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LE DOCTEUR VAN MONCKHOVEN

Parmi les lectures essentielles, de plus en plus rares, qui peuvent élever les âmes et affermir les cœurs, peu de pages sont aussi éloquentes dans leur brièveté parfois un peu pompeuse, suivant la mode du temps, que les quelques feuillets du Rapport présenté à la Convention Nationale par Fourcroy, au nom du Comité de Salut Public, — Sur les Arts qui ont déjà servi à la défense de la République et une dernière découverte du citoyen Armand Seguin.

À quelque opinion qu’on appartienne — et pas même besoin d’être Francais, — il est impossible de ne pas ressentir une émotion généreuse devant ce document de l’admirable effort d’un peuple décidé à ne pas périr ni reculer sous l’univers conjuré contre lui.

« … Tout manquait à la fois, hommes, matières et temps. » Il fallait tout créer, « … vaincre à chaque pas la résistance même de la nature, l’inertie de la paresse et de l’insouciance, les obstacles de la malveillance. »

Dans ce rapport, véritable bréviaire patriotique, et rapidement, car il n’a lui-même temps à perdre ni à faire perdre, Fourcroy expose que des fabriques d’armes, immédiatement et par tout le territoire improvisées, ont déjà répondu aux premiers besoins : Paris lui seul a fourni ou mis en état cent cinquante mille fusils.

En neuf mois, douze millions de livres de salpêtre ont été livrées, lorsqu’on en obtenait à peine un million par année moyenne. — Vingt-quatre heures suffisent dorénavant pour la fabrication de trente milliers de salpêtre.

Notre aciérie, jusque-là tributaire des autres peuples, s’émancipe d’un coup et devient nationale. Partout nos ateliers de fabrication se multiplient : on crée les canons en fer de fonte.

Le télégraphe — « ce nouveau courrier révolutionnaire » — inspire et impulse d’un même souffle les mouvements de nos armées éparses, en même temps qu’il nous impose l’étude et la fabrication méthodique du flintglass que nous empruntions à l’ennemi, lequel ne devait lui-même chaque fois sa composition qu’au hasard.

L’école d’aérostation de Meudon construit des ballons et forme les élèves des compagnies d’aérostatiers ; chaque corps d’armée aura son parc d’aérostation comme il a son parc d’artillerie. Aux plaines de Fleurus, aux remparts de Maubeuge, à Franckenthal, Ehrenbreistein, partout, nos ballons frappent l’ennemi de stupeur et commencent sa défaite.

Le chanvre, le goudron, la potasse, tout ce qui fait défaut, est suppléé : on tresse les cordages avec des végétaux jusque-là négligés, même avec des matières animales.

Mais la fabrication du salpêtre absorbe toute notre potasse el l’on va être réduit à fermer les fabriques de verrerie, savonnerie, blanchiment, etc. : immédiatement la soude vient remplacer la potasse.

Nous avons jusqu’ici payé tribut pour le goudron : désormais notre charbon de terre, notre tourbe purifiée nous le fourniront.

Il n’est pas jusqu’à la mine de plomb qui nous manque, jusqu’alors fournie par la seule Angleterre : — Conté (— « toutes les sciences dans la tête, tous les arts dans la main, » disait Monge —) Conté, de la première rencontrée de nos montagnes, extrait le carbure de fer dont il va composer les crayons que nos écoliers emploient encore aujourd’hui et que l’Angleterre à son tour nous empruntera.

Et cette première, absorbante préoccupation de la guerre, loin d’être l’obstacle, devient au contraire le plus précieux adjuvant des arts de la paix. Les commissions scientifiques militaires accélèrent l’étude de toutes les productions utiles aux usages domestiques. Une ardente jeunesse se presse aux cours publics ouverts sur toutes les sciences à l’École de Mars, à l’École centrale des Travaux publics, aux trois Écoles de Santé, partout, et le progrès de l’instruction universelle qui doit renouveler et améliorer toutes les conditions économiques de nos existences, se trouve résulter naturellement de la préparation aux combats.

Le fait qui conclut le rapport de Fourcroy est saisissant.

Pour les quatorze armées improvisées que l’on compte à la République — en oubliant d’ordinaire celle de Saint-Domingue, qui ne resta pourtant pas oisive — il fallait des souliers, et tout de suite.

Si l’on ne porte alors qu’à deux paires de souliers la consommation annuelle de chaque citoyen de la République, la dépense est d’un milliard : pour les armées seules, c’est cent quarante millions. A cette heure la dépense est de deux cents millions, représentant environ quinze cent mille peaux de bœufs, douze cent mille peaux de vaches et un million de peaux de veaux : tout cela « — devant passer, dit le Rapport, par la chamoiserie, la corroirie, l’hongrerie, la maroquinerie, la mégisserie, la parcheminerie, la peausserie ; encore nombre d’autres « arts » de non moindre importance qui en dérivent immédiatement. Ces « arts » doivent donc fixer l’attention des législateurs. Comme tous ceux de première nécessité, ils concourent efficacement à la prospérité de la République et peuvent nous donner, dans la balance commerciale des nations, un avantage considérable sur toutes les puissances de l’Europe… »

On voit qu’ici tout est pris de haut et de loin et que les considérations d’économie générale ne perdent pas leur place même devant les si graves préoccupations guerrières du moment.

Pour nous en tenir à l’heure prèsente et pour la seule cordonnerie, à la rigueur on a le cuir ; mais ce cuir, débourré et gonflé par la chaux, l’orge fermenté ou le tan, le tannage doit le garder deux ans dans ses fosses avant de nous le livrer.

Ce n’est pas en deux ans, c’est en deux semaines, en deux jours qu’il nous faut ce cuir.

On l’aura.

Sur un signe du Comité de Salut Public, Berthollet vient aussitôt de présenter le procédé d’Armand Séguin qui, traitant les peaux par l’acide sulfurique mêlé au tan, supprime l’orge, réduit les dépenses au vingtième, le temps à rien, simplifie et vulgarise l’opération à ce point que chaque citoyen pourrait désormais préparer chez lui les cuirs nécessaires à sa consommation — « plus facilement qu’il ne fait sa lessive ». — Et ce cuir nouveau, donné sur l’heure, sera plus souple, plus solide et durable que le cuir ancien…

Jamais une fois le souvenir de ces pages qu’on ne saurait assez relire, assez redire, — les plus belles que l’âme humaine ait dictées au génie humain, — jamais ce souvenir ne m’est revenu sans que j’aie aussitôt évoqué celui de mon cher Monckhoven, comme toujours ma pensée allant à Monckhoven évoquait le rapport de Fourcroy.

C’est que Van Monckhoven était lui aussi un de ces savants auxquels on peut commander une découverte.

Il était vraiment digne de naître à cette époque héroïque, et il eût été l’un des plus brillants dans la pléiade des Condorcet, Lavoisier, Monge, Chaptal, Vauquelin, Lalande, Fourcroy, Bossut, Darcet, Conté, etc., comme il reste l’un des premiers aujourd’hui entre Janssen, vérificateur juré du soleil, les frères Henry qui imposent leur ne varietur (ne bougeons plus !) aux dernières nébuleuses, marquant les sorties et escapades des comètes, et cet invraisemblable Marey qui nous fait voir l’invisible. et va bientôt, à son heure, nous faire voler comme l’oiseau.

Monckhoven avait tout pour lui, notions universelles, passion de la recherche, activité physique et intellectuelle sans égale, acuité d’invention et prestesse d’assimilation, sûreté de coup d’œil, sagacité d’observation, ingéniosité d’application, fécondité de moyens et ressources, souplesse devant l’obstacle : ajoutez encore à toute la dextérité de l’expérimentateur la persévérance poussée jusqu’à l’obstination.

Sa science acquise s’accroissait par un travail personnel incessant, — car, dit un des orateurs qui se succédèrent sur sa tombe, « qui le vit se reposer jamais ? A partir de l’âge d’homme il a pu compter ses jours par des découvertes ingénieuses et des recherches fécondes. »

Ce producteur était en effet tout le contraire du type trop connu dans un monde où, comme ailleurs, l’empire est d’abord aux impudents ; je veux parler du pseudo-savant, du parasite cryptoramique ou plutôt pédiculaire, fréquentant plus aux antichambres qu’au laboratoire, se parant de toutes plumes qui ne sont pas siennes, important, boursouflé, chamarré, n’ayant autre ressource que monter sur les autres pour hausser sa petitesse et décrocher les merceries de sa boutonnière, voire de son hausse-col : — mouche du coche de tous les comités ou commissions, frelon dont l’existence stérile se passe à bourdonner autour du trou des abeilles sans y entrer jamais.

Et si l’œuvre de Van Monckhoven n’avait été brusquement en pleine floraison coupée par la mort, — il avait quarante-huit ans à peine, — que ne pouvions-nous attendre encore de celui qui nous avait déjà tant donné, continuant à arracher à la nature ses secrets et vulgarisateur si passionné qu’il se faisait industriel pour les mieux répandre.

La photographie, née de la veille, l’avait aussitôt happé. Héritier né direct des Niepce, des Talbot, des Poitevin, abordant tout de suite et à fond la pratique dès que la théorie lui est révélée, il ne s’arrêtera plus. Coup sur coup, il nous donne un Nouveau procédé pour plaques de fer (ces « ferrotypes » qui sont encore à l’heure présente l’existence pour tant d’humbles familles) — la Méthode simplifiée de la Photographie sur papier, — le Traité de la Photographie sur collodion, — l’Histoire du procédé au charbon, — le Procédé de la pratique du charbon, etc., et il condense toutes ces études initiales dans son précieux Traité de Photographie dont les éditions successives ne s’arrêteront plus : non pas, s’il vous plaît, ces éditions d’invention récente, aux milliers fantastiques, réels principalement sur les couvertures, — À chacune de ces éditions, il ajoute, il remanie, dans son zèle d’honnête homme, dans sa conscience scientifique toujours inquiète, inassouvie. Je l’ai vu, chaque fois, préoccupé, absorbé, fiévreux, comme à un enfantement nouveau.

Il va toujours, élargissant son cercle sans perdre un instant de vue la photographie. Il publie les Études sur la Nitroglucose, — les Divers Modes de production de la Lumière, — le Gélatino-Bromure, le Traité de l’optique photographique, où il a si bien exposé toutes les formes de lentilles adoptées, leurs qualités et leurs défauts, que, dès 1882, le grand opticien Steinheil déclare publiquement — et s’en honore — qu’il doit à l’enseignement, à l’impulsion scientifique de Van Monckhoven, l’inspiration de ses plus importants travaux.

Partout et dans toute science nouvelle, faire est aussi nécessaire que savoir. De l’invention et de la théorie, Van Monckhoven est partout et aussitôt à la pratique, à l’action.

Il avait déjà construit, pour les agrandissements, son appareil dialitique avec héliostat, supérieur aux meilleurs systèmes jusqu’alors connus.

À la première apparition des procédés au charbon, il prend la tête de la fabrication industrielle et ses papiers remplacent tous les autres.

De même pour ses plaques au gélatino-bromure dont il a créé à Gand une industrie considérable, employant à peine installé plus de dix mille kilos de verre par semaine, produisant une moyenne de douze cents douzaines de plaques par jour, — près de quatre millions et demi de plaques par an.

Chef de famille modèle, adoré autant que vénéré des siens, c’est à l’intelligence, à l’activité de ses plus proches, à des mains féminines, qu’il confie la direction de cette usine, large patrimoine improvisé pour ses filles, qui aura été créé pour la famille par la famille.

Mais, laboratoire privé ou manufacture, la photographie ne saurait suffire à la curiosité de ce cerveau universel et insatiable. Indépendamment des sciences participantes qu’il persiste à creuser et de tous les autres problèmes qu’il poursuit, c’est à l’astronomie, sa préférée, qu’il revient sans cesse. — Et là où il se sentait le plus fort, de par l’attraction spéciale et le premier courant de toutes ses études, c’est là que, déplorablement, il ne pourra donner la vraie mesure de sa force. Par une de ces contradictions qui se rencontrent dans plus d’une de nos destinées, c’est là où il est surtout appelé qu’il ne saura aller librement : d’autres attaches, d’autres devoirs l’ont pris au passage et ils le garderont.

Il fallait l’entendre parler de sa passion pour l’astronomie. On eût dit un amant chantant les charmes de « la personne », de la personne adorée, inaccessible, inespérable. Moi-même, malgré mon irrésistible aversion de tout ce qui est chiffre, ma terreur native de lout ce qui ressemble à l’exécrable chiffre, je ne pouvais me défendre d’être touché à l’accent de cette passion, tellement sincère, émue, pour des affaires d’algèbre : parfois je me sentis enlever moi-même avec mon ami par l’éther, emballé vers l’inextricable cosmogonie, dans la contagion d’une poétique inimaginée où nous allions voir tout à l’heure les théorèmes s’arrondissant au rythme des périodes et les mnb2 s’envolant en strophes ailées…

Mais le devoir était là, strict, jaloux. L’astronomie devait lui échapper, et cet hymen tant aspiré, qui eût pu être si fécond, Monckhoven n’eut pas le temps de le réaliser. Son réve resta rêve.

Pourtant il trouva plus d’une fois à s’échapper pour tirer de ce côté. Son activité surhumaine savait par-ci par-la se réserver de chers loisirs au profit de sa plus fervente attraction.

Il s’était élevé pour lui seul un observatoire où il entassait les instruments qu’une nation seule peut se donner[1]. Il n’eût su là, moins que partout ailleurs, compter ni marchander. Rien n’était trop cher, et il construisit lui-même des télescopes dont les modèles étaient copiés dans les premiers observatoires du monde.

Et ces dépenses, ces efforts, n’étaient, ne pouvaient être stériles. Lorsque me fut donné le bonheur de mettre en communion deux de mes meilleures, de mes plus hautes amitiés, en réunissant pour la première — et la dernière fois ! — Monckhoven et Marey, Monckh (comme nous disions) apportait à Marey pour être présenté à l’Académie un mémoire sur l’élargissement des voies spéciales de l’hydrogène et sur la diffusion des rayons solaires.

Au moment de sa mort, il terminait un travail sur les gaz raréfiés et l’électricité.

Comment nous étions-nous rencontrés, Monckhoven et moi ?

Je ne l’avais jamais vu, lorsque, par un clair et tiède matin d’il y a quelque trente ans, mon excellent Ghemar me tomba, de son atelier de Bruxelles, dans mon atelier du boulevard des Capucines.

Il était accompagné de deux amis, l’un chimiste français établi à Berlin, l’autre un très jeune homme, de petite taille et blond.

Les premières amitiés échangées entre Ghemar et moi, il me dit, mettant la main sur l’épaule du blond imberbe :

— Je te présente Van Monckhoven.

— Parent du Traité ?

— Non. Auteur.

Je regardais, surpris, ce tout jeune homme, presque un enfant, d’un blond pâle, butyreux, le vrai blond belge. — Et comme, le nez en l’air, il tenait sur moi braquées les deux escarboucles de ses lunettes, si luisantes qu’on n’entrevoyait rien au travers, — je lui dis :

Toi — c’est Toi qui as fait le Traité de Photographie ?

— Oui !

— Tu n’es qu’un petit menteur ; c’est ton grand-père…

Depuis, et sans arrêt jusqu’à sa mort, combien d’années — trop tôt écoulées aujourd’huit — de gaie, douce, fraternelle amitié, sans que jamais l’ombre d’un nuage ait entre nous passé.

Il avait mérité la belle et joyeuse humeur qui appartient de premier droit aux consciences tranquilles, et il était d’ailleurs de ces sages qui veulent que le rire soit le propre de l’homme bien portant. Toujours allègre, agité et bruissant comme un papillon de ver à soie devant sa ponte — et de fait n’en fut-il pas toujours là ? — ce Flamand, ce Gantois avait toute l’exhubérance sympathique du Wallon : Rops, Rops lui-même ne fut jamais plus étincelant, plus vivant de cette belle et bonne vie des honnêtes gens. — Hélas ! de mon pauvre Monck, puis de mon tant cher Rops, de toutes ces joies, de ces vaillances, que reste-t-il aujourd’hui ?…

Il avait la noble indifférence à ce qui se possède, la libéralité, la générosité des grandes âmes, et il eût pu prendre pour son cachet la devise des Ravenswood, une des plus belles que je connaisse : « — La main ouverte. »

Lorsqu’il construisit ses appareils d’agrandissement avec héliostats, sa première parole fut :

— Je vais t’en envoyer un.

Je déclinai l’offre. Je savais le prix élevé de ces instruments (trois mille francs alors, je crois) et quelque urgent que fût pour moi le besoin de cette acquisition, elle se trouvait à ce moment intempestive.

Comme il insistait, je finis par lui dire le motif. — Il s’emporta :

— Te moques-tu de moi et crois-tu que je cherche à faire avec toi « une affaire ? »

J’eus beau me débattre : il était à peine reparti que je recevais l’instrument, avec un mot affectueux pour remplacer l’acquit de facture : nous étions, lui et moi, négociants !

Il fallait se soumettre — et attendre l’heure de la vengeance.

Ce fut long, mais elle sonna.

Dans un de ses voyages à Paris (— il ne manquait point de descendre chez moi, et alors quelle fête pour nous, surtout quand il était avec les siens ! —) il me parla de ses intentions d’acheter un moteur à gaz, force d’un cheval, dont il avait besoin.

Justement je me trouvais en posséder un, à ce moment inoccupé. — Il était de deux chevaux, mais la force doublée ne pouvait faire grand obstacle.

Immédiatement et sans dire gare, la lourde machine est démontée, nettoyée comme orfèvrerie, emballée, pièce par pièce, avec le soin le plus méticuleux et sur Gand expédiée franco, comme il se doit pour tout présent.

Mon brave Monck, plus accoutumé à donner qu’à recevoir, se montra ébloui de l’envoi, bien au-delà du nécessaire.

— Tu fais des cadeaux de gentilhomme, m’écrit-il.

— Gentilhomme toi-même, c’est toi qui as attaqué.

Il avait oublié son premier présent : « — Bon, reprend-il encore, mais rendre bœuf pour œuf ! »

Comme s’il n’eût pas connu, lui avant tous, qu’en amitié celui qui reste l’obligé est celui qui donne…

Brave et cher compagnon sitôt parti ! Quelle affection perdue, quelle fidélité, quelle loyauté ! — Affable, bienveillant à tous, sévère seulement aux tardataires et aux enlisés, dès son début il s’était naturellement trouvé en relations personnelles avec tout ce qu’il y a d’éminent dans le domaine de la science abstraite comme dans la science industrielle. Ces relations, qu’un aussi heureux caractère ne pouvait que resserrer de plus en plus intimement, étaient devenues à jamais inébranlables. J’en retrouve à foison les preuves les plus touchantes dans le volumineux dossier recueilli par la piété de sa veuve aux heures des obsèques, en ce triste mois de septembre 1882. La presse de tous les pays, les lettres, les télégrammes, attestent l’universel respect pour le savant, non moins que l’extrême estime cet l’affection pour l’homme.

Esprit libre s’il en fut, âme haute, il a toujours vécu en dehors et bien loin de toutes les attaches officielles, de toutes les conventions, de tous les arbitraires, ne voulant s’en tenir qu’à faire bien. Sa mort a été conforme à toute sa vie d’honnête homme.

— Il est du tout petit nombre de ceux qui restent l’Honneur d’une nation.

Oui, le regard était clair assurément et la vue longue chez ce fils de son œuvre, dès l’aube dégagé de tous liens, qui sut voir si nettement l’erreur se faisant vérité et la vérité devenant l’erreur, en deçà ou au delà d’un ruisseau, d’un caillou, d’une mare, — et qui, observateur si méticuleux, calculateur si attentif et rigoureusement précis dans les infinitésimalités comme par les espaces, ne craignit pas, à l’heure qui sonne, de proclamer la liberté Humaine et sa propre Foi par cette transcendante affirmation qui le résume :

NI EN SCIENCES, NI EN ARTS, NI EN MORALE, IL N’Y A DE FORMULES.

  1. Cet observatoire, acheté par le gouvernement belge après la mort de Van Monckhoven, est aujourd’hui propriété nationale.