Quand les violons sont partis/Litanies

Quand les violons sont partisLibrairie Léon Vanier ; A. Messein, SuccrPoésies complètes d’Édouard Dubus (p. 66-67).

LITANIES

Écrin dont les joyaux tentateurs sont les vices
Constellés de rubis saignés des mains novices ;

Salut, Reine de grâce et de perversité.

Claire fontaine, où tout venant se désaltère,
Bois sacré, qui laissas violer ton mystère ;

Salut, Reine de grâce et de perversité.

Églantier du chemin, dont la fleur provocante
Darde sous la feuillée un regard de bacchante ;

Salut, Reine de grâce et de perversité.

Nuée errante au bas de l’azur, triste et grise,
Qui voles au soleil un éclat qui vous grise ;

Salut, Reine de grâce et de perversité.


Feu follet, qui parais une lueur propice
Aux égarés pour les conduire au précipice ;

Salut, Reine de grâce et de perversité.

Ciel, qui répands à flots de lumière embrasée
Aux lis dont le calice implore la rosée ;

Salut, Reine de grâce et de perversité.

Fruit maléfique, à la douceur pleine de fièvres,
Qui t’offres de toi-même au baiser de nos lèvres ;

Salut, Reine de grâce et de perversité.

Caravelle enchantée, où s’embarquent des foules,
Qui, par un ciel limpide, en plein océan, coules ;

Salut, Reine de grâce et de perversité ;

Linceul tout constellé de fleurettes jolies,
Où tant d’âmes sont à jamais ensevelies ;

Salut, Reine de grâce et de perversité.