Répertoire national/Vol 1/La Victoire de Chateauguay

Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 79-81).

1813.

LA VICTOIRE DE CHATEAUGUAY.


La trompette a sonné : l’éclair luit, l’airain gronde ;
Salaberry[1] paraît, la valeur le seconde,
Et trois cents Canadiens qui marchent sur ses pas,

Comme lui, d’un air gai, vont braver le trépas.
Huit mille Américains s’avancent d’un air sombre ;
Hampton, leur chef, en vain veut compter sur leur nombre.
C’est un nuage affreux qui paraît s’épaissir,
Mais que le fer de Mars doit bientôt éclaircir.
Le Héros Canadien, calme quand l’airain tonne,
Vaillant quand il combat, prudent quand il ordonne,
À placé ses guerriers, observé son rival :
Il a saisi l’instant, et donné le signal.
Sur le nuage épais qui contre lui s’avance,
Aussi prompt que l’éclair, le Canadien s’élance…
Le grand nombre l’arrête… il ne recule pas ;
Il offre sa prière à l’ange des combats ;
Implore du Très-Haut le secours invisible ;
Remplit tous ses devoirs et se croit invincible.
Les ennemis confus poussent des burlemens ;
Le chef et les soldats font de faux mouvemens.
Salaberry qui voit que son rival hésite,
Dans la horde nombreuse a lancé son élite :

Le nuage s’entr’ouvre ; il en sort mille éclairs ;
La foudre et ses éclairs se perdent dans les airs.
Du pâle Américain la honte se déploie :
Les Canadiens vainqueurs jettent des cris de joie ;
Leur intrépide chef enchaîne le succès,
Et tout l’espoir d’Hampton s’enfuit dans les forêts.
Oui ! généreux soldats, votre valeur enchante :
La patrie envers vous sera reconnaissante.
Qu’une main libérale, unie au sentiment
En gravant ce qui suit, vous offre un monument :
« Ici les Canadiens se couvrirent de gloire ;
Oui ! trois cents sur huit mille obtinrent la victoire.
Leur constante union fut un rempart d’airain
Qui repoussa les traits du fier Américain.
Passant, admire-les… Ces rivages tranquilles
Ont été défendus comme les Thermopyles ;
Ici Léonidas et ses trois cents guerriers,
Revinrent parmi nous cueillir d’autres lauriers »

J. D. Mermet[2].



  1. L’Honorable Charles Michel Yrongeberry de Salaberry, Compagnon
    du Très Honorable Ordre Militaire du Bain, Membre du Conseil Législatif
    du Bas-Canada, Lieutenant des Voltigeurs Canadiens, décoré de la
    médaille de Chateauguay, Lieutenant-Colonel de Milice et Seigneur de
    Beaulieu, fils de l’Honorable Louis de Salaberry, Officier de mérite au service britannique dans la Révolution américaine, et qui se distingua particulièrement par sa bravoure à la prise du Fort St. Jean, naquit à Beauport, près de Québec, le 19 Novembre, 1778. Il entra jeune dans l’armée anglaise, avec ses trois frères, dont l’un fut tué au siège de Badajoz, le second à Salamanque, et le troisième mourut à la suite des fatigues endurées pendant une longue marche : il se trouva à l’expédition de Walcheren, et servit ensuite dans la guerre de la Péninsule, où il obtint le rang de Capitaine. Il revint de là en Canada, comme aide-de-camp du Général Rottenburg, et fut peu de temps après nommé Major des Voltigeurs Canadiens : il se distingua éminemment en repoussant 8000 américains avec seulement trois cents hommes, près de Chateauguay, le 26 Octobre, 1813. Le Major de Salaberry reçut pour ce service les remerciements des deux Chambres du Parlement Provincial, par le canal de leurs Présidents, et fut recommandé par Son Excellence Sir George Provost à George IV, alors Prince Régent, de qui il reçut une lettre de remerciements écrite de sa propre main, et fut subséquemment promu au grade de Lieutenant-Colonel des Voltigeurs. En conséquence de cette action célèbre, le Prince Régent fit frapper une médaille d’or, et conféra à la milice incorporée le privilège de porter des drapeaux. L’Honorable C. M. de Salaberry avait épousé Mademoiselle de Rouville, fille de l’Honorable Colonel J. B. M. H. de Rouville, Membre du Conseil Législatif. M. de Salaberry est mort à Chambly, le 27 Février, 1829, d’une attaque d’apoplexie dont il avait été atteint le soir précédent, à l’âge de 50 ans.
  2. M. J. D. Mermet, Lieutenant-Capitaine et Adjudant au Régiment de Wateville, était venu en Canada en 1813 avec ce Régiment. Il a laissé un bon nombre de pièces de vers, écrites et publiées en Canada.