Récits de physique


RÉCITS DE PHYSIQUE




L’AIMANT


I

Il y avait, au bon vieux temps, un berger qu’on appelait Magnès. Ayant perdu une brebis, il partit dans la montagne pour la chercher. Il arriva à un endroit où l’on ne voyait que des pierres. Il chemina sur ces pierres et sentit que ses bottes s’y attachaient. Il se baissa, toucha les pierres avec la main : elles étaient sèches et ne s’attachaient pas aux mains. Il se remit à marcher, de nouveau ses bottes s’attachèrent. Il s’assit, se déchaussa, saisit une botte dans sa main et en toucha les pierres. S’il touchait la pierre avec le cuir et la semelle, la botte ne s’attachait pas ; elle s’attachait, au contraire, dès qu’il la touchait avec les clous.

Magnès avait un bâton ferré au bout. Il toucha la pierre avec le bois, le bois ne s’attacha pas ; il la toucha avec le fer, le fer s’attacha si fortement qu’il fallut l’arracher.

Magnès examina la pierre et vit qu’elle ressemblait au fer, et il en rapporta quelques morceaux à la maison.

Depuis, on étudia cette pierre, et on l’appela aimant magnétique.


II

On trouve l’aimant dans la terre, mêlé au minerai de fer. Les mines où on le rencontre donnent le meilleur fer. L’aimant a l’aspect du fer.

Un morceau de fer posé sur l’aimant attire un autre morceau de fer. Si l’on pose sur l’aimant une aiguille d’acier et qu’on l’y laisse quelque temps en contact, alors l’aiguille s’aimante et attire le fer.

Assemble-t-on deux aimants par les deux bouts, les uns se repousseront, les autres s’attireront.

Si l’on casse en deux un barreau d’aimant, chaque moitié sera attirée d’un côté, repoussée de l’autre. Si l’on casse encore ces morceaux, le même phénomène se produira et ainsi de suite : les bouts semblables se détourneront l’un de l’autre, les bouts différents s’attacheront ensemble : un côté repoussant l’aimant, l’autre l’attirant. Et on aura beau le casser, toujours il repoussera d’un côté et attirera de l’autre. C’est comme un cône de sapin : en quelque endroit qu’on le casse, il sera toujours, d’un côté, bombé comme un nombril, de l’autre, creux comme une tasse. Les bouts différents s’adapteront, le nombril avec la tasse, mais non le nombril avec l’autre nombril, ni la tasse avec l’autre tasse.


III

Si l’on aimante une aiguille en la laissant quelque temps en contact avec l’aimant, et qu’on la fixe, par le milieu, sur la pointe d’une tige métallique, de manière qu’elle se meuve librement sur cette pointe, on constate alors qu’en tournant l’aiguille aimantée dans n’importe quel sens, dès qu’on la lâchera, elle se dirigera d’un bout vers le Sud, de l’autre vers le Nord.

Avant de connaître l’aimant, on ne naviguait pas bien loin. Une fois en pleine mer, quand on ne voyait plus la côte, on n’avait pour s’orienter que le soleil et les autres astres. Mais quand le temps était couvert, plus d’astres et plus de soleil, on ne savait où naviguer, et le vaisseau, incertain de la route à suivre, s’abandonnait au caprice des vents et, jeté à la côte, se brisait contre les rochers.

Jusqu’à la découverte de l’aimant, les navires ne pouvaient s’éloigner des côtes. Mais une fois que l’aimant fut trouvé, on fixa une aiguille aimantée sur une tige qui lui permit de tourner librement. Grâce à cette aiguille, on commença à savoir dans quel sens marchait le navire, et l’on put s’en aller très loin des côtes. Dès lors, on découvrit un grand nombre de mers, inconnues jusque-là.

Tous les vaisseaux ont à bord une aiguille aimantée, — c’est la boussole, — et une corde à nœuds installée à l’arrière, de telle façon qu’elle se déroule d’elle-même, indiquant à mesure la vitesse du bâtiment.

C’est ainsi qu’on sait toujours, sur un bateau, où l’on est, si la côte est éloignée, et dans quel sens l’on marche.


L’HUMIDITÉ


I

Lorsque l’araignée a tissé une toile épaisse, tantôt elle se tient immobile au milieu de son nid, tantôt elle quitte ce nid et s’en va plus loin se tisser une nouvelle toile. Pourquoi ?

L’araignée tisse sa toile suivant le temps qu’il fait et qu’il fera. L’examen de la toile permet de reconnaître le temps qu’il fera : si l’araignée est immobile, tapie au milieu de sa toile, sans chercher à la quitter, signe de pluie. Sort-elle, au contraire, du nid pour tisser plus loin une nouvelle toile, signe de beau temps.

L’araignée a les sens tellement subtils qu’à peine l’humidité commençe-t-elle à se condenser dans l’air, alors que nous ne sentons pas cette humidité et que, pour nous, le temps est toujours serein, que pour l’araignée il pleut déjà.

De même qu’un homme déshabillé sentira l’ humidité, et, habillé, ne s’en apercevra pas, de même il pleut pour l’araignée, alors que le temps nous semble seulement incertain.


II

Pendant l’hiver, les portes se gonflent et ne ferment pas, et, pendant l’été, elles sèchent et ferment très bien. Quelle est la cause de ce phénomène ? La voici. Pendant l’automne et l’hiver, le bois se remplit d’eau comme une éponge et se gonfle ; tandis que l’été, l’eau s’évapore et le bois se resserre.

Pourquoi un arbre tendre, comme le tremble, se gonfle-t-il davantage que le chêne ?

Parce qu’un arbre dur, comme le chêne, offre moins de pores vides, et l’eau n’y peut entrer ; tandis qu’un arbre tendre, comme le tremble, offre une plus grande quantité de pores vides, dans lesquels l’eau peut entrer. Le bois pourri offre encore plus de pores vides, et c’est pourquoi un arbre pourri se gonfle et se contracte davantage.

Les troncs, pour les abeilles, sont du bois le plus tendre et le plus pourri : les meilleures ruches se font avec le saule pourri. Pourquoi ? Parce que l’air circule mieux à travers un tronc pourri, et que les abeilles respirent plus aisément.

Pourquoi les planches se courbent-elles ?

Parce qu’elles sèchent inégalement. Si l’on appuie contre un poêle le bout d’une planche humide, l’eau en sortira et le bois se contractera de ce côté, tirant à soi l’autre côté ; mais le côté humide ne pouvant se contracter à cause de l’eau, toute la planche se courbera.

Pour empêcher les planches de se courber, on débite en lames des planches sèches et on les plonge dans l’eau bouillante. Quand toute l’eau a bouilli, on les ajuste ensemble, et elles ne se courbent pas (c’est ainsi que l’on procède pour les parquets).


DIFFÉRENCES DANS LA COHÉSION DES PARTICULES


Pourquoi se sert-on du bouleau de préférence au chêne pour tailler les coussinets d’un chariot ou pour façonner au tour les moyeux des roues ? Coussinets et moyeux doivent être résistants, et le chêne n’est pas plus cher que le bouleau.

En voici la raison : le chêne se fend en long, tandis que le bouleau ne se fend pas, mais se sépare en filaments ; le chêne, quoique plus compact que le bouleau en vertu de sa cohésion, se fend en long, tandis que le bouleau échappe à cet inconvénient.

Pourquoi courbe-t-on, pour les roues des chariots et les arbres des traîneaux, le chêne et l’orme plutôt que le bouleau et le tilleul ?

Parce que le chêne et l’orme, une fois amollis à la vapeur d’eau, peuvent se courber sans rompre ; tandis que le tilleul et le bouleau s’en vont par filaments. Toujours par cette même raison, que les particules du chêne et du bouleau sont inégalement cohérentes.


LES CRISTAUX


Si l’on jette du sel dans l’eau et qu’on les mélange, le sel se dissout, et de telle façon qu’on ne le voit plus. Mais si l’on ajoute encore et encore du sel, à la fin, le sel cessera de se dissoudre, et l’on aura beau l’agiter, il restera toujours une poudre blanche dans l’eau. L’eau s’est saturée de sel ; elle n’en peut plus dissoudre.

Mais si on chauffe l’eau, elle en prendra encore, et le sel que n’aura pas dissout l’eau froide, l’eau chaude le dissoudra. Si on ajoute encore du sel, l’eau chaude elle-même n’en prendra plus ; et si on chauffe davantage, l’eau s’évaporera et le sel restera.

Ainsi, pour tous les corps solubles dans l’eau, il existe une limite au delà de laquelle l’eau ne peut plus dissoudre. Chaude, elle dissout mieux les corps que froide ; mais l’eau chaude, une fois saturée, cesse son action dissolvante ; les corps resteront, tandis que l’eau s’en ira en vapeur.

Si, après avoir saturé l’eau, de salpêtre en poudre, et surajouté du salpêtre, on chauffe et laisse refroidir le tout, sans mélanger, le salpêtre en excès ne tombera pas en poudre au fond de l’eau, mais, s’agrégeant en petits prismes hexaèdres, il tapissera les parois du vase.

Si on laisse, sur le feu, l’eau saturée de salpêtre, celle-ci s’évaporera, et le salpêtre en excès se condensera également en prismes hexaèdres.

L’eau saturée de sel ordinaire étant chauffée jusqu’à évaporation, le sel en excès, au lieu de se réduire en poudre, s’agrégera en petits cubes.

Si l’on sature l’eau de sel et de salpêtre à la fois, le salpêtre et le sel en excès ne se combineront pas, mais chacun se condensera selon sa nature : le salpêtre en prismes, le sel en cubes.

Si on sature l’eau, soit de chaux soit d’un autre sel, ou de quelque autre corps, chaque corps, une fois l’eau évaporée, se condensera suivant sa nature ; l’un en prismes trièdres, l’autre en octoèdres, celui-ci en petites briques, celui-là en étoiles. Et ces divers cristaux se retrouvent dans tous les corps durs. Les uns sont parfois grands comme la main ; telles certaines pierres qu’on rencontre dans la terre. D’autres fois, ces cristaux sont tellement petits qu’on ne les distingue pas à l’œil nu ; mais chaque corps a les siens propres.

Lorsque les cristaux commencent à se former dans l’eau saturée de salpêtre, si on casse avec une aiguille le bord d’un de ces cristaux, de nouvelles particules de salpêtre viendront se fixer sur le bord cassé et reconstituer exactement la forme normale, prisme hexaèdre. De même pour le sel et tous les autres corps, jusqu’aux plus petits grains de poussière, qui se tournent et s’agrègent du côté qu’il faut.

Même phénomène quand la glace se forme.

Un flocon de neige vole ; il ne présente aucune forme définie ; mais qu’il se pose sur un corps foncé et froid, sur le drap, sur la fourrure, on distinguera des contours précis : on verra une étoile, une figure hexagonale.

Ce n’est pas au hasard que la vapeur, en se congelant, se dépose sur les vitres ; à mesure qu’elle se congèle, elle se condense en étoiles.

Qu’est-ce que la glace ? C’est de l’eau refroidie et solidifiée. Quand l’eau passe de l’état liquide à l’état solide, elle se condense en cristaux, et elle perd de la chaleur.

De même pour le salpêtre : quand il se résout en cristaux, il perd de la chaleur. De même pour le sel, pour la fonte de fer, passant de l’état liquide à l’état solide. Quand un corps liquide se solidifie, il perd sa chaleur et se condense en cristaux. Mais lorsque de solide, il redevient liquide, le corps reprend sa chaleur, et les cristaux se dissolvent.

Prenez de la fonte de fer, et laissez-la refroidir ; prenez de la pâte chaude, et laissez-la refroidir ; prenez de la chaux vive et laissez-la refroidir : il se dégagera de la chaleur.

Prenez de la glace et faites-la fondre, il se dégagera du froid. Prenez du salpêtre, du sel, n’importe quel corps soluble dans l’eau, dissolvez-le dans l’eau, il se refroidira.

C’est en vertu de ce principe que pour glacer les sorbets, on verse du sel dans l’eau.


LE MAUVAIS AIR


Au village Nikolskoié, le jour de la fête, les gens étaient allés à la messe. Il ne restait, dans la cour du seigneur, que la vachère, le starosta et le garçon d’écurie.

La vachère s’en fut au puits tirer de l’eau. Le puits se trouvait dans la cour même. Elle voulut tirer le seau dehors, mais ne put le retenir : il lui échappa, heurta contre la paroi du puits et arracha la corde. La vachère retourna à l’isba et dit au starosta.

— Alexandre ! Petit père, descends dans le puits. J’ai laissé tomber le seau.

Alexandre répondit :

— C’est toi qui l’as laissé tomber, c’est à toi de le repêcher.

La vachère dit :

— C’est bien, je descendrai moi-même ; seulement tu m’aideras.

Le starosta se mit à rire.

— Eh bien ! Allons ! dit-il. Tu es encore à jeun, et je te tiendrai ; mais après le repas, c’eût été impossible.

Le starosta attacha un bâton au bout de la corde, et la femme, à cheval sur le bâton, empoigna la corde et se mit à descendre dans le puits, tandis que le starosta déroulait la corde en tournant la roue. Le puits avait en tout six archines de profondeur, l’eau, seulement une archine. Le starosta déroulait lentement la corde et demandait sans cesse :

— Encore ? Encore ?

Et d’en bas la vachère lui criait :

— Encore un peu !

Tout à coup, le starosta sentit que la corde mollissait. Il appela la vachère : elle ne répondit pas. Il regarda dans le puits et vit que la vachère gisait dans l’eau, la tête en bas, les pieds en l’air. Il se mit à crier, à appeler du monde ; mais il n’y avait personne. Seul le garçon d’écurie accourut. Le starosta lui ordonna de tenir la roue ; puis il remonta la corde, se mit à califourchon sur le bâton et descendit dans le puits.

Dès que le garçon d’écurie eut descendu le starosta au niveau de l’eau, le même fait se reproduisit. Le starosta lâcha la corde et tomba, la tête en bas, sur la vachère.

Le garçon d’écurie se mit à crier, puis il courut à l’église chercher du monde. La messe finissait, les gens sortaient de l’église. Tous s’élancèrent vers le puits. Ils s’attroupèrent autour de la margelle, criant tous à la fois ; mais nul ne savait ce qu’il fallait faire.

Le jeune charpentier Ivan fendit la foule, s’approcha du puits, saisit la corde, et s’asseyant sur le bâton, ordonna qu’on le descendît. Ivan s’attacha seulement à la corde par la ceinture.

Deux paysans le descendirent, tandis que tous les autres regardaient dans le puits pour voir ce qui arriverait à Ivan.

Dès qu’il fut près de l’eau, il lâcha la corde et serait tombé la tête la première s’il n’eût été retenu par la ceinture. Tout le monde s’écria :

— Retire-le !

Et on retira Ivan.

Il était suspendu par la ceinture, comme un mort. Sa tête pendait aussi et heurtait contre les parois. Son visage était violacé. Il fut saisi, détaché, couché à terre. On le croyait mort. Mais soudain, il respira lourdement, toussa, et revint à lui.

Alors on voulut redescendre, mais un vieux paysan déclara qu’on ne le pouvait pas parce qu’il y avait dans le puits du mauvais air et que ce mauvais air tuait les hommes. Alors les paysans coururent chercher des crocs et se mirent à retirer le starosta et la femme.

La femme et la mère du starosta poussaient des cris lamentables près du puits. On les consolait, et les paysans, ayant accroché leurs crocs, essayèrent de tirer les morts. Deux fois ils hissèrent par ses vêtements le starosta jusqu’à la moitié du puits, mais il était lourd, ses vêtements craquèrent, et il retomba. Enfin, avec deux crocs, on parvint à le retirer. Puis ce fut le tour de la vachère. Tous deux étaient déjà morts ; rien ne put les ranimer.

Lorsqu’on examina le puits, on reconnut qu’en effet, il y avait au fond du mauvais air.

Cet air est tellement lourd que ni l’homme, ni aucun animal n’y peuvent vivre. On descendit dans le puits un chat ; à peine eut-il atteint la couche du mauvais air qu’il mourut.

Non seulement un animal n’y peut vivre ; mais une bougie n’y peut brûler. On descendit une bougie allumée dans le puits ; elle s’éteignit en arrivant à cet air.

Il y a sous terre des endroits où cet air s’accumule ; si on y pénètre, on ne tarde pas à tomber asphyxié. C’est pourquoi, dans les mines, on emploie des lampes qu’on descend dans ces endroits-là avant qu’un homme ne s’y aventure. Si la lampe s’éteint, l’homme n’y doit pas pénétrer, on fait alors arriver de l’air pur, jusqu’à ce que la flamme puisse brûler.

Près de la ville de Naples, se trouve une grotte de ce genre. Le mauvais air séjourne sur le sol à une archine de hauteur ; au-dessus l’air est bon. Dans cette grotte un homme peut marcher, sans danger, tandis qu’un chien, à peine entré, perd la respiration.

D’où vient ce mauvais air ? Il vient de ce même bon air que nous respirons. Lorsqu’on entasse un grand nombre de gens dans une pièce dont les portes et les fenêtres sont si hermétiquement closes que l’air frais du dehors n’y puisse accéder, il se forme le même air qu’au fond du puits, et les gens meurent asphyxiés.

Il y a une centaine d’années, à la guerre, les Indous firent prisonniers cent quarante-six Anglais et les enfermèrent dans un souterrain où l’air ne pouvait pénétrer.

Au bout de quelques heures les prisonniers commencèrent à haleter, et à la fin de la nuit, cent vingt-trois d’entre eux étaient morts. Les autres sortirent à peine vivants et gravement malades.

Au début, l’air du souterrain était bon ; mais quand les prisonniers eurent respiré tout le bon air, comme il ne se renouvelait pas, il se forma un air irrespirable, semblable à celui du puits, et ils moururent.

Pourquoi le bon air se change-t-il en mauvais air, là où les gens sont entassés en grand nombre ? Parce que les gens, quand ils respirent, absorbent le bon air et rejettent le mauvais.


Comment on fait les aérostats.

Si l’on plonge dans l’eau une vessie gonflée et qu’on l’abandonne à elle-même, elle reviendra sur l’eau et se mettra à surnager. De même, si l’on met de l’eau à bouillir dans une marmite en fonte, on verra au fond, au-dessus du feu, l’eau se réduire en vapeur, et, dès que cette vapeur se sera un peu accumulée, elle ne tardera pas à se dégager sous forme de bulles. Il sortira d’abord une bulle, puis une autre ; et quand toute l’eau sera complètement chauffée, les bulles sortiront sans interruption. On dit alors que l’eau bout.

Les bulles gonflées de vapeur montent dans l’eau parce qu’elles sont plus légères que l’eau ; de même une bulle gonflée de gaz hydrogène ou d’air chaud, montera dans l’air, parce que l’air chaud est plus léger que l’air froid, et que l’hydrogène est le plus léger des gaz.

Les aérostats se gonflent à l’hydrogène et à l’air chaud. Voici comment l’on procède avec l’hydrogène. On construit un grand ballon, on le fixe par des cordes à des pieux, et on le remplit d’hydrogène. Dès qu’on détache les cordes, le ballon s’élève et vole de plus en plus haut, tant qu’il traverse un air plus lourd que l’hydrogène ; et lorsqu’il arrivera tout en haut, dans l’air léger, il se mettra à flotter dans l’air comme la bulle sur l’eau.

Voici comment on opère pour les aérostats à air chaud. On fait un grand ballon, avec une espèce de goulot en bas, comme une bouteille renversée. Dans le goulot, on place un paquet de coton qu’on imbibe d’esprit-de-vin et on allume. L’air du ballon s’échauffe au contact de la flamme, devient plus léger que l’air froid et le ballon monte comme la bulle dans l’eau. Et il volera de plus en plus haut jusqu’à ce qu’il rencontre un air plus léger que celui qui le remplit.

Il y a une centaine d’années que des Français, — les frères Montgolfier, — ont inventé les aérostats. Ils en fabriquèrent un avec de la toile et du papier et l’emplirent d’air chaud ; le ballon s’éleva. Ils en firent alors un autre, un peu plus grand, attachèrent au-dessous un mouton, un coq et un canard et le lâchèrent. L’aérostat s’éleva et descendit heureusement. Après, on plaça sous le ballon une petite nacelle où s’assit un homme. Le ballon monta si haut qu’on ne le vit plus, puis il redescendit heureusement. Depuis on imagina de gonfler d’hydrogène les ballons, qui, dès lors, volèrent plus haut et plus vite.

Pour aller en ballon, on attache au-dessous de l’aérostat une nacelle et l’on monte deux, trois, jusqu’à huit hommes, avec des vivres et des boissons.

Pour descendre et s’élever à volonté, une soupape est ménagée dans l’aérostat, l’aéronaute peut l’ouvrir ou la fermer au moyen d’une corde. Quand, se jugeant trop haut, il veut redescendre, il ouvre la soupape : le gaz s’échappe, le ballon se contracte et se met à descendre. En outre la nacelle renferme toujours un certain nombre de sacs remplis de sable : quand on jette un sac, le ballon, allégé, remonte ; si l’aéronaute, dans sa descente, s’aperçoit que l’endroit au-dessous de lui, rivière ou forêt, ne se prête pas à l’atterrissement, alors, il jette du sable, et l’aérostat, plus léger, s’élève de nouveau.


Le Galvanisme.


Il y avait, en Italie, un savant nommé Galvani. Il avait une machine électrique et montrait à ses élèves ce que c’est que l’électricité. Il frottait fortement du verre avec de la soie imbibée d’onguent, et, ensuite, en approchait une barre de cuivre : une étincelle jaillissait du verre à la barre de cuivre. Il leur expliquait qu’une pareille étincelle se produit, avec la cire à cacheter et l’ambre ; il leur montrait que des plumes légères, des petits morceaux de papier sont tantôt attirés, tantôt repoussés par l’électricité, il leur expliquait ces phénomènes, et faisait devant eux un grand nombre d’expériences analogues.

Un jour, sa femme tomba malade. Il appela le médecin et lui demanda ce qu’il fallait lui donner. Le médecin ordonna de préparer pour elle un bouillon de grenouilles. Galvani envoya chercher des grenouilles comestibles. On lui en apporta, on les tua et on les déposa sur la table.

En attendant que la cuisinière vint les prendre, Galvani continua de montrer à ses élèves la machine électrique et à produire des étincelles.

Tout à coup, il crut remarquer que les grenouilles mortes remuaient les pattes sur la table. Il regarda plus attentivement et s’aperçut qu’en effet, à chaque étincelle de la machine les pattes des grenouilles remuaient.

Il se fit apporter d’autres grenouilles et recommença ses expériences avec elles. Toutes les fois qu’une étincelle se dégageait, les grenouilles mortes se mettaient à remuer les pattes comme des grenouilles vivantes.

Alors Galvani supposa que les grenouilles vivantes remuaient peut-être parce que l’électricité les traversait. Il savait que l’électricité, plus sensible dans la cire à cacheter, l’ambre et le verre, se trouve aussi dans l’atmosphère et que les orages et la foudre sont engendrés par l’électricité atmosphérique.

Il reprit donc l’expérience pour voir si les grenouilles mortes, soumises à l’électricité atmosphérique, remueraient les pattes. À cet effet, il prit des grenouilles, les écorcha, leur coupa la tête et les pattes de devant et les suspendit, par de petits crochets de cuivre, au-dessous du chéneau de fer du toit. Il supposait qu’un orage survenant, l’électricité, dont l’air serait alors saturé, passerait par les fils de cuivre dans les grenouilles, et que celles-ci se mettraient à remuer.

Mais plusieurs orages éclatèrent, et les grenouilles ne remuèrent pas. Galvani les ôtait déjà, mais en les décrochant, il toucha le chéneau avec la patte, et la patte remua.

Ayant décroché les grenouilles, il fit une expérience : il attacha, au crochet de cuivre, un fil de fer, qu’il mit en contact avec la patte, et la patte remua.

Et Galvani conclut de là, que ce qui fait vivre tous les animaux, c’est l’électricité qui est en eux, qu’elle passe du cerveau dans les muscles et qu’elle engendre le mouvement. À cette époque, personne n’étudia à fond cette question ; on ne savait pas, et tout le monde crut Galvani.

Mais en même temps, un autre savant, Volta, reprenait l’expérience. Il démontra que Galvani s’était trompé. Il imagina de toucher la grenouille, non plus comme Galvani, avec un crochet de cuivre et un fil de fer, mais tantôt avec un crochet de cuivre et un fil de cuivre, tantôt avec un crochet de fer et un fil de fer : les grenouilles ne remuaient pas ; elles remuèrent seulement quand il les toucha avec un fil de fer attaché à un fil de cuivre.

Alors, Volta supposa que l’électricité ne provenait pas de la grenouille morte, mais du fer et du cuivre en contact. Il poursuivit ses expériences, et il reconnut qu’en assemblant le fer et le cuivre, il se produisait de l’électricité qui faisait contracter les pattes de la grenouille.

Il eut alors l’idée de faire de l’électricité autrement qu’on ne l’avait faite jusqu’à présent. Auparavant, on l’obtenait en frottant du verre ou de l’ambre. Volta, lui, l’obtint à l’aide du fer et du cuivre mis en contact. Il essaya de combiner ensemble le fer et le cuivre, et les autres métaux et reconnut que la combinaison des métaux argent, platine, zinc, étain, fer, produisait des étincelles électriques.

Après Volta, on imagina d’accroître la puissance de l’électricité en versant entre les plaques des métaux, différents liquides tels que l’eau acidulée. L’électricité ainsi produite était si intense qu’on n’eut dès lors plus besoin de frotter. Il suffit de placer dans une tasse des plaques de différents métaux et d’y verser tel ou tel liquide, et l’électricité se produira dans cette tasse et l’étincelle jaillira du fil.

Une fois qu’on eut trouvé cette électricité, on l’appliqua à l’industrie ; on découvrit l’art de dorer et d’argenter par l’électricité, la lumière électrique, l’art de transmettre, par l’électricité, des signaux entre deux points éloignés l’un de l’autre.

À cet effet, on place dans de petits verres des plaques de différents métaux et on y verse des liquides. L’électricité s’accumule dans les verres : au moyen d’un fil, on la dirige où l’on veut, et de là, on fait passer le fil dans le sol. L’électricité, dans le sol, court de nouveau à reculons du côté des verres où elle remonte par un autre fil ; de telle sorte que l’électricité tourne sans cesse, comme dans un anneau, passant du fil dans le sol, revenant en arrière dans le sol, pour remonter par le fil et, de nouveau, passer dans le sol.

L’électricité peut marcher dans l’un ou l’autre sens ; ou aller par le fil et revenir par le sol, ou aller d’abord par le sol et revenir par le fil.

Au-dessus du fil, au point d’où partent les signaux, est fixée une aiguille aimantée ; elle est déviée dans un sens, si on lance l’électricité dans le fil pour revenir par le sol, et, dans un autre sens, si on lance l’électricité dans le sol pour revenir par le fil.

Chaque signal se compose d’un certain nombre de déviations, et c’est au moyen de ces signaux qu’on peut correspondre d’un poste télégraphique à l’autre.


Le soleil. La chaleur.

Par une journée claire et glacée d’hiver, si l’on sort dans les champs ou dans la forêt, si l’on regarde autour de soi et si l’on écoute, on ne voit partout que la neige, les rivières gelées, les herbes desséchées sous la neige, les arbres nus. Tout est immobile.

En été, au contraire : les rivières courent avec bruit ; dans la plus petite mare, les grenouilles sautent, coassent ; les oiseaux volettent çà et là, pépient, chantent ; les mouches et les cousins tournoient en bourdonnant ; les arbres, les herbes croissent et se balancent au vent.

Faites geler de l’eau dans une marmite en fonte, elle deviendra solide. Mettez la marmite d’eau gelée sur le feu, la glace se crevassera, fondra, remuera un peu ; l’eau tressaillira, dégagera des bulles ; puis, se mettant à bouillir, elle sautera en tourbillonnant. Ainsi va le monde : pas de chaleur, tout est mort ; que vienne de la chaleur, tout se meut et vit. Peu de chaleur, peu de mouvement ; plus de chaleur, plus de mouvement ; beaucoup de chaleur, beaucoup de mouvement ; encore plus de chaleur, encore plus de mouvement.

D’où vient la chaleur de notre globe ? Du soleil. Le soleil est bas, en hiver, ses rayons obliques, ne pénètrent pas dans la terre ; rien ne bouge. Commence-t-il à s’élever plus haut, au-dessus de nos têtes, et à darder sur la terre, tout l’univers se réchauffe et se met en mouvement : la neige fond, la glace s’échauffe ; sur les rivières, les eaux se précipitent des sommets, et des vapeurs s’élèvent de l’eau sous forme de nuages, il pleut. Qui fait tout cela ? Le soleil.

Les semences dégèlent, poussent des germes ; les germes grandissent dans la terre ; des vieilles racines, surgissent des pousses nouvelles, et les arbres, les herbes se mettent à croître. Qui fait cela ? Le soleil.

Les ours, les taupes sortent de leur torpeur, les mouches et les abeilles se réveillent ; les cousins et les œufs de poissons éclosent à la chaleur. Qui fait tout cela ? Le soleil.

L’air, s’échauffant, s’élève, de l’air un peu plus froid vient à sa place, et le vent souffle. Qui fait cela ? Le soleil.

Les nuages montent, rapprochés tour à tour et écartés ; la foudre éclate. Qui a produit ce feu ? Le soleil.

Les herbes croissent, et les blés, et les fruits, et les arbres ; les animaux, les hommes se rassasient ; provisions et combustibles sont ramassés pour l’hiver ; les hommes construisent des maisons, établissent des voies ferrées, des villes. Qui a préparé tout cela ? Le soleil.

L’homme bâtit une maison. Avec quoi la fait-il ? Avec des poutres. Les poutres sont tirées des arbres, et c’est le soleil qui a fait grandir les arbres.

Le poêle se chauffe avec le bois. Qui a fait pousser le bois ? Le soleil.

L’homme mange du pain, des pommes de terre. Qui les a fait croître ? Le soleil.

L’homme se nourrit de viande. Qui a nourri les animaux, les oiseaux ? L’herbe. Et l’herbe ? C’est le soleil qui l’a fait pousser.

L’homme construit une maison avec des pierres, des briques et de la chaux. Les briques et la chaux sont cuites au moyen du bois, et le bois, c’est le soleil qui l’a fait croître.

Tout ce qu’il faut aux hommes, tout ce qui sert directement à leurs besoins, c’est le soleil qui le leur procure, c’est la chaleur solaire qui s’y trouve. Le pain est nécessaire à tous parce qu’il est l’œuvre du soleil et qu’il recèle en lui beaucoup de chaleur solaire. Le blé chauffe qui le mange.

Le bois et les poutres sont nécessaires parce qu’ils recèlent de la chaleur. Qui achète du bois pour l’hiver, achète de la chaleur solaire ; en brûlant ce bois, l’hiver, c’est de la chaleur solaire qu’il produit dans sa maison.

Et, où il y a chaleur, il y a mouvement. Et tout mouvement provient de la chaleur, soit directement de la chaleur solaire, soit de la chaleur accumulée par le soleil dans le charbon, le bois, le blé, l’herbe.

Les chevaux, les bœufs tirent ; les hommes travaillent ; qui les fait mouvoir ? La chaleur. Et d’où leur vient cette chaleur ? De leur nourriture ; et cette nourriture, c’est le soleil qui l’a produite.

Les moulins à vent ou à eau tournent et moulent. Qui les fait mouvoir ? Le vent et l’eau. Et qui pousse le vent ? La chaleur. Et qui pousse l’eau ? La chaleur encore. Elle réduit l’eau en vapeur, sans quoi celle-ci ne tomberait pas.

La machine fonctionne, la vapeur la fait mouvoir. Qui produit la vapeur ? Le bois ; et le bois recèle la chaleur solaire.

La chaleur engendre le mouvement, et le mouvement engendre la chaleur. Et la chaleur et le mouvement viennent du soleil.