Réflexions préliminaires des vrais principes politiques/De la Loyauté


III.

De la Loyauté.


La loyauté, par ignorance ou par coutume, est souvent détournée de sa véritable signification. La loyauté consiste à conformer ses actions aux règles basées sur les bonnes lois, qui dérivent toujours de l’éternelle équité, et de la constitution qu’elles supportent. Ce mot de loyauté vient du mot français loy, qui veut dire, conforme à la loi, à la justice. Tout ce qui n’est pas fondé sur l’immuable équité est déloyal.

Obéir à un prince légitime, qui lui-même obéit aux lois, est unanimement reconnu être de la loyauté. Maintenant, on doit en conclure que la déloyauté consiste à obéir à un tyran qui foule aux pieds les lois, et outrage la justice ; qu’en conséquence lui, qui commande, et ceux qui lui obéissent dans ses œuvres de despotisme, sont déloyaux ; mais des esprits faux ont maintenu que la loyauté consiste également dans l’obéissance à un bon prince, comme à un despote qui viole les lois divines et humaines, qui est un ennemi de Dieu et des hommes ; conséquemment, que les Satellites et les instrumens de ses crimes, de ses cruautés, de ses déprédations, de ses oppressions sont loyaux ; tandis que ceux qui résistent à la tyrannie, qui défendent la justice, la vertu et l’humanité contre des monstres qui dégradent la nature humaine, sont des rebelles : d’après ce faux principe, l’homme deviendrait rebelle en agissant vertueusement pour la défense de ses droits naturels et imprescriptibles usurpés par le pire des rebelles contre la communauté, qui n’est retenu par aucune considération divine ou humaine. Admettre un tel principe, c’est outrager la vérité.

De leur tems Richard ii et Édouard ii furent les plus grands rebelles de l’Angleterre. Tout tyran est un rebelle ; il est pis encore, c’est un monstre. Le Grand Seigneur, et l’Empereur de Russie sont les plus grands rebelles de leurs pays.

Les hommes qui, par l’usurpation, se placent au-dessus des lois humaines, ne sont pas moins assujettis aux lois éternelles de la clémence, de la justice et de la vérité ; et tous ceux qui violent ces lois immuables, sont des tyrans, et il est loyal de mettre la main à l’œuvre de la destruction de leur tyrannie.

Brutus, chassant la race royale et rebelle des Tarquins, fut un loyal romain qui sacrifia ces traîtres aux libertés et au ressentiment du peuple.

C’est une vérité, dont les hommes doivent se pénétrer, inconnue dans les contrées où elle est dangereuse aux oppresseurs.