Quand Renaud de la guerre vint

La Chanson française du XVe au XXe siècle, Texte établi par Jean GillequinLa Renaissance du livre (p. 269-270).


QUAND RENAUD DE LA GUERRE VINT


Quand Renaud de la guerre vint
Portant ses tripes dans ses mains,
Sa mère, à la fenêtre en haut,
Dit : Voici venir mon fils Renaud !

— Renaud, Renaud, réjouis-toi,
Ta femme est accouchée d’un roi.
— Ni de ma femme, ni de mon fils,
Mon cœur ne peut se réjouir.

Qu’on me fasse vite un lit blanc
Pour que j’y couche dedans. —
Et quand il fut mis dans le lit,
Pauvre Renaud rendit l’esprit.

— Or, dites-moi, mère, m’amie,
Qu’est-ce que j’entends sonner ici ?
— Ma fille, ce sont des processions
Qui sortent pour les Rogations.

— Or, dites-moi, mère, m’amie,
Qu’est-ce que j’entends cogner ici ?
— Ma fille, ce sont les charpentiers
Qui raccommodent nos greniers.

— Or, dites-moi, mère, m’amie,
Qu’est-c’que j’entends chanter ici ?
— Ma fille, ce sont les processions
Qu’on fait autour de nos maisons.

— Or, dites-moi, mère, m’amie,
Quell’ rob’ prendrai-je aujourd’hui ?
— Quittez le ros’, quittez le gris,
Prenez le noir pour mieux choisi.


— Or, dites-moi, mère, m’amie,
Qu’ai-je donc à pleurer ici ?
— Ma fille, je ne puis plus vous l’cacher,
Renaud est mort et enterré.

— Terre, ouvre-toi, terre, fends-toi,
Que j’rejoigne Renaud, mon roi. —
Terre s’ouvrit, terre se fendit
Et la belle fut engloutie.

(Environs de Blois.)