Réflexions préliminaires des vrais principes politiques/Un gouvernement arbitraire est incompatible avec la vraie Religion

XVI.

Un gouvernement arbitraire est incompatible
avec la vraie Religion.


En outre, de tous les inconvéniens qui résultent du despotisme, en finissant ces réflexions, nous ajouterons encore, qu’un gouvernement, arbitraire est incompatible avec la vraie Religion, qui dément et condamne, par sa sainte doctrine de justice, d’égalité et de charité, les actes iniques, orgueilleux et inhumains des oppresseurs.

La vraie Religion agrandit et perfectionne les facultés des hommes, exalte leur imagination et les rend braves pour Dieu et pour eux-mêmes. Cette religion leur donne de grandes et nobles conceptions de la Divinité ; elle leur inspire des affections généreuses, plus bienfaisantes de l’un à l’autre, et un sentiment universel de philantrophie envers tous les peuples de la création. Nul homme ne peut aimer Dieu, s’il n’aime le prochain ; et qui aime son prochain, ne cherchera certainement pas à le ravaler, à lui faire dommage dans ses biens, dans sa personne, et à l’opprimer. On ne peut, sans être humain, honnête et charitable, témoigner à Dieu son amour.

Je vous donne un nouveau commandement, a dit Notre Seigneur Jésus-Christ, c’est de vous aimer les uns les autres.

Le Dieu Tout-Puissant, le Grand Auteur de la nature entière, dont le trône est aux Cieux, à qui l’immensité sert de marche-pieds, tire son bonheur infini de ses infinies perfections ; il n’a nul besoin de nous, de qui il ne peut tirer aucun avantage. En instituant la religion sur la terre il ne l’a fait que par son amour pour l’humanité, pour le bonheur de chacun et de tous les hommes qui la suivent et la pratiquent, leur apprenant par elle, toutes les vertus religieuses et sociales, à se rendre mutuellement utiles, à s’assister, à être indulgens, à pardonner, si l’on veut être pardonné soi-même. Il déteste l’orgueil, l’égoïsme, la haine, l’inhumanité, l’injustice, la violence, la tyrannie enfin, avec ses fureurs et ses outrages.

Tout gouvernement despotique est un ennemi de l’esprit de la vraie religion. Dans ce gouvernement on ne trouve point l’amour de l’humanité ; la vertu et l’esprit public lui sont dangereux et inconnus, le vice, l’imposture et de serviles sycophantes lui deviennent nécessaires pour se donner une sécurité précaire, une existence ignominieuse.

Vivre de rapines, abrutir, rendre cruels et crapuleux, sont les funestes effets du génie de la tyrannie. Un tel pouvoir et ses affreuses conséquences sont en contradiction manifeste avec l’esprit et les préceptes divins du Christianisme.

Il est de l’intérêt de la société d’encourager tous ses membres à se conformer aux pratiques et aux devoirs de la religion ; car un peuple est d’autant plus moral, plus équitable, plus humain, plus dévoué au bien public, plus animé de toutes les vertus sociales, qu’il est véritablement plus religieux.

Le bonheur étant la fin principale de l’homme, le salut et le bonheur éternel de son âme doit donc être pour lui la chose la plus importante.

C’est un fait déplorable, mais qu’on ne peut nier, la conviction que fait naître la grâce de Dieu, et sur laquelle la religion s’appuie comme son seul auxiliaire, n’a point établi les différentes institutions et les sectes qui subsistent maintenant dans le monde hors du catholicisme, cette seule arche de salut ; elles ont été fondées par l’ambition et l’orgueil, encouragées, établies, et propagées par l’usurpation, les factions et l’oppression. Les tyrans les plus détestables sont ceux qui unissent en leurs personnes la royauté et le pouvoir Spirituel du Chef de l’Église.

La liberté de conscience doit exister dans tout gouvernement juste ; il n’appartient pas au pouvoir humain de persécuter, et d’intervenir dans une affaire qui est de Dieu à l’homme. L’homme ne doit être responsable qu’à Jésus-Christ de ses opinions religieuses.

On doit être convaincu que l’exercice de la vertu est le plus beau et le plus noble privilège de l’homme, comme il est aussi de son plus grand intérêt de la pratiquer ; que, par la vertu seule, on peut-être libre et heureux, et que la voie contraire même à la misère et à l’esclavage.

Il est tems que les hommes s’entendent pour flétrir et chasser la tyrannie, si opposée aux préceptes du Christianisme, comme le plus horrible des fléaux qui puissent affliger l’humanité.

La vraie religion forme les liens les plus forts de la société ; elle est la garde la plus ferme de la sécurité générale ; elle est la base sur laquelle repose le plus solidement la morale privée et la morale publique, l’honneur privé et l’honneur public ; elle donne de la force aux lois de la communauté qui ne suffisent pas seules pour répondre aux restrictions qu’imposent les fins tant politiques que civiles du gouvernement. Les institutions humaines ne peuvent s’étendre au-delà des devoirs généraux qui concernent plus particulièrement le bien être de la société. Tout ce qu’il faut encore, et qui est nécessaire pour assurer le bonheur des rapports sociaux, ne peut provenir seulement que par l’assistance de la religion, qui influence les rapports réciproques du genre humain, règle et corrige les imperfections du cœur. Combien d’actes répréhensibles, en prenant seulement les statuts d’un bon gouvernement pour le guide unique des actions, pourraient se commettre sans encourir la pénalité des lois ! Il est certain qu’un citoyen, dans la société la mieux constituée, peut recevoir des torts injurieux dans bien des circonstances, qui ne sont pas punis par les lois humaines, et auxquels la religion sert de seul frein salutaire.

Tous les anciens législateurs ont été tellement pénétrés de cette maxime politique, qu’à défaut de la vraie religion, pour réfréner les mauvaises passions, ils ont ressenti la nécessité de recourir à leurs fausses religions pour s’assurer l’obéissance aux lois, comme l’a fait Confucius, Nunia Pompélius, Lycurgue et d’autres législateurs, dès les premiers âges de l’établissement des gouvernemens.

Concluons. La vraie religion, est le meilleur des cimens dans la structure d’un gouvernement moral.