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IV

NE RÉSISTEZ PAS AU MAL, PARDONNEZ


Matth., V, 38, 41 ; Luc, VI, 30, 37 ; Matth., VII, 1, 3 ; Luc, VI, 39, 40 ; Matth., VII, 6. — L’ancienne loi dit : Qui perdra une âme rendra âme pour âme, œil pour œil, dent pour dent, bras pour bras, bœuf pour bœuf, esclave pour esclave, et bien d’autres choses.

Et moi je vous dis : Ne résistez pas au mal par le mal ; non seulement ne prenez pas, en plaidant, bœuf pour bœuf, esclave pour esclave, âme pour âme, mais ne résistez pas au mal d’aucune façon. Si quelqu’un en plaident veut vous enlever un bœuf, donnez-lui un autre encore ; si quelqu’un veut vous soutirer en plaidant votre manteau, donnez-lui encore votre chemise ; si quelqu’un vous frappe à la joue, tendez-lui l’autre joue ; si quelqu’un veut vous contraindre à un travail, faites-en le double ; si quelqu’un vous prend votre propriété, laissez-la prendre ; si on ne vous rend pas l’argent qu’on vous doit, ne le réclamez pas.

C’est pourquoi : ne jugez pas, ne plaidez pas, ne punissez pas, et vous ne serez pas jugé et puni. Pardonnez à tous, et tous vous pardonneront, car si vous jugez on vous jugera.

Vous ne devez pas juger, car tous les hommes sont aveugles et ne voient pas la vérité. Comment voulez-vous, ayant les yeux pleins de poussière, distinguer un grain de poussière dans les yeux de vos frères ? Ôtez d’abord la poussière qui est dans votre œil, car nul n’a les yeux nets. Un aveugle peut-il conduire un autre aveugle ? Tous deux tomberaient dans la fosse. Ceux qui jugent et punissent sont comme les aveugles qui conduisent les aveugles.

Ceux qui jugent et condamnent les autres à être violentés, blessés, estropiés, mis a mort, prétendent enseigner les hommes. Mais quel résultat peut donner leur enseignement sinon que l’élève imitera le maître ? Que fera-t-il sinon ce que fait le maître : violences, assassinats ?

Et ne croyez pas trouver justice devant les tribunaux. Confier l’amour de la justice au tribunal des hommes, c’est jeter des perles aux pourceaux ; ils vous les fouleront aux pieds et vous déchireront.

Voici donc le quatrième commandement : Quelle que soit l’offense que tu reçois, ne résiste pas au mal, ne juge ni ne plaide, ne te plains pas et ne punis pas.


Cette règle et les précédentes montrent clairement qu’en parlant de la loi, Jésus n’avait pas en vue la loi de Moïse, mais la loi universelle, immuable, la loi morale des hommes. Loin d’enseigner comment il faut prêter serment suivant les règles de Moïse, il dit comment il faut observer la loi éternelle qui défend tout serment. De même, en ce qui concerne les jugements, Jésus ne dit pas d’observer la loi de Moïse, mais déclare au contraire que le jugement des hommes est un mal et qu’il faut observer la loi éternelle : la non-résistance au mal. Il ne retient que le but de la loi, qui lui est le motif de formuler ses préceptes.

Le but de la loi humaine est le bien des hommes. Et il recommande : Pour atteindre ce bien, il vous a été dit : œil pour œil, dent pour dent, assassinat pour assassinat. Mais moi je vous dis : Ne vous défendez pas si vous voulez atteindre le bien. Si on vous a frappé à une joue, tendez l’autre. Si on te contraint à un travail, fais-en le double. Si on veut t’emprunter de l’argent, donne-le ; et si tu donnes ne le réclame pas. On veut te soutirer en justice le manteau, donne ta chemise.

Le Christ énumère en détail tous les cas où le méchant peut offenser le bon, et dit clairement chaque fois ce qu’il faut faire et ne pas faire ; il faut tout donner, et ne pas recourir au tribunal des hommes et ne pas y participer.

Le but de la loi est de défendre l’attentat à la liberté, à la vie ; c’est pourquoi la loi ne peut pas, à son tour, attenter à la liberté et a la vie de quiconque. Il ne peut donc pas y avoir de loi qui dise : tu ne tueras pas, ou bien tue tel ou tel.

Cette règle découle logiquement de la première règle : ne te fâche pas et vis en paix avec ton frère. Son sens fondamental est la négation de la justice humaine fondée sur une loi fausse.

Jésus dit : « Ne jugez ni ne plaidez, mais pardonnez, pardonnez tout. Si vous pardonnez, vous serez pardonné, si vous jugez, vous serez jugé, et le mal ne finira jamais. »

Et, comme dans les cas précédents, Jésus explique la règle sous ses deux faces : intérieure pour chacun, extérieure pour tous. Il demande comment un homme peut juger son semblable et comment peut-il voir ce qui est bon et ce qui est mauvais puisqu’il juge, c’est-à-dire veut venger et châtier ? Par le fait même qu’il juge, il affermit le mal ; c’est un aveugle qui veut conduire un aveugle.