Quand chantait la cigale/Le baiser de l’automne

Édition Privée (p. 94).


LE BAISER DE L’AUTOMNE


Une après-midi de fin d’août.

Une colonne de fumée bleuâtre qui s’échappe de la cheminée glisse légèrement à travers le feuillage luisant du grand liard à côté de la maison et se dissipe dans l’air en répandant une odeur d’encens, du linge sèche sur une corde,
une grive gourmande se gave des fruits d’un cerisier sauvage,
quelques abeilles butinent les rares fleurs de trèfle parmi le gazon,
sur la route sablonneuse une fourmi traîne un quartier d’insecte,
dans la corbeille fleurie d’un jaune éclatant les capucines agitées par le vent font obstinément : non, non, non, de la tête,
dans le champ voisin, des enfants s’amusent à faire monter un cerf volant,
le boulanger revient de sa tournée,
la détonation d’un coup de fusil fait s’envoler des milliers d’étourneaux qui pillent une pièce de blé-d’Inde,
deux religieuses conduites par le fils du bedeau dans une voiture démodée passent au petit trot de leur cheval brun,
un papillon dont les ailes ressemblent à une blanche voile de canot voltige parmi les fleurs,
une troupe de canards glisse en triangle sur la rivière,
de la vieille maison blanche partent de graves, mélancoliques et très doux accords d’harmonium.

Et je sens sur mon front le lent baiser de l’automne.