Quelques développements nouveaux sur les principes émis dans la brochure intitulée: De la formation des églises/Remarques sur le Rapport de 1841 de la Société Évangélique de Genève


Remarques sur le Rapport de 1841 de la Société Évangélique de Genève.

On a mis entre mes mains le Rapport de la Société Évangélique, où le sujet qui nous occupe a été discuté aussi, dès l’entrée même des divers Rapports. Je prie Dieu de tout mon cœur, que l’œuvre dont s’occupe la Société soit bénie, quoiqu’il en soit de sa manière de la conduire. Je ne veux ici qu’attirer l’attention sur les raisonnements qu’on a faits sur le ministère, et faire voir jusqu’à quel point une fausse idée peut entraîner de vrais chrétiens. Tous, est-il dit, doivent travailler à l’avancement du règne de Dieu ; mais s’il n’y a pas de sacerdoce, il y a un ministère (page 60 du Rapport).

Faisons-y bien attention ; dans ce passage du Rapport, ministère ne veut pas dire, service rendu à Dieu et aux hommes, soit d’évangélisation, soit de soins fidèles au milieu de ceux qui ont déjà été introduits dans le bercail du Seigneur ; mais il signifie un corps d’hommes, auxquels appartient le droit d’exercer ce ministère ; des hommes qui sont, comme on le dit quelques lignes plus bas, un gouvernement dans les Églises chrétiennes. En un mot, ministère ne veut pas dire, un certain service, ou le sujet de témoignage dont ce service s’occupe (comme on pourrait dire, par exemple, le ministère de l’Apôtre, pour indiquer son service ; le ministère de l’Évangile, pour indiquer le sujet du témoignage), mais ce que l’on a faussement appelé le clergé. Je reconnais pleinement un ministère, c’est-à-dire un service rendu de la part de Dieu aux hommes, par le moyen des hommes que Dieu a suscités dans ce but ; soit que ce ministère s’exerce envers le monde, par l’évangélisation, soit qu’il s’exerce dans l’Église par des dons et des instruments convenables de tout genre. « Puisque nous avons des grâces différentes ; selon la grâce qui nous a été donnée, si c’est une prophétie, agissons selon[1] l’analogie de la foi ; si c’est un ministère, agissons dans ce ministère ; si nous sommes celui qui enseigne, agissons dans l’enseignement, celui qui exhorte dans l’exhortation, etc. ; Rom. xii, 6, 7, 8, etc. ; et St. Pierre dit aussi : « selon que chacun de vous a reçu quelque don, employez-le les uns pour les autres, comme bons administrateurs de la grâce variée de Dieu, etc. 1 Pier. iv, 10.

Enfin, Jésus lui-même approuve comme de fidèles serviteurs, ceux qui ont trafiqué avec le don qu’il leur a commis, parce qu’ils ont assez de confiance en lui pour travailler sans autre autorisation que la communication du don ; et assez d’intelligence pour comprendre que Dieu n’allume pas une chandelle pour la mettre sous un boisseau. Mais ce n’est pas ce que signifie le mot ministère dans le paragraphe que nous venons de citer. Là, le ministère est mis en opposition avec l’œuvre de Priscille, et d’Aquille, et d’Origène, avant sa consécration. « Eux n’étaient que de simples fidèles ; mais outre cela, il y a un ministère, c’est-à-dire un clergé. Les Églises chrétiennes ont besoin d’un gouvernement.

Toute la force de cet argument repose dans la confusion qu’on fait du ministère avec le clergé sacré, avec un corps d’enseignants nommés et mis à part par les hommes. L’auteur du Rapport cite à l’appui, 1 Cor. xii, 28 : « Dieu a établi dans l’Église. » Nous nous contenterons de ce que le Rapporteur dit lui-même ailleurs, non pas l’homme, mais Dieu. Je ne pense pas qu’il veuille faire des Apôtres, et qui est-ce qui a consacré les prophètes et les docteurs ? Mais il suffit de dire que l’Apôtre parle seulement ici de l’opération du Saint-Esprit. « Un seul et même Esprit fait toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons comme il lui plaît. » Voilà comment Dieu établit.

On cite Éph. iv, 11, 12 ; mais ici je trouve que Christ a donné des dons, et nullement que l’homme ait fait un corps de ceux qui les possédaient. Je trouve que l’Apôtre dans l’Épître aux Galates, affirme comme étant sa gloire, que son ministère n’était pas de l’homme, ni par l’homme, mais par Jésus-Christ et par Dieu le Père. Qui est-ce qui a mis à part les prophètes quand il est dit : « afin que tous parlent, et que tous soient édifiés ? » Qui d’entre les hommes consacra ceux qui, lors de la persécution qui arriva à la mort de saint Etienne, s’en allèrent partout prêchant la Parole ? Où est-il dit que ces docteurs, que Christ avait donnés comme dons, étaient consacrés ? Quel rapport y a-t-il entre tout cela et la consécration, ou une mission de la part de l’homme ? N’y a-t-il point de différence entre le Seigneur Jésus, le Chef du Corps, qui communique des dons aux hommes par le Saint-Esprit, selon son bon plaisir, et une Académie pour élever un clergé ? Est-ce qu’on veut donc élever des Apôtres, car il en est question ici tout autant que de docteurs[2].

Quelle confusion extraordinaire se trouve dans l’esprit de l’homme, dès l’instant qu’il veut être quelque chose. Examinons les autres passages cités Rom. x, 14, 15 : « Comment prêchera-t-on, sinon qu’il n’y en ait qui soient envoyés ? Oh ! que les pieds de ceux qui an noncent la paix sont beaux. » Est-ce donc un clergé, sont-ce les hommes qui ont envoyé l’Apôtre et d’autres prêcher l’Évangile dans ces temps-là ? Est-ce que l’Apôtre s’est trompé, quand il a dit : Non de l’homme, ni par l’homme, mais par Jésus-Christ ? N’était-il pas donc un de ces envoyés ? Quelle singulière satisfaction intérieure de soi-même n’a-t-on pas, lorsqu’à envoyés, on ajoute, envoyés des hommes, et que Dieu se trouve ainsi exclu de ce beau privilége et des prérogatives de sa grâce. Enfin, qui est-ce qui dit ici que ce sont les hommes qui doivent les envoyer ? Rom. xii, 6-8. Pas un mot de consécration pour le ministère, au contraire, il est dit que chacun doit agir selon le don qui lui a été confié. « Que chacun nous tienne pour ministres de Christ et pour dispensateurs des mystères de Dieu. » 1 Cor. iv, 1, 2. Parce que je dois considérer l’Apôtre comme ministre de Christ, s’ensuit-il de là qu’il doit y avoir un clergé dans l’Église de Dieu ? Je suis peut-être d’une conception lente, mais je ne vois aucune conséquence dans ce raisonnement, quoique je reconnaisse bien l’Apôtre pour être ce qu’il dit. Mais le Rapporteur tient-il le clergé dont il s’est séparé, pour être ce que l’Apôtre était ? Sinon il s’agit évidemment de tout autre chose ; Dieu avait envoyé l’Apôtre, il était nécessaire de le reconnaître comme tel ; mais si l’on veut chercher comment, on n’aura pas de la peine à discerner dans cette Épître même, que ce n’était pas parce qu’il avait été envoyé et consacré par les hommes, Col. iv, 17 : « Dites à Archippe, prends garde à l’administration que tu as reçue en notre Seigneur, afin que tu l’accomplisses. » Qui est-ce qui dit qu’Archippe avait reçu ce ministère par l’intervention des hommes… ? Je trouve dans la Parabole des talents, Matth. xxv, que la fidélité se trouvait en ce qu’ils avaient agi sur leur propre responsabilité, sans attendre autre chose que la communication du don de la part de Christ, parce qu’ils avaient une juste confiance dans la bonté de leur Maître et l’intelligence de sa volonté. Celui qui avait voulu quelque autre garant, fut condamné par sa propre bouche. Je ne place pas du tout les hommes consacrés dans cette catégorie ; je parle seulement du grand principe, car plusieurs d’entre eux ont travaillé fidèlement dans la sphère qu’ils s’étaient donnée, et même ont agi en bonne conscience à cet égard. Peut-être se trouvent-ils un peu du nombre de ceux qui ont remis leur argent au banquier. Au reste, pour mon compte, je n’ai pas un mot à dire contre l’imposition des mains en elle-même. Je ne parle pas de cette imposition des mains qui conférait des dons, mais de celle qu’on peut donner à tout frère approuvé dans le règne de Dieu, qui a agi sur sa propre responsabilité, et avec la connaissance de la grâce de Dieu, seul vrai motif que Dieu reconnaisse, et qui désire être recommandé à la grâce de Dieu, pour une œuvre spéciale ; dans ce cas cela est très-bien. C’est ce qui arriva à saint Paul, qui reçut l’imposition des mains par des laïques (comme l’on dit), non pas pour être autorisé ni pour être placé parmi le clergé, mais pour être recommandé à la grâce de Dieu. Il paraît même que cela a été répété, comp. Act. xv, 40, et xiv, 26, avec xiii, 3. C’est là une chose très-précieuse, mais tout à fait contraire à un ministère transmissible et autorisé par les hommes, dans lequel on est introduit par l’intervention de l’homme, par son éducation préparatoire, comme si c’était un état.

Continuons l’examen des passages. Le Rapporteur ne cite qu’un passage de plus que nous allons voir bientôt. « Et ceux qui se rapportent aux choix que faisaient les Églises, de ceux auxquels quelque ministère était confié. » (À la fin de la page 60 du Rapport). Quelque ministère était confié ! je suis étonné ! — quelque ministère ! Est-ce que les Églises ont choisi des Apôtres, des prophètes, des docteurs, des évangélistes ? Il y en a, il est vrai, qui ont dit, je suis de Paul, de Céphas, d’Apollos ; d’autres qui ont eu des oreilles chatouilleuses. De quoi s’agit-il donc dans les passages cités ? rien que de tables et d’argent.

Les Apôtres, parce qu’ils avaient le ministère de la Parole, qui était l’objet non pas du choix des hommes mais de celui de Dieu, demandèrent qu’on choisît des hommes pour administrer l’argent que l’Église leur avait confié, parce qu’il ne convenait pas que ceux qui avaient le Ministère donne de Dieu, le quittassent pour vaquer à des affaires temporelles. De même l’Apôtre jaloux de rechercher les choses honnêtes même devant les hommes, ne voulut pas prendre l’argent à moins qu’il n’y eût quelqu’un choisi de la part de l’Église, et qui s’en chargeât avec lui, « nous donnant garde, dit-il, que personne ne nous reprenne dans cette abondance qui est administrée par nous, et procurant ce qui est bon, non-seulement devant le Seigneur mais aussi devant les hommes. » Quelque ministère ! (2 Corinth. viii, v. 20).

J’ai réservé encore une citation parce qu’elle nous est présentée au long, et je doute qu’il se trouve parmi les fauteurs même du Papisme, une idée si monstrueuse, si étonnante sur ce sujet. Souvenons-nous que le sujet qui est en question, c’est l’institution d’un ministère, d’un Corps d’hommes mis à part pour ce service, du clergé enfin.

« Si le ministère de condamnation a été glorieux, le ministère de la justice le surpasse de beaucoup en gloire ; car, ajoute l’Apôtre, si ce qui devait prendre fin a été glorieux, ce qui doit toujours subsister l’est bien davantage. » 2 Corinth. iii.

J’assure que j’ai lu et relu ce passage et le paragraphe où il est cité, croyant me surprendre en quelque confusion d’esprit, parce qu’il me semblait impossible qu’un Chrétien pût faire une telle application. Mais non, la chose est telle. Selon le Rapport, le clergé, le ministère que Dieu a établi pour la primitive Église, est la gloire qui est permanente ; ce n’est pas du sujet de son ministère dont parle l’Apôtre, en contraste avec la condamnation et la mort prononcée par la loi, à la gloire de laquelle, par conséquent, l’homme ne pouvait pas regarder ; ce n’est pas la gloire du Seigneur à face découverte dans la personne de Jésus-Christ ; non, c’est le ministère établi, c’est le système ministériel, c’est une classe d’hommes à part, un clergé ; c’est là cette glorieuse chose qui doit subsister ! Peut-on aller plus loin !

Quand même les Anciens auraient été soumis à l’imposition des mains, ce qui n’est jamais dit, où a-t-on vu que ceux qui exerçaient le ministère y fussent assujettis ? Où se trouve cette idée que ce n’était que les Anciens seulement qui pussent exercer le ministère ? On aurait bien de la peine à prouver un tel système par la Parole, aussi n’est-elle pas citée ; j’en appelle aux citations déjà faites par le rapporteur sur le sujet du ministère. « Il dit qu’il est défendu aussi de prendre des ministres parmi les nouveaux convertis. » Cela est dit des Anciens, des Évêques, mais non pas des Ministres ; la confusion de ces deux choses est parfaitement antiscripturaire, bien que les Anciens aient dû être propres à enseigner. Mais qui aurait pu croire qu’on viendrait prouver qu’il était défendu de prendre des Ministres parmi les nouveaux convertis, tandis qu’on élève des jeunes gens pour le ministère, et qu’on en fait des Anciens ou des Évêques par la consécration des hommes, dès qu’ils ont achevé leurs études ! Où est-il dit dans les passages auxquels on fait allusion, et dans lesquels se trouvent indiquées les qualités que doivent posséder les Évêques, « qu’ils dussent recevoir solennellement l’imposition des mains de l’assemblée des Anciens ? » Quand Tite a été envoyé pour établir des Anciens dans chaque ville, de quelle assemblée d’Anciens avait-il reçu l’imposition des mains ?

Il est assez remarquable que, quoiqu’on ait imposé les mains pour toutes sortes de cas, comme pour la bénédiction des enfants, sur les malades, sur un Apôtre, pour communiquer le St.-Esprit à tous les fidèles, ou pour un don spécial comme à Timothée, enfin sur ceux qui étaient choisis pour être Diacres, et qu’ainsi il est probable qu’on imposa les mains aux Anciens, lorsque tout était en règle ; il est, dis-je, remarquable, que la Parole s’en taise absolument. Je ne doute pas, pour mon compte, que comme Dieu avait prévu l’abus qui existerait quant à la Vierge Marie, et que dans sa grâce il nous montre toujours comme repoussée par le Seigneur Jésus pendant son ministère, de même, Dieu prévoyant aussi l’abus d’un usage, qui probablement existait au commencement, s’est tû absolument sur ce sujet, afin que le clergé, dont le système lui était préconnu comme toutes choses, n’eût jamais l’apparence de son autorisation pour se faire une classe à part,[3] et par ce moyen s’exalter comme s’ils étaient le ministère de Dieu. Nous savons ce qui en a été.

Quant aux circonstances qui ont donné lieu à l’exposé du principe que nous commentons, je ne m’en mêle pas ; je m’occupe purement des principes. Il pourra peut-être paraître extraordinaire de commenter sur un Rapport. Ma réponse est qu’il n’est pas seulement un Rapport, mais une attaque directe contre certains principes, et l’exposition d’autres principes qu’on donne comme plus bibliques ; c’est là un sujet convenable de discussion.

Il y a dans le Rapport même un effet singulier et frappant des principes qui y sont exposés.

M. un tel, ministre du St. Évangile.

M. un tel, Évangéliste.

C’est un peu comique : voilà des Évangélistes qui ne sont pas ministres, je suppose selon Éph. iv, 11, 12, cité p. 61 du Rapport ; des ministres du St. Évangile qui ne sont pas évangélistes, et qui plus est, des Évangélistes qui ne sont pas des ministres du St. Évangile ; c’est la consécration de l’homme qui fait cette distinction bizarre. Que Dieu fasse que les uns et les autres soient de bons Évangélistes et de bons ministres du St. Évangile ! Mais que la sagesse de l’homme est folie devant Dieu ! et que la folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes ! Grâces lui soient abondamment rendues de ce qu’il daigne bien passer par-dessus les petitesses de la folie de l’homme, et bénir selon sa grâce souveraine, ceux qu’il envoie. Aussi je le prie que, dans sa grâce, il préserve de l’orgueil qui s’attache à une distinction humaine, ceux qui non contents d’être évangélistes de sa part, se sont faits par les hommes ministres du St. Évangile.

Hâtons-nous de trouver pourtant quelques roses au milieu de ces épines. Je cite un autre Rapport : « Vouloir distinguer ici, comme on le fait trop souvent par mi nous, le ministère de la prédication et celui des sacrements (comme si l’un de ces ministères, exercé sans l’autorisation du clergé, constituait plus que l’autre une séparation), c’est aller au-delà de l’Écriture et contre l’Écriture. »[4] Je ne cite pas ces paroles du cher frère rapporteur pour faire croire qu’il est d’accord avec les principes de ma brochure. Il est assez clair qu’il ne l’est pas. Je prends les paroles telles qu’elles sont[5], comme un témoignage qui perce, à force de circonstances, à travers les préventions qu’ont produites de longues habitudes et certaines formes d’études. Je me réjouis d’être d’accord avec lui, et de ce que le mal que le clergé a fait selon lui l’a forcé à mettre dans son vrai jour cette vérité, que la célébration de la Cène n’est pas plus une séparation que la prédication. Je tire la même conclusion pratique (je ne dis pas théorique) que l’auteur du Rapport ; quand je me trouve autorisé à prêcher à part, je me trouve autorisé à communier à part. C’est un principe, selon moi, parfaitement juste. Je ne doute pas que le rapporteur n’exigeât quelquefois d’autres conditions pour la prédication que celles que j’exige moi-même ; je ne veux pas du tout lui faire dire ce qu’il ne dit pas. Je prends le principe tout nu, et je dis que distinguer ces deux choses, comme on l’a fait trop souvent parmi nous, c’est aller contre l’Écriture, attendu que si je suis autorisé à prêcher à part, je suis autorisé à célébrer la Cène à part ; qu’on en prenne note. J’admets avec lui que ces deux démarches sont très-graves, et je suis sûr qu’il ne désire pas se séparer du nationalisme, ni par l’une, ni par l’autre. Je le laisse juger pour lui-même si c’est se séparer de l’Église. Je n’insiste que sur le point qui est contenu dans cette phrase : prêcher la Parole et distribuer la Cène sans l’autorisation des gouverneurs ecclésiastiques, lorsqu’ils sont dans le désordre. J’ajoute ce qu’il nous donne de Bénédict Pictet : « La vérité de la foi, la pureté du culte, la soumission à Christ, constituent l’être de l’Église. Conserver ces choses, c’est donc conserver l’unité de l’Église. »

Nous en avons assez dit pour répondre à la citation que fait le même rapporteur de l’Épître aux Éph. Un seul ministre, nommé par les hommes, est une chose bien éloignée de la diversité de ministère, qui se trouve dans le corps de Christ ; un tel homme, en général, ensevelit tous les autres dons, à moins qu’ils ne se manifestent malgré lui. C’est cette confusion qu’on fait entre un ministère autorisé par-les hommes et le ministère du corps de Christ, qui a produit tant de confusion dans la pratique, et qui en éliminant tout autre ministère que celui qui se trouve dans le seul ministre, a forcé tous les autres ministères à se trouver dans une espèce d’opposition. Cependant les moyens irréguliers, comme on les appelle, se sont un peu régularisés, malgré les moyens réguliers, de sorte que nous avons des Évangélistes reconnus, qui ne sont pas ministres de l’Évangile, même des docteurs, et une Cène à part, sans qu’il y ait séparation de l’Église.

Communiquer à des hommes fidèles ce que l’on a appris, est une chose très-importante ; mais il y a toujours cette confusion, que par le ministère on entend toujours un corps ecclésiastique, des autorités ecclésiastiques. Il n’est pas dit ici que Timothée (2 Tim. ii, 2) devait conférer des charges, mais communiquer la vérité ; comme aussi il devait empêcher à certaines personnes de prêcher d’autres doctrines ; il était appelé à veiller sur la doctrine, et à la communiquer à des personnes fidèles, capables d’en enseigner d’autres.

Le rapporteur dit qu’il est évident que ces principes (ceux de la ruine de l’Église) sont faux, parce qu’il « est facile de voir que la condition des Églises de Rome, d’Éphèse, de Galatie, de Corinthe, était telle que la nôtre. » Est-ce qu’il croit donc qu’il était du devoir des fidèles d’avoir une Cène à part, à cause de la condition de ces Églises, comme il croit que c’est son devoir à lui, d’avoir maintenant une Cène à part ? Était-ce la condition de ces Églises d’avoir leurs pasteurs nommés par les autorités civiles, peut-être par des incrédules ? Est-ce que la domination du Pape n’a rien changé à l’état de l’Église ? Que veut-il dire par « la nôtre ? » l’Église de Genève, où il ne peut pas prendre la Cène ? l’Église de Rome, qu’il combat de toutes ses forces ? Où était l’Église d’entre ces Églises citées de la Parole, quelque égarée qu’elle fût dans la pratique, ou la doctrine qui ouvrit « les portes pour admettre à la Cène tous ceux qui, dans l’Église, se reconnaissaient entièrement perdus par leurs œuvres et entièrement sauvés par Jésus-Christ ? » Je trouve un peu fort, de la part du Rapporteur, de dire, dans les circonstances actuelles, que les Églises étaient, du temps des Apôtres, dans la même condition que la sienne !

Le Rapporteur nous donne, de plus, un sommaire de doctrines évangéliques, sur lesquelles nous sommes, grâce à Dieu, parfaitement d’accord, comme en bien d’autres choses précieuses, pour le temps et pour l’éternité ; puis faisant le contraste avec l’erreur opposée, il dit : « tel a été dans tous les temps le langage des Églises déchues et de toutes les fausses religions. Telles ont été les doctrines de l’Église professante tout entière ; donc c’était une Église déchue. Il n’y a eu que des séparatistes persécutés qui aient gardé le bon dépôt de la foi.

L’Église, comme corps, est en ruine. C’est ce que je dis. Dans quel état était le protestantisme il y a quel ques années, et maintenant même encore dans plusieurs endroits, quant à la doctrine ? un scandale, même à un membre pieux de l’Église de Rome !

Le bien s’est un peu introduit, mais c’est malgré l’Église ; j’en appelle à l’Oratoire. L’Église, oui l’Église du Rapporteur est, selon lui, en ruine. Sa position le démontre.

« Tel est, » dit-il (en parlant d’un enseignement réprouvé, comme indigne du nom même de Socinien), « tel est l’enseignement qui se donne dans Genève, de puis un quart de siècle, et cela sans qu’aucune voix de réclamation s’y soit élevée, si ce n’est celle des hommes qu’on y a publiquement poursuivis par des sentences judiciaires. N’avions-nous donc pas raison de dire que nos circonstances étaient inouïes ? » Comment, inouïes, si la condition est la même que celle de l’Église d’Éphèse. « La religion de Rome même n’est pas si funeste aux intérêts éternels de l’humanité, » « et tout cela avec la sanction des Autorités ; » et l’on ose dire : la condition de notre Église est telle que celle de Rome, d’Éphèse, etc. ! Et ce n’est pas une Église déchue !

Je prie notre frère de bien croire que je ne dis pas ici un mot de sa position ; ce n’est pas ici que je dois la discuter. Je cite tous ces aveux, parce qu’il blâme hautement cette doctrine, que l’Église est dans un état de déchéance, et qu’il me semble qu’il le démontre lui-même. C’est là tout ce dont je m’occupe dans ce Rapport. Que Dieu bénisse l’œuvre de ceux qui prêchent le Seigneur Jésus, voilà ma prière. Le Rapport discute des principes, je les discute aussi, et je m’arrête en faisant remarquer qu’il y a toute la différence possible entre « préparer à l’Église des personnes fidèles, » tâche qui me paraît un peu difficile pour l’homme, et « communiquer à des personnes fidèles » les vérités qu’on a apprises, afin qu’il y ait une digue contre l’erreur, et en rappelant la remarque très-importante du Rapport de l’Évangélisation. La Parole de Dieu a tranché la question. « Dieu, dit l’Écriture (1 Corinth. xii, 28), remarquez bien ; Dieu, et non pas l’homme ; Dieu a établi dans l’Église, premièrement des Apôtres, ensuite des prophètes, en troisième lieu des docteurs.» Eh bien ! que ce soit Dieu et non pas l’homme qui les établisse, et nous serons contents.

Je désire, en terminant, me rappeler, ainsi qu’à ceux qui parcoureront ces pages, que le Saint-Esprit est toujours avec nous ; que sa force ne défaut pas. L’infidélité de la masse des professants peut influer sur la forme de l’activité de l’enfant de Dieu, jamais sur le fond. Elle peut lui donner plus de tristesse quelquefois, il peut en éprouver plus d’isolement, mais cela ne peut empêcher qu’il soit fidèle. Cette infidélité de la masse peut bien changer les circonstances au milieu desquel les il travaille, et ainsi en modifier les effets, mais elle ne peut pas altérer la fidélité de celui qui y travaille ; au contraire, le moment où le mal est à son comble, est ordinairement celui de la plus grande fidélité des chrétiens ; nous l’avons déjà dit dans la brochure sur la formation des Églises, Élie, Samuel, Moïse et d’autres en sont les témoins.

Au reste, le devoir d’évangéliser est toujours là ; la responsabilité de ceux qui ont des soins pastoraux à donner est toujours la même, et l’amour chrétien poussera, ceux qui sont remplis de l’Esprit de Christ, à s’en occuper. La conviction que l’Église est en chute et que le monde va être jugé, ne fera que donner plus d’activité, afin que ceux qui ont des oreilles pour entendre, entendent et soient sauvés de la génération perverse dont l’iniquité amènera bientôt des conséquences si terribles ; savoir, la juste colère d’un Dieu de patience, la colère de l’Agneau. Travaillons, bien-aimés, pendant qu’il fait jour ; la nuit viendra, où personne ne pourra plus travailler. L’amour de Christ est le meilleur guide pour nos devoirs de chaque jour.


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  1. Plutôt selon la proportion.
  2. Je vois en effet que le cher frère que j’ai en vue, plein d’une aimable imagination, compare l’École de Théologie aux douze qui étaient avec Jésus. Je n’avais fait attention qu’aux passages cités ; quant à cette allusion, je ne m’en occupe pas, j’y vois plus le Rapporteur que le rapport : il n’est pas nécessaire, je crois, de raisonner là-dessus. (Page 15 du Rapport.)
  3. Le mot clergé vient d’un mot qui se trouve 1 Pierre, v, 3, qui veut dire lot ou héritage : « non pas comme exerçant la domination sur des héritages, mais comme des exemples du troupeau. » Le mot traduit par héritage est en grec cleron ; on en fait clergé, et on l’applique au Corps ecclésiastique pour en faire l’héritage du Seigneur et le gouvernement des Églises, tandis qu’on voit dans le passage un avertissement contre une pareille conduite.
  4. Page 26 du Rapport.
  5. Comme Tertullien, qui a dit : « O témoignage d’une âme naturellement chrétienne ! »