Répertoire national/Vol 1/Agar dans le désert

Collectif
Texte établi par J. Huston, Imprimerie de Lovell et Gibson (Volume 1p. 194-195).

1831.

AGAR DANS LE DÉSERT.


[Agar, renvoyée par Abraham à la demande de Sara, s’éloigne avec son fils Ismaël. En traversant le désert de Bersabée, la fatigue et la soif les contraignent de s’arrêter.]

AGAR.

 
Où dois-je diriger une marche incertaine ?
Dans ces déserts brûlants je me traîne avec peine ;
Le sable sous mes pas semble toujours mouvoir.
Je voudrais avancer ; je n’en ai le pouvoir.
Et mon fils, mon cher fils, près de perdre la vie,
Si sa cruelle soif ne peut être assouvie !

(Regardant de tous côtés,)

Point de fruits… point de source… et la terre et les cieux,
Refusent leurs faveurs à ces climats affreux.

ISMAËL.

Ma mère, apaise un peu la soif qui me tourmente :
De moment en moment je la sens qui s’augmente.
agar ( après l'avoir calmé, continue ses recherches).
Point d’eau — cherchons encor. — Puissé-je en découvrir !
— Plus d’espérance. — Ô ciel ! faut-il le voir périr ?

ISMAËL.

Ah ! ma mère, reviens… Je souffre plus encore…
Je suis plus consumé du feu qui me dévore…

Je sens que sur mes yeux s’étend un voile épais…
Je ne peux plus te voir… je te quitte à jamais…
Encore un seul baiser… je meurs… adieu, ma mère.

AGAR.

Ismaël… Ô douleur ! Jour affreux qui m’éclaire !
Mon fils… il n’entend plus… Ô Destins rigoureux,
Tout espoir m’est ravi par votre barbarie ;
Frappez-moi, frappez-moi ; c’est ma plus chère envie.
Puisque mon fils est mort, je veux aussi mourir ;
Le tombeau maintenant peut seul nous réunir.

(Elle tombe dans un profond accablement ; enfin après un long silence,
elle se jette à genoux.)


Grande Divinité ! toi qu’adore mon maître,
Toi, dont il dit tenir et ses biens et son être,
Si, par ta volonté, mon fils reçut le jour,
Que ton juste pouvoir le rende à mon amour :
Une mère éplorée invoque ta clémence.

un ange (descend du ciel et lui dit :)

Le Tout-Puissant m’envoie adoucir ta souffrance,
Agar, reprends ton fils.

AGAR.

               Que vois-je, juste ciel !
Son cœur bat… son œil s’ouvre, il sourit… Ismaël,
Tu me serais rendu ? Puis-je…

L’ange.

                      Sèche tes larmes.
Écoute : cet enfant, objet de tes alarmes,
Sera père d’un peuple illustre et valeureux.
Auprès de Pharaon, ce prince généreux
Qui fait fleurir l’Égypte et son pays fertile,
Là, vous vivrez heureux : et pour y parvenir,
Sa main dans les dangers viendra vous soutenir ;
Elle protégera votre marche égarée.
Voyez de ce rocher jaillir l’eau désirée ;
Allez, et rendez gloire au vrai Dieu que je sers,
À votre créateur, maître de l’univers.

agar, (pendant les dernières paroles de l’Ange, a fait boire son fils
elle se précipite à genoux.)

 
Oui ! nous lui prouverons notre reconnaissance :
Avec lui, nous jurons éternelle alliance.

léon potel.