Puyjalon, le solitaire de l’Île-à-la-Chasse/01

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I

PUYJALON

I

Sur la grève de la Pointe-aux-Esquimaux. — Ce que disent les flots. — Un passager de la « Canadienne ». — Le journal de Placide Vigneau. — Que les temps sont changés ! — Dans l’Archipel de Mingan. — Les hauts et les bas d’un hameau. — Henry de Puyjalon sur la Côte. — Le rêve et l’étude.

« Papa… une goélette, là-bas, dans les îles ! »

Et l’enfant disparut parmi les rochers à la recherche de « clams » enfouis dans le sable mouillé.

L’homme jeta un vague regard dans la direction indiquée par l’enfant et continua son rêve. Il était à demi étendu sur le sable fin et mouvant de la grève, accoudé sur une grosse pierre que l’eau de la marée montante avait rendue luisante et lisse comme verre. Le soleil de l’après-midi planait sur toute la côte et irisait le fleuve. Une bonne brise soufflait au large et l’on voyait avancer la goélette, toutes voiles dehors, vers le havre de la Pointe-aux-Esquimaux. Sur la grève, une odeur iodurée de goëmon parfumait l’air.

Pour l’instant, l’homme semblait plongé dans une douce euphorie, comme endormi par le bruit monotone de la vague qui déferlait doucement sur le sable et qui, lorsqu’on l’écoute attentivement, murmure des choses si tristes et si drôles à la fois… tristes surtout en cet endroit, dans ces parages qui avoisinent l’Île d’Anticosti et que l’on a appelé le « Cimetière du Golfe », à cause des nombreux naufrages dont cette île fameuse a été la cause et la scène. Là, dans cet horizon, des navires ont craqué sous les dures étreintes des glaces, des hommes sont morts de faim, ou ont été engloutis dans les flots courroucés, d’autres se sont dévorés entre eux : des équipages, affolés par l’épouvante du Golfe, ont tué leur capitaine ; le scorbut en a rongé d’autres jusqu’à la moëlle des os… Et dans les vagues, on entend parfois, les cris, les hurlements, les plaintes, les appels, les supplications, les prières, les rires de folie de tous ces malheureux que tout le long de trois siècles, les vagues du Golfe Saint-Laurent ont jetés sur les rivages désolés de l’île ou sur la terre ferme, ou qu’ils ont engloutis dans leur sombre suaire…

« Là ! papa, la goélette qui mouille ! » cria l’enfant dégringolant d’un rocher où il avait suivi l’arrivée de l’embarcation.

— Oui, je sais, Hector, c’est la « Canadienne ».

La goélette, en effet, après avoir doublé l’île du Havre, mouillait dans la rade, et pendant qu’on carguait les voiles, une chaloupe, mise à l’eau, se dirigeait vers la rive. Deux matelots la conduisaient, et au milieu, était assis un homme qui semblait chercher de tous ses yeux à reconnaître celui qu’il apercevait sur la grève. La chaloupe échoua bientôt sur le sable et le passager débarqua. Ayant reconnu l’homme, il cria :

« Hé, là ! on ne reconnaît donc plus les amis ?

Puis il marcha, balançant sur le sable mouvant un grand corps au buste sanglé jusqu’au col dans un « Mackinaw » de cuir brun :

« Et comment ça va, mon bon M. Placide ?…

— Tiens, tiens, mais c’est M. de Puyjalon ! s’écria, joyeux, Placide Vigneau[1]. Comme je suis heureux de vous revoir ! C’est le cas de vous demander quel bon vent vous amène ?

— D’abord, une bonne brise d’ouest qui nous a fait franchir comme en un rêve, les seize milles de Mingan.

— Oui, le vent est bon, asteur, mais depuis deux jours seulement : avant, du vent d’est, de la brume, de la pluie, un sale temps !…

— Pas même bon pour la petite pêche ?…

— …qui sera pas meilleure, cette année, M. Puyjalon, que la grande.

— Oui, je sais, la morue a manqué et on a d’assez mauvaises nouvelles du hareng.

— Heureusement que le loup marin a pas mal réussi. Mais là encore, je vous assure que ç’a bien baissé. Oh ! on n’est plus aux beaux jours de 1889, par exemple, où on prenait, j’vous mens pas, 12,000 bêtes, qu’on vendait l’huile 80 cents le gallon, les grandes peaux, 1.50 $, et les petites, 0.75 $. Il y avait de l’argent à faire en ce temps-là, M. Puyjalon… Au jour d’aujourd’hui, cher monsieur, quand on vend not’ huile 30 cents le gallon, comment voulez-vous qu’on fasse même nos frais de goélette ?… Autrefois, un homme gagnait au loup marin 400.00 $ et même plus, et aujourd’hui quand il a fait 150.00 $, c’est beau… Ce printemps, ç’a été meilleur heureusement car autrement, cet automne, il faudrait encore demander du secours au gouvernement.

M. Vigneau, vous vous rappelez, sans doute, car vous étiez ici, votre flotte de la Pointe qui a rapporté, une année, en loups marins la somme de 72,000 $ ?

— Ah ! oui, j’m’en rappelle, allez ; c’était en 1870 et les voyages s’étaient faits alors plus de bonne heure, comme ceux de la morue et du hareng, j’m’en rappelle !… Je vous renseignerais mieux à la maison si vous vouliez venir ; on verrait ce que j’ai noté dans mon journal au sujet de la morue et de l’huile pour cette année-là…

— En effet, je n’étais pas encore au pays, mais j’ai entendu dire depuis que cette année de 1870 avait été exceptionnelle et que jamais, ni avant, ni après, la pêche n’a été aussi productive sur la côte. Et alors, cette année, la morue ?…

— Manquée tout à fait, monsieur, manquée partout, à Natashquan, à Kégaska, à la Romaine, au Mécatina, à la Tête-de-la-Baleine, partout, je vous dis,… de vingt-cinq à trente quintaux en moyenne par goélette… une misère, quoi, mon cher monsieur !… Et dire que ça diminue comme ça chaque année, le loup marin, la morue, le hareng !…

— Et le saumon, M. Vigneau, et le homard, et tout et tout ; et le gibier, et la pelleterie ; je le sais, M. Vigneau, je le sais, moi, et c’est ce que je cherche à faire savoir au gouvernement dans mes rapports.

— Alors, qu’est-ce qu’on va devenir, M. Puyjalon, nous aut’s, les « sauvages » de la Côte ?… Mais, j’y pense, nous sommes là, plantés comme des piquets dans le sable !… Si nous allions fumer une pipe à la maison. Vous ne partez pas ce soir pour votre île, je suppose ?…

— C’est ce qui vous trompe, mon bon M. Placide. Je veux profiter du bon vent pour continuer… Et puis, faut-il vous le dire, voilà déjà deux semaines que j’ai quitté ma chère Île-à-la-Chasse, et je m’en ennuie, vrai, M. Vigneau ! À Québec, je brûlais, franchement. Pas une minute où je n’aspirais pas vers ma fraiche solitude.

— Vous êtes drôle, vous, M. Puyjalon.

Les deux hommes se dirigèrent à pas lents, sur le sable mouvant, vers une anse où se trouvait la chaloupe de M. de Puyjalon. On était à la fin d’août. Il faisait beau, légèrement frais au bord de l’eau. Devant les deux hommes, on devinait, de l’autre côté des îles, la pleine mer qu’on sentait bornée au loin par le ciel occidental, bas et un tantinet nuageux. L’eau s’étendait largement entre la bordure des rochers de la terre ferme de Mingan et le ciel, là-bas. Au loin, vers l’Anticosti, une brume indécise flottait, brouillant l’horizon. Des goélands et des mouettes volaient haut au-dessus des îles et de quelques goélettes ancrées dans le havre : on eut dit des accents circonflexes sens dessus dessous semés ici et là dans l’espace. Une odeur de poisson venait de l’ouest d’où parfois on entendait des éclats de rire et des bribes de chants. Un groupe de femmes et d’enfants étaient là, occupés, sous un rudimentaire appentis, à « piquer », à « décoller » et à « trancher » une petite quantité de morues prises, la veille, à la petite pêche, en dehors des îles, et qui avaient été apportées, le matin, par des barges qui n’étaient pas parties au début du mois avec les goélettes pour le « voyage au hareng » dans le bas du fleuve.

« Et alors, M. Vigneau, nous disions que la petite pêche n’est pas meilleure que la grande ?

— Pas meilleure, M. Puyjalon : peut-être pire. Encore si on pouvait se rabattre sur la chasse en hiver !…

— La chasse, ah ! M. Vigneau, la chasse, on dirait franchement qu’elle a fait son beau temps. Entendez-vous, M. Vigneau, la chasse sera bientôt du domaine du passé. Elle aura vécu de même que la pêche si les autorités du pays n’interviennent pas, et sans tarder : si elles n’en viennent pas aux quelques conclusions que j’ai eu l’honneur de formuler dans mes rapports rédigés à la suite d’études de plusieurs années sur la situation de la chasse et de la pêche, particulièrement sur notre Côte Nord qu’on se plaît tant à appeler le paradis des pêcheurs et des chasseurs. Voilà un paradis que nous aurons bientôt perdu, M. Vigneau. Vrai, la situation n’est pas rose. Savez-vous, M. Vigneau, ce qu’il faudrait, à l’heure qu’il est, et que j’ai recommandé, après un examen sérieux de la situation ?…

— Ah ! ce qu’il faudrait, tant et tant de choses !…

— …qui se résumeraient dans ces quelques initiatives, M. Vigneau :

Modifier peu à peu les lois au profit de la chasse et de la pêche industrielles : encourager les chasseurs et les pêcheurs de profession, les pêcheurs par la construction d’entrepôts et autres moyens que je n’ai pas le temps de vous énumérer et, pour sauver le marché de la fourrure, créer un établissement modèle d’élevage d’animaux à fourrure : pour tous, ouvrir des marchés nouveaux. Voyez-vous, M. Vigneau, quand à cause de la rareté du gros et du petit gibier, les fourrures auront atteint des prix inaccessibles aux bourses ordinaires, il faudra bien qu’on en vienne à réaliser cette idée d’élever des bêtes à pelleterie : le renard, le vison, la martre, le pékan, le castor etc… Mais, diable de diable, le temps avance, et voici, d’ailleurs, ma chaloupe. M. Vigneau, je dois vous quitter, prenez courage, d’autres beaux jours viendront, sans doute, sinon pour nous du moins pour nos enfants… Je sais qu’il est inutile de vous inviter à venir me voir sur mon île… Vous ne voyagez plus guère, hein, vieux casanier ? Votre Pointe, d’abord, puis le souvenir de l’Île-aux-Perroquets, voilà qui suffit maintenant à remplir votre vie. Vous faites bien, mon vieil ami, et comme je vous approuve. Le calme, la paix, le silence, la solitude et… les souvenirs…

— Mais, M. Puyjalon, c’est fou de partir comme ça à soir. C’est dix-huit milles, vous savez, que vous avez à faire…

— Oui, mais sentez-vous cette bonne brise ? Avant la nuit noire, M. Vigneau, je serai à l’Île-à-la-Chasse. Allons, au revoir, M. Vigneau, salutations à toute la famille…

Et la svelte chaloupe du comte Henry de Puyjalon, toute sa toile au vent, s’éloigna du rivage avec la rapidité d’un oiseau, filant en droiture du côté de Betchewan, vers l’Île-à-la-Chasse.

Et, regardant la petite voile blanche se perdre dans le flou de l’horizon, Placide Vigneau murmura :

« En voilà un qui aura fait beaucoup pour notre pauvre Côte Nord, parce qu’il l’aura beaucoup aimée… »

Du petit archipel qui s’aperçoit du coin de terre ferme rattaché à la seigneurie de Mingan et qu’on appelle du nom montagnais de Betchewan, l’Île-à-la-Chasse est la principale île, du moins la plus étendue. Elle mesure un mille et demi de longueur par à peu près trois quarts de mille de largeur. Elle s’étend à un mille de la terre ferme. Elle est couverte de résineux : épinettes et sapins. Plus à l’ouest, on voit l’Île-aux-Perroquets, — de Betchewan, car il y a une autre île du même nom dans l’archipel de Mingan, — l’Île Saint-Charles et quelques îlots rocailleux. Du côté sud de l’Île-à-la-Chasse, se trouve un havre où hivernaient une partie des goélettes des pêcheurs de Betchewan quand cette région était habitée : c’est le havre McLeod, du nom d’un capitaine de la Nouvelle-Écosse qui passa l’hiver de 1859 en cet endroit pour y faire, au printemps, la chasse aux loups marins. On commença à faire hiverner les goélettes en cet endroit dans l’hiver de 1873. Les hivers suivants, toutes les goélettes des pêcheurs de Betchewan étaient placées là. Mais ce ne fut pas pour longtemps, car en 1889 le dernier habitant de Betchewan quittait l’endroit pour aller résider à la Pointe-aux-Esquimaux, à dix-huit milles de là. Ce hameau de Betchewan fut établi en 1872 par à peu près toute la population de Kégaska qui était formée de pêcheurs émigrés des Îles-de-la-Madeleine en 1854. Pour des raisons qu’on ne connaît pas bien, ces anciens Madelinots vendirent leurs cabanes de Kégaska à de nouveaux colons venus de Terreneuve et s’en furent s’établir à Betchewan. Mais il faut croire que Kégaska n’était pas un endroit bien hospitalier, car ses nouveaux habitants, des Terreneuviens, le quittèrent à leur tour peu d’années après. En 1881, à Betchewan, on comptait trente familles. Mais comme Kégaska, en ces dernières années, Betchewan fut déserté et en 1905, à l’époque de la mort de Henry de Puyjalon, il ne restait plus qu’une seule famille du nom de Salsman.

À part la Pointe-aux-Esquimaux, aujourd’hui Havre Saint-Pierre — chef-lieu de la Côte Nord, — quelques coins seulement de la seigneurie de Mingan sont habités, mais la plupart temporairement. Sur les hauteurs se trouve un petit hameau habité surtout par des Indiens et quelques blancs qui vivent exclusivement de chasse et de pêche. On y cultive un peu la pomme de terre : c’est la seule culture possible, mais à condition que le peu de terre dont on dispose soit engraissée de déchets de poissons.

De la terre ferme, à Mingan, le regard, avant d’embrasser le large, se porte sur tout un archipel où l’on remarque l’Île-aux-Perroquets, l’Île Plate, l’Île Mingan, la Grande Île, l’Île-au-Fantôme, l’Île du Père Joson, l’Île Quarry et nombre d’autres : et, à Betchewan, à l’est de la Pointe-aux-Esquimaux, les îles dont nous avons parlé ailleurs, dont l’Île-à-la-Chasse, — que l’on voudrait bien en certains milieux et chez plusieurs cartographes, appeler « Hunting Island ».

L’Île-à-la-Chasse n’a jamais été habitée. Ou plutôt, oui, elle le fut pendant plusieurs années, mais par un seul homme : celui que nous avons vu tout à l’heure sur les grèves de la Pointe-aux-Esquimaux, causant avec Placide Vigneau : le comte Henry de Puyjalon.

C’est là, en effet, sur la rive sud de l’île, face à la mer, que cet homme étrange, cette haute intelligence, d’une culture bien au-dessus de l’ordinaire, a vécu la dernière partie de sa vie : c’est là qu’il est mort et qu’il dort de l’éternel sommeil.

Le groupe des Îles Mingan situé à l’est de la Pointe-aux-Esquimaux et dont la principale est l’Île-à-la-Chasse. Le rectangle dans l’île indique l’endroit où se trouvait le camp de chasse de M. de Puyjalon. Celui de la terre ferme indique l’endroit de la seule maison de Betchewan. — (Dessin de M. Johan Beetz).

Et puisque nous voilà sur cette Île-à-la-Chasse qui fut le dernier endroit où vécut Henry de Puyjalon, nous croyons tracer toute l’histoire de cette île en essayant d’esquisser celle de son unique habitant pendant quinze ans. L’île n’a pas d’autre histoire que celle-là. Mais n’allons pas croire, tout d’abord, que ces années de solitude puissent conférer à celui qui les a vécues, le titre peu reluisant d’aventurier ou de maniaque. Au contraire, ce personnage, qu’on ne connaît pas suffisamment, loin de là, parce qu’il a rendu de grands services à notre pays, a exprimé dans sa personne et dans son œuvre, l’attrait de ce dynamisme, de cette volonté de puissance s’épanouissant dans une nature farouchement hostile qui exige des hommes forts et qui a besoin de la paix des solitudes. Après la première moitié d’une vie plutôt agitée, ce descendant de la vieille noblesse française, sentit comme le désir de s’affranchir des contingences présentes, de s’évader vers les choses de la nature, vers l’inconnu : de fuir vers des rives lointaines et attirantes où tout est accueillant ; de partir vers la mer, vers les forêts, les lacs, les hautes cimes : d’aller vivre, enfin, dans l’air pur, d’une vie nouvelle qui sera la sienne, toujours, s’il le veut : d’être, enfin, un autre soi-même… Or, comme en Bretagne, notre Côte Nord du Saint-Laurent, qui est notre Finistère, attire irrésistiblement l’attention par sa beauté particulière, joignant au charme toujours attirant de la mer, l’attrait de sa rude terre de rocailles.

Et le comte Henry de Puyjalon choisit la Côte Nord pour aller y murir sa pensée — et travailler à la réaliser : de faire du coin de cette « terre que Dieu donna à Caïn », pour la province de Québec, son pays d’adoption, un coin de pays de Cocagne en cherchant à y faire fructifier ses richesses par l’étude du sol et par la vérification expérimentale. Car rien n’est plus réel que le sol et en même temps rien n’est plus évocateur du passé et de l’avenir. Le sens géographique, et nous dirions plus étroitement le sens topographique, quels auxiliaires pour l’imagination !… Et puis, peut-on jamais ni dans l’espace ni dans le temps mesurer la résonance d’une pensée ?…

Parce qu’il n’était pas seulement un promeneur qui s’enchante de la nature, mais un homme d’action qui consultait le modèle de la terre et la nature de ses richesses, Henry de Puyjalon a dressé dans ses ouvrages et dans ses rapports officiels un très pratique tableau de cette Côte Nord du Saint-Laurent, trop inconnue : descriptions brèves, vivantes, illustrées d’exemples, de comparaisons que tend une logique directe, au pas de charge.

Henry de Puyjalon, dans ce sens, durant les trente ans qu’il demeura parmi nous, a rendu de grands services à notre pays. On a de lui nombre d’ouvrages précieux sur notre faune, sur nos mines, sur nos différentes espèces de poisson : des rapports d’une forme parfaite ; des études élaborées et complètes sur toutes les ressources possibles de notre Labrador ; des travaux remarquables sur nos territoires de chasse et de pêche ; des manuscrits très précieux sur nos rivières à saumons, surtout de la Côte Nord et du Labrador, rivières dont les richesses étaient avant lui à peu près inconnues ; bref, des mines et des mines de renseignements de première importance.

L’auteur de cette masse de documents avait une plume facile, même parfois élégante. Et tous ses travaux accusent une science réelle de l’histoire naturelle et un rare esprit d’observation.

Henry de Puyjalon a aimé passionnément cette Côte Nord du Saint-Laurent. On lui eut offert à Québec la situation la plus brillante qu’il eut refusé de l’accepter pour garder sa vie de travail à l’Île-aux-Perroquets et sa vie de cénobite à l’Île-à-la-Chasse. Chaque fois qu’il allait à Québec, ce qui lui arrivait tous les deux ou trois ans pour se ravitailler et recevoir les instructions du Ministère des Terres et Forêts dont il était le modeste employé en qualité d’inspecteur de la chasse et de la pêche pour la Côte Nord, il était toujours pressé de repartir pour les vastes espaces et les larges horizons qu’il passait ses jours à embrasser du regard. Et il repartait, le cœur joyeux, pour sa lointaine solitude, pour ses forêts, ses rochers ; pour le rêve, les expéditions lointaines ; pour la vie vaste et large… pour sa chère petite maison de l’Île-à-la-Chasse qu’il avait construite de façon à appeler vers elle tous les vents du large.

  1. Placide Vigneau a été l’un des fondateurs de la Pointe-aux-Esquimaux, aujourd’hui Havre-Saint-Pierre, chef-lieu de la Côte Nord du Saint-Laurent et siège de la Préfecture Apostolique du Golfe Saint-Laurent. Il vint des Îles de la Madeleine avec d’autres Madelinots en vue d’un établissement sur la Côte Nord. Ils débarquèrent à la Pointe-aux-Esquimaux en 1858. À partir de cette date jusqu’en 1907, il rédigea au jour le jour un journal dans lequel il mentionne tous les événements de la Côte Nord. Ce journal fut repris par son fils Hector, aujourd’hui gardien du phare de l’Île-aux-Perroquets, jusqu’en 1926. Placide Vigneau fut gardien du phare de l’Île-aux-Perroquets, du groupe Mingan, de 1891 à 1923. Il mourut en 1925.