Réflexions préliminaires des vrais principes politiques/Des Bons et des Mauvais Gouvernans

IV.

Des Bons et des Mauvais Gouvernans.


Les caractères des bons et des mauvais magistrats, ou des bons et des mauvais gouvernans, peuvent ainsi se définir :

Le bon magistrat recherche le bonheur du peuple commis à ses soins, pour remplir la fin de son institution. Connaissant qu’elle se trouve dans l’exécution de la justice et de la vertu, il s’efforce de les implanter et de les propager pour le bien public. Il sait qu’il ne peut avoir de sûreté là manque la force, que la force ne peut subsister sans union, l’union sans la justice, et la justice où manque la religion, et qu’il est de son devoir d’inculquer ces vérités sans cesse, autant par les préceptes que par l’exemple. En conduisant le peuple dans le chemin de la vertu, il accroît sa force et sa gloire ; et le peuple satisfait est toujours prêt à repousser, avec unité et énergie, l’invasion étrangère ou l’agitation intérieure.

Le mauvais magistrat cherche des fins opposées au bonheur du peuple, aussi prend-il des voies contraires. Quand un magistrat pense qu’il n’est pas fait pour la nation, mais la nation pour lui ; qu’il gouverne, non pour elle, mais pour lui-même ; qu’elle n’est que pour accroître sa gloire et fournir à ses jouissances, il s’occupe, non de ce qu’il doit faire pour elle, mais de ce qu’il peut en tirer : par ce moyen, il établit un intérêt personnel de profit, de plaisir et de pompe, opposé à l’intérêt public pour lequel il a été fait ce qu’il est. Ces fins contraires aux intérêts nationaux, divisent la nation en plusieurs parties ; l’esprit public s’éteint par la corruption, chacun, à l’instar du gouvernement, ne pense qu’à satisfaire son intérêt particulier ; delà naît la faiblesse, résultat de la division, des intérêts individuels froissés ; s’élèvent d’irréconciliables inimitiés. Lorsque des difficultés domestiques ou extérieures surviennent, le magistrat se trouve sans l’assistance de la nation, dont la plus grande partie est opprimée par lui et par ses créatures ; et les intérêts généraux étant séparés de ceux du magistrat, alors le peuple mécontent le défend sans bonne volonté ni courage contre une invasion étrangère ; et lorsqu’il est attaqué par une partie de la nation, les parties divisées s’unissent souvent pour renverser l’oppresseur.