Répertoire national/Vol 1/Invocation à la Santé

Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 219-221).

1833.

INVOCATION À LA SANTÉ.

Ô toi, que Ganimède aux cieux,
Dans le calice de la vie
Versait mêlée à l’ambroisie,
Au banquet solennel des Dieux ;
Ô santé, pour toi tout soupire ;
Du trépas vient briser la faulx,
Sous nos pas ferme les tombeaux,
Relève sur eux ton empire.

Resterais-tu sourde à nos vœux,
Quand la nature renouvelle,
Et sur nos rives te rappelle,
Pour faire avec toi des heureux ?
Privés de ta douce influence,
En foulant à nos pieds les fleurs,
Les arroserions-nous des pleurs
Du malheur et de la souffrance ?

Au sortir de cette stupeur,
Qui la retint ensevelie,
Quand tout respire de ta vie
Le baume régénérateur :
Sur les fleurs et sur la verdure
Nous seuls destinés à languir,
N’aurions-nous vu que pour mourir
Le doux réveil de la nature ?

Et cet astre, qui dans les cieux,
Roule si brillant sur nos têtes,
Après le règne des tempêtes,
Et nous vivifie à ses feux :
En se dégageant du nuage,
N’a-t-il rallumé son flambeau
Que pour éclairer au tombeau
Notre inévitable passage ?

Que nous importe le printemps,
Que la pelouse refleurisse,
Que la rose s’épanouisse,
Mille autres charmes séduisants ?
S’il devait fondre encore sur nous
Ce fléau funeste, effroyable,
Que le Tout-Puissant implacable
Sur nous lança dans son courroux.

Quoi ! sur nos malheureuses plages,
Quand ses traces, de toutes parts,
Attestent encore aux regards
Ses épouvantables ravages :
Que la patrie encor voilée,
Et couverte d’habits en deuil,
S’agenouillant sur le cercueil,
Pleure sa triste destinée.

Portés sur l’aile des zéphirs,
Revenus enfin dans nos plaines,
Empoisonnant, par leurs haleines,
Nos espérances, nos soupirs ;
Il reviendrait avec furie,
Inopinément de retour,
Ainsi qu’un avide vautour,
Ronger le sein de ma patrie !

Sans pitié pour ses longs malheurs,
Quand sa blessure saigne encore ;
Qu’un cruel souci la dévore,
Ne laisse point sécher ses pleurs ;
D’une fois, il la rendrait victime
Des maux, dont le seul souvenir,
Semble sous ses pas entr’ouvrir
Un profond et funeste abîme !

C’est donc vainement que nos cris
Au temple ont redit nos alarmes ;
C’est donc vainement que nos larmes
En ont arrosé le parvis ?
De l’abîme de nos misères,
Si notre voix s’élève en vain,
Si le ciel pour nous est d’airain ;
Cessons d’inutiles prières !

Mais que dis-je ? espérons encor…
Lorsque l’espérance encourage,
C’est la planche après le naufrage,
Qui conduit quelques fois au port ;
C’est cette lumière lointaine
Qui, du voyageur que poursuit
L’horreur des ombres de la nuit,
Va guider la marche incertaine !

Oui ! flattons-nous d’un sort meilleur !
Il dissipera les ténèbres
Naissant des souvenirs funèbres
De la souffrance et du malheur…
Santé, c’est dans toi que repose
Cet avenir consolateur ?
Viens opérer dans notre cœur
Cette douce métamorphose.

Vois comme au sein de la cité
Partout l’activité s’empresse,
Avec prudence, avec sagesse,
À t’offrir un site assuré !
Comme la terre se couronne
Pour toi de verdure et de fleurs !
Souris donc aux vœux de nos cœurs,
Fixe au milieu de nous ton trône.

Rends-nous tes précieux bienfaits !
Que l’industrie enfin renaisse !
Que le commerce reparaisse
Aussi florissant que jamais !
Et si sur tes pas l’abondance
Doit faire gémir nos greniers ;
Pour en jouir dans nos foyers,

Embellis-les par ta présence.
pierre laviolette .