était déjà prête, tant bien que mal. Ce n’était plus là le doux nid que Robert avait embelli chaque jour pendant quelques semaines, mais c’était, à peu près, le simple arrangement de la première heure moins le charme, moins le parfum, moins ce je ne sais quoi d’exquis que jette, sur les choses, le rayonnement de l’amour.

N’importe, Edmée se blottit là comme en un refuge. Un suprême refuge !

Et quand, après lui avoir servi deux œufs à la coque et une tasse de café, la vieille s’en alla en lui disant « à ce soir, cinq heures, pour le dîner de madame » une grande accalmie succéda aux soubressauts fiévreux qui, Page:Cadiot - Revoltee.pdf/370 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/371 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/372 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/373 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/374 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/375 Page:Cadiot - Revoltee.pdf/376 au pied du lit funèbre, et immobile comme la morte, pleurait, en silence, des ruisseaux de larmes. Tel le larmoyeur, d’Ary Scheffer, que rien plus ne consolera.

La famille d’Anjault fit annoncer, par un entrefilet dans les journaux, la perte douloureuse qu’elle venait de faire, en la personne de dame Edmée Le Dam d’Anjault, baronne de la Chesnaie, morte d’un transport au cerveau, après deux mois d’aliénation mentale.

Puis elle réclama le corps pour le conduire, après des funérailles pompeuses, au caveau de famille.

Mais le baron de la Chesnaie refusa de le rendre, le fit sceller dans un cercueil de plomb et l’emporta. « Elle reposera, dit-il, bien loin d’ici, sous ma seule garde, bientôt en ma seule compagnie. »

Peu de mois après, en effet, un double tombeau les réunissait, dans la quinta ombreuse de Montevideo.


FIN



Tours. – E. Mazereau, imprimeur.

TABLE DES MATIÈRES

(ne fait pas partie de l’ouvrage original)


Première partie


Deuxième partie
 109


Troisième partie
 161
 181
 214


Quatrième partie
 287
 312
 347