Quelques épis d'une gerbe/Noémi

NOÉMI.


Oh ! qu’as-tu fait, jeune femme,
De cette âme
Où le ciel avait jeté
Sa beauté ?
Et de la si douce image
Du village
Où j’étais ton seul ami,
Noémi ?

Tu n’as donc plus souvenance
De l’enfance
Qui nous a faits tant heureux
Tous les deux ?
De nos courses aux prairies
Si fleuries,
Où tu m’as dit tant de foi :
« Souviens-toi ? »

Elle est donc de la pensée
Effacée
L’époque de nos beaux jours,
Doux amours ?
Et la messe en robe blanche,
Le dimanche ?
Et la peur aux sentiers noirs,
Certains soirs ?…

Oui ; tu voles dans la sphère
Qui préfère
Le bruit, l’éclat au bonheur,
L’or au cœur.
Pour le monde tu veux vivre…
Qu’il t’enivre,
Sans t’aiguiser quelque dard
Pour plus tard !

Que les plus joyeuses fêtes
Te soient faites,
Empêchant tout souvenir
De venir !
Que la foule avec délice
T’applaudisse !
Que tous, par les yeux aimés,
Soient charmés !

Que le tourbillon t’entraîne !
Va ! sois reine !
Que ton front soit promené
Couronné !…
Et qu’à toi, jadis si bonne,
Dieu pardonne !…
Je ne veux que du bonheur
Pour ton cœur !