La Tentation de l’homme/Résignation

La Tentation de l’hommeSociété du Mercure de France (p. 21-22).


RÉSIGNATION


 
Je me levai sur mes deux mains, avec effort,
Et mon regard chercha, dans l’ombre indifférente,
La déroute confuse et la mêlée errante
Des enfants de la femme en marche vers la mort.
Je les vis. Ils allaient, en troupeaux inutiles,
Où des doigts s’arrachaient des hampes d’étendards,
Bestiaire de bronze et de soie, où, hagards,
Des bras nus s’enlaçaient à des croupes reptiles.

Et je me mis debout, parmi l’impiété
Solennelle de la pierre déserte, et toute
L’ironique splendeur des nuits où rien n’écoute.
Et je sentis grandir en moi la volonté


D’unir à leur néant servile ma poussière,
De n’être plus qu’un homme au milieu d’eux, l’obscur
Passant qui longe en tâtonnant l’énorme mur
De sa vie, et qui sait de nouveau la prière,

Et d’aller, résigné comme eux, vers un demain
Fait d’espérance, jusqu’au terme du chemin.