Quelques documents relatifs à la discipline établie par M. Darby et d’autres frères en Angleterre vis-à-vis de l’assemblée de Béthesda/commentaire 2


Quelques documents relatifs à la discipline établie par M. Darby et d’autres frères en Angleterre vis-à-vis de l’assemblée de Béthesda
James Attinger (p. 45-66).


La question de la doctrine.

J’ai exprimé ailleurs une opinion à l’égard de l’hérésie imputée à M. Newton, sans motiver cette opinion.

Je transcris ici ce que j’ai dit à cet égard dans ma précédente brochure.

« Dans un premier travail, page 19, j’avais fait des extraits des ouvrages de M. Newton, pour les joindre à ces pensées sur la discipline qu’on établit actuellement ; je l’avais fait pour montrer combien il était difficile d’exiger de Béthesda et d’autres assemblées, de se prononcer sur les traités eux-mêmes par rapport à l’hérésie. J’avais aussi exprimé mon opinion ces traités, savoir que, quelles que soient les exagérations et les choses blâmables dans les écrits de M. Newton, je ne puis toutefois pas le déclarer hérétique, et il y a d’autres chrétiens, même des docteurs dans l’Église, qui ont des doutes aussi sérieux que moi même sur ce point, des chrétiens et des docteurs qui ne marchent pas avec nous. Mais je crois devoir ne pas publier ces extraits, et cela dans la crainte de Dieu. Voici mes motifs pour ne pas les publier :

» 1o  Parce que je crois qu’il y a une confusion blâmable et des exagérations dans les traités de M. Newton, et qu’il s’est livré aux tendances d’un esprit spéculatif ;

» 2o  Quelle que soit mon opinion quant à la culpabilité ou à la non culpabilité de M. Newton, quant à l’hérésie, je ne suis pas en droit d’imposer M. Newton à une église quelconque, lors même que j’en aurais le désir, surtout en vue des divers jugements portés sur ses écrits ;

» 3o  Mais je n’ai pas même le désir de me prononcer moi-même sur ce point, parce que je crois que M. Newton est appelé, quoi qu’il en soit, à retirer ses traités et à donner cette preuve d’amour à l’Église du Seigneur, qui assurément peut se passer de ses écrits, écrits qui n’édifieraient pas les simples chrétiens, à cause de la confusion qui y existe ; et si M. Newton ne se rend pas aux sollicitations des frères, sur ce point, je le crois coupable.

» Si l’on veut tirer de cette déclaration que je suis un adhérent de M. Newton (et par cela on entend un hérétique), c’est une preuve de plus de l’injustice et de l’esprit de parti qui règnent parmi nous, et les conséquences de telles injustices retomberont sur ceux qui les commettent, et non pas sur ceux qui les subissent. Il y a un Dieu juste, un Père qui est juste, à qui on se remet, et qui tôt ou tard manifestera notre justice comme la lumière, Ps. XXXVII, 5, 6, et cela quoique nous ne soyons que des serviteurs inutiles.

» Tout ce que je puis vous dire, et à quelques-uns qui m’accusent dans ce sens, c’est que ceux qui me connaissent (et il y en a par la bonté de Dieu), savent que ma foi n’est nullement changée à l’égard des précieuses vérités touchant la personne de notre adorable Sauveur. Il s’agit simplement de la différence entre le droit et le fait. Quant aux erreurs imputées, je les abhorre. M. Newton en est-il coupable ? c’est ce que je laisse à Dieu de manifester, quoique j’aie exprimé mon opinion. Mais la question de la discipline établie parmi nous est complétement différente de celle-ci, et je vous prie d’y prendre garde.

» Voici de quelle manière je sus amené à lire les traités de M. Newton. Pendant l’hiver qui vient de s’écouler, les frères de Nice me prièrent de me joindre à eux pour voir s’il y avait lieu à recevoir ou ne pas recevoir à la table du Seigneur une sœur anglaise qui demandait la communion au milieu d’eux. Nous exigeâmes de cette sœur des conditions qu’elle reconnut être justes si les choses étaient telles que nous les lui avions présentées. Elle nous déclara que M. Newton n’avait pas écrit des choses semblables à celles dont nous l’accusions. Pour la convaincre, nous ne nous refusâmes pas à examiner les traités que cette sœur fit venir de Genève. J’étais convaincu pour ma part, ou à peu près convaincu que cette sœur avait entièrement tort ; mais à ma grande surprise, je fis la découverte, en me mettant à lire les traités, que jusque là je n’avais jamais lu ce que M. Newton avait écrit. Les brochures que je croyais être de lui n’étaient que des commentaires sur ses ouvrages, avec quelques extraits des notes prises par autrui pendant une de ses méditations. Ce fut donc en remplissant notre devoir comme conducteurs, que nous fûmes obligés de prendre connaissance des traités dans lesquels M. Newton a consigné sa croyance. Je tiens seulement à constater ici l’histoire de la chose. Je n’ajoute rien à ce que j’ai dit plus haut sur les traités eux-mêmes. »

J’aurais mieux fait si j’avais motivé cette opinion. Un frère a fait, très-justement, la remarque que « j’avais dit trop ou pas assez, » Mais, mes motifs étaient droits par la grâce de Dieu. Premièrement, j’ai craint, et je crains encore de mettre devant les enfants de Dieu des sujets de ce genre. Je ne craignais pas de ne pas pouvoir appuyer mon opinion par des extraits suffisamment clairs pour la justifier, mais j’ai en horreur des controverses sur la personne et sur l’œuvre du Seigneur Jésus, et je crains par-dessus toutes choses des discussions qui pourraient détourner les croyants de la simplicité de leur foi, même à un degré quelconque. De sorte que je supprimai de mon travail ce qui m’aurait justifié, je le crois, dans cette opinion.

Mais, d’un autre côté, je croyais devoir manifester publiquement une opinion que j’avais dû exprimer à un certain nombre de frères, d’autant plus que je crois l’avoir fait avec prudence, comme aussi avec une entière franchise et en ayant égard aux divers jugements portés sur ses écrits. Je crois, mes frères, que des juges impartiaux prononceraient ce verdict sur la manière avec laquelle j’ai exprimé cette opinion et ne me condamneraient pas comme Newtoniste, en affirmant, comme l’a fait M. Darby, que « Bettex et Espenett sont les appuis du faux Christ que M. Newton prêche. » Ainsi, M. Bettex, qui n’a rien pu dire à cet égard, est placé sur la même ligne que moi, et même dans une lettre à l’assemblée de Lavigny, M. Darby le traite fort rudement pour avoir gardé le silence. M. Bettex ne pouvait pas s’exprimer sur ces sujets, ne connaissant pas les ouvrages de M. Newton, excepté par quelques extraits, les uns favorables, les autres défavorables. Or dans une question de ce genre, il faut connaître à fond les traités incriminés, pour avoir une véritable conviction.

Mais tout ce qui a été dit et redit depuis lors m’oblige à porter à votre connaissance quelques faits relatifs à M. Newton et à sa doctrine.

Dans une conférence particulière je pourrais prouver que c’est après avoir pris connaissance des ouvrages incriminés que j’ai parlé, et seulement alors. C’est un examen sérieux de ces écrits qui m’a porté à m’exprimer comme je l’ai fait.

Quelques-unes des choses les plus graves qu’on reproche à M. Newton, se trouvent consignées dans des notes de ses méditations, qu’il n’a jamais vues, et qui furent publiées à son insu. De plus, M. Newton dit dans son introduction aux « Observations : » « Je voudrais saisir cette occasion de déclarer que je ne suis pas responsable des notes de mes méditations qui peuvent être en circulation maintenant ou qui pourront l’être plus tard, à moins qu’elles ne soient revêtues de ma signature. »

Les trois extraits suivants des ouvrages de M. Newton touchent les points capitaux quant à l’hérésie qu’on lui impute, vous jugerez, mes frères, après avoir lu ces extraits, si j’ai dû hésiter avant de l’appeler hérétique. Du reste je n’en accepte pas non plus la responsabilité. Je cite ces extraits seulement afin qu’on connaisse toute la vérité dans cette affaire.

Souffrances de Gethsémané comparées à celles de la croix.

« De peur qu’on ne pense que je veuille déprécier la croix, parce que je parle avec énergie des autres souffrances qui l’ont précédée, je désire vivement mettre mes lecteurs en garde contre la possibilité de me supposer coupable d’un tel péché. Toutes les souffrances qui ont précédé la croix, même celles de Gethsémané, quelque nécessaires qu’elles fussent selon la direction toute sage de Dieu pour manifester l’excellence intrinsèque de Christ et pour compléter cette seule obéissance (Rom. 5.) qui est imputée dans toute sa valeur à nous qui croyons, cependant, aucune de ces souffrances n’aurait prévalu pour expier le péché, car le péché ne pouvait être expié que par l’effusion du sang, et par cela seul. « Sans effusion du sang, il n’y a pas rémission de péché. » Hébr., ch. IX. Justifiés par son sang. Rom. V. C’est le sang qui fait l’expiation pour l’âme. Lév. XVII, v. 11. Les souffrances de Christ, comme substitut sur la croix, et le fait que ce fut le moment dans lequel la vengeance de la main de Dieu fut versée sur le grand substitut de son peuple racheté, sont deux traits qui, à eux seuls, donnent une prééminence et un caractère distinctif à la croix, comme étant au-dessus de toutes les autres époques de ses souffrances. C’est la grande heure de ses souffrances, c’est l’heure à laquelle nos âmes travaillées par le péché regardent et trouvent la paix, la paix éternelle. « Il a fait la paix par le sang de la croix. » (Newton.) — Remarques, page 2.

Ce qui était du personnellement à Christ.

« S’il est question de la position personnelle de Christ (autant après qu’avant qu’il fut fait chair), la bénédiction seule lui était due. Même comme Israélite sous la loi, Il avait droit à toute bénédiction, et certainement son droit n’était pas moindre comme Fils éternel au sein du Père, ou comme Fils de Dieu, né d’une femme, toujours et également le bien-aimé du Père. Par conséquent, même après avoir été fait chair, après l’avoir prise en telle sorte qu’il occupait ainsi une position relative, s’il avait voulu demander ce qui était dû à sa position personnelle, il aurait cessé d’être affligé ; Il aurait été soutenu d’une manière miraculeuse, ou en levé au ciel, ou transfiguré comme sur la sainte montagne. » Ne penses-tu pas que, même maintenant, je pourrais prier mon Père et il m’enverrait aussitôt plus de douze légions d’anges. Mais comment seraient accomplies les Écritures qui disent qu’il faut que cela arrive ainsi ? »

(Newton). — Lettre sur des sujets relatifs à l’humanité du Seigneur. p. 24.

Confession de foi.

« Je suis heureux de pouvoir dire que j’estime, comme l’évêque Pearson, que Christ, quoiqu’Il prît un corps mortel, ne fut sous aucune nécessité de mourir comme nous, qu’il était toujours dans une proximité morale de Dieu, non moins quand il était sur la terre que quand il était au ciel ; qu’Il était toujours l’objet de la satisfaction, des délices et de l’amour du Père, que soit dans la crèche, soit dans la vie, soit sur la croix, Il était également, moralement parfait, aussi parfait qu’Il l’est maintenant dans le ciel, parfait dans toutes ses expériences intérieures, parfait dans toutes ses voies extérieures ; c’est pourquoi, à ce double égard, Il était tout à fait différent des autres hommes ; qu’Il ne fut jamais comme ceux pour lesquels et avec lesquels Il souffrit ; que toutes ses souffrances étaient comme Rédempteur ; toutes à cause d’autrui, et pour leur salut. J’accepte joyeusement les doctrines du Credo des Apôtres, du Credo de Nicée et de celui d’Athanase, comme contenant les vérités pour lesquelles je désire vivre et mourir. »

(Newton). — Lettre à un ami de Cork. p. 20.

Je le répète, je laisse à M. Newton la responsabilité de ses écrits, mais sans accepter néanmoins chaque mot de ces extraits, je crois qu’ils prouvent abondamment qu’il serait difficile de prononcer que l’auteur est un blasphémateur et un hérétique.

Ne pensez cependant pas que je ferme les yeux au mal. M. Newton a publié certainement des choses qui doivent être flétries d’un blâme non équivoque.

L’extrait suivant, tiré de mon premier travail en 1858, et que j’ai supprimé avec beaucoup d’autres extraits[1] pour les motifs ex primés plus haut, vous montrera que j’ai lu attentivement les ouvrages de M. Newton.

« J’objecte au passage des observations, page 9, qu’on lit ainsi : « Il était exposé par exemple à cause de sa relation avec Adam à cette sentence de mort qui avait été prononcée sur toute la famille humaine. » J’accorde librement que cette phrase en elle-même frapperait péniblement les simples et à juste titre, et depuis que je l’ai rencontrée et marquée, je vois en lisant « Béthesda en septembre 1857 », que ce passage y est cité à la page 5, ainsi qu’un autre qui suit quelques lignes plus bas : « Il était exposé à cette malédiction et à la condamnation de l’homme… »

Or, mes frères, j’avoue franchement et de tout mon cœur qu’aucun contexte ne peut justifier de telles paroles. Je les rejette de toutes les forces de mon âme. Cependant, au point de vue de la théologie de l’auteur, un contexte qui précède et qui suit ces blâmables expressions peut en modifier le sens. Voici toute la phrase où se trouvent ces expressions. Page 9 des observations. « Il fut exposé, par exemple, à cause de sa relation avec Adam, à cette sentence de mort qui avait été prononcée contre la famille humaine. Relativement, il fut exposé à cette malédiction ; personnellement, il manifesta son droit d’en être libéré, ainsi que son droit à la vie ; en gardant cette loi dont il est dit : « fais cela et tu vivras. » Et s’il fut exposé à la condamnation de l’homme, ne fut-il pas aussi également exposé à toutes les pénalités qui n’impliquaient pas le péché[2] et qui étaient tombées sur Israël placé sous Sinaï ? Je ne dis pas que toutes tombèrent de fait sur Lui. Quelques-unes de ces pénalités, Il les souffrit, sans souffrir les autres. Mais il ne fut pas maudit à cause de cela. Il était le fidèle serviteur, le bien aimé Fils, souffrant comme Jérémie, Daniel et Ézéchiel l’avaient fait auparavant, quoique plus faiblement, souffrant dis-je, à cause d’autrui. Elles vinrent sur Lui à cause de son association avec autrui. Il les souffrit à cause d’autrui pour notre bénédiction finale, pour la gloire de Dieu en Lui. »

Voilà le passage tout entier, et l’auteur de Béthesda en 1857 n’aurait pas dû séparer ces expressions du contexte, quelque blâmables qu’elles soient.

Certainement, M. Newton ne dit jamais que Christ a dû souffrir pour Lui-même, quelles que soient les erreurs ou les subtilités de cet écrivain au sujet de ses souffrances, subtilités dans lesquelles d’autres sont tombés, et qu’ils ont exprimées à peu près de la même manière que M. Newton.

Quant aux expressions grossières qu’on impute à M. Newton concernant la personne de Christ, et que ma plume ne veut pas reproduire, elles ne se trouvent pas dans ses écrits avoués, je n’en ai pas trouvé une seule.

Il est évident aussi que ce qu’on a imputé aux autres, avec tant d’acharnement, ne peut pas être imputé à M. Newton seul ; c’est l’école de Plymouth qui est plus ou moins coupable de ces exagérations. Je n’emploie pas le terme « école de Plymouth » dans un mauvais sens, je sais trop bien ce qui a été accordé de connaissance et de grâce à ceux qui ont suivi les enseignements provenant de cette source pour en parler en mal. Néanmoins ces enseignements sont devenus, au moins à l’heure qu’il est, « une école, » et je ne sais guère comment m’exprimer autrement. Un esprit de recherche, des recherches approfondies dans les Saintes Écritures, et surtout la foi à l’action du Saint-Esprit dans l’église, la séparation du monde et l’amour de tous les frères, furent les causes de nombreuses bénédictions qui, grâces à Dieu, demeurent encore dans les assemblées des frères, quoique la première impulsion ait été, je ne dirais pas perdue, mais amoindrie par l’esprit de secte. Ajoutons que l’absence d’un gouvernement reconnu a donné libre carrière aux penseurs les plus hardis. L’autorité dans l’Église ne relevant que de Dieu et du St-Esprit, sans contrôle humain, et surtout sans le contrôle des épîtres à Timothée et à Tite, les subtilités, en fait de doctrine, n’ont pas manqué. C’est ce qui, à mon avis, explique pourquoi tant d’exagérations se sont manifestées à Plymouth et dans les assemblées qui ont suivi cette marche. Je ne disculpe pas M. Newton, je l’ai toujours dit, je blâme au plus haut degré ses subtilités, mais est-il le seul qui soit tombé dans ces écarts ? Vous en jugerez par vous-mêmes par les extraits suivants.

« Jésus fut ainsi baptisé. C’est par cet acte qu’il prit place avec le peuple. Le baptême de Jean était un baptême de repentance ; même comme homme, il était sans péché, mais il fallait s’identifier complétement avec la condition de son peuple. Le peuple juif, pour ne pas aller plus loin maintenant, était dans une condition qu’il fallait juger. Le van du Seigneur est dans sa main, mais avant de prendre la place de juge, il s’identifie avec le peuple qui doit être jugé. »

M. Darby. Paroles de vérité. N° 36, p. 357.

« Lui (Jésus) avait sur son âme le sentiment plein et entier de la condition dans laquelle l’homme était par son éloignement de Dieu, à cause du péché. Ainsi le poids de la séparation actuelle et positive où l’homme se trouve quant à Dieu fut sur son âme, pendant ces quarante jours, dans le désert, précisément comme le poids de la colère fut sur Lui à la croix[3]. »

M. Darby. Paroles de vérité. vol. III, p. 361.

« Il faut qu’il entre (Jésus) véritablement dans les circonstances de la condition de l’homme, dans la misère et dans la désolation dans lesquelles l’homme est comme errant, même comme s’étant éloigné de Dieu. Il ne peut pas prendre la place d’Adam au milieu des choses qui auraient soutenu son âme. C’est plutôt la place de Caïn, la place de l’éloignement de l’âme de Dieu, dans l’absence de toute puissance extérieure pour le soutenir. Il y avait en Lui la puissance de se soutenir, non pas dans le monde. »

M. Darby. Paroles de vérité. N° 36, p. 360.


Que dire de pareilles assertions, sinon que l’un et l’autre de ces docteurs sont tombés dans d’étranges subtilités. Mais qui osera dire que M. Newton seul est coupable de pareilles étrangetés. N’est-il pas frappant que celui qui a jugé son frère, ses frères sans miséricorde, soit tombé lui-même dans le même piége.

M. Darby a dit à M. Recordon, quand j’ai signalé ces extraits, en 1858, qu’il ne les signerait pas, ou pas tous.

Cependant, je pense qu’il a eu quelque connaissance de leur publication, et, dans tous les cas, les frères occupés de la rédaction des « Paroles de vérité, » ont admis ces extraits dans leur recueil pour l’édification de leurs lecteurs. M. Darby ne les a ce pendant pas niés publiquement, et, dans tous les cas, il faut appliquer la même règle à M. Newton qu’à M. Darby. Or, le premier se refuse, comme nous l’avons dit ailleurs, à être jugé par les notes publiées sans sa connaissance.

Nous ne voulons donc pas juger M. Darby d’après ces extraits, qu’il ne veut plus signer. Néanmoins, il m’a paru nécessaire de vous citer ce qui a été publié, afin de montrer que si l’on jugeait les uns et les autres par la même mesure, il faudrait proclamer M. Darby et les rédacteurs des « Paroles de vérité, » hérétiques. De plus, cela servira à donner une idée des pensées qui avaient cours non pas chez un seul, mais parmi le grand nombre parmi les adversaires de M. Newton aussi bien que chez ses amis. Il est assez remarquable que pendant que M. Darby écrivait cela à M. Recordon, il publiait en même temps les deux derniers extraits que je cite plus bas, car ils portent la même date.

Maintenant, voici ce que M. Darby a publié lui-même et qu’il reconnaît comme sa doctrine sur ces sujets si sérieux.

Les derniers extraits que je vais citer sont d’une date assez récente, et à Londres ils ont donné lieu à des débats sérieux parmi ses amis.

Premier extrait.

« Psaume 88. La source profonde de toutes ces bénédictions, c’est que Christ, selon sa grâce immense, entre au plus profond de la misère de son peuple. Son âme passe par tout ce que le peuple avait mérité, et cela tel que Dieu l’envisage. Ce n’est pourtant précisément ici ni l’expiation, ni l’assujettissement à la colère due au péché, selon la nature du Dieu Éternel ; c’est plutôt, il me semble, la colère gouvernementale de Dieu, à laquelle, comme peuple, Israël était assujetti ; sous le poids de laquelle il se trouvait, mais dont il ne s’inquiétait guère, comme il ne s’en inquiète guère encore quoique extérieurement il en boive quelques gouttes amères. Mais l’âme de Jésus y entrait, selon toute la force de ce que cette colère était, de la part de Dieu, pour une âme qui la sentait, et qui la sentait comme Jésus pouvait la sentir. (Voyez Deut. XXXII, 22, 20. Lévitique XXVI, donne plutôt les souffrances extérieures.) Pur de toutes les choses qui ont amené ces souffrances, Christ ne regardait qu’à l’Éternel, ainsi que nous le voyons dans les psaumes ; mais il a porté sur son cœur la misère et les langueurs du peuple. » — Études sur la Parole, tome II, deuxième partie, page 305, première édition[4].

Si vous consultez le renvoi en Deutéronome indiqué par M. Darby, vous serez étonnés de voir qu’il enseigne ici très-clairement la doctrine de M. Newton, car M. Darby prend soin de nous dire que ce courroux de Dieu contre son fils n’est pas cet abandon de Dieu que notre adorable Sauveur a enduré sur le Calvaire.

Mais voici ce qui est plus catégorique encore, et, de peur qu’on ne puisse chercher quelque échappatoire en disant que j’ai mal traduit, ou mal rendu la pensée de l’auteur, je donne l’anglais d’un côté avec ma traduction en regard.

Deuxième extrait.

L’homme, moralement parlant, peut être considéré sous trois points de vue ; premièrement comme pécheur sous la condamnation ; secondement comme un saint par la grâce, participant à la nature divine, et ayant le Saint-Esprit pour force ; et troisièmement comme souffrant, tout en étant réveillé, vivifié et sincère quant aux désirs de l’âme, passant en même temps par les expériences d’une âme encore pécheresse qui apprend la différence entre le bien et le mal, selon le gouvernement de Dieu , et dans sa présence ; n’étant pas encore pleineinent connu de Dieu en grâce et en salut, mais ayant le jugement du péché devant ses yeux. Exposé à tout l’avantage que Satan peut tirer d’un tel homme, des souffrances, par exemple, telles que celles de Job. Christ a passé par tous ces divers genres de souffrance, seulement il a passé par cette dernière espèce de souffrance, étant Lui-même un être parfait, l’apprenant pour autrui.[5]

Bible Treasury 1858, p. 132. — Souffrances de Christ.

« On m’a demandé quelquefois, dit M. Newton, d’expliquer le passage à la page 26 de mes Observations, qui a été interprété comme si Christ avait des expériences propres aux inconvertis, pensée qui n’est jamais entrée dans mon esprit un seul moment de ma vie, et qui serait un blasphème. Mes traités ne peuvent certainement pas l’enseigner, car presque chaque page déborde d’assertions contraires. »

Lettre sur des sujets relatifs à l’humanité du Seigneur. P. 37, note.

Certainement, si l’on avait pu tirer cette conclusion des ouvrages de M. Newton, on pourrait la tirer de l’extrait ci-dessus des ouvrages de M. Darby. Évidemment, l’un et l’autre n’admettraient pas la conclusion, pas plus M. Darby que M. Newton ; mais alors jugez l’un et l’autre par la même mesure. Le double poids et la double mesure sont tous les deux en abomination à l’Éternel. De telle mesure que vous mesurerez, on vous mesurera réciproquement.

Troisième extrait.

Quant aux souffrances de Christ au sujet de notre péché, il était entièrement seul ; mais il y a un autre genre de souffrances par lesquelles Christ a passé, dont nous ne pouvons pas dire que nous souffrions avec Lui, mais dans lequel Il peut sympathiser avec nous, et on trouve ce genre de souffrance vers la fin de sa vie.[6]

Le caractère spécial de cette souffrance, quoique pas exclusivement, c’est la souffrance du résidu juif dans les derniers jours. Ils sont sous la loi ; ils ne savent pas ce que c’est d’être réconciliés avec Dieu, mais ils entrent dans la plus terrible de toutes les luttes avec Satan, avec l’Antichrist et avec toutes les terreurs de ces jours. Ils éprouveront les douleurs qui proviendront de ce que Satan se jettera sur eux avec la plénitude de sa puissance ; et cela sans qu’ils puissent jouir de la connaissance de la faveur de Dieu reposant sur eux. Ce sera toute autre chose que de souffrir avec Christ, cependant ils auront toute la sympathie de Christ. Christ a passé par tout cela aussi. C’est quand la position tout entière de Christ eut complétement changé (cependant il ne buvait pas encore la coupe de la main de Dieu), mais quand Il vint et que Satan se jeta sur Lui, avec la plénitude de sa puissance (et là Il pouvait anticiper la colère), ce fut alors, dis-je, qu’Il passa par toutes ces ténèbres que la puissance de Satan pouvait amener sur Lui avec la colère de Dieu en face de Lui.[7]

Bible Tresury, pages 157 et 158. — On the word of God and the Priesthood of Christ.

NB. Dans une note ajoutée dans la réimpression « des Souffrances de Christ, » M. Darby dit qu’il n’a pas envoyé l’article au Bible Treasury, d’où ce troisième extrait est tiré. Mais il dit : ce sont des notes d’une méditation à Bridgewater ; il se peut que je les aie corrigées, je ne m’en souvient pas. Il déclare que la vérité qu’on y attaque est bonne, et qu’il serait utile de réimprimer l’article en question, que par conséquent il l’a réimprimé à part. Enfin, il indique la source où on peut se le procurer. Il est donc certain qu’il en approuve la doctrine.

Il me répugne de placer devant les enfants de Dieu, un examen approfondi des deux systèmes de M. Newton et de M. Darby. Je ne puis pas, je ne veux pas vous occuper plus longuement de telles choses. Il suffira que j’ajoute l’appréciation suivante qu’un frère anglais fait des systèmes de ces deux docteurs.

« On verra que M. Darby, venant après M. Newton, n’est pas précisément tombé dans la même ornière, mais il est frappant d’observer, et cela sans contredit, de quelle manière il s’en est approché. Ainsi il parle de Christ passant par « des souffrances vivantes » (p. 17), il parle de « terreurs » — d’être « sous la colère gouvernementale de Dieu sur la nation ; » « sans la connaissance de la faveur de Dieu. » Comme aussi il nous parle « de Christ frappé de Dieu, » p. 36, et cela non pas pour expier nos péchés, ou pour occuper notre place devant Dieu (vicariously), c’est-à-dire comme notre substitut (ce sont presque les propres termes employés par M. Newton). M. Newton avait supposé cette demande : « Quand ces souffrances vinrent-elles sur l’âme de Jésus ? » et il avait répondu : « Probablement, » à l’époque où Luc dit de lui qu’il croissait en sagesse et en stature — et avant son baptême par Jean. M. D. nous parle de certaines souffrances, comme étant un changement complet dans la position entière de Christ « avant de boire la coupe. » Il nous dit que « peu importe, combien de temps avant, » mais « à la fin de sa vie. » Il parle de ces souffrances comme provenant de « la puissance de Satan, à laquelle pleine liberté avait été donnée contre Lui, » « avec la colère de Dieu en face de Lui. » (the wrath of God staring Him in the face.) Est-ce que je cite mal les paroles de M. Darby en quoi que ce soit ? sans doute, il y a des points de divergence entre sa doctrine et celle de M. Newton. Par exemple : Christ était-Il Lui-même assujetti à ces « douleurs, » en tant que né Juif ? ou y est-Il entré en grâce ? Peut-être en cela, leurs pensées « se renverseraient-elles mutuellement ; » mais ils sont d’accord en enseignant que Christ avait ces expériences. On ne pensait guère que c’était là toute la différence entre ces deux docteurs. Tous les deux conservent la pensée pieuse que Christ prit volontairement sur Lui tout ce qu’Il souffrit. M. N. imagine une famille exilée, à laquelle on se joint dans le but de partager et leur exil et leur douleur, tandis que M. D. imagine un fils emprisonné, à qui sa mère se joint pour participer à ses liens. Je m’estime heureux en rejetant l’une et l’autre de ces imaginations ; celle de M. D. pour la même raison que j’ai rejeté, il y a longtemps, celle de M. N., parce qu’elles ajoutent quelque chose à l’Écriture. » — Notice of a recent doctrine among certain brethren, pages 9, 10.

Et maintenant, mes frères, ne pensez pas que je désire jeter parmi vous une nouvelle pomme de discorde en vous faisant connaître ces tristes extraits de la plume de M. Darby. Certainement je les aurais gardés sous silence, s’il n’y avait pas une nécessité de démontrer la vérité des choses et d’éclairer, si cela est possible, tant de brebis du Seigneur égarées par un faux zèle ou angoissées au sujet de ces tristes divisions. La parole du Seigneur s’est accomplie, « ne jugez pas, afin que vous ne soyez point jugés. » Qui aurait pensé que M. Darby vous aurait conduits au bord de ce précipice, dont vous avez voulu vous préserver, en excluant de la communion de l’église des milliers d’enfants de Dieu qui n’ont jamais touché ces doctrines ni de près ni de loin ? M. D. dit que sa doctrine sur ces points est tout l’opposé de celle de M. N. Il aurait de la peine à le prouver, excepté à des partisans. La seule différence, si différence il y a, c’est que M. N. dit que Christ accepta cette position en revêtant notre humanité, tandis que M. D. dit qu’il y entra en grâce plus tard. Mais M. Newton déclare lui aussi que ce fut en grâce et pour autrui que Christ accepta cette position du commencement à la fin de sa vie, et maintient très expressément, dans l’extrait déjà cité, « ce qui était dû personnellement à Christ, » que le Seigneur Jésus est demeuré dans cette position de souffrance volontairement, et que toutes ces souffrances ont été pour nous et pour la gloire de Dieu. Il n’y a donc pas de différence réelle entre les enseignements de M. N. et ceux de M. D., voilà où en est la question de la doctrine.

Il est donc évident, quelle que soit la gravité de ces enseignements, que je ne nommerais pas M. Darby hérétique, pas plus que M. Newton. De plus, loin de moi la pensée de découvrir les manquements de mon frère. Je crains Dieu, j’aime mon frère. Ce sont des enfants d’Édom qui ont dit en la journée de Jérusalem : » Découvrez, découvrez jusqu’à ses fondements. » Ps. 137, v. 7. Abdias, 10, 14. Non, mes frères, un membre de Christ, un frère, et surtout celui avec lequel on allait à la maison de Dieu ensemble, dans une douce communion chrétienne, doit être honorable à mes yeux et cher à mon cœur.

Et que vous dirai-je de M. Newton, sinon que s’il est à Christ, comme je n’en doute pas, nous avons aussi un devoir à remplir envers lui : que Dieu nous l’enseigne ce devoir. Pour ce qui me concerne, je ne l’ai jamais entendu prêcher, je ne soutiens pas de relations avec lui. Il agit en dehors des frères et on dit qu’il a été béni et qu’il continue de l’être pour un grand nombre d’âmes. Matamoros, ce cher prisonnier du Seigneur, en Espagne, a récemment rendu un témoignage public au bien que M. Newton et le docteur Tregelles lui ont fait. Ce trait est raconté dans la bio graphie publiée par M. Green.

Il y a longtemps que les traités de M. Newton ont été brûlés, il ne s’occupe plus de ces ambiguités.

J’ajoute une copie de ma lettre à l’assemblée de Lavigny, au sujet de la doctrine. Elle vous fera connaître en même temps quelques détails relatifs à la seule visite que j’aie jamais faite à M. Newton.

À Monsieur Chollet et par lui à l’assemblée de Lavigny.
Cannes, Var, France, le 4 juin 1859.

Mon cher frère,

Notre frère, M. Bettex, vient de m’écrire des vallées du Piémont quelques mots au sujet des scrupules qu’auraient les frères de Lavigny, pour soutenir des rapports avec moi, à cause de l’opinion que j’ai exprimée au sujet des doctrines de M. Newton. De plus, M. Bettex m’a fait connaître votre désir de savoir si jamais j’ai eu des différends personnels avec notre frère M. Darby.

Je viens donc, cher frère, vous répondre au sujet de ces défiances à mon égard, et aussi à l’égard de cette demande concernant mes rapports avec frère Darby.

Je commencerai par cette dernière question, et je puis vous déclarer solemnellement que je n’ai jamais en un différend personnel avec M. Darby, aucune querelle n’a jamais eu lieu entre lui et moi, et par conséquent aucune rancune n’a jamais eu lieu dans mon cœur envers lui. Je le dis devant Dieu, je ne mens pas. Je crois devoir vous répondre à cette question d’une manière aussi solennelle, parce que dans cette affaire de discipline on ne cesse d’accumuler des accusations contre plusieurs frères et de leur imputer des motifs qui n’ont jamais existé ; et cela, malgré les dénégations réitérées de ces frères. L’apôtre Paul nous montre dans le IX aux Romains, que certaines graves et rares occasions demandent que l’on sorte du simple oui ! oui ! non ! non ! Je juge qu’une question qui touche la communion des saints est de cette gravité.

Au contraire, j’ai toujours eu la plus grande estime et la plus grande affection pour ce cher frère, et le Seigneur manifestera cette pensée de mon cœur dans son jour. Comme aussi Il manifestera que c’est avec une sincère et extrême répugnance que j’ai demandé à mes frères si l’on ne s’était pas départi de la simplicité de la foi en matière de discipline.

J’aurais trouvé mille raisons pour rester dans l’ombre, et mon cœur les aurait toutes agréées, car la connaissance de mes infirmités, le souvenir d’une épreuve spirituelle par laquelle je venais de passer, la réalité et la douceur de mes liens avec les frères en Suisse, un caractère naturellement timide, et même mes propres intérêts pécuniaires, si j’y avais pensé un seul instant, toutes ces choses, dis-je, et d’autres encore m’auraient poussé à rester parfaitement tranquille, si ce n’avait pas été une question de la dernière gravité pour moi, savoir la réjection ou la réception de Christ dans ses membres.

J’ai même fait part de cette répugnance à M. Darby, j’ai la copie d’une lettre dans laquelle je le lui écrivais.

Pardonnez-moi, cher frère, si je vous parle ainsi en détail de moi-même, mais il convient que je réponde explicitement à votre demande ; ce sont des points où l’on m’a imputé faussement de mauvais motifs. À l’heure qu’il est, je me souviens avec affection, avec une sainte affection, des excellentes choses que j’ai entendues et vues chez notre frère M. Darby, ainsi que chez d’autres chers frères qui, en Suisse, se sont constitués nos adversaires. M. Darby lui-même a dit (je crois à frère de Meuron) que je l’avais justifié en Suisse, au sujet d’un bruit malveillant que quelques-uns faisaient répandre sur son compte, et c’était vrai, que j’en avais agi ainsi.

J’en viens maintenant à la question plus grave des doctrines de M. Newton et de vos scrupules à mon égard, par rapport à ces doctrines.

Je commencerai, cher frère, par vous prier de lire attentivement ce que j’ai dit à ce sujet, pages 19-21 inclusivement de la brochure que j’ai publiée[8]. Je pense bien que vous avez cette brochure, mais de peur que vous ne l’ayez pas sous la main, je vous en envoie une copie par la poste en même temps que cette lettre. Il me semble qu’il est impossible de s’exprimer plus clairement. Considérez attentivement le motif n°2 que je donne pour ne pas publier les extraits que j’avais faits de M. Newton. Or je le répète, je parle devant mon Dieu, mon cher frère. Il n’y a eu ni plan préconçu, ni mauvais motifs, ni fraude, ni complot de la part des autres, et comme je le dis à la fin de man post-scriptum, p. 20, fut en réalisant notre devoir comme conducteurs que nous dûmes prendre connaissance des traités de M. Newton.

Ayant donc dû lire les traités en question, il est évident que ce j’ai une opinion, un jugement sur ces traités, cela ne peut pas être autrement. Que je juge justement ou sainement, c’est une autre question, mais si vous lisez mon motif n° 2, p. 19, vous verrez que « je n’impose M. Newton à aucune église, » « et sur tout en des divers jugement portés sur ses écrits. »

J’ai donc égard à la diversité des jugements. Lisez encore au paragraphe 2, page 20.

» Quant aux erreurs imputées, je les abhorre. M. Newton en est-il coupable ? c’est ce que je laisse à Dieu de manifester, quoique j’aie exprimé mon opinion. »

« Mais la question de la discipline établie parmi nous est complétement différente de celle-ci, et je vous prie d’y prendre garde. »

Vous voyez donc, cher frère, que je sépare les deux questions ; c’est au sujet de cette dernière que je me suis prononcé avec énergie depuis maintenant plus de deux ans et demi. Quant à la question de M. Newton, je crois que le Seigneur lui-même montrera ce qui en est, et j’admets bien que, quel que soit mon jugement personnel, il y a des difficultés auxquelles il faut avoir égard, jusqu’à ce que le chemin soit aplani.

Le système par lequel des assemblées tout entières sont frappées d’excommunication, à cause d’une diversité d’opinion, est toute autre chose que le cas de M. Newton.

Du reste j’ai admis cette différence dans ma lettre à frère Grand, quand j’ai dit : « ce serait là mon propre jugement, … toutefois j’espère que le Seigneur donnera un sentiment commun à cet égard. » Je cite textuellement de ma lettre à frère Grand, dont j’ai la copie par devers moi.

Maintenant un mot de plus concernant les divers jugements portés sur les écrits de M. Newton. Cette diversité est bien grande. M. Darby et d’autres frères les condamnent. À côté d’eux il y a un grand nombre de personnes, parmi les frères, qui n’y trouvent que de la confusion. Je sais ceci pour sûr. Des chrétiens bien connus en dehors des frères, des docteurs dans l’église, en Angle terre et sur le continent, ont cru voir les tendances d’un esprit spéculatif et non pas de l’hérésie. Je pourrais vous citer des noms bien connus pour leur piété et pour leur connaissance de la Parole…

Les frères de Nice ont lu les passages les plus incriminés, car à leur désir, je les ai traduits pour eux. Notre opinion est la même, mais la question n’est pas là, la voici : M. Darby et ceux qui sont avec lui auraient-ils nécessairement raison ? Je conviens qu’en général les assemblées ont raison d’honorer son jugement, et je n’ai aucun désir de placer mon nom en opposition au sien, ni même à côté du sien, il y a des choses meilleures pour mon cœur, par la grâce de Dieu, que l’ambition ; chacun à la place que le Seigneur lui donne. D’ailleurs on est serviteur, il faut penser au Maître, à notre bon Maître, et non pas à soi. Mais je demande, au nom de la droiture et de la sainteté qui doivent régner dans la maison de Dieu, si l’expression d’un jugement contraire à celui de M. Darby est une occasion légitime de séparation à la table du Seigneur ? J’ai vraiment honte de la servilité de quelques-uns, hélas ! d’un si grand nombre. Toutefois je sais fort bien qu’il y en a un plus grand nombre encore qui croient réellement que nous n’avons aucun égard à la gloire du Seigneur. Je le leur pardonne de tout mon cœur. Je respecte dans ce cas leurs craintes.

Ceci m’amène à un point qui a de l’importance pour vous et je le comprends. Vous me demandez : « Que croyez-vous vous-même concernant la personne et l’ouvre du Seigneur Jésus ? Quelle est votre foi ? »

Vous répondre :

1° Qu’à cet égard ma foi n’a subi aucun changement, c’est quelque chose, mais c’est négatif. Toutefois je puis vous dire hardiment que tel que vous m’avez connu, tel je suis aujourd’hui ; mais…

2° Mais ma foi s’exprimerait ainsi, cher frère :

« Jésus a été tenté en toutes choses comme nous, excepté le péché. » Hébreux, ch. IV, v. 15.

Les mots « excepté le péché, » concernent autant les sentiments et les affections intérieurs que la conduite au dehors Satan, en tentant Jésus, n’a jamais rien trouvé en Lui. « Il n’a rien en moi. » Jean ch. XIV, v. 30.

« Tu m’exauces toujours. » Jean ch. XI, v. 42.

« Le Père ne m’a point laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable. » Jean ch. VIII, v. 29.

« C’est ici mon Fils bien aimé en qui j’ai pris mon bon plaisir, écoutez-le. » Matthieu, ch. XVII, v. 5.

« Qui étant en forme de Dieu n’a point estimé usurpation d’être égal à Dieu, mais s’est anéanti en prenant une forme de serviteur, ayant été fait à la ressemblance des hommes ; et étant trouvé en figure comme un homme, il s’est abaissé, étant devenu obéissant jusqu’à la mort, même à la mort de la croix. » Phil. ch. II, v. 6-8.

« La plénitude de la Divinité habite corporellement en Lui. » Coloss. ch. II, v. 9.

« Ce n’est pas par des choses corruptibles, par de l’argent ou de l’or que vous avez été rachetés de la vaine conduite qui vous avait été transmise par vos pères, mais par un sang précieux, comme d’un Agneau sans défaut et sans tache, Christ. » 1 Pierre ch. I, v. 18-19.

« Il a mis son âme en oblation pour le péché. » Ésaïe ch. LIII, v. 10.

« Il a été fait péché à notre place. » 1 Corinth. ch. V, v. 21.

« Personne ne m’ôte la vie, je la laisse de moi-même, j’ai la puissance de la laisser, j’ai la puissance de la reprendre. » Jean ch. X, v. 18.

« Vous avez renié le saint et le juste et vous avez demandé qu’on vous accordât un meurtrier, et vous avez mis à mort le prince de la vie. » Actes, ch. III, v. 14-15.

« Ayant été livré par le conseil déterminé et par la préconnaissance de Dieu, vous l’avez pris, vous l’avez tué, l’ayant cloué par des mains iniques. Dieu l’a ressuscité ayant délié les douleurs de la mort, parce qu’il n’était pas possible qu’il fût retenu par elles. » Actes ch. II, v. 23-24.

« Tu ne permettras pas que ton saint sente la corruption. » Ps. XVI, v. 10.

Ces passages, mon cher frère, que le Seigneur présente à mon esprit dans ce moment, sont l’expression réfléchie de ma foi et de mon cœur, et c’est sans arrière-pensée que j’y donne tout mon assentiment, et j’y attache le sens que l’église y a attaché à travers les siècles, le sens que, à l’heure qu’il est, vous y attachez vous même, et nul autre sens. Je ne souffrirais pas que d’autres les re niassent. Du reste je répondrai à des questions quelconques que l’on m’adressera à ce sujet avec joie, car la perfection de Jésus est toute mon espérance et tout mon bonheur.

Il ne me reste qu’à vous donner quelques explications sur les motifs de ma visite à M. Newton.

Ce ne fut qu’au moment de quitter l’Angleterre que je fis une visite à M. Newton, visite que je fis précéder de l’envoi de ma brochure, afin qu’il connût le jugement que je porte sur ses écrits, jugement contenu dans le post-scriptum de ma brochure, pages 19-21. Étant en Angleterre, je désirais profiter de l’occasion pour le voir, pour le questionner sur certains points, et l’engager à faire quelque chose en vue de la prospérité et de la paix des enfants de Dieu. Entr’autres paroles, en voici une que je lui adressai : « J’espère M. Newton que vous ferez tout ce qui dépend de vous pour ôter des difficultés du chemin des brebis de Jésus, où qu’elles se trouvent. » De plus je l’engageai à retirer ses traités. Il me répondit que de fait ils étaient retirés ; qu’il en existait à peine, sauf dans les mains de ses adversaires ; que son intention n’était pas de les publier de nouveau, que lui-même il y trouvait, non pas des erreurs, mais des choses confuses et mal exprimées. Mais il me dit aussi qu’il n’aurait toutefois pas pu les retirer d’une manière plus formelle, sachant avec quels adversaires il avait à faire, et qu’on considérerait cela comme une déclaration que ses écrits contenaient de l’hérésie.

Quant à une nouvelle confession de foi, il en appelait à deux autres brochures qu’il venait de publier, l’une intitulée « Le témoignage des anciens écrivains, concernant la personne de notre Seigneur ; » l’autre « Christ souffrant à notre place. » Il désire qu’on considère la doctrine contenue dans ces deux brochures comme exprimant sa foi. Je les ai lues depuis mon retour d’Angleterre … et j’en suis satisfait ; la confusion de ses premiers traités a, en effet, disparu.

Déjà les confessions de foi renfermées dans ses premières brochures, et que cette controverse avait fait naître, sont tellement claires que, si je ne vous disais pas qu’elles sont de M. Newton, vous diriez c’est excellent. Ses adversaires disent qu’elles ne contiennent pas ses pensées intimes. Voyez, « Affaire de Plymouth et de Béthesda. »

Pour ma part, je crois devoir laisser les intentions du cœur à Celui qui seul peut sonder les cœurs et les reins. Je sais dans quel bourbier la prétention de la part de l’homme de vouloir juger les cœurs nous a plongés. L’église a affaire avec la confession de la bouche et la conduite qui l’accompagne. Mais mon intention n’est pas de vous donner des preuves de la vérité de ce que j’affirme quant à ces confessions de foi, quoique je sois à même de le faire. Vous m’avez demandé, par M. Bettex, quel était le but de ma visite à M. Newton, je vous le communique, ainsi que le résultat de cette visite.

Et maintenant, mon cher frère, permettez-moi de vous dire en terminant que je n’ai rien à cacher, ni aux églises, ni au Seigneur dans cette affaire. Il m’a enseigné par sa grâce la droiture dans le cœur, et que sa grâce purifie nos cœurs de fraude en sa présence, nous rendant capables d’être devant Lui, avec une bonne conscience.

À la longue, ni le bien ni le mal ne peuvent se cacher, c’est pourquoi il faut craindre Dieu et se confier en Lui. 1 Tim. ch. V, v. 24-25, nous donne cette pleine assurance, comme aussi cette parole du Sauveur : « Il n’y a rien de caché qui ne vienne en lumière. »

Si nous faisons le bien par sa grâce, cela sera amené à la lumière en temps convenable. Cela donne une grande sérénité à l’âme au milieu de tant d’accusations et d’une telle confusion. Mais cherchons plutôt à voir le bien que le mal chez ceux qui nous persécutent. Présentez, s’il vous plaît, mes salutations affectueuses et fraternelles à votre épouse, ainsi qu’à toute la famille. Ne m’oubliez pas non plus auprès du frère Aubert, à qui j’envoie l’expression de mon affection en Christ.

Votre dévoué et affectionné en Jésus-Christ.
Signé : D. E.


Je laisse maintenant à vos propres consciences et à votre cœur chrétien de tirer les conclusions pratiques qui résultent de tous ces faits. Ou plutôt, ma prière sera à Celui qui incline les cours comme des ruisseaux d’eau à tout ce qu’Il veut.

Que le Seigneur nous réédifie et nous réunisse en Lui pour sa gloire ! C’est le vœu de votre affectionné en Jésus.

D. Espenett.

Cannes, le 29 mai 1863.



N. B. — Il est bon que le lecteur sache que mes citations des ouvrages de M. Newton sont tirées des quatre brochures incriminées de M. Newton et publiées en 1847-1850.

Les deux autres brochures dont je parle dans ma lettre à l’assemblée de Lavigny sont du millésime 1858, je n’ai jamais fait aucune citation de ces brochures-là.



P. S. — Depuis que les lignes précédentes ont été écrites, certaines personnes ont répandu le bruit, en Suisse et ailleurs, que j’aurais proféré plusieurs expressions semblables à celles qu’on impute à M. Craik, en Angleterre. Le fait est que non-seulement je n’ai jamais employé de telles expressions concernant l’humanité du Seigneur Jésus, mais je n’ai pas même voulu répondre à des questions indignes de la véritable gloire du Seigneur Jésus. Elles sont plus qu’oiseuses, elles sont condamnables. On m’a fait un crime de ce que je n’ai pas voulu y répondre, quoique j’aie toujours déclaré en même temps que je rendrais raison de ma foi concernant l’humanité de Christ.

Il m’est arrivé qu’étant questionné sur ce dernier point, et que quand j’ai cité des textes des saintes Écritures, on a tiré des conséquences de ces textes de la Parole de Dieu, que je rejette de toutes les forces de mon âme, et j’ai protesté dans le moment même contre un tel abus de mes paroles.

Le fait est que si l’œil est mal disposé, et si les choses continuent à marcher comme c’est le cas actuellement, il sera bientôt impossible de s’entretenir ensemble de la foi qui nous est commune. Mais l’Éternel déclare qu’Il se vengera de tous ceux qui rendent un homme pécheur pour une parole[9]. Voici ce que j’ai écrit à un frère qui me faisait part de cette accusation : « Il ne me serait jamais venu à l’esprit, beaucoup moins au cœur, de demander : « Si le Seigneur marchant sur les eaux, se fut enfoncé, serait-il mort ? » Supposer une telle chose quand Il a voulu montrer sa gloire, est à mes yeux une horreur et indigne d’un chrétien. Poignard, poison ou eau, je répugne même à de pareilles pensées, je les rejette entièrement.

» Le Seigneur permettra peut-être que je passe par les accusations calomniatrices de … pour un temps, mais il sait que mes paroles ont été gardées et que la source d’où elles procèdent n’a jamais été infectée d’aucune des pensées qu’il m’impute. »

Ceux qui croient être zélés pour la gloire du Seigneur en faisant de pareilles demandes, feraient bien de prendre garde à cette Écriture : « Sanctifiez l’Éternel dans vos cœurs ; » et à cette demande de l’Oraison dominicale : « Que ton nom soit sanctifié. »

Si j’ai repris la plume pour faire allusion à ces choses, c’est dans le but d’ôter toute pierre d’achoppement du chemin des plus petits des enfants de Dieu.

C’est aussi à la demande d’un frère dont j’honore le jugement que j’écris ces lignes, car ce n’est pas volontiers que je m’occupe de tels sujets, même pour y répondre. Prenons garde, mes frères, quand il s’agit du mystère de la piété qui est grand — Dieu manifesté en chair. C’est l’adoration qui convient et non pas la spéculation. « Déchausse tes souliers de tes pieds, car le lieu où tu es arrêté est une terre sainte. »

Vevey, le 8 octobre 1863.

D. Espenett.
  1. Page 46, paragraphe 3.
  2. C’est moi qui souligne.
  3. C’est moi qui souligne dans ce qui précède.
  4. On m’a écrit de la Suisse que, dans sa seconde édition, M. Darby a changé son commentaire sur ce psaume, ou plutôt qu’il l’a modifié, mais que dans sa préface il maintient en plein cette doctrine.
  5. Man may be looked at morally in three conditions : first, as a sinner under condemnation ; secondly, as a saint through grace, partaker of the divine nature and of the Holy Ghost as his force : and thirdly as suffering, though awakened, quichened, and upright in desire under the exercices of a soul, learning when a sinner, the difference of good and evil under divine government in the presence of God, not fully known in grace and redemption, whose judgement of sin is before his eyes, exposed to all the advantage that Satan can take of him in such a state ; such suffering, for example, as is seen in the case of Job, Christ has passed through all these kinds of sufferings ; only the last of course as Himself a perfect being to learn it for others.

    Bible Treasury 1858, p. 132. — The sufferings of Christ.

  6. In the sufferings of Christ about our sin He was entirely alone ; but there is another kind of suffering which Christ went throughn, of which we cannot say that we suffer with him, but in which He can sympathise with us ; and that is in the close of His life.
  7. The special character of that, though not exclusive, was the suffering of the Jewish remnant in the last days. They are under law ; they do not know what it is to be reconciled to God, but they come in the most awful conflict with Satan, Antichrist and all the terrors of that day. They will be under the sufferings which come from the full letting loose of the power of Satan upon them ; without the knowledge of God’s favour resting upon them.

    That is any thing but suffering with Christ ; but still they have the sympathy of Christ. Christ has gone through that too. When things were entirely changed in His whole position (not yet as drinking the cup from God.) but when He comes and has Satan’s power let loose upon Him (and there He can look forward to wrath) He was going through all that darkness which the power of Satan could bring upon Him with the wrath of God staring Him in the face.

  8. J’ai reproduit cet extrait de ma première brochure dans ce traité, p. 45, 46.
  9. Ésaïe XXIX, 20, 21.