Quentin Durward/Chapitre 23

Traduction par Albert Montémont.
Ménard (Œuvres de Walter Scott, volume 19p. 308-322).


CHAPITRE XXIII.

LA FUITE.


Maintenant ordonnez-moi de m’y précipiter, et je m’efforcerai de faire des choses impossibles… oui, j’obtiendrai le succès… Levez-vous sur vos pieds, et avec un cœur tout de feu je vous suivrai et serai capable de tout.
Shakspeare, Jules César.


Malgré le mélange de joie, de crainte, de doute, d’anxiété, et des autres passions qui l’agitaient, les fatigues excessives du jour précédent plongèrent notre jeune Écossais dans un sommeil très-profond, et il ne s’éveilla que fort tard le lendemain, au moment où son digne hôte entrait dans sa chambre, l’œil morne et le front soucieux.

Pavillon, s’étant assis près du lit de Durward, commença un long et fort peu clair discours sur les devoirs respectifs des personnes mariées, et particulièrement sur le pouvoir respectable et la supériorité que les maris doivent conserver toutes les fois que leur opinion diffère de celle de leurs femmes. Quentin l’écoutait avec anxiété ; il n’ignorait pas que les maris, semblables en cela à toutes les puissances belligérantes, sont parfois disposés à entonner le Te Deum, plutôt pour dissimuler une défaite que pour célébrer une victoire ; et il se hâta d’amener une explication, en disant qu’il espérait que la présence de la comtesse Isabelle et la sienne n’avaient pas été si importunes à la dame du logis.

« Importunes ! répliqua le bourgmestre, non. Aucune femme ne peut moins être prise à l’improviste que la mère Mabel ; elle est toujours charmée de recevoir ses amis. Et, Dieu merci ! jamais son hospitalité ne se trouve en défaut : elle a toujours à leur service un appartement tout prêt et une table bien servie : seulement il est fâcheux qu’elle ait un caractère tant soit peu bizarre. — Notre séjour ici lui serait-il désagréable ? » répondit Quentin sortant de son lit et s’habillant à la hâte. « Si j’étais sûr qu’après les terreurs de la nuit dernière, la comtesse Isabelle eût la force de se mettre en voyage, nous n’ajouterions pas à l’indiscrétion que nous avons commise en demeurant plus long-temps en ces lieux. — Fort bien ! dit Pavillon ; voilà justement ce que la jeune dame a dit elle-même à la mère Mabel : oh ! j’aurais voulu que vous eussiez vu les couleurs qui lui couvraient le visage pendant qu’elle parlait ainsi. Une laitière qui a patiné pendant cinq milles contre le vent du nord, pour se rendre au marché, a les joues blanches comme un lis, en comparaison. Je ne suis pas surpris que la mère Mabel ait un peu de jalousie. Pauvre chère âme ! — La comtesse est-elle donc sortie de son appartement ? » demanda Quentin en continuant sa toilette avec plus de promptitude encore. — « Certainement, répondit Pavillon, et elle vous attend avec impatience, pour déterminer quelle route vous prendrez, puisque tous deux vous êtes déterminés à partir. Mais je me flatte que vous ne nous quitterez pas avant d’avoir déjeuné. — Pourquoi ne m’avez-vous pas dit cela plus tôt ? » s’écria Durward d’un air d’impatience. « Hé ! là, là, je crois que je vous en ai parlé trop tôt, puisque cela vous met tout hors de vous. Maintenant je vous dirais bien quelque chose à l’oreille si je croyais que vous eussiez assez de patience pour me prêter un peu d’attention. — Parlez, mon cher monsieur, parlez, je vous écoute de toutes mes oreilles. — Eh bien donc, je n’ai qu’un seul mot à vous dire, et le voici : c’est que Trudchen, qui a autant de chagrin de quitter la jolie dame de là-haut que si c’était sa propre sœur, désire que vous changiez de costume ; car on dit dans la ville que les dames de Croye courent le pays en habit de pèlerines, escortées d’un archer écossais de la garde du roi de France ; une d’elles, ajoute-t-on, a été ramenée la nuit dernière à Schonwaldt par un Bohémien, à l’instant où nous venions d’en partir : et ce Bohémien a affirmé à Guillaume de la Marck que vous n’aviez aucune mission ni pour lui ni pour le bon peuple de Liège ; que vous aviez enlevé la jeune comtesse, et que vous voyagiez avec elle comme son chevalier. Toute cette histoire nous est arrivée ce matin de Schonwaldt, à moi et aux autres conseillers, et nous ne savons trop que faire ; car, quoique nous pensions que Guillaume de la Marck en a mal agi envers l’évêque et envers nous-mêmes, cependant on le reconnaît en général comme un brave et honnête homme au fond… lorsqu’il est à jeun, s’entend… et comme le seul homme au monde qui soit capable de nous commander contre le duc de Bourgogne ; et, en vérité, dans l’état où sont les choses, je suis très-porté à croire que nous devons éviter de nous mettre mal avec lui, car nous avons été trop avant pour rétrograder.

Quentin se garda bien de faire à Pavillon aucun reproche ni aucune observation, car il sentait que rien ne pourrait faire changer la résolution du digne magistrat, résolution qui lui avait été dictée par la volonté de sa femme autant que par ses opinions comme homme de parti.

« Votre fille a ouvert un avis fort sage, lui dit-il ; il faut que nous partions à l’instant même, et déguisés. Nous pouvons, j’espère, compter sur vous pour le secret si nécessaire en cette occasion, et pour les moyens de favoriser notre fuite ? — De tout mon cœur, » répondit le brave citadin, qui, presque honteux de sa conduite, désirait trouver quelque moyen d’en expier le peu de dignité ; « de tout mon cœur. Je ne puis oublier que je vous ai dû deux fois la vie la nuit dernière : la première, quand vous m’avez débarrassé de cette maudite armure ; la seconde, quand vous m’avez tiré d’autres filets bien plus dangereux encore, car ce Sanglier et ses marcassins ressemblent plutôt à des diables qu’à des hommes. Je vous serai aussi fidèle que la lame l’est à la poignée, comme disent nos couteliers, qui sont les plus habiles de la terre. À présent que vous êtes prêt, venez avec moi, et vous allez voir combien j’ai confiance en vous. »

Sortant de la chambre où Quentin avait couché, le syndic le conduisit dans le cabinet où était renfermée sa caisse, et où se faisaient toutes les affaires relatives à son négoce. Après en avoir soigneusement fermé la porte au verrou, il regarda autour de lui avec précaution, ouvrit un cabinet voûté dont la porte était cachée par la tapisserie, et dans lequel se trouvaient plusieurs coffres-forts en fer. Il en ouvrit un qui était plein de guilders, et le mettant à la discrétion de Quentin, il lui dit de prendre la somme qu’il jugerait nécessaire, tant pour lui que pour sa compagne de voyage. Comme Quentin avait dépensé presque tout l’argent dont il avait été pourvu lors de son départ du Plessis, il accepta deux cents guilders sans hésiter. Pavillon se sentit dès lors soulagé d’un poids accablant, car il regardait cet argent, à la perte duquel il s’exposait volontairement, comme une expiation pour le manque d’hospitalité que diverses considérations le forçaient si impérieusement de commettre.

Après avoir refermé avec soin la caisse et le cabinet qui renfermait son trésor, le riche Flamand conduisit son hôte dans le salon, où il trouva la comtesse, vêtue en fille du pays de la moyenne classe. Quoique pâle encore par suite de la terreur que lui avaient inspirée les événements de la veille, elle jouissait de toute sa présence d’esprit, et avait recouvré ses forces. Trudchen était seule avec elle, et mettait toute son attention à terminer sa toilette et à lui apprendre de quelle manière elle devait porter ce costume. La comtesse présenta à son libérateur sa main, qu’il baisa avec respect, et lui dit : « Messire Quentin, il faut que nous quittions nos amis, si je ne veux attirer sur eux une partie des chagrins qui m’ont accablée depuis la mort de mon père. Il faut que vous changiez d’habits, et que vous partiez avec moi, à moins que vous ne soyez las de protéger une infortunée. — Moi ! las de vous accompagner !… J’irais pour vous défendre jusqu’au bout de l’univers. Mais vous… vous-même… aurez-vous la force de supporter la tâche que vous entreprenez ? Pouvez-vous, après les terreurs de la nuit dernière… — Ne les retracez pas à mon esprit, répondit la comtesse ; je ne me les rappelle que comme un songe horrible et confus… L’excellent évêque est-il sauvé ? — Je crois qu’il est à l’abri de tout danger, » répondit Quentin en faisant un signe à Pavillon pour lui recommander le silence, car ce dernier s’apprêtait à commencer l’horrible récit de la mort du prélat. — « Nous est-il possible de le rejoindre ? A-t-il rassemblé quelques troupes ? demanda Isabelle. — Il n’a plus d’espoir que dans le ciel. Mais en quelque lieu que vous vouliez aller, je vous suivrai, je serai votre guide, votre défenseur. — Nous y penserons, » dit Isabelle ; et après une minute de silence, elle ajouta : « Je choisirais volontiers un couvent ; mais je craindrais qu’il n’opposât qu’une faible barrière à mes persécuteurs. — Hem ! hem ! dit le syndic ; je ne vous conseillerais pas de choisir un couvent dans le district de Liège ; car le Sanglier des Ardennes, brave chef d’ailleurs, fidèle confédéré, et bien intentionné pour notre cité, a l’humeur un peu brusque, et respecte peu les couvents, les cloîtres, les abbayes, et autres lieux de ce genre. Le bruit court qu’une vingtaine de nonnes… c’est-à-dire de ci-devant nonnes, suivent toujours sa compagnie… — Tenez-vous prêt à partir sans délai, messire Durward, » reprit Isabelle, ne donnant pas au syndic le temps d’entrer dans plus de détails, « puisque je dois me commettre à votre foi. »

Quentin et le syndic ne furent pas plus tôt sortis de la chambre, qu’Isabelle commença à faire à Gertrude plusieurs questions relativement aux routes et à d’autres sujets, avec tant de précision et de présence d’esprit, que cette bonne fille ne put s’empêcher de s’écrier : « Vous m’étonnez, madame ; j’ai entendu parler de femmes douées d’une mâle fermeté, mais il me semble que la vôtre est au-dessus des forces de l’humanité. — La nécessité, répondit la comtesse, la nécessité, mon amie, est mère du courage aussi bien que de l’industrie. Il n’y a pas long-temps encore, je me trouvais mal en voyant une goutte de sang sortir d’une légère piqûre. Hier j’en ai vu, pour ainsi dire, couler des flots autour de moi, et cependant je ne me suis pas évanouie et j’ai conservé toute ma présence d’esprit. Ne croyez pas que cette tâche ait été facile, » ajouta-t-elle en posant sur le bras de Gertrude une main tremblante, quoique sa voix fût pleine de fermeté ; « ma force intérieure est comme une garnison assiégée à tout moment et de tous côtés par des milliers d’ennemis, et que le courage le plus désespéré peut seul faire résister à leurs assauts. Si ma position était moins dangereuse, si je n’avais la conviction que le sang-froid et la présence d’esprit ont seuls le pouvoir de me soustraire à un destin plus affreux que la mort, je me précipiterais dans vos bras à l’instant même, Gertrude, et je soulagerais mon cœur oppressé en vous contant mes chagrins, et en versant un torrent de larmes, des larmes les plus amères qui aient jamais été versées. — Gardez-vous-en bien, madame, s’écria la compatissante Flamande ; ne perdez pas courage, dites votre chapelet, fiez-vous à la bonté de Dieu ; et certes, si jamais le ciel envoya un libérateur à quelqu’un prêt à périr, ce jeune homme, qui est si brave, si entreprenant, doit être le vôtre. Il y a aussi quelqu’un, » ajouta-t-elle en rougissant, « sur qui j’ai quelque pouvoir… n’en dites rien à mon père ; mais j’ai ordonné à mon galant, Hans Glover, de vous attendre à la porte de l’Est, et de ne jamais se présenter devant moi que pour venir me dire qu’il vous a conduite en sûreté hors du territoire de notre ville. »

La comtesse ne put exprimer sa reconnaissance à la bonne et excellente fille qu’en l’embrassant avec tendresse, et celle-ci, en lui rendant ses caresses avec beaucoup d’affection, ajouta en souriant : « En vérité, si deux jeunes filles et leurs amants dévoués ne peuvent réussir dans un déguisement et un projet de fuite, le monde est bien changé, il n’est plus ce que j’ai entendu dire qu’il était. »

Une partie de ce discours fit renaître les plus vives couleurs sur les joues de la comtesse, et l’arrivée soudaine de Quentin ne diminua en rien leur éclat. Il était complètement habillé à la façon des paysans flamands de la haute classe, ayant mis les habits de fête de Peter, qui prouva l’intérêt que lui inspirait le jeune Écossais par la promptitude avec laquelle il les lui offrit, jurant en même temps que, dût-il être tanné et corroyé comme la peau d’un bouvillon, on ne parviendrait pas à lui faire trahir d’aussi bons jeunes gens.

Grâce à l’activité de la mère Mabel, deux excellents chevaux avaient été préparés ; car cette bonne femme désirait réellement qu’aucun événement fâcheux n’arrivât à la comtesse et à son écuyer, pourvu que les courts instants qu’ils avaient passés chez elle ne missent en danger ni sa maison ni sa famille. Elle les vit donc avec une satisfaction bien sincère monter à cheval et partir, après leur avoir dit qu’ils trouveraient le chemin de la porte de l’Est en ne perdant pas de vue Peter, qui devait suivre la même direction pour leur servir de guide, mais sans paraître avoir aucune communication avec eux.

Aussitôt que ses hôtes furent partis, la mère Mabel saisit cette occasion de faire à Trudchen une bonne leçon sur la folie de lire des romans : cette lecture avait rendu les dames de la cour hardies et coureuses d’aventures ; au lieu d’y apprendre à conduire sagement leur ménage, elles y puisaient des leçons pour monter à cheval et courir le pays sans autre suite qu’un fainéant écuyer, un page débauché, ou un libertin d’archer étranger, en grand danger de perdre leur santé, de ruiner leur fortune, et de détruire d’une manière irréparable leur réputation.

Gertrude écouta tout cela en silence et n’y fit aucune réponse ; mais, vu son caractère, il est permis de douter qu’elle en ait retiré le fruit attendu par sa mère.

Pendant ce temps, nos voyageurs avaient atteint la porte orientale de la ville, après avoir traversé une foule immense de gens qui, par bonheur, étaient trop occupés des événements politiques et de la rumeur du moment pour faire quelque attention à deux personnes dont l’extérieur n’avait rien de remarquable. Les sentinelles les laissèrent passer en vertu d’un permis que Pavillon avait obtenu pour eux au nom de son collègue Ronslaer, et ils firent à Peter Geslaer l’adieu le plus amical en peu de mots, et en se souhaitant mutuellement toute sorte de bonheur.

À peine Geslaer les avait-il quittés, qu’ils rencontrèrent un jeune homme vigoureux, monté sur un bon cheval gris : il se fit connaître pour Hans Glover, le galant de Trudchen Pavillon. C’était un bon Flamand, d’une intelligence peu brillante, dont l’esprit ne répondait pas à son enjouement et à la bonté de son cœur, et, comme la comtesse ne put s’empêcher de le penser, peu digne d’être aimé de la généreuse Trudchen. Il parut cependant désirer seconder de tout son pouvoir les intentions de sa belle ; car, après les avoir salués respectueusement, il demanda en flamand à la comtesse quelle route elle désirait prendre.

— « Guidez-moi, lui répondit-elle, vers la ville la plus voisine, sur les frontières du Brabant. — Vous avez donc fixé le but et l’objet de votre voyage ? » dit Quentin en faisant approcher son cheval de celui d’Isabelle, et lui parlant français, en langue que leur guide ne pouvait comprendre. — « Oui, répliqua la jeune dame ; car dans la situation où je me trouve et dans les circonstances qui m’environnent, je me ferais le plus grand tort en prolongeant mon voyage ; dût-il avoir pour terme une prison, je dois l’abréger autant que possible. — Une prison ? s’écria Quentin. — Oui, mon ami, une prison ; mais je ferai en sorte que vous ne la partagiez pas. — Ne parlez pas de moi ! ne vous occupez pas de moi ! que je vous voie en sûreté, et je me soucie fort peu de ce qui me concerne. — Parlez plus bas, dit Isabelle ; vous étonnerez notre guide : vous voyez qu’il nous a déjà dépassés. » En effet, le bon Flamand, désirant agir avec eux comme il aurait voulu qu’on agît envers lui, avait pris l’avance lorsque Quentin s’était rapproché de la comtesse, pour leur épargner la contrainte où jette ordinairement un tiers. « Oui, » poursuivit-elle quand elle vit que leur guide ne pouvait les entendre ; « oui, mon ami, mon protecteur (car pourquoi rougirais-je de vous donner le nom de ce que le ciel vous a rendu pour moi ?) je dois vous dire que j’ai résolu de retourner aux lieux qui m’ont vue naître, et de m’en remettre à la générosité du duc de Bourgogne. Ce fut un mauvais conseil, quoique donné avec de bonnes intentions, qui me porta à rejeter sa protection pour recourir à celle du politique et astucieux Louis de France. — Et vous êtes donc déterminée à vous unir au comte de Campo-Basso, à ce méprisable favori de Charles ? »

Ainsi parlait Quentin d’une voix agitée par les sentiments secrets qui assiégeaient son cœur, et par son désir d’affecter un ton d’indifférence : tel un malheureux condamné à mort s’arme d’une fermeté factice, qu’il est loin de posséder, quand il demande si sa sentence sera bientôt exécutée.

— Non, Durward, non, » lui répondit Isabelle en se redressant sur sa selle, « tout le pouvoir du duc de Bourgogne ne pourrait contraindre une fille de la maison de Croye à s’avilir par cet odieux mariage. Il peut saisir mes terres et mes fiefs, me reléguer dans un couvent ; mais là se borne tout ce que j’ai à redouter de lui ; et j’endurerai de plus grands maux encore plutôt que d’épouser Campo-Basso. — De plus grands maux encore ! s’écria Quentin : et en est-il de plus insupportables que la perte de ses biens et de la liberté ? Ah ! pensez-y bien, tandis que vous respirez cet air pur, présent du ciel, tandis que vous êtes sous la protection d’un homme qui hasardera sa vie pour vous conduire en Angleterre, en Allemagne, en Écosse même, et vous y trouverez de généreux protecteurs. Puisqu’il en est temps encore, ne faites pas si témérairement le sacrifice de votre liberté, du don le plus précieux que puisse vous accorder la bonté divine ! Ah ! qu’un poëte de mon pays la chante dignement, cette liberté :

Ô liberté, des cieux ineffable présent !…
Avec la liberté l’homme a tout ce qu’il aime ;
Elle offre du plaisir le charme bienfaisant.
L’homme libre est heureux de sa liberté même.
Chagrin, besoin, misère, indomptables douleurs,
Le stupide esclavage unit tous les malheurs. »

La comtesse écouta avec un sourire mélancolique ces vers en l’honneur de la liberté, puis, après un court silence, elle répondit : « la liberté n’appartient qu’à l’homme : la femme a besoin d’un protecteur, puisque la nature ne lui a pas donné les moyens de se protéger elle-même. Et où en trouverai-je un ? sera-ce le voluptueux Edward d’Angleterre, l’ignoble Wenceslas d’Allemagne, qui sans cesse est gorgé de vin ? En Écosse, peut-être ? Ah, Durward ! si j’étais votre sœur et que vous pussiez me promettre un asile dans la vallée d’une de ces montagnes que vous vous plaisez tant à décrire ; un asile où, soit par charité, soit au prix du peu de bijoux qui me restent, il me serait permis de mener une vie paisible et d’oublier le rang dans lequel je suis née ; si vous pouviez m’assurer la protection de quelque respectable matrone de votre pays, de quelque baron dont l’honneur soit aussi fidèle que la lame de son épée, cet espoir pourrait m’engager à braver de nouveau la censure du monde en m’aventurant dans ce pays éloigné. »

Il y avait dans la voix d’Isabelle un accent si tendre et si touchant, que Quentin sentit, à ces paroles, une douce joie s’insinuer au fond de son cœur. Il hésita un instant avant de répondre, réfléchissant à la possibilité de lui procurer en Écosse un asile sûr et honorable ; mais la triste vérité vint éclairer son esprit ; il reconnut que ce serait de sa part une action aussi basse que cruelle que de l’engager à fuir vers un pays où il n’avait ni le pouvoir ni le moyen de lui procurer une retraite sûre. « Madame, dit-il enfin, j’agirais contre mon honneur et contre les lois de la chevalerie si je vous laissais former un plan basé sur cette idée que je puis vous offrir en Écosse quelque protection autre que celle du faible bras qui depuis peu de temps est à votre service. À peine sais-je si mon sang circule dans les veines d’un seul habitant de mon pays natal. Le chevalier de l’Innerquuharity prit d’assaut notre château au milieu de la nuit, et tous ceux qui portaient mon nom y périrent. Si je reparaissais en Écosse, j’y retrouverais nos ennemis féodaux : ils sont nombreux et puissants ; moi, je suis seul et faible : ainsi quand même le roi voudrait me rendre justice, il n’oserait, pour protéger un simple individu, provoquer un chef qui marche à la tête de cinq cents cavaliers. — Hélas ! dit la comtesse, il n’existe donc pas dans le monde entier un seul abri contre l’oppression, puisqu’elle se déchaîne sur ces montagnes sauvages qui offrent si peu d’attraits à la cupidité, aussi bien que sur nos vastes et riches plaines ! — C’est une triste vérité, et je n’oserais la cacher ; ce n’est guère que le désir de la vengeance, la soif du sang, qui mettent les armes à la main à nos clans, qui les portent à s’égorger réciproquement ; et les Ogilvies présentent en Écosse les mêmes actions et les mêmes scènes que celles dont Guillaume de la Marck et ses satellites se rendent coupables dans ce pays. — En voilà assez sur l’Écosse, » dit Isabelle d’un ton d’indifférence réelle ou affectée ; « ne m’en dites pas d’avantage. Dans le fait, je n’en ai parlé qu’en plaisantant, pour voir si vous oseriez sérieusement me présenter comme un pays tranquille le royaume le plus déchiré de l’Europe. Je voulais seulement mettre à l’épreuve votre sincérité, sur laquelle je suis charmée de voir qu’on peut compter lors même que le sentiment le plus vif chez un Écossais est le plus fortement excité. Ainsi donc, je le répète, je ne chercherai d’autre protection que celle d’un honorable et puissant baron, feudataire du duc Charles, dans les mains duquel j’ai décidé de me remettre. — Mais pourquoi ne vous retirez-vous pas plutôt sur vos domaines, dans votre château fort, ainsi que vous le disiez lorsque nous étions encore peu éloignés de Tours ? Pourquoi ne pas rassembler autour de vous les vassaux de votre père, et traiter avec le duc de Bourgogne, plutôt que de vous remettre entre ses mains ? Bien certainement il ne manquera pas de braves qui embrasseront votre défense ; et j’en sais au moins un qui sacrifierait volontiers sa vie pour donner l’exemple. — Hélas ! répondit la comtesse, ce projet suggéré par l’astucieux Louis, était, comme tout ce qu’il a jamais imaginé, plus pour son avantage que pour le mien, et il ne peut aujourd’hui être mis à exécution, puisqu’il a été livré au duc de Bourgogne par le perfide Zamet Hayraddin. Par suite de cette trahison, le duc Charles a jeté mon parent dans une prison, et mis garnison dans mon château. Toute tentative de ma part ne ferait qu’exposer mes vassaux à sa vengeance ; et pourquoi ferais-je couler plus de sang qu’il n’en a déjà été versé pour une cause qui en est si peu digne ? Non, je me remettrai entre les mains de mon suzerain, comme une fidèle vassale, me réservant la liberté qui m’appartient de choisir moi-même mon époux ; et avec d’autant plus de raison que je pense que ma tante, la comtesse Hameline, qui m’a conseillé la première, qui même m’a sollicitée de fuir, a probablement déjà pris elle-même cette sage et honorable résolution. — Votre tante ! reprit Quentin à qui ces paroles rappelèrent des circonstances que la jeune comtesse ignorait complètement, et qu’une suite de périls et d’événements des plus graves avaient effacées de sa mémoire comme étant de peu d’intérêt. — Oui… ma tante… la comtesse Hameline de Croye. Savez-vous ce qui peut lui être arrivé ? J’espère qu’elle est maintenant sous la protection de la bannière de Bourgogne. Vous gardez le silence ! qu’en avez-vous appris ? »

Cette dernière question, faite du ton de la plus vive inquiétude, obligea Quentin à faire le récit de ce qu’il savait du sort de la comtesse Hameline. Il dit comment il avait été averti de l’accompagner dans sa fuite de Schonwaldt, fuite dans laquelle il ne doutait pas que la comtesse Isabelle ne l’accompagnât ; comment il avait reconnu son erreur après avoir atteint la forêt ; enfin, comment il retourna au château, et l’état dans lequel il l’avait trouvée elle-même. Mais il ne dit rien des vues qu’avait la vieille dame en quittant Schonwaldt, ni du bruit qui courait qu’elle était tombée au pouvoir de Guillaume de la Marck : sa délicatesse lui faisait un devoir du silence sur le premier motif, et ses égards pour la sensibilité de sa compagne, dans un moment où la force et le courage lui étaient si nécessaires, lui défendaient de s’étendre sur le dernier, qui d’ailleurs n’était parvenu jusqu’à lui que comme une vague rumeur.

Ce récit, quoique Quentin en eût retranché les circonstances les plus importantes, fit une forte impression sur Isabelle, qui, après avoir poursuivi son chemin quelques instants en silence, dit enfin, d’un air mécontent : « Ainsi donc vous avez abandonné mon infortunée parente dans une forêt, à la merci d’un vil Bohémien et d’une femme de chambre infidèle ? Ma pauvre tante ! Elle avait coutume de louer le dévouement de notre jeune protecteur ! — Ai-je manqué à mon devoir, madame ? » répondit Quentin justement offensé de la manière dont la comtesse paraissait envisager sa conduite ? « Que serait devenue celle à qui je m’étais entièrement dévoué, si je n’avais pas laissé la comtesse Hameline de Croye sous la garde de ceux qu’elle-même avait choisis pour conseillers, la comtesse Isabelle ne serait-elle pas en ce moment l’épouse de Guillaume de la Marck, du Sanglier des Ardennes ? — Vous avez raison, » répondit Isabelle en reprenant le ton qui lui était ordinaire ; « et moi qui recueille tout le fruit d’un dévouement si absolu, j’ai pu vous accuser de bassesse et d’ingratitude ! Mais, hélas ! ma malheureuse tante est victime des intrigues de cette Marton en qui elle avait mis une confiance que cette fille méritait si peu ! C’est elle qui lui fit connaître Zamet et Hayraddin Maugrabin, dont le prétendu savoir en divination et en astrologie fascina son esprit ; c’est encore elle qui, appuyant avec force sur leurs prédictions, l’encouragea dans… je ne sais de quel terme me servir… dans de folles idées relativement à un mariage, à des amants, ce que son âge rendait ridicule et tout à fait invraisemblable. Je ne doute pas que, dès l’origine, ce ne soit l’astucieux Louis de France qui nous ait livrées à ces serpents, pour nous déterminer à nous retirer à sa cour, ou plutôt pour nous faire tomber en son pouvoir. Après que nous eûmes commis cette impardonnable imprudence, avec quelle bassesse, quelle méchanceté, de quelle manière indigne d’un homme bien né, d’un chevalier, il s’est conduit à notre égard ! Vous en avez été témoin, Durward. Mais ! ma pauvre tante… quel sort croyez-vous qu’elle puisse avoir ? »

Cherchant à lui inspirer un espoir qu’il avait à peine lui-même, Quentin lui répondit que la cupidité était la passion dominante des Bohémiens ; qu’au moment où il les quittait, Marton paraissait vouloir prendre la comtesse Hameline sous sa protection ; qu’enfin il était difficile d’imaginer quel motif pourrait porter ces misérables à la tuer, ou seulement à la maltraiter, tandis qu’en la traitant avec égards, ils avaient l’espoir d’en tirer une forte rançon.

Pour distraire sa belle de ces pensées mélancoliques, Quentin lui raconta la trahison du Maugrabin ; comment il avait découvert ses projets pendant la nuit qu’ils passèrent dans un couvent près de Namur, projets qui paraissaient le résultat d’un arrangement fait entre le roi et Guillaume de la Marck. Isabelle frémit d’horreur ; puis, reprenant quelque empire sur elle-même, elle s’écria : « J’ai honte de cette émotion ; j’ai péché en me permettant de douter de la protection des saints, et de croire un seul instant qu’un projet si vil, si cruel, si déshonorant, pût s’accomplir tant qu’il y aura dans le ciel des yeux ouverts sur les misères humaines, et que, les prenant en pitié, ils jettent sur elles un regard protecteur. Un tel projet, quelque horrible qu’il soit, ne doit pas inspirer de crainte ; il faut le regarder comme une trahison infâme, inouïe, et ne pas se rendre coupable d’athéisme en croyant qu’il ait pu réussir. Mais je vois clairement à présent pourquoi l’hypocrite Marton s’efforçait souvent d’entretenir les petites jalousies et les petites querelles qui parfois s’élevaient entre ma pauvre tante et moi ; pourquoi, employant toujours la flatterie envers celle de nous avec qui elle se trouvait, elle faisait ressortir avec adresse ce qui était au désavantage de l’absente. Et cependant je n’aurais jamais imaginé qu’elle eût pu décider ma tante, jadis si affectionnée pour moi, à me laisser à Schonwaldt, au milieu de si grands dangers, tandis qu’elle effectuait sa fuite. — Elle ne vous a donc pas fait part du projet qu’elle méditait ? — Non ; mais elle me parla de je ne sais quelle communication que Marton devait me faire. À dire vrai, la tête de ma pauvre tante était si troublée par le mystérieux langage de l’infâme Hayraddin, à qui elle avait accordé ce jour-là même un long et secret entretien, et elle m’entretint d’idées si extraordinaires que… que je ne pensais guère à lui demander aucune explication en la voyant dans une telle situation d’esprit. Il était pourtant bien affreux de me laisser dans ce château ! — Je dois justifier la comtesse Hameline de ce dernier reproche ; car, au milieu de l’obscurité de la nuit, et dans un moment où il fallait déployer la plus grande célérité, je suis convaincu qu’elle se croyait accompagnée de sa nièce, de même que je le croyais moi-même ; car, trompé par l’habillement et le maintien de Marton, je m’imaginais guider les deux dames de Croye, et particulièrement, » ajouta-t-il d’une voix basse mais bien accentuée, « particulièrement celle sans laquelle tous les trésors de l’univers n’auraient pu me déterminer à sortir de Schonwaldt. »

Isabelle baissa la tête, et feignit de ne pas avoir remarqué le ton exalté avec lequel Quentin venait de parler. Cependant elle porta de nouveau les yeux sur lui, quand il commença à parler de la politique de Louis ; et il leur fut aisé de reconnaître, par les communications qu’ils se firent réciproquement, que les deux frères bohémiens et Marton, leur complice, avaient été les agents de ce prince artificieux, quoique Zamet, l’aîné des deux, avec une perfidie particulière à sa race, eût essayé de remplir un double rôle, duplicité qui avait reçu sa récompense.

Tout en se donnant ainsi des preuves d’une confiance mutuelle, et oubliant la singularité de leur situation aussi bien que les périls auxquels ils étaient encore exposés, nos deux voyageurs poursuivirent leur route pendant quelques heures ; ils ne s’arrêtèrent que pour faire rafraîchir leurs chevaux dans un dorff ou hameau écarté, où les conduisit Hans Glover, qui, sous tous les rapports, se conduisit à leur égard en homme sage et discret, comme il l’avait déjà fait en s’éloignant d’eux pour leur permettre de s’entretenir en toute liberté.

Cependant la distinction conventionnelle que l’usage avait établie entre les deux amants, car nous pouvons à présent les qualifier ainsi, semblait diminuer ou même s’effacer entièrement, par suite de la situation dans laquelle ils se trouvaient. Si la comtesse était placée dans un rang plus élevé, si par sa naissance elle devait posséder des richesses bien plus grandes qu’un jeune homme qui n’avait pour toute fortune que son épée, il ne faut pas oublier que, pour le moment, elle n’était pas plus riche que lui, et qu’elle devait à la présence d’esprit, à la valeur et au dévouement de ce jeune homme, son salut, son honneur et sa vie. Quentin ne lui parlait pourtant pas d’amour ; car quoique le cœur de la jeune dame fût tellement rempli de confiance et de reconnaissance, qu’elle n’aurait point fait un crime à son protecteur d’une telle déclaration, la timidité naturelle et les sentiments chevaleresques de celui-ci enchaînaient sa langue, et lui auraient reproché de chercher à abuser de la situation où se trouvait Isabelle. S’il en eût profité pour placer le moindre mot, il eût cru se rendre coupable d’une insigne déloyauté. Ils ne parlèrent donc pas d’amour ; mais, chacun à part soi, ils ne pouvaient s’empêcher d’y penser ; et ils se trouvaient ainsi placés, l’un par rapport à l’autre, dans cette situation où les sentiments d’une affection mutuelle se comprennent beaucoup plus aisément qu’ils ne s’expriment ; dans cette situation qui, au milieu de la liberté qu’elle permet et de l’incertitude où elle jette, forme presque toujours les instants les plus heureux de la vie humaine, et qui trop souvent apporte à ceux qui y cèdent légèrement, l’inconstance et tous les chagrins d’un espoir trompé et d’un attachement non payé de retour.

Il était deux heures après midi quand leur guide, la pâleur sur le visage et l’effroi dans les yeux y vint exciter leurs alarmes en annonçant qu’ils étaient poursuivis par les schwarz-reiters[1] de Guillaume de la Marck. Ces soldats, ou plutôt ces brigands, étaient levés dans les cercles de la Basse-Allemagne, et ressemblaient parfaitement aux lansquenets, à cela près cependant qu’ils formaient une cavalerie légère. Pour soutenir le nom de cavalerie noire, et frapper leurs ennemis d’un surcroît de terreur, ils étaient ordinairement montés sur des chevaux de cette robe, portaient des vêtements noirs, et couvraient leur armure d’un enduit de cette couleur, opération qui donnait souvent la même teinte à leurs mains et à leur visage. En moralité et en férocité ces schwarz-reiters étaient les dignes émules de leurs pédestres confrères les lansquenets.

Jetant un regard en arrière, Quentin vit un nuage de poussière qui s’élevait sur une route unie qu’ils venaient de parcourir, et qui s’avançait de leur côté ; un ou deux soldats couraient ventre à terre en avant de la troupe. S’adressant à sa compagne, il lui dit : « Chère Isabelle, je n’ai d’autre arme que mon épée ; mais si je ne puis combattre pour vous, je puis fuir avec vous. S’il nous est possible de gagner le bois que traverse la route avant que ces cavaliers nous aient atteints, nous parviendrons sans doute à leur échapper. — Essayons-y, mon unique ami, » répondit Isabelle en mettant son cheval au grand galop ; « et toi, mon brave garçon, » ajouta-t-elle en s’adressant à Hans Glover, « prends une autre route, et ne t’expose pas à partager nos périls et nos infortunes. »

L’honnête Flamand secoua la tête, et ne répondit à cette généreuse recommandation que par ces mots Nein ! nein ! das geht nicht[2] ; et il continua à les suivre, tous trois se dirigeant vers le bois avec autant de vitesse qu’en pouvaient déployer leurs chevaux épuisés de fatigue. Les schwarz-reiters de leur côté, en les voyant fuir, redoublèrent d’efforts pour les atteindre. Mais, malgré la fatigue de leurs chevaux, les fugitifs n’étant point armés, et leur poids étant conséquemment moins lourd, ils gagnaient du terrain sur ceux qui les poursuivaient : ils étaient à environ un quart de mille du bois, lorsqu’ils en virent sortir une compagnie d’hommes d’armes marchant sous la bannière d’un chevalier : cette troupe vint leur barrer le chemin.

« À ces brillantes armures, dit Isabelle, je crois reconnaître des Bourguignons. Mais, quels qu’ils soient, il vaut mieux nous rendre à eux qu’aux brigands qui sont à notre poursuite. »

Un instant après, regardant la bannière, elle s’écria, « Au cœur fendu qu’elle porte, je reconnais cette bannière ! c’est celle de Crèvecœur, d’un noble Bourguignon, je me rendrai à lui. »

Durward soupira ; mais que pouvait-il faire ? combien il se serait trouvé heureux, un instant auparavant, s’il eût pu assurer le salut d’Isabelle, même à des conditions moins favorables. Ils joignirent bientôt la troupe de Crèvecœur, qui avait fait halte pour reconnaître les schwarz-reiters, et la comtesse demanda à parler au commandant. Voyant que le comte la regardait d’un air de doute et d’incertitude, elle lui parla en ces termes : « Noble comte, Isabelle de Croye, la fille de votre ancien frère d’armes, la fille du comte Reinold de Croye, se déclare votre prisonnière, et implore votre protection pour elle et pour les personnes qui l’accompagnent. — Tu l’auras, belle cousine, même contre une armée entière, toujours sauf et excepté monseigneur le duc de Bourgogne ; mais nous n’avons pas le temps de parler de cette affaire : les infâmes coquins ont fait halte comme s’ils prétendaient disputer le terrain. Par Saint-George de Bourgogne ! ils ont l’insolence de s’avancer contre la bannière de Crèvecœur ! Ces brigands ne seront-ils donc jamais réprimés ? Damien, ma lance ! En avant, ma bannière ! Les lances en arrêt ! Crèvecœur à la rescousse !

Poussant ce cri de guerre, et suivi de ses hommes d’armes, il partit au grand galop pour charger les schwarz-reiters.



  1. Schwarz, noir, et reiter, cavalier. a. m.
  2. Non, non, cela ne va pas. a. m.