Le jour avait fait place aux ombres de la nuit,
Un silence profond régnait sur la nature ;
Cet éclat ténébreux que la lune produit
Des champs et des vallons argentait la verdure ;
Sur le sommet d’un précipice affreux
Je vois paraître une forme angélique,
Un ton plaintif, des accents douloureux
Me font entendre un chant mélancolique.
« Tout est beau, tout est grand dans ces endroits chéris,
À goûter le bonheur tout ici nous invite,
Pourquoi retardes-tu, toi pour qui seul je vis ?
Veux-tu donc que je meure ?… hélas ! je le mérite :
Un pur amour avait uni nos cœurs,
Tu m’étais cher, je te fus infidèle ;…
Ô tendre ami, pardonnes mes erreurs,
Des cœurs constants je serai le modèle. »
« Au bord de ce ruisseau, dans ce bocage frais,
Jadis nous partagions nos plaisirs et nos peines,
Sous ces arbres touffus avec moi tu pleurais,
Tu riais avec moi : tu gisais dans mes chaînes ;
Combien de fois je t’ai vu me jurer
Que pour toujours je te serais unie ;
Tu fuis de moi, tu ne veux plus m’aimer,
Je suis coupable,… ah ! que je suis punie ! »
« Peut-être en ce moment, plus heureuse que moi,
Une autre dans tes bras jouit de sa conquête
Mais où suis-je ? que vois-je ? est-ce un rêve, est-ce toi ? »
À ces mots je la vois vers moi pencher la tête.
Un cri perçant frappe soudain les airs,
Elle frémit, chancelle, tombe, expire.
Elle dormait : sur ces rochers déserts
L’avait conduite un amoureux délire.